L’Appel de Dakar pour le Mali
Nous, participants du séminaire de Dakar « Les intraduisibles du patrimoine »,
venus de l’Afrique du Sud, du Bénin, du Botswana, du Congo, de la France, du
Kenya, du Mali, du Sénégal et de la Tanzanie, réunis du 21 au 23 juin 2012 à
l’initiative de l’Académie Africaine des Langues (ACALAN – UA), de
l’IFAN/Université Cheikh Anta Diop et du Pôle patrimoine du Ministère français
des Affaires étrangères,
solidaires de l’Appel des institutions spécialisées et des professionnels du
patrimoine pour la sauvegarde du patrimoine culturel malien,
réaffirmant le droit des peuples au patrimoine,
faisons la déclaration suivante :
Depuis le déclenchement de la rébellion au Nord du Mali le 17 janvier dernier
et le coup d’Etat le 21 mars 2012, le Nord-Mali est aux mains de rebelles
islamistes et de groupes terroristes. Cette occupation a engendré une grave
crise sécuritaire aux conséquences humanitaires et culturelles désastreuses
pour la population et le patrimoine.
Nous nous indignons des déplacements et des souffrances des populations. La
situation est d’autant plus préoccupante que le nord du Mali abrite deux sites
du patrimoine mondial, Tombouctou et le Tombeau des Askia à Gao ; il abrite
aussi d’innombrables ressources archéologiques d’intérêt mondial couvrant une
vaste séquence chronologique allant du paléolithique aux périodes historiques,
ainsi qu’un patrimoine immatériel exceptionnel, socle de la vie de relations
qui a fait de cette partie de l’Afrique un creuset de civilisations et un
incomparable laboratoire des plus belles expériences d’acceptation de la
diversité des expressions culturelles.
Tout cet héritage est aujourd’hui en danger avec une vulnérabilité accrue pour
le patrimoine culturel dans ses composantes matérielles et immatérielles. En
effet, outre les biens du patrimoine mondial, les sites archéologiques sont
aujourd’hui sans surveillance, livrés à la destruction et au pillage. Les
incomparables manuscrits, somme des connaissances les plus avancées de leur
époque dans les domaines de la théologie, de la philosophie, de l’astronomie,
de la géographie, de l’histoire ou encore de la médecine sont aujourd’hui
menacés dans leur intégrité physique et risquent d’alimenter durablement les
réseaux criminels du trafic illicite des biens culturels.
Face à la gravité de cette situation, l’Union africaine, l’UNESCO, l’Ecole du
Patrimoine Africain, le CODESRIA, ainsi que de nombreuses organisations et des
intellectuels de renom ont lancé des appels pour attirer l’attention de tous
les décideurs et particulièrement celle des autorités maliennes et de tous les
pays africains sur la nécessité d’une action coordonnée pour venir au secours
du patrimoine en péril dans ce pays.
C’est dans ce contexte que les participants du séminaire de Dakar, ayant
mesuré la gravité de la situation au nord du Mali, demandent à la communauté
internationale, aux pays de la sous-région et à toutes les organisations