raient bien ne pas s’appliquer aux greffes périphériques. Fau-
dra-t-il reprendre toutes les études randomisées de la chimio-
thérapie contre l’allogreffe ?
Dans la greffe de donneur non apparenté, une étude a comparé
chez 108 patients la greffe de cellules périphériques (non mani-
pulées dans 45 cas, cellules CD34 seules dans 18 cas) à la
greffe de moelle (45 cas) (10). Une prise de greffe a été consta-
tée pour tous les greffons médullaires, contre 95 % des greffons
périphériques et 78 % (14/18) des greffons CD34 (p < 0,01).
Cette différence est à rapprocher du risque accru de non-prise
après greffe déplétée en cellules T. En revanche, la greffe de
cellules circulantes était associée à une récupération plus rapide
des neutrophiles et des plaquettes. L’incidence de la réaction
aiguë du greffon contre l’hôte ne diffère pas de façon significa-
tive entre les trois groupes, mais les effectifs sont faibles. Néan-
moins, il existait un avantage très significatif en faveur des
greffons CD34 en termes de maladie chronique du greffon
contre l’hôte : sa probabilité atteignait 85 % après greffe de
moelle, 59 % après greffe de cellules périphériques, 0 % après
greffe de cellules CD34+ (p < 0,01). Les taux de survie et de
survie sans rechute étaient similaires. La sécurité chez le don-
neur des mobilisations de cellules souches n’est pas encore
entièrement démontrée, faute d’un recul suffisant. L’absence
d’hospitalisation et d’anesthésie générale est un avantage indis-
cutable. Les douleurs osseuses sont généralement facilement
contrôlées et la thrombopénie n’est qu’exceptionnellement pro-
fonde. Cependant, une complication grave a été observée, sous
la forme d’une rupture spontanée de la rate, en rapport avec
l’hématopoïèse extramédullaire. Un cas d’accident vasculaire
cérébral et un cas d’infarctus du myocarde dans les suites du
don ont également été rapportés dans cette série, mais leur
imputabilité est incertaine. Ces risques non nuls ne devraient
pas empêcher la greffe de cellules périphériques, comme en
situation autologue, de prendre rapidement le pas sur la greffe
de moelle chez les donneurs non apparentés.
La modulation de la réaction du greffon contre l’hôte (RGCH),
complication majeure de l’allogreffe, fait l’objet d’actives
recherches, qui font appel à des manipulations immunolo-
giques sophistiquées. La déplétion T globale n’étant pas
dénuée d’inconvénients, l’équipe de Boston a cherché à susci-
ter une anergie T ciblée vis-à-vis des antigènes du receveur,
préservant le reste du répertoire T (12). Celle-ci peut être obte-
nue en bloquant l’interaction de la molécule costimulatrice B7
présente à la surface des cellules présentatrices de l’antigène
avec la molécule CD28 des cellules T. Pour ce faire, les lym-
phocytes de 12 receveurs de moelle osseuse haplo-identique, à
très haut risque de RGCH, ont été recueillis avant le condition-
nement, irradiés, et cocultivés in vitro avec la moelle osseuse
de leur donneur en présence d’un inhibiteur de la costimulation
B7/CD28 (le contre-récepteur B7 soluble CTLA-4-Ig, d’affi-
nité très forte pour B7). Cette moelle manipulée a été transfu-
sée au receveur dans les conditions habituelles. Les receveurs,
d’âge médian 10 ans, étaient traités dans 11 cas pour une
affection hématopoïétique maligne (leucémie ou lymphome) et
dans un cas pour une amégacaryocytose congénitale.
L’étude immunologique in vitro confirme l’existence d’une
anergie T spécifique des antigènes du receveur. Sur 11 patients
évaluables, trois ont développé une probable réaction aiguë du
greffon contre l’hôte, limitée au tube digestif, sévère (hémorra-
gique) dans un seul cas, soit une incidence faible compte tenu
de l’haplo-incompatibilité HLA. Fait important, les patients se
sont révélés capables de développer une réaction immunitaire
efficace vis-à-vis d’infections virales acquises ou réactivées.
Sur 8 patients considérés comme à haut risque compte tenu de
l’affection sous-jacente, deux sont vivants et en bon état géné-
ral. Trois des quatre patients à risque faible sont vivants, en
rémission complète, sans traitement immunosuppresseur et
sans RGCH chronique. C’est le cas notamment de l’enfant
greffé pour une amégacaryocytose congénitale. Ces résultats
prometteurs sont encore préliminaires. D’autres preuves de la
capacité de reconstitution immunitaire du greffon manipulé
doivent encore être apportées.
La manipulation immunologique peut aussi porter sur le rece-
veur lui-même : en diminuant l’intensité du conditionnement,
on préserve une partie de son immunité de façon à diminuer le
risque de RGCH. Ce concept de “mini-greffe” a été développé
par plusieurs équipes, notamment avec la fludarabine, mais
sans aboutir constamment à un chimérisme stable. Dans The
Lancet, ce sont encore les Bostoniens qui rapportent, grâce à
un conditionnement non myéloablatif en situation d’incompa-
tibilité HLA, la création d’un chimérisme hématopoïétique et
immunologique stable avec persistance d’un effet greffon
contre lymphome (13).
L’étude porte sur cinq patients atteints d’un lymphome non
hodgkinien évolué et chimiorésistant. Les donneurs étaient
haplo-identiques avec au moins un locus identique sur l’haplo-
type incompatible. Le conditionnement a comporté le cyclo-
phosphamide à la dose de 50 mg/kg/j de J6 à J3, une irradia-
tion thymique (0,7 Gy) à J1 (en l’absence d’irradiation
médiastinale antérieure) et du sérum antithymocytaire à des
doses légèrement variables d’un patient à l’autre, avec notam-
ment majoration des doses administrées après la greffe chez le
dernier des cinq patients. Le traitement immunosuppresseur
après greffe consistait en ciclosporine seule.
Une RGCH de grade II ou III s’est développée chez tous les
patients. Un sujet est décédé à J12 d’hémorragie pulmonaire,
un autre à J117 d’aspergillose pulmonaire, sans signes de pro-
gression. Un seul patient est décédé de progression du lym-
phome. Les deux autres sont en rémission complète ou quasi
complète, dont une rémission complète à J460 chez un patient
en progression tumorale mesurable après trois lignes de chi-
miothérapie et une irradiation. La prise de greffe est documen-
tée chez les quatre patients évaluables. L’établissement d’un
chimérisme est attesté par la présence dans le sang périphé-
rique de cellules du donneur, à raison de 41 à 96 % pour les
lymphocytes, 8 à 93 % pour les monocytes, 2 à 100 % pour les
granuleux. Bien que le nombre de patients soit très faible, cette
étude apporte la preuve d’un effet greffon contre lymphome
significatif malgré un conditionnement non myéloablatif du
receveur. L’impact de ce type de conditionnement sur l’inci-
dence et la sévérité des RGCH dans les greffes incompatibles
reste à établir.
HÉMATOLOGIE
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La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999