La Lettre du Cardiologue - n° 316 - septembre 1999
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Les explorations
P. Attuela présenté l’état actuel du concept de vulnérabilite auri-
culaire latente et a discuté la signification morphologique des
troubles du rythme induits. Le débat a porté, avec P. Coumel, sur
la valeur des renseignements apportés et sur leur utilité dans la
pratique pour influencer la prévention secondaire.
La recherche de la vulnérabilité auriculaire latente se fait par la
stimulation auriculaire programmée. Le but est de rechercher
un état de l’oreillette compris entre la normalité et l’hyperexci-
tabilité patente. Il s’agit d’identifier un groupe de patients à haut
risque de tachycardie auriculaire paroxystique non encore docu-
mentée qui permet de penser que ces patients ont été en mesure
de faire un trouble du rythme auriculaire suffisamment prolongé
pour constituer une embolie.
On peut ainsi mettre en évidence :
–Des anomalies des périodes réfractaires auriculaires, qui
sont anormalement courtes (inférieures à 210 ms) et
inadaptées à l’accélération de la fréquence car-
diaque, sachant que, chez le sujet normal, les
périodes réfractaires diminuent lorsque le
cycle cardiaque diminue. Cet état a été
trouvé également à l’échelon de la cel-
lule auriculaire humaine par J.Y. Le
Heuzey (4).
–Des anomalies de la conduction
intra-auriculaire,le plus souvent dis-
crètes et mises en évidence par la tech-
nique de l’extrastimulus : la réponse
auriculaire notée A2 après l’extra-stimu-
lus noté S2.
–Le rapport de ces deux valeurs, période réfrac-
taire et auriculogramme A2, permet de calculer l’indice
global noté “index de vulnérabilité latente” (IVL),
reflet indirect du raccourcissement de la longueur d’onde, signa-
lée par les fondamentalistes comme l’élément arythmogène essen-
tiel. Un IVL inférieur à 2,5 est très anormal.
–L’induction d’un trouble du rythme de plus d’une minute par
la technique de l’extrastimulus est jugée significative.
Cette notion de substrat arythmogène est donc très hétérogène,
et P. Attuel a signalé qu’elle mesurait plusieurs paramètres
comme des troubles de propagation, des périodes réfractaires
inadaptées, une capacité à pérenniser les troubles du rythme. Les
divers concepts de foyer, vaguelette, obstacle, anisotropie, réen-
trée et remodelage sont complémentaires (5).
P. Coumel a soulevé le problème de l’interrogatoire et des pal-
pitations. Il convient d’admettre qu’une arythmie paroxystique
emboligène peut être asymptomatique ; dans notre série, nous
avons pu mettre en évidence des symptômes chez des patients
inductibles et, dans les deux tiers des cas, le patient validait a pos-
teriori un symptôme qu’il n’avait pas cru utile de signaler.
La discussion a porté également sur le moment et les conditions
de l’exploration électrophysiologique et le rôle du système ner-
veux autonome sur le substrat ; les conditions de l’examen ne
sont pas les mêmes que celles qui ont précédé l’embolie céré-
brale ; cela n’enlève cependant pas de valeur à une exploration
positive à un instant donné.
Les résultats
Les résultats des diverses équipes sont superposables (P. Attuel,
J.M. Quatre, équipes de Nancy et de Toulouse) (6) :
–54% de patients sont inductibles,
–50% ont des périodes réfractaires courtes ou inadaptées à la
fréquence,
–70% ont des anomalies de la conduction loco-régionale,
–50% ont un IVL inférieur à 2,5.
Si nous regroupons l’ensemble des critères majeurs de vulnéra-
bilité auriculaire latente, l’exploration électrophysiologique auri-
culaire est pathologique dans 78 % des cas.
Il existe des arguments pour penser que la découverte de ce sub-
strat arythmogène a une signification :
–Une comparaison avec un groupe témoin de sujets
jeunes, réalisée par Quatre, montre une diffé-
rence significative des paramètres de vulné-
rabilité (7).
–Le fait d’induire est peut-être un cri-
tère de positivité trop sensible, mais il
est corrélé aux périodes réfractaires
courtes, et souvent associé à des ano-
malies de conduction.
–La connaissance du phénomène de
remodelage électrophysiologique
consécutif à une fibrillation auriculaire
paroxystique montre qu’un phénomène rare peut
créer les conditions d’un trouble du rythme suffisam-
ment prolongé pour être emboligène (5).
–Les travaux de M. Haissaguerre montrent que la gâchette est
très souvent auriculaire gauche, ce qui n’est pas incompatible
avec l’intervention d’un substrat préexistant.
Le suivi de la cohorte de l’étude FOP-ASIA sera précieux pour
connaître l’évolution spontanée du trouble du rythme supposé par
la recherche de la vulnérabilité auriculaire latente.
P. Attuel a étudié l’aspect des ondes de fibrillation auriculaire en
endocavitaire. Il existe des différences selon que la fibrillation
auriculaire est ancienne, paroxystique ou latente ; les cycles sont
plus courts dans les formes les plus anciennes à oreillette dilatée,
laissant penser à un remodelage électrophysiologique et anato-
mique qui va dans le sens d’un raccourcissement des périodes
réfractaires et du cycle de la fibrillation.
Les relations entre la vulnérabilité auriculaire latente et la
présence d’un FOP ont été examinées par A. Cohen, qui cite l’ex-
périence des équipes de Nancy et de Toulouse : la vulnérabilité
auriculaire latente est plus fréquemment retrouvée s’il existe un
FOP. L’une des hypothèses est l’existence d’obstacles anato-
miques supplémentaires augmentant l’hétérogénéité d’activation
des oreillettes et favorisant la mise en route et la pérennisation
du trouble du rythme. Cette hypothèse, associée au caractère
exceptionnel de l’embolie paradoxale prouvée, incite à être très
prudent dans les indications d’oblitération du foramen ovale per-
méable.
CŒUR ET CERVEAU