>> Ailleurs >> La cancérologie au Mali Entretien avec M. Ly, oncologue, Mali. > Réalisé par G. Mégret Prudent et avisé, Madani Ly nous rappelle d’emblée que le Mali fut une colonie française – appelée alors le Soudan français – jusqu’en 1960, date de l’indépendance, et qu’à ce titre le cursus habituel médical était calqué sur la faculté de Paris. Mais il a fallu ensuite former rapidement un grand nombre de médecins généralistes, avec, de plus, des compétences particulières, plus orientées vers la pratique de brousse (urgences, chirurgie) que la médecine universitaire... Ce qui explique l’absence prolongée d’un internat comparable à celui existant en France. Cependant, la première promotion a pu voir le jour cette année, avec l’instauration d’un numerus clausus. Et qu’en est-il de la cancérologie? Elle va certainement suivre l’évolution actuelle des autres spécialités. À Bamako, notre capitale, de nombreux CES s’ouvrent : pédiatrie, gynécologie, chirurgie. Dès l’année prochaine, il y aura un CES de médecine interne. En revanche, pour l’instant, certaines spécialités particulières comme l’anatomo-pathologie et la cancérologie (qui y est liée) ne bénéficient pas encore de CES organisés, et nous devons aller nous former à l’extérieur : en Algérie, au Maroc, mais aussi en France, en Belgique, etc. Cependant, il semble que les prémices du développement de la cancérologie apparaissent, puisque des disciplines très proches telles que l’hématologie bénéficient déjà de spécialistes bien formés. Pour l’oncologie proprement dite, il n’y a pas encore de cancérologue à part entière au Mali. Nous n’avons qu’un agrégé d’hémato-oncologie qui, d’ailleurs, a fait sa formation à l’hôpital Bichat et à l’Institut Gustave-Roussy (IGR), où il a pu apprendre tous les protocoles de chimiothérapie. Et, pour ma part, je serai le premier oncologue malien dès que “ j’aurai terminé mon stage à l’IGR. Autres signes avant-coureurs, et toujours en hémato-oncologie, la formation d’infirmières spécialisées pour la réalisation de chimiothérapies dans le cadre d’échanges franco-maliens. Ce qui nous permet de réaliser toutes les chimiothérapies, du moins celles qui sont disponibles, y compris en pédiatrie, dans les lymphomes, par exemple. Mais il est vrai que nous ne pouvons pas encore assurer le traitement complet des cancers, puisque nous ne disposons pas actuellement de service de radiothérapie. Il serait certes possible d’acquérir l’appareillage, mais il faut tout d’abord former les radio-physiciens pour les utiliser. Par ailleurs, l’IRM nous fait défaut : nous ne pouvons utiliser qu’un scanner qui a été mis en service en 1994. Dans le cadre d’une prise en charge globale d’un patient atteint de cancer, la médecine malienne doit donc encore faire appel aux bonnes volontés extérieures et adresser le malade, pour sa radiothérapie, en Algérie, au Maroc, voire en France, selon ses possibilités matérielles. Quant aux types de cancers, jusqu’à une période récente, le La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 1 - mars 2005 25 >> le Mali >> cancer du foie était le cancer le plus fréquent au Mali, et ce à cause de l’hépatite B : 81 % de la population de notre pays a une positivité de l’antigène HBS. Désormais, grâce à la vaccination obligatoire – faite véritablement par le porte-à-porte –, le cancer du foie est en recul et l’on voit apparaître d’autres localisations. Le cancer du sein est en train de supplanter le cancer du foie, sans doute par le fait d’une meilleure détection. De même, les hémopathies malignes, les lymphomes (surtout le Burkitt chez l’enfant) se rencontrent fréquemment. Mais nous pensons qu’il y a un biais de sélection qui tient au fait que, le chef de service étant hémato-oncologue, sa réputation et sa renommée loco-régionale concourent à augmenter le recrutement. Il apparaît donc que le Mali, comme nombre de pays africains, ne dispose pas encore d’équipements, d’infrastructures et de services suffisants pour faire face à la pathologie cancéreuse, bien présente dans ces régions. ” Mais, sans tomber dans un optimisme aveugle qui ne serait pas en phase avec la réalité, Madani Ly veut envisager l’avenir avec détermination. Et lorsqu’on lui demande s’il a l’intention de retourner au Mali, une fois sa formation oncologique complète terminée, la réponse est nette : Oui. Et quelles que soient les difficultés. Pour trois raisons majeures. D’une part, il n’y a pas d’oncologue au Mali, et j’aime mon pays. Ensuite, je serai beaucoup plus utile au Mali, tant il y a à faire. Et enfin, pour un étranger en France, lorsqu’on a des ambitions universitaires, il est pratiquement impossible de les réaliser. “ ” 26 La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 1 - mars 2005 ➤ Population : 12 650 000 habitants ➤ Espérance de vie : 43,9 ans chez l’homme/ 45,7 chez la femme (France : 76/83,5) ➤ Mortalité infantile/1000 : 233 garçons 224 filles (France : 4/5) ➤ Nombre de médecins pour 100 000 habitants : 10 (France : 303) ➤ Dépenses de santé en dollars/an/habitant : 30 (France : 2 567) (Source OMS, Rapport 2003)