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Act. Méd. Int. - Hypertension (13), n° 8/9, octobre/novembre 2001
progrès en
Progrès en thérapeutique
Dans un sens...
Une seconde génération
d’AH-C a succédé à la
méthyldopa et à la clonidi-
ne, celle des agonistes
sélectifs des récepteurs
bulbaires aux imidazolines
– rilménidine et moxoni-
dine, analogues structu-
raux de la clonidine –
réducteurs du tonus vaso-
moteur et de très faible
affinité pour les récepteurs
alpha-2 adrénergiques
centraux, dont la stimulation générait les
effets indésirables (4).
Son effet antihypertenseur paraît compéti-
tif (5, 6, 7), sans contre-régulation anti-
natriurétique et sans échappement, syner-
gique au diurétique (4), avec un bon
positionnement en bithérapie. Autres élé-
ments du drug design favorable, la simpli-
cité du protocole, l’absence avec recul de
toxicité et d’hypothèque en cas de
défaillance cardiorénale, de surveillance
biologique spécifique... Les progrès dans
le contrôle de l’HTA – bien au-delà de la
découverte de nouvelles classes – passent
par la prescription optimisée des antihy-
pertenseurs disponibles et la promotion de
molécules mieux adaptées.
Alors que le danger principal de l’HTA pro-
vient des dysfonctions qui, très habituelle-
ment, l’accompagnent et élèvent le risque
absolu, on porte au crédit des nouveaux AH-
C un effet bénéfique sur l’HVG (5) et l’élé-
vation de la fréquence cardiaque, un effet
neutre ou plutôt favorable sur les lipopro-
téines plasmatiques (6), le métabolisme glu-
cidique et, en particulier, l’insulino-résistan-
ce (7). On estime que la baisse de PA expli-
querait 50 % de la réduction du risque
attribuable à un antihypertenseur (8), et l’étu-
de HOPE a situé l’ampleur du bénéfice
éventuel, indépendant de la réduction de la
PA, spécifique d’un médicament ou d’une
classe sur la seule base d’un risque cardio-
vasculaire élevé.
Dans un sens opposé...
Réserpine et méthyldopa, le plus souvent
associées au diurétique en deuxième ou
troisième intention, figuraient dans les
grands essais contrôlés – EWPHE (1985),
MRFIT (1989), SHEP (1991) – qui ont
établi la capacité du traitement à réduire
les événements (3). Les AH-C ne furent
pas retenus dans les essais d’intervention
ultérieurs.
L’étude de Materson (1993) fut un essai
comparatif de faible puissance dans une
population non représentative, des effets
de six monothérapies et du placebo sur le
devenir de la PA diastolique, et non de la
morbi-mortalité (2). À un an, la clonidine
se situait juste après le
diltiazem pour le taux de
répondeurs (55 %) sous 90
mmHg, et au premier
rang pour le taux d’effets
indésirables (14 %). Par la
suite, l’AH-C a été écarté
des essais de supériorité,
TOMHS dans l’HTA
légère, ALLHAT chez
l’hypertendu à risque,
CAPPP, UKPDS, HOT...
Les AH-C ne figurent pas
parmi les six classes prin-
cipales indiquées en 1999
par l’OMS pour débuter et poursuivre le
traitement : “Plusieurs drogues d’action
centrale sont disponibles dont les ago-
nistes des récepteurs à l’imidazoline, ril-
ménidine et moxonidine ; toutefois le pro-
fil des effets latéraux est généralement
moins favorable que celui des classes
principales” (9). Le choix initial de
l’ANAES (10) se porte sur une classe
ayant fait l’objet d’essais probants, et la
seule allusion concédée aux AH-C
concerne la contre-indication de réserpine
et de méthyldopa en cas de dépression
sévère ! La RMO de 1998 stipule de
débuter par un seul principe actif dont le
choix demeure ouvert. En situation d’ur-
gence, l’AFFSSaPs (11) cite la clonidine
parmi les drogues injectables, sans indica-
tion préférentielle – en particulier l’urgence
gravidique – et en retrait vis-à-vis de
nicardipine, labétalol et urapidil.
Remarques
et questions posées
Dans l’enquête nationale 2000 de la
CNAM sur l’HTA sévère exonérée en
En 1995 (1), on pouvait s’interroger sur l’éventuel
retour en grâce des antihypertenseurs centraux (AH-
C), influencé par l’étude des Veterans (2), une capacité
reconnue de l’OMS dans la prévention des événements
cardiovasculaires (3), et au vu d’effets associés favo-
rables, établis ou pressentis. La commercialisation de la
moxonidine par un grand groupe, le dossier construit
autour de la rilménidine confortaient encore une hypo-
thèse, à ce jour non validée.
* Faculté de médecine, 37, allée Jules-Guesde,
31400 Toulouse.
À l’heure des essais de morbi-mortalité, quelle
place reste-t-il pour les antihypertenseurs
centraux ?
Michel Salvador*
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progrès en
Progrès en thérapeutique
exercice libéral (12), la rilménidine occupe
la deuxième position parmi les dix spécia-
lités les plus prescrites, loin devant un diu-
rétique, très loin devant un IEC. Il existe
un décalage évident de la pratique quoti-
dienne envers des recommandations mal
ou peu appliquées, mal adaptées et peu
réalistes au vu des objectifs fixés par
l’OMS. C’est grâce à la méthodologie
rigoureuse des essais que des résultats
fiables ont été obtenus, mais “dans la pra-
tique clinique, les problèmes individuels
de chaque patient sont beaucoup plus dif-
ficiles à résoudre que ne le suggère le
résultat des essais contrôlés” (13). Bien
des vérités échappent encore aux exi-
gences de la médecine fondée sur les
preuves, et ce mode de raisonnement ne
doit pas s’établir réducteur.
La rédaction des recommandations suppose
l’exhaustivité dans les sources, la prise en
compte de toutes les données en conservant
les faits établis. La mise à l’écart des AH-C
de seconde génération à partir de la toléran-
ce médiocre reconnue de la première, est-elle
établie avec le niveau de preuve requis ?
Aucune référence précise ne l’accrédite dans
les rapports (9, 10). Même observation à pro-
pos de leur exclusion des essais comparatifs
sur la morbi-mortalité.
Le paradoxe est à retenir entre le retrait
général des recommandations et l’actualité
scientifique où se succèdent à propos de
rilménidine et de moxonidine, les travaux
favorables d’équipes référentes et les
symposia de congrès internationaux :
Sociétés européennes d’hypertension
(1993), de cardiologie (1996 et 1999),
dernièrement de l’Union internationale
des pharmacologues... Peut-être plus para-
doxal, le mutisme de l’ANAES, où siè-
gent des généralistes et spécialistes libé-
raux dans les groupes de travail et de
lecture, alors que la rilménidine caracole
en seconde position sur le terrain...
La stratégie des promoteurs se fonde sur la
physiologie pour bien démarquer les récep-
teurs aux imidazolines des effets sur les
alpha-2 centraux, et veille à structurer un
dossier clinique international. Attentif à
l’actualité, on insiste sur le bénéfice à espé-
rer, en regard de l’élévation de la fréquence
cardiaque, de l’insulinorésistance, de l’hy-
peractivité sympathique spontanée ou indui-
te... Cette politique d’occupation du terrain
donne ses résultats en particulier à l’Est du
pays, en dépit du silence des instances...
Mais le nécessaire est-il fait par les deux
grands groupes pharmaceutiques pour
rechercher l’accès (très onéreux) à la pro-
grammation des grands essais, dont dépen-
dent désormais les recommandations ?
Rilménidine et moxonidine y seraient-elles
jugées perdantes en l’état de leur analyse ?
In fine...
– Ou un mauvais ratio efficacité/tolérance
des AH-C de seconde génération a déjà
été établi à dose requise, avec le niveau de
preuve exigible, et on restera un temps à la
situation équivoque actuelle ;
– ou ce ratio n’est pas établi avec la puis-
sance suffisante, le nécessaire reste à
faire, et il serait injuste de nier à ces médi-
caments tout avenir sur la base d’un amal-
game réducteur.
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13. Safar M. Médecine basée sur l’évidence et
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