VIE PROFESSIONNELLE
La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. VII - février 2003
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La Lettre du Neurologue (LN) : Professeur Amarenco, quel est
l’enjeu du dépistage de l’AIT?
Pr P. Amarenco (PA) : La détection de l’accident ischémique
cérébral transitoire (AIT) et de la cécité monoculaire transitoire
(CMT) doit devenir une priorité de santé publique et de pratique
clinique, car ils précèdent 15 à 30 % des infarctus cérébraux et
réalisent ainsi la meilleure opportunité de prévention. Le dépis-
tage de l’AIT et les mesures de prévention, appliqués en toute
urgence, permettent d’éviter la catastrophe hémiplégique en iden-
tifiant une cause curable, comme une sténose carotide serrée ou
une cardiopathie emboligène, par exemple.
LN : Et lorsqu’on ne peut pas éliminer la cause ou lorsqu’on ne
la trouve pas ?
PA : L’objectif de la prévention est de diminuer un niveau de
risque. Quelle que soit la cause de l’AIT, ces patients sont à très
haut risque vasculaire (entre 10 et 20% à 3 mois !); le dépistage
de l’AIT et son diagnostic permettent ainsi de rechercher et de
prendre en charge les facteurs de risque vasculaire. Une démarche
active et agressive vis-à-vis des facteurs de risque permet le calcul
du risque cardiovasculaire global et d’estimer le risque vasculaire
à 10 ans. Elle permet au patient d’entrer dans un programme de
prise en charge des facteurs de risque vasculaire pour diminuer
son risque cérébral, cardiaque, rénal, oculaire et aorto-artéritique.
LN : Pourquoi un numéro vert, pourquoi SOS AIT?
PA : Qui n’a pas cherché, en fin de journée, à faire prendre en
charge un patient suspect d’AIT et s’est finalement résolu soit à
le renvoyer chez lui en programmant des examens complémen-
taires qui prendront des jours (et donc forcément trop tardifs),
soit à l’adresser aux urgences d’un hôpital où le patient attendra
des heures pour s’entendre dire qu’on ne peut pas l’hospitaliser
car “il va très bien” et que de toute façon “on ne peut pas lui faire
d’examen complémentaire immédiatement” (l’écho-Doppler par
exemple) ? Cela se termine le plus souvent par un renvoi à la
maison avec consigne de voir en ville un cardiologue ou son
médecin généraliste. Ainsi le patient, déjà difficile à convaincre
qu’il court un risque cérébral après des symptômes qui n’ont duré
le plus souvent que quelques secondes, a perdu son temps, ses
symptômes n’ont pas été pris en compte, et rien d’utile n’a été
fait pour lui éviter la catastrophe hémiplégique qui l’attend.
SOS AIT, c’est tout simplement l’accès au soin immédiat du
patient, qui trouve là des médecins et un personnel soignant pour
résoudre tout de suite son problème, qui l’écoutent et prennent en
compte ses symptômes et surtout lui donnent l’impression qu’il
est pris en charge dans un service adapté à son cas.
LN : Où est situé SOS AIT ?
PA : SOS AIT est basé dans le centre de diagnostic et de pré-
vention de notre service à Bichat, qui se trouve en hôpital de jour.
Il réalise une unité de temps et une unité de lieu où l’on peut en
3 à 4 heures faire tous les examens nécessaires au bilan de l’AIT.
C’est un service qui est mis à la disposition des neurologues,
médecins généralistes, cardiologues, ophtalmologistes et angio-
logues pour que, 24 heures sur 24, le dépistage, le diagnostic et
le traitement de l’AIT soit possible.
LN : Comment cela fonctionne-t-il en pratique ?
PA : En pratique, l’accès est très facile car nous avons mis en
place un numéro vert d’appel gratuit 0 800 888 248 (248 corres-
pond aux touches AIT sur le cadran du téléphone). Aux heures
ouvrables, une infirmière recrutée pour la circonstance, spécialisée
dans la prévention, répond au téléphone. Son rôle est d’accepter
tous les patients. Elle s’assure simplement auprès du médecin qui
appelle que les symptômes du patient ont totalement disparu,
définissant pour nous l’AIT (en effet si des symptômes persistent,
il faut considérer que c’est un accident ischémique cérébral en
évolution ou constitué, et ce patient doit alors entrer dans le cadre
de la prise en charge classique des urgences neurovasculaires).
Lorsque le patient est accepté, il est reçu soit à Bichat en hôpital
de jour, soit par l’un de nos partenaires exerçant en libéral ou
dans une structure publique avec qui nous avons des accords de
collaboration et qui assure la même prestation. L’infirmière de
SOS AIT accompagne le patient dans son parcours hospitalier
et s’assure que tous les examens sont faits. Il est examiné par le
neurologue vasculaire en hôpital de jour.
Au terme du bilan, on a défini une orientation diagnostique et
thérapeutique, le neurologue appelle le médecin qui a adressé le
patient pour discuter avec lui de cette stratégie et définir quels
sont les correspondants (chirurgien vasculaire, cardiologue, par
exemple) à qui adresser le patient. On a fait le point sur les fac-
teurs de risque vasculaire et estimé le risque cardiovasculaire
absolu à 10 ans et le patient peut entrer dans un programme de
prise en charge de ces facteurs de risque. Le compte rendu est
édité, et l’infirmière peut alors clore le dossier.
LN : Voilà pour la journée, mais en dehors des heures ouvrables
et la nuit ?
PA : Le numéro vert bascule alors automatiquement sur le neuro-
logue vasculaire de garde 24 heures sur 24 dans notre service. Sa
mission est de s’occuper des urgences neurovasculaires (dont la
thrombolyse) arrivant dans l’unité de soins intensifs neurovascu-
laires de notre service, et aussi de prendre en charge les patients
Ouverture d’un
SOS AIT à Bichat
Entretien avec le Pr P. Amarenco*
* Service de neurologie et centre d’accueil et de traitement de l’attaque
cérébrale (centre d’ATAC), hôpital Bichat, Paris.
La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. VII - février 2003 75
dans le cadre de SOS AIT. Il est équipé d’un échographe et d’un
Doppler transcrânien, a accès à l’imagerie cérébrale en urgence,
et même à une échocardiographie transœsophagienne en urgence,
si besoin grâce à l’astreinte d’écho organisée sur Bichat. Dès lors,
soit le patient a une cause à son AIT qu’il faut prendre en charge
immédiatement, il est alors hospitalisé, soit il n’y a pas de cause
urgente à traiter et le patient revient le lendemain en hôpital de
jour pour compléter son bilan diagnostique et initier la prise en
charge thérapeutique.
LN : Vous nous avez parlé d’un programme de prise en charge
des facteurs de risque, qu’en est-il?
PA : L’un des enjeux majeurs de la prévention est la prise en
compte du risque cardiovasculaire absolu, ou global (RCVA) ; ce
calcul du RCVA permet d’estimer le risque à 10 ans grâce à
l’équation de Framingham, et ainsi de fixer au patient des objec-
tifs (objectifs tensionnels, de niveau de cholestérol, de poids, de
régime, etc.). Nous avons beaucoup de retard en France dans
cette démarche. Par exemple, en Hollande, tous les médecins
généralistes ont désormais sur leurs ordinateurs le petit utilitaire
qui leur permet de calculer le risque de Framingham (ou de PRO-
CAM, une autre équation disponible) pour améliorer la prise en
charge des facteurs de risque en collant aux recommandations.
Au terme de son hospitalisation de jour, le patient qui vient dans
le cadre de SOS AIT, comme les autres patients du service, se
verra proposer d’entrer dans le cadre d’un programme d’édu-
cation et de prise en charge de ses facteurs de risque. En pratique,
c’est notre infimière de prévention, qui s’occupe aussi de SOS
AIT, qui animera des groupes de patients trois fois par semaine,
où elle apportera une information sur les facteurs de risque neuro-
vasculaire et la manière de les prendre en charge. Les groupes
seront autour de trois grands thèmes : (1) l’hypertension, (2) le
cholestérol, (3) le tabac, le régime alimentaire et le surpoids.
LN : Quelles sont la structure juridique de SOS AIT et ses rela-
tions avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et ses sources
de financement?
PA : SOS AIT est un service mis en place par l’association SOS
ATTAQUE CÉRÉBRALE, association loi 1901 récemment lan-
cée qui s’est donné pour mission de promouvoir l’enseignement,
l’information, la recherche, l’amélioration des soins dans le
domaine de l’attaque cérébrale. Elle cherche à obtenir l’adhésion
et l’implication de nombreux patients. Ainsi, l’une des premières
actions significatives de SOS ATTAQUE CÉRÉBRALE est de
mettre à disposition ce service numéro vert SOS AIT. Elle le fait
contractuellement avec l’hôpital Bichat, au sein du service de
neurologie et centre d’accueil et de traitement de l’attaque céré-
brale, qui, pour ce qui concerne la partie neurovasculaire de son
activité de neurologie, a trois pôles principaux: l’unité d’urgence
neurovasculaire, qui reçoit en urgence les patients avec pour
objectif d’appliquer tous les traitements d’urgence disponibles
(dont la thrombolyse qui connaît une croissance exponentielle ces
derniers mois à Bichat), le centre de diagnostic et de prévention
en hôpital de jour (où nous avons basé SOS AIT), et l’unité de
retour au domicile (qui comprend la filière d’aval de soins de
suite et de rééducation, l’unité mobile de retour au domicile et
l’hôpital de jour de rééducation).
SOS AIT est donc un service institutionnel et, dans son fonc-
tionnement, indépendant. Il fonctionne toutefois avec des crédits
privés qui nous ont permis de recruter l’infirmière qui répond au
numéro vert, s’occupe des patients et anime le programme de
prise en charge des facteurs de risque. Pour ce lancement, nous
avons été généreusement soutenus par un don des laboratoires
Boehringer-Ingelheim que je tiens encore une fois à remercier.
Le laboratoire nous aide aussi dans la diffusion de la plaquette
SOS AIT que nous avons réalisé. Il n’y a aucune contrepartie à
ce don. Notre objectif est d’avoir dans l’avenir un multipartenariat
privé et public pour faire vivre ce numéro vert.
SOS AIT 0 800 888 248
Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale
du goupe hospitalier Bichat-Claude-Bernard
Validation du diagnostic par téléphone (l’infirmière qui répond au
numéro vert s’assure simplement que les symptômes du patient ont disparu
totalement).
Prise en charge immédiate du patient (en hôpital de jour dans la journée,
par le neurologue vasculaire de garde aux heures non ouvrables).
Présence de 6 neurologues vasculaires.
Vous êtes informé par téléphone du résultat des examens.
Vous êtes associé à la décision thérapeutique.
Vous êtes consulté sur le type de prise en charge ultérieure :
– une éventuelle chirurgie et par qui, en cas de sténose carotide à opérer ;
– une éventuelle consultation de cardiologie et par qui, en cas de cardiopathie
emboligène ;
– une éventuelle consultation de neurologie et par qui ;
– une éventuelle hospitalisation de plus de 24 heures en cas de besoin.
Vous pouvez en parler directement avec votre patient par téléphone.
“Docteur, l’autre jour la télécommande que je tenais dans ma main est tom-
bée et, pendant quelques secondes, je n’ai pas pu la ramasser car ma main
et mes doigts ne fonctionnaient plus, puis tout est redevenu normal et depuis
ça va. C’est un peu de fatigue, Docteur ?”
“Hier, au volant de ma voiture, la moitié de la vue de mon œil gauche s’est
brusquement obscurcie en quelques secondes. C’était comme un rideau qui
se serait progressivement baissé jusqu’à la moitié de mon champ de vision.
Cela n’a duré que 5 secondes peut-être. Vous pensez que je dois changer de
lunettes ?”
“En parlant au téléphone avec ma fille, dimanche dernier, d’un coup je
n’arrivais pas à trouver mes mots ou je disais un mot pour un autre. Ma fille
ne comprenait pas ce que je disais. Je ne sais pas combien de temps cela a
duré, mais en tout cas, une demi-heure plus tard je parlais normalement, et
depuis ça va. Ma fille m’a dit qu’il valait mieux vous le signaler. Moi, Docteur,
je mets cela sur le compte du gros choc de la mort de mon mari.”
Ce symptôme décrit par mon patient est un AIT. C’est une urgence absolue
et prioritaire !
Les examens que je dois faire ne peuvent pas attendre quelques heures, le
lendemain ou la semaine suivante.
Où faire les examens en une demi-journée en toute urgence ?
Quelle décision thérapeutique pour mon patient ?
pour répondre à ces questions, appelez le numéro vert 24 h/24, on vous
répond immédiatement.
vous n’avez pas le temps de faire ou de programmer tous ces examens,
vous souhaitez que votre patient les aient tous en même temps, immédiate-
ment : APPELEZ SOS AIT
Appel gratuit
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