Huntington

publicité
> ACTUALITÉS
neurosciences
ACTUALITÉS
neurosciences
> Behavioural Brain Research
> European Journal
of Neuroscience
> Nature
> NeuroImage
> Neuron
> Molecular psychiatry
> Science
> Trends in Neuroscience
> Neurobiology of Learning
and Memory
> PNAS
Coordonné par S. Valerio et L. Calandreau
LNC, CNRS UMR 5106, Talence
Neurotoxicité de la dopamine dans
la maladie de Huntington
L
a maladie de Huntington (MH)
est une pathologie neurodégénérative héréditaire caractérisée par
la survenue de mouvements anormaux
(chorées), de désordres psychiatriques
et de déficits cognitifs. Les symptômes
moteurs, “en miroir” de ceux observés
dans la maladie de Parkinson (akinésies),
ont tout d’abord conduit à envisager la
MH comme un dérèglement dopaminergique. Le premier argument fut présenté dans l’étude suivante, publiée en
1970 dans la revue Lancet (1).
Premières expériences sur la dopamine
Dans cet article, les auteurs rapportaient
que l’administration de L-dopa chez des
patients atteints de MH augmentait fortement les dyskinésies, et qu’un surdosage
chez des patients souffrant de la forme
akinéto-rigide de la MH induisait l’expression de chorées. Ils ont alors suggéré que
les dyskinésies étaient dues à une hyperstimulation des récepteurs dopaminergiques striataux. Ils montraient également
que l’administration de L-dopa chez des
sujets à risque induisait l’apparition de
chorées dans un tiers des cas. Pour les
auteurs, cela pouvait être un indicateur
d’un futur développement de la MH.
Cet axe de recherche a donné lieu à de
nombreux travaux. Toutefois, l’assimilation de la MH à un dérèglement du système dopaminergique reste controversée.
D’autre part, les bases neurologiques de
la maladie sont liées à une mort progressive des neurones situés dans les
ganglions de la base, et plus particulièrement le caudé-putamen. Or la neurotoxicité de la dopamine seule n’a pas
été clairement démontrée in vivo.
L’hypothèse du stress oxydatif
Au milieu des années 1980, l’hypothèse
d’un dysfonctionnement mitochondrial
striatal a été proposée pour expliquer
l’atteinte spécifique des neurones du
caudé-putamen, caractéristique de la
MH. En effet, l’ingestion chez l’homme
de composés bloquant la chaîne respiratoire mitochondriale – tels que le
3-NP, le cyanide ou le monoxyde de
carbone – induit des lésions spécifiques
de cette région cérébrale. Cette neurodégénérescence résulte de la production de radicaux libres (ROS) connus
pour altérer le fonctionnement ainsi
que la structure des neurones. Pourtant,
l’hypothèse d’un dysfonctionnement
mitochondrial seul ne permet pas
d’expliquer totalement la spécificité
de la neurodégénérescence striatale.
L’hippocampe, par exemple, riche en
enzymes mitochondriales, n’est atteint
que tardivement dans la MH.
Un gène pour la MH
En 1993, une nouvelle avancée se produit avec la caractérisation du gène
muté dans la MH et l’étude des effets
de cette mutation sur la mort cellulaire.
La mutation génétique à l’origine de la
maladie entraîne l’expression d’une protéine rallongée instable (huntingtine
poly-Q [Httm]), dont la dégradation
conduit à la formation d’agrégats protéiques intracellulaires. Même s’il existe
un consensus quant à la fragilisation
des neurones par l’expression de la
Httm, le lien causal entre ces agrégats
et l’apoptose neuronale est encore largement débattu à l’heure actuelle (voir
La Lettre du Neurologue – Suppl. Les
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 10 - décembre 2005
7
> ACTUALITÉS
neurosciences
> Behavioural Brain Research
> European Journal
of Neuroscience
> Nature
> NeuroImage
> Neuron
> Molecular psychiatry
> Science
> Trends in Neuroscience
> Neurobiology of Learning
and Memory
> PNAS
Actualités au Vol.VIII, n°10, p. 8). D’autre
part, cette protéine est exprimée dans
l’ensemble du système nerveux central.
L’atteinte précoce et majoritaire du
caudé-putamen dans la MH est donc
nécessairement liée à d’autres facteurs
que la présence même de la Httm.
Ainsi, bien que plusieurs facteurs tels que
le stress oxydatif ou la présence de la
Httm permettent d’apporter des indices
quant aux causes de la neurodégénérescence, aucun ne permet vraiment
d’expliquer la spécificité striatale.
Une propriété majeure du striatum est son
innervation massive par les projections
dopaminergiques issues de la substance
noire. Fait intéressant, dans la MH, la progression dorsoventrale de la neurodégénérescence suit le gradient de concentration de la dopamine striatale. Or, les
données accumulées depuis montrent
que la dopamine peut être neurotoxique
sur des neurones en souffrance, soit directement, soit via ses métabolites :
– la dopamine peut conduire à la formation de ROS intracellulaires toxiques ;
– des niveaux élevés de dopamine peuvent participer à l’élévation du glutamate
extracellulaire excitotoxique ;
– la dopamine peut conduire à un dysfonctionnement mitochondrial.
L’équipe du Dr J. Caboche a récemment
publié dans la revue Proceedings of the
National Academy of Sciences une étude
qui réconcilie ces observations (2).
Action synergique de la dopamine et de
la huntingtine mutée sur la dégénérescence
des neurones striataux
Dans cette étude, les auteurs ont évalué
l’effet de l’application de dopamine sur
des cultures de neurones striataux surexprimant la Httm, modèle in vitro largement utilisé pour l’étude des mécanismes
cellulaires de la MH (voir La Lettre du
Neurologue – Suppl. Les Actualités au
Vol.VIII, n°10, p.8). Ils montrent que
l’application de dopamine à faible dose
8
Coordonné par S. Valerio et L. Calandreau
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 10 - décembre 2005
induit – en synergie avec l’expression
de la Httm – l’activation de la voie proapoptotique JNK/c-jun, et ce sous la
dépendance de la production de ROS.
De plus, la dopamine induit une augmentation de l’agrégation de la Httm
spécifiquement liée à l’activation des
récepteurs D2 (pas les D1). Enfin, la mort
neuronale induite par la dopamine dans
les neurones qui surexpriment la Httm
est dépendante de la combinaison de
tous ces facteurs.
Ces données suggèrent donc que la dopamine agit en synergie avec la Httm pour
induire la neurodégénérescence, et que
sa toxicité serait médiée par :
– la production de ROS, activant les voies
proapoptotiques ;
– la stimulation du récepteur dopaminergique D2.
Ces résultats permettraient notamment
d’expliquer pourquoi les premières aires
cérébrales (globus pallidus et substance
noire) et les populations cellulaires
(neurones de projection à enképhaline)
touchées dans la MH sont celles qui
expriment le plus de récepteurs D2.
Et chez l’homme ?
Cette dernière étude (3) a été réalisée
chez des patients précliniques atteints
de MH. Les données d’imagerie montrent
une diminution du métabolisme du glucose dans le striatum, du volume de cette
structure et de l’accessibilité des récepteurs D2. Fait intéressant, les résultats
révèlent une très forte corrélation inverse
entre l’accessibilité des récepteurs D2
et le nombre de répétitions poly-Q (ou
l’âge). Selon les auteurs, la diminution
d’accessibilité des récepteurs D2 chez
les patients atteints de MH pourrait être
liée à une disparition très précoce d’une
population de neurones portant des
récepteurs D2.
Bien que les données de la littérature
soient quelque peu divergentes quant
à la nature du dysfonctionnement du
métabolisme dopaminergique dans la
MH, il semble évident que la dopamine
joue un rôle dans l’expression et la progression de la maladie. Sa neurotoxicité
spécifique sur le striatum semble résulter de la coïncidence entre une souffrance cellulaire due à la Httm et la
présence d’une forte concentration de
dopamine au sein de cette structure. La
caractérisation des événements moléculaires qui sous-tendent l’effet proapoptotique de la dopamine via le
récepteur D2 ou le stress oxydatif pourrait permettre d’envisager de nouveaux
traitements plus spécifiques, limitant
ainsi les effets indésirables occasionnés
par les traitements existants.
P. Trifilieff,
LNC, CNRS UMR 5106, Talence.
R é f é r en c e s bi bl iog raph ique s
1.
Klawans HC, Paulson GW, Barbeau A. Predictive test for Huntington’s chorea. Lancet 1970;
2:1185-6.
2. Charvin D, Vanhoutte P, Pages C et al. Unraveling a role for dopamine in Huntington’s
disease: the dual role of reactive oxygen species
and D2 receptor stimulation. Proc Natl Acad Sci
USA 2005;102:12218-23.
3. Van Oostrom JC, Maguire RP, VerschuurenBemelmans CC et al. Striatal dopamine D2 receptors, metabolism, and volume in preclinical
Huntington’s disease. Neurology 2005;65:941-3.
Pour en savoir plus. . .
> Jakel RJ, Maragos WF. Neuronal cell death in
Huntington’s disease: a potential role for dopamine. Trends Neurosci 2000;23:239-45.
Feigin A, Zgaljardic D. Recent advances in
Huntington’s disease: implications for experimental therapeutics. Curr Opin Neurol 2002;
15:483-9.
>
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 10 - décembre 2005
9
> ACTUALITÉS
neurosciences
> Behavioural Brain Research
> European Journal
of Neuroscience
> Nature
> NeuroImage
> Neuron
> Molecular psychiatry
> Science
> Trends in Neuroscience
> Neurobiology of Learning
and Memory
> PNAS
>
L’inhibition dans l’attention
associée au contrôle cognitif :
un mythe ?
ocaliser son attention sur une tâche
peut impliquer soit un accroissement du traitement des informations
pertinentes, soit la suppression du traitement des informations non pertinentes,
soit les deux. L’hypothèse la plus répandue est cependant que le processus critique serait la suppression (inhibition)
pour laquelle des régions préfrontales
joueraient un rôle critique.
Dans leur expérience, Egner et Hirsch
manipulent le niveau d’adaptation à un
conflit durant une tâche de Stroop utilisant une succession d’essais où sont présentés des visages et des noms propres.
Dans cette tâche, le niveau de contrôle
cognitif pour un essai donné varie en
fonction de l’existence (ou non) d’un
conflit lors de l’essai précédent, et l’efficacité de ce contrôle est évaluée par la
mesure d’un temps de réaction. En enregistrant les réponses cérébrales en IRM
fonctionnelle, les auteurs montrent qu’un
mécanisme de contrôle cognitif top-down
sous-tendu par la région latérale du
cortex préfrontal (LCPF) droit amplifie
la représentation des informations (i.e.
visages) au niveau de l’aire fusiforme
du traitement des visages (AFV) lorsque
ces derniers constituent la cible pertinente. En revanche, aucune inhibition
de cette représentation n’est observée
lorsque la cible n’est plus un visage, mais
un nom propre écrit. Ce résultat est
renforcé par la mise en évidence d’une
corrélation entre les activités du LCPF
et de l’AFV, dont la valeur s’accroît avec
l’élévation (et l’efficacité) du contrôle
cognitif (sélection du visage).
F
Commentaire
Cette élégante étude représente un
challenge important pour les théories
10
Coordonné par S. Valerio et L. Calandreau
selon lesquelles l’attention liée à l’activité du CPF opère avant tout en inhibant le traitement des stimuli perceptifs non pertinents. Dans cette
expérience, les sujets devaient, selon la
cible pertinente, indiquer s’il s’agissait
d’un acteur ou d’un politicien. Il n’est
pas exclu qu’un niveau de contrôle
cognitif élevé puisse, parallèlement à
l’amplification de la représentation de
l’information perceptive cible, impliquer
une inhibition des représentations corticales de la réponse non pertinente.
R. Jaffard,
LNC, CNRS UMR 5106, Talence.
>
Egner T, Hirsch J. Cognitive control mechanisms resolve conflict through cortical amplification of task-relevant information. Nat Neurosci 2005;12:1784-90.
> Un modèle animal
de comportement alimentaire
inadapté ?
es problèmes liés aux excès pondéraux et à l’obésité constituent à
l’heure actuelle un énorme enjeu de
santé publique. Si l’influence des facteurs internes (par exemple, la régulation de la balance énergétique) sur la
stimulation de la prise alimentaire est
de mieux en mieux comprise, celle des
facteurs externes demeure largement
inconnue. Dans cette étude, les auteurs
ont mis en œuvre une situation de
“potentialisation conditionnée de la
prise alimentaire” qui consiste à entraîner des rats en privation alimentaire
dans une discrimination simple : un stimulus (SC+) est suivi d’une récompense
alimentaire, alors qu’un autre stimulus
(SC-) n’est suivi d’aucune conséquence
particulière. De manière remarquable, la
présentation du SC+ stimule la prise ali-
L
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 10 - décembre 2005
mentaire alors même que les rats sont de
nouveau nourris à volonté ; ce stimulus
a donc acquis des propriétés “motivationnelles” susceptibles d’induire une
consommation supérieure à celle de
l’appétit. Les auteurs injectent un marqueur rétrograde dans l’hypothalamus
latéral et mesurent ensuite la colocalisation de ce marqueur avec les produits
des gènes précoces Arc1 et Homer 1a.
Ils constatent alors que la potentialisation de la prise alimentaire induit une
activation sélective des afférences de la
partie basolatérale de l’amygdale et de
la partie orbitale du cortex préfrontal
sur l’hypothalamus latéral.
Commentaire
Cette étude démontre de manière remarquable l’influence des processus de conditionnement sur la prise alimentaire. En
mettant en œuvre une approche d’anatomie fonctionnelle tout à fait originale,
ce travail pointe du doigt de manière
élégante la complexité des circuits neuronaux de la réponse de prise alimentaire.
E. Coutureau,
LNC, CNRS UMR 5106, Talence.
> Petrovich GD, Holland PC, Gallagher M. Amyg-
dalar and prefrontal pathways to the lateral
hypothalamus are activated by a learned cue
that stimulates eating. J Neurosci 2005;25(36):
8295-302.
> Synesthésie :
toujours fascinant mais
de plus en plus compliqué...
hez les synesthètes, la stimulation
d’une modalité sensorielle déclenche
une perception dans une autre modalité
non stimulée. Le cas le plus fréquent est
celui où une forme, comme une lettre,
un chiffre ou un mot (vus ou entendus),
induit la perception d’une couleur. Des
C
études d’imagerie fonctionnelle ont
montré que la perception synesthésique
colorée était souvent, mais non systématiquement, associée à une activation
de l’aire cérébrale visuelle sélective des
couleurs (hV4), qu’il s’agisse de la perception auditive de mots ou de celle
visuelle de lettres. Dans ce dernier cas,
la proximité de l’aire qui traite de la
forme des lettres avec l’aire hV4 permettait de supposer que l’activité neuronale générée dans la première pouvait, chez les synesthètes, se propager
jusqu’à la seconde (i.e. hV4) du fait
d’un “excès” de connexions corticales
intermodulaires (hypothèse de l’activation croisée). L’expérience réalisée par
l’équipe de Weiss ne confirme pas ces
résultats (1). Elle a montré en revanche
que des sujets synesthètes (au nombre
de 9) présentaient une activation du
sillon intrapariétal, sélective de la
perception synesthésique de couleurs
déclenchée par la présentation visuelle
de lettres. Seule la perception physique
(directe) de couleurs s’accompagnait
chez ces sujets d’une activation de hV4.
Enfin, les résultats montrent qu’une
différence de couleur entre perception
synesthésique et physique était associée
à une activation du cortex préfrontal
dorsolatéral (CPFDL).
Commentaire
Selon les auteurs, les aires intrapariétales activées par la perception synesthésique de couleurs sont impliquées
dans l’établissement de liens entre forme
et couleur. À ce titre, elles pourraient
jouer un rôle dans ce type de synesthésie et renforcer l’hypothèse des activations croisées. L’existence d’un effet de
“type Stroop” avec activation du CPFDL
souligne, en accord avec de nombreuses
données comportementales, la réalité
du conflit perceptif généré par la synesthésie. Mais il semble que ce phénomène
ne doive plus être considéré comme étant
unitaire. Il existerait en effet des différences interindividuelles dans l’expérience subjective produite et/ou dans
le stade de traitement de l’information
d’où émerge la perception synesthésique. Ainsi, comme ce fut le cas pour
la mémoire, l’absence de cohérence
entre certains résultats obtenus chez
des synesthètes (concernant en particulier hV4) pourrait n’être que la conséquence d’un polymorphisme (2).
RJ
1. Weiss PH, Zilles K, Fink GR. When visual
perception causes feeling: enhanced cross-modal
processing in grapheme-color synesthesia.
NeuroImage 2005;28:859-68.
2. Hubbard EM, Ramachandran VS. Neurocognitive mechanisms in synesthesia. Neuron
2005;48:509-20.
> Traitements périnataux
aux corticoïdes : effet
sur l’anxiété et la dépression
administration de corticoïdes,
visant à stimuler la maturation
fœtale, est fréquemment utilisée dans
les grossesses à risque. Classiquement,
la prescription de corticoïdes de synthèse (dexaméthasone ou bétaméthasone) est souvent préférée à celle du
cortisol. Toutefois, de nombreuses études
révèlent que ces produits peuvent avoir
des conséquences délétères sur le fonctionnement cérébral et induire des
désordres émotionnels. Au vu de ces
données, il convient donc de préciser
dans quelle mesure cette prescription
durant la grossesse peut induire des
effets comportementaux délétères chez
des individus nés de mères traitées.
Dans ce but, Oliveira et al. montrent que,
à l’âge adulte, des rats nés de mères
traitées à la corticostérone ou à la
dexaméthasone présentent des compor-
L’
tements plus anxieux. Par ailleurs, cette
étude révèle que les rats issus de mères
traitées à la dexaméthasone présentent
en outre des symptômes dépressifs.
Commentaire
Cette étude révèle l’existence d’effets
délétères des traitements aux corticoïdes
de synthèse durant la gestation. Elle
suggère que la prescription de cortisol
pourrait être préférée à celle de corticoïdes de synthèse. Il demeure nécessaire de vérifier si ces données se
confirment chez l’homme.
L. Calandreau,
LNC, CNRS UMR 5106, Talence.
>
Oliveira M, Bessa JM, Mesquita A et al.
Induction of hyperanxious state by antenatal
dexamethasone: a case for less detrimental
natural corticosteroids. Biol Psychiatry 2005;
Sept. (online).
>
Une révolution
pour l’étude de la trisomie 21
e syndrome de Down (DS), ou trisomie 21, forme de retard mental la
plus commune, est dû à la présence d’un
troisième chromosome 21 (ch21) fonctionnel. Après plus d’une décennie
d’efforts pour modéliser ce syndrome, les
équipes d’E. Fischer et de V. Tybulewicz
ont réussi à créer un modèle rêvé pour
l’étude du DS : une souche de souris qui
porte trois copies des gènes du ch21.
Pour ce faire, les auteurs ont introduit une
copie du ch21 humain entier – issu de
fibroblastes – dans des cellules souches
embryonnaires ensuite implantées dans
des embryons précoces de souris. Cette
souche de souris présente un phénotype très proche du DS puisque les
auteurs ont pu mettre en évidence un
déficit mnésique (reconnaissance
L
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 10 - décembre 2005
11
> ACTUALITÉS
neurosciences
> Behavioural Brain Research
> European Journal
of Neuroscience
> Nature
> NeuroImage
> Neuron
> Molecular psychiatry
> Science
> Trends in Neuroscience
> Neurobiology of Learning
and Memory
> PNAS
d’objets), une diminution du nombre de
neurones cérébelleux, un développement cardiaque anormal, une activation
des lymphocytes T et des anormalités
cranio-faciales, autant de caractéristiques du DS.
Commentaire
Même si toutes les cellules de l’organisme ne portent pas le chromosome
(25 à 60 % selon les tissus), cette étude
constitue une avancée exceptionnelle
pour l’étude du DS, mais également
pour toutes les maladies aneuploïdes.
En effet, la genèse de cette souche
“trans-chromosomique” constitue un
exploit technique qui prédit des progrès
significatifs dans la compréhension de
ces pathologies.
PT
> O’Doherty A, Ruf S, Mulligan C et al. An
aneuploid mouse strain carrying human chromosome 21 with Down syndrome phenotypes.
Science 2005;309:2033-7.
> Un gène de la peur ?
e nombreuses données mettent en
évidence le fait que les processus
mnésiques reposent, sur le plan cellulaire, sur des événements moléculaires
contrôlés par l’expression de gènes. Sur
le plan systémique, un nombre important d’études démontrent également
que des réseaux neuronaux spécifiques
codent ces processus. Toutefois, le lien
entre ces différents niveaux d’analyse
reste largement méconnu. Dans cette
étude, Shumyatsky et al. montrent que
le gène stathmin est particulièrement
exprimé dans les régions amygdaliennes,
thalamiques et corticales connues pour
être impliquées dans des apprentissages
D
12
Coordonné par S. Valerio et L. Calandreau
de peur (conditionnement pavlovien
aversif). Ils produisent ensuite une
lignée de souris knock-out pour le gène
stathmin. Ils constatent :
– que le gène n’est plus exprimé dans les
neurones des régions citées ci-dessus ;
– que l’absence d’expression du gène a
modifié les propriétés physiologiques
des neurones ;
– que les animaux sont déficitaires dans
des épreuves de conditionnement aversif
alors qu’ils restent tout à fait capables
d’acquérir une épreuve spatiale.
Enfin, les auteurs montrent que ces
animaux sont, d’une manière générale,
peu sensibles aux dangers potentiels
présents dans leur environnement.
Commentaire
Cette étude fait suite à des travaux
menés par la même équipe et montrant
que le gène GRPR est uniquement requis
pour l’expression d’une peur acquise.
Cette implication différente des gènes
stathmin et GRPR pourrait, selon les
auteurs, constituer une signature moléculaire distincte entre différentes formes
d’anxiété.
LC
>
Shumyatsky GP, Malleret G, Shin RM et al.
Stathmin, a gene enriched in the amygdala,
controls both learned and innate fear. Cell
2005;123:697-709.
>
Une nouvelle voie
thérapeutique
contre la toxicomanie ?
ne des théories actuelles du champ
des neurosciences de la mémoire
permet de considérer que, lorsqu’un
souvenir est réévoqué, le réseau neuro-
U
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 10 - décembre 2005
nal de ce souvenir est réactivé. Une des
caractéristiques importantes de cette
réactivation est qu’elle rend alors le
réseau labile et à nouveau sensible à
des traitements amnésiants. Dans cette
étude, Lee et al. utilisent ce dernier
point afin de développer une voie thérapeutique nouvelle dans la lutte contre
la toxicomanie. Dans un premier temps,
les auteurs constatent chez le rat que si
une lumière est associée à la prise de
drogue, elle suscite ultérieurement des
biais comportementaux. En effet, les
rats ayant associé la lumière à la prise
de drogue appuient préférentiellement, parmi deux leviers, sur celui qui
est signalé par la lumière. De manière
élégante, les auteurs montrent que cette
préférence sera supprimée si une injection intra-amygdalienne d’un antisens
anti-Zif 268 est réalisée au moment où
l’animal est réexposé à la lumière ayant
été préalablement associée à la prise de
drogue.
Commentaire
De manière concordante avec les résultats de cette étude, Marshall et al. ont
également montré que le blocage de
l’enzyme MEK dans une autre région
cérébrale – au moment de la réactivation – réduit la préférence des animaux
pour un emplacement ayant été préalablement associé à la prise de drogue.
Ces résultats encourageants posent tout
de même la question de l’obtention de
tels effets bénéfiques après administration d’un composé pharmacologique par
voie générale sur des sujets consommant des drogues depuis de nombreuses années.
LC
>
Lee JL, Di Ciano P, Thomas KL et al. Disrupting reconsolidation of drug memories
reduces cocaine-seeking behavior. Neuron 2005;
47:795-801.
Téléchargement