8/02/08 12:14 Page 31 Les troubles conductifs du sportif Comment interpréter, surveiller, voire explorer, les troubles de conduction asymptomatiques fréquemment rencontrés chez le sportif ? Dr Marc Ferrière (Département de Cardiologie, CHU de Montpellier) S elon le consensus de la Société Européenne de Cardiologie, l’ECG de repos fait partie du minimum requis du bilan cardiovasculaire de dépistage du sportif de compétition, qu’il soit de haut niveau ou non. On recherche les pathologies rares mais potentiellement dangereuses que sont la cardiopathie hypertrophique, la maladie arythmogène du ventricule droit et les canalopathies. La majorité des ECG sont normaux, ou montrent des particularités plus fréquentes chez le sportif très entraîné (cœur d’athlète). chez les sportifs. Ils semblent liés à une susceptibilité individuelle et dépendre d’une sensibilité du nœud AV indépendante de celle du nœud sinusal aux influences du système nerveux autonome. Ainsi, l’espace PR est, en règle générale, allongé chez le sportif et sans relation avec une éventuelle bradycardie. Le BAV de premier degré, 5 à 10 fois plus fréquent que dans la population sédentaire, est rencontré 3 fois plus souvent chez le sportif que chez la sportive. Non évolutif dans le temps si l’activité physique persiste, il disparaît après arrêt de l’entraînement. Il n’est pas plus fréquent chez le vétéran. > Troubles de conduction pariétaux Troubles intra-atriaux L’élargissement de l’onde P est beaucoup plus fréquent que chez le sédentaire. Défini comme une hypertrophie auriculaire électrique, il est sans rapport, cependant, avec le diamètre échographique. Il n’a pas de signification pathologique. Une origine extrasinusale du pacemaker auriculaire, sans caractère pathologique, est aussi fréquente. En général, l’influx naît dans l’oreillette droite. Le wandering pace maker est plus rare que le BAV du premier degré. > Pauses cardiaques Les pauses cardiaques (période d’asystolie ou de bloc sino-auriculaire) sont des constatations fréquentes, lors de la période nocturne, sur les Holter de 24 heures. Elles ont la même origine vagale que la bradycardie sinusale du sportif à laquelle elles sont souvent associées. Elles sont indépendantes de l’existence d’un trouble de conduction atrio-ventriculaire (BAV). Plus fréquentes chez les vétérans, elles dépassent 3 secondes dans un tiers des cas. Elles doivent toujours être asymptomatiques. > Blocs artrio-ventriculaires Les BAV sont aussi plus fréquents Si des BAV de second degré avec période Luciani-Wenckebach peuvent aussi être observés, les BAV de plus haut grade sont beaucoup plus rares et doivent faire rechercher une pathologie sous-jacente avant d’affirmer leur caractère fonctionnel. Chez les sportifs asymptomatiques, le pronostic à long terme de ces troubles de conduction est bon, même si l’activité sportive est poursuivie au même niveau. Chez des sujets symptomatiques, au repos ou à l’effort, la diminution de l’entraînement, qui doit toujours être proposée en première intention, peut être insuffisante et une stimulation définitive peut être nécessaire. 31 Bloc incomplet droit D’autant plus fréquent que le rythme cardiaque est lent, il est considéré comme une variante de la normale. Comme chez le sédentaire, il est deux fois plus fréquent chez l’homme. Présent chez au moins 15 % des sportifs et 30 % des endurants, sa fréquence n’augmente pas avec l’âge, mais avec l’ancienneté de l’entraînement. Sa physiopathologie est mal expliquée mais il semble associé à une hypertrophie ventriculaire droite. Il n’évolue pas dans le temps. Bloc complet droit Rare, ce n’est pas un signe du cœur d’athlète. Il peut masquer l’hypertrophie adaptative du sportif en diminuant Cardio&Sport • n°14 Le point sur... cets14-31a32 point sur.qxp 8/02/08 12:14 Page 32 Le point sur... cets14-31a32 point sur.qxp ischémie au niveau de la microcirculation. Si le bilan cardiovasculaire exhaustif est normal, la pratique sportive sous surveillance annuelle peut être autorisée. > En conclusion Les particularités de la conduction du cœur d’athlète ne doivent être ni sous-estimées, ni surestimées. Elles ne se conçoivent que chez des sujets asymptomatiques. Elles ne s’observent qu’en cas de haut niveau d’entraînement et plus souvent chez les endurants. Leur découverte chez une femme doit un peu plus alerter. L’analyse et la comparaison d’ECG successifs sont le gage de l’utilité de cet examen basique de dépistage. ❚ Elargissement de l'onde P (D2, VF, V2-3) chez un sportif professionnel de 32 ans. “naturellement” le voltage des QRS et rendant donc les critères de Cornell et Sokolow moins sensibles. Il est associé à une hypertrophie ventriculaire droite. Il peut, parfois, poser, dans cette population, des problèmes diagnostiques avec la dysplasie ventriculaire droite arythmogène et le syndrome de Brugada. Bloc complet gauche Exceptionnel au repos, il doit faire rechercher systématiquement une cardiopathie qui, dans 70 % des cas, sera une coronaropathie. Déviations axiales Observées dans 5 % des cas et plus souvent chez les hommes et les sportifs vétérans, les déviations axiales gauche (≥ - 30°) ou droite (> 110°), ne font pas partie des signes ECG du cœur d’athlète et doivent conduire à un bilan approfondi. Troubles de conduction pariétaux à l'effort Ils sont toujours évocateurs de pathologie cardiaque, notamment coronarienne. Le bloc gauche d’effort peut être douloureux lors de son installation, Cardio&Sport • n°14 même sans lésion coronaire significative. Son incidence est de 0,17 à 0,5 % des épreuves d'effort tout venant (10 000 BBG d'effort annuels aux USA !), y compris chez le sportif. Des anomalies associées à la scintigraphie font parfois évoquer une MOTS CLÉS Bloc atrio-ventriculaire, Bloc incomplet, Bloc complet, Déviation axiale, Pauses cardiaques, Sportif, Trouble intra-atrial Bibliographie 1. Pelliccia A, Maron BJ, Di Paolo FM et al. Prevalence and clinical significance of left atrial remodelling in competitive athletes. J Am Coll Cardiol 2005 ; 46 : 690-6. 2. Schuchert A, Wagner SM, Frost G, Meinertz T. Moderate exercise induces different autonomic modulations of sinus and AV node. Pacing Clin Electrophysiol 2005 ; 28 : 196-9. 3. Pelliccia A, Maron BJ, Culasso F et al. Clinical significance of abnormal electrocardiographic patterns in trained athletes. Circulation 2000 ; 102 : 27884. 4. Fuller CM, McNulty CM, Spring DA et al. Prospective screeninig of 5,615 high school athletes for risk of sudden cardiac death. Med Sci Sports Exerc 1997 ; 29 : 1131-8. 5. Scott AS, Eberhard A, Ofir D et al. Enhanced cardiac vagal efferent activity does not explain training-induced bradycardia. Auton Neurosci 2004 ; 112 : 60-8. 6. Sharma S, Whyte G, Elliott P et al. 32 Electrocardiographic changes in 1 000 highly trained junior elite athletes. Br J Sports Med 1999 ; 33 : 319-24. 7. Langdeau JB, Blier L, Turcotte H et al. Electrocardiographic findings in athletes: the prevalence of left ventricular hypertrophy and conduction defects. Can J Cardiol 2001 ; 17 : 655-9. 8. Stein R, Medeiros CM, Rosito GA et al. Intrinsic sinus and atrioventricular node electrophysiologic adaptations in endurance athletes. J Am Coll Cardiol 2002 ; 39 : 1033-8. 9. Hood S, Northcote RJ. Cardiac assessment of veteran endurance athletes: a 12 year follow up study. Br J Sports Med 1999 ; 33 : 239-43. 10. Chan PG, Logue M, Kliegfield P. Effect of right bundle branch block on electrocardiographic amplitudes, including combined voltage criteria used for the detection of left ventricular hypertrophy. Ann Noninvasive Electrocardiol 2006 ; 11 : 230-6.