Les lits à hauteur variable
L
es troubles décrits par ce patient
étaient des vertiges, et cette si-
schild, l’opportunité d’une telle en-
quête dans un contexte de restruc-
turation et de démarche qualité ont
été autant de points forts de cette
initiative.
Interprétation des résultats
Trente-deux personnes sont des
hommes et 72 sont des femmes.
L’âge moyen est de 39 ans, biaisé par
l’absence des patients de gériatrie,
par le peu de participants en ré-
éducation neurologique (souvent
jeunes), par le nombre important
de patients du service de gastro-
entérologie (moyenne d’âge peu
élevée). Le service est identifié
mais la cause de l’hospitalisation
ne l’est pas dans sa grande majo-
rité : hépato-gastro-entérologie
(40 patients), gynécologie-obsté-
trique (20), rééducation orthopé-
dique (14), rééducation neurolo-
gique (6), chirurgie plastique et
réparatrice (17), médecine infec-
tieuse (7). On note un taux de par-
ticipation important des patients qui
ont une altération de l’image cor-
porelle et sont très sensibles à l’amé-
lioration de leur bien-être et de leur
confort. L’utilisation du lit comme
“partenaire” dans l’amélioration de
leur état de santé apparaît comme
une évidence (repos, confort, dou-
ceur, sécurité). On peut souligner
l’investissement des soignants dans
la réfection d’un lit et le change des
draps, mais on relève également le
manque de préoccupation quant
aux avantages d’un lit à hauteur va-
riable. Deux tiers des personnes in-
terrogées pèsent plus de 60 kg, ce
qui représente un poids élevé si la
personne ne peut se mouvoir seule,
et un tiers des personnes interrogées
mesurent entre 1,45 m et 1,60 m,
pour lesquelles le lit doit absolu-
ment être redescendu à son niveau
le plus bas pour leur permettre de
se lever sans risque de chute.
La question traitant de l’ancienneté
de l’hospitalisation a donné lieu à des
confusions, elle n’a donc pas été
prise en compte dans l’interpréta-
tion des résultats. Un cinquième des
personnes interrogées présentent un
ou plusieurs handicaps au moment
de son hospitalisation. Presque les
trois quarts des personnes interro-
gées présentent un état douloureux ;
parmi elles, la moitié désignent la
mauvaise position du lit comme
étant à l’origine de leurs douleurs.
Ce résultat est significatif et permet
de situer l’impact que le positionne-
ment du lit à hauteur variable peut
avoir dans la qualité du soin.
Lit et douleur
Quatre-vingt onze pour cent des
personnes interrogées ont le choix
de la hauteur de leur lit. Nous nous
interrogeons sur les 9 % qui ne bé-
néficient pas de ce choix : leur état
de santé ne le leur permettant pas
toujours, les soignants décident
d’emblée pour eux et ne pensent
pas toujours à les questionner. Et
lorsque les patients demandent aux
soignants de modifier le position-
nement de leur lit, 89,42 % obtien-
nent satisfaction. Pourtant, 96,15 %
des patients interrogés estiment que
la bonne position du lit a un impact
bénéfique sur leur confort ; 50 %
estiment que la bonne position du
lit a un impact sur leur guérison,
25 % ont été confrontés au moins
une fois pendant leur hospitalisa-
tion à un lit positionné trop haut,
les empêchant ainsi de se lever. Ces
personnes se trouvent donc dans
une situation potentiellement dan-
gereuse et nous attirons donc l’at-
tention sur la non-performance de
cette prestation de soins pour les
25 % de personnes concernées.
L’utilisation de la télécommande du
lit, dont l’impact est minimisé par
le soignant, n’est pas satisfaisante
dans le sens où le patient n’est pas
La réflexion d’un patient a interpellé la direction des soins sur l’uti-
lisation des lits à l’hôpital. Une enquête a été menée. Les résultats
témoignent de l’importance des valeurs et des interprétations des
soignants dans la stratégie mise en place dans le domaine du soin.
Enquête à l’hôpital Rothschild - Direction des soins
14 Professions Santé Infirmier Infirmière - No37 - mai 2002
tuation de mal-être a sensibilisé tout
le service qui a mené cette étude.
Qui sont les principaux bénéficiaires
du lit et quelle place occupe-t-il dans
la prestation globale des soins en
termes de qualité et de priorité ?
Quel impact le lit a-t-il sur la qualité
des soins et quelle est la marge de
manœuvre pour les patients ? Pour-
quoi le lit n’est-il pas un “partenaire”
de soins privilégié ? Fait-il partie de
l’arsenal thérapeutique ?
Autant de questions qui ont mo-
tivé l’enquête. Celle-ci a concerné
l’ensemble des services de l’hôpi-
tal, hormis la gériatrie (à cause du
trop grand nombre de personnes
désorientées).
La population interrogée était l’en-
semble des patients de l’hôpital à
un moment X de leur hospitali-
sation, et l’outil utilisé était les
197 questionnaires distribués.
Les résultats
Certes, l’enquête comporte certaines
insatisfactions parmi lesquelles :
“seulement” 53,29 % de réponses
exploitables, l’exclusion de la po-
pulation de gériatrie, l’inégalité du
nombre de patients selon les ser-
vices, la mauvaise maîtrise de la
langue française, le manque d’inté-
rêt et d’implication des patients, etc.
Cependant, la motivation et l’im-
plication du cadre infirmier de nuit
ont été déterminantes. De même, la
mobilisation des infirmiers et infir-
mières de nuit, la participation et
l’implication d’un certains nombre
de patients, la réalisation de ce pro-
jet et l’élaboration de perspectives,
la publication d’un article au niveau
local et dans une revue profession-
nelle, l’articulation de l’enquête et
du Projet de soins de l’hôpital Roth-
suffisamment informé (78, 84 %
bénéficient d’une information rela-
tive). Pourtant, 81,73 % des per-
sonnes qui utilisent la télécom-
mande du lit qualifient son
maniement de “simple”. Certains
patients n’osent pas demander d’in-
formations complémentaires rela-
tives au fonctionnement de la télé-
commande dans le souci de ne pas
déranger ou dans la crainte de ne
pas comprendre une fois de plus les
explications données.
En matière d’information, quelle
qu’elle soit, les soignants doivent se
donner les moyens de vérifier que
le message est bien compris. Par
ailleurs, compte tenu de ses priori-
tés lors de son admission à l’hôpi-
tal, le patient accorde une impor-
tance relative à l’utilisation de la
télécommande du lit à hauteur va-
riable, qui ne viendra que dans un
second temps. Dans la hiérarchisa-
tion des prestations par le patient,
49 % classent le bon positionne-
ment du lit en troisième position,
après la qualité des soins et celle de
l’accueil. Dix personnes interrogées
placent le bon positionnement du
lit en première position.
Une prestation des soins
Il ressort donc que la qualité des
soins ne peut se concevoir sans
veiller à un positionnement de
lit adapté aux besoins du patient.
De même, il est à rappeler qu’un
nombre important de patients ont
rendu responsable le mauvais posi-
tionnement du lit dans la survenue
de douleurs et 90 % des personnes
interrogées estiment que le bon po-
sitionnement du lit fait partie inté-
grante du soin.
En résumé, pour ce troisième pôle
d’intervention concernant l’im-
pact du lit à hauteur variable sur
la qualité des soins, les patients
sont persuadés de l’intérêt d’une
bonne utilisation du lit et l’intè-
grent pleinement dans une pres-
tation de soins. A noter qu’un
grand nombre de personnes in-
terrogées profitent de l’opportu-
nité de l’enquête pour manifester
leur insatisfaction concernant les
housses plastiques des oreillers et
la trop faible épaisseur des mate-
las, mais aussi concernant des
thèmes hors sujet.
Perspectives d’avenir
Il est urgent de faire table rase de
tous nos a priori qui conduisent à
la catégorisation des individus et à
l’uniformisation des soins, ce qui va
à l’encontre de la prise en charge
holiste, et surtout à l’opposé de
notre éthique professionnelle. C’est
peut-être là le préalable à un véri-
table dialogue avec le patient, sus-
ceptible, à terme, de favoriser des
changements négociés.
Il appartient donc aux soignants de
prendre conscience de la nécessité
de mieux connaître leur cadre de ré-
férence et celui du patient. La dou-
leur doit être prévenue et/ou com-
battue, le lit ne devant en aucun cas
être assimilé à “un objet de torture”
mais à un partenaire de soins privi-
légié. Éviter les dangers pour le
patient représente ici une priorité,
de même que l’amélioration du
confort. La part consacrée à la dé-
marche qualité au sein de notre éta-
blissement n’est-elle pas déjà le re-
flet d’un tel enjeu ?
Par conséquent, le positionnement
du lit semblerait être une donnée
significative dans le mode de prise
en charge de la personne soignée et
il serait opportun de lui faire une
place dans le dossier de soins.
Au terme de ce travail, il apparaît
qu’on ne peut plus soigner une
personne sans tenir compte du
sens qu’elle donne au “programme
thérapeutique” mis en place.
Les résultats de cette étude per-
mettront à chacun de s’arrêter
quelques instants sur ses pratiques
professionnelles et sur le rôle que
le patient peut avoir à jouer tout au
long de son hospitalisation. C’est
pourquoi la deuxième phase de ce
travail consistera à mener une ré-
flexion avec les soignants autour
des cinq grandes tendances sem-
blant émerger dans ce domaine,
dans le seul et unique but d’opti-
miser la prestation globale de soins.
Il appartient donc à l’ensemble des
professionnels de l’hôpital de gérer
de concert l’exigence posée par les
soins et le choix des patients afin de
concilier égalité des soins et per-
sonnalisation des soins.
Michel Ducoutumany
Directeur du service de soins,
hôpital Rothschild (AP-HP)
Pierrette Jallon
Cadre infirmier de nuit
Murielle Nauche
Cadre supérieur infirmier, expert en soins
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No37 - mai 2002
Impact sur la qualité
des soins vu par le patient
Parmi les personnes interrogées, 50 % ont
rencontré des difficultés pour se lever
seules de leur lit ; 35 % des difficultés liées
à la douleur ; 30 % à l’état de fatigue ;
10 % à la présence de vertiges ; 10 % à la
peur ; 10 % à la position trop élevée du lit ;
8% au manque d’autorisation médicale ;
5% à la position demi-assise trop accen-
tuée ; 1 % à la position trop basse du lit.
Deux personnes interrogées déclarent avoir
fait une chute (sans gravité) en se levant d’un
lit positionné trop haut.
Cinq axes pour s’interroger
Au terme de notre étude, cinq grandes ten-
dances semblent se dessiner :
les patients intègrent le bon position-
nement du lit à hauteur variable dans la pres-
tation globale du soin ;
le positionnement inadapté d’un lit à
hauteur variable représente des risques
pour le patient, voire des dangers ;
le mauvais positionnement du lit à
hauteur variable est à l’origine de douleurs
chez un grand nombre de patients dont la
prise en charge est pourtant prioritaire ;
la moitié des personnes interrogées
rencontrent des difficultés pour se lever
seules de leur lit à hauteur variable,
incorrectement positionné, principalement
en raison de leur état de fatigue, de la peur
ou des vertiges occasionnés ;
des patients, potentiellement capables,
n’interviennent pas dans le choix du
positionnement de leur lit à hauteur variable.
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