TUMEURS UROLOGIQUES
232
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
CANCERS DE VESSIE
Prévention
(1)
Plus de 50 % des cas de cancers de la vessie sont liés au tabac
et/ou à une exposition aux arylamines. Dans une large étude de
50 000 hommes, rapportée par Michaud et coll. (2), l’augmen-
tation des apports hydriques permet de diminuer de façon
importante le taux de cancers de la vessie. Ces résultats sont
logiques car l’augmentation de la diurèse permet de diminuer
l’exposition aux carcinogènes urinaires. Cela pourrait rendre
compte de certaines différences d’incidence dans des popula-
tions de sujets dont la consommation de tabac est identique.
Biologie fondamentale
Une équipe française (3) a récemment montré la très grande
fréquence de mutations du FGFR3 (Fibroblast Growth Factor
Receptor 3) dans les cancers de la vessie (mais aussi du col de
l’utérus). Le rôle du FGFR dans les cancers épithéliaux n’est
pas connu. C’est un régulateur négatif de la croissance
osseuse. Le variant FGFR3b, caractéristique des lignées épi-
théliales, est la seule forme exprimée dans les tissus épithé-
liaux bénins et malins. Il a été détecté dans 70 des 76 cancers
de la vessie étudiés (92 %). Une analyse par PCR-SSCP de la
région codante de FGFR3 a été réalisée sur 26 tumeurs. Les
séquences des bandes de migration anormales ont révélé des
mutations ponctuelles d’un nucléotide dans 9 cas (35 %). Plu-
sieurs publications avaient déjà montré que ces mutations
conduisent à des activations du récepteur. Ce travail est le pre-
mier mettant en évidence le rôle oncogénique de FGFR3 dans
des carcinomes. FGFR3 paraît être actuellement l’oncogène le
plus fréquemment muté dans les cancers de la vessie. Il pour-
rait dans l’avenir constituer une nouvelle cible thérapeutique.
Formes invasives localisées
Deux études de phase III très importantes ont confirmé
l’absence d’intérêt d’une chimiothérapie néoadjuvante par
CMV (4).
Shipley (5) a publié les résultats de l’essai RTOG 89-03 com-
parant une chimiothérapie néoadjuvante par 2 cycles de CMV
(bras 1 : 61 patients) avant une irradiation pelvienne (39,6 Gy)
associée à du cisplatine (100 mg/m2x 2 cycles à 21 jours
d’intervalle) au même traitement sans CMV (bras 2 :
62 patients). Les patients en rémission complète étaient traités
par un complément d’irradiation de 25,2 Gy (64,8 Gy au total)
et une dose supplémentaire de cisplatine. Les autres étaient
cystectomisés. Avec une médiane de 60 mois, la survie actua-
rielle à 5 ans est de 48 % dans le bras 1, de 49 % dans le
bras 2. Trente-cinq pour cent des patients ont présenté des
métastases à distance : 33 % dans le bras 1, 39 % dans le bras
2. La survie à 5 ans avec une vessie fonctionnelle est de 38 %
(36 % et 40 % respectivement pour les deux groupes). Aucune
de ces différences n’est statistiquement significative.
L’essai de l’EORTC/MRC (6) qui a randomisé 976 patients
porteurs d’une tumeur T2 G3, T3, T4, N0-NX, M0 traités soit
par 3 cycles néoadjuvants de CMV avec de l’acide folinique
avant cystectomie ou radiothérapie soit par le même traitement
locorégional sans chimiothérapie n’a pas montré l’améliora-
tion de 10 % en survie à 3 ans qui constituait l’objectif défini
pour pouvoir recommander ce traitement en routine. Avec une
médiane de suivi de 4 ans, la différence absolue entre les deux
groupes a été de 5 % (IC 95 % : 0,5-11, p = 0,075), 55 % pour
le traitement avec chimiothérapie versus 50 % pour le traite-
ment locorégional seul. La médiane de survie dans le bras chi-
miothérapie était de 44 mois versus 37,5 mois. Il faut noter
qu’après chimiothérapie, sur les pièces de cystectomies, il
n’était retrouvé aucune lésion tumorale résiduelle dans 32,5 %
cas (12 % dans l’autre groupe).
Traitement conservateur
Le statut de p53 pourrait aider à sélectionner les patients por-
teurs d’un cancer invasif pouvant bénéficier d’un traitement
conservateur. H.W. Herr et coll. (7) ont stratifié, en fonction
du statut de p53, 60 des 111 patients (54 %) présentant une
tumeur T2-T3 N0 M0 en rémission complète après une chi-
miothérapie néoadjuvante par MVAC. Les 19 patients avec
une tumeur T2 p53ont survécu (16 après chirurgie conserva-
trice, 3 après cystectomie) contre seulement 47 % des 19 T2
p53+, 67 % des 12 T3 p53et 60 % des 10 T3 p53+. La posi-
tivité de p53 était définie par la présence de plus de 20 % de
cellules marquées en immunohistochimie. Les auteurs suggè-
rent que les tumeurs T2 p53ayant répondu complètement à la
chimiothérapie néoadjuvante peuvent bénéficier d’un traite-
ment conservateur alors que les tumeurs T3 et T2 p53+doi-
vent être traitées par cystectomie.
Il semble intéressant de faire la même étude rétrospective sur
les patients traités par une association radio-chimiothérapie à
visée conservatrice.
* Institut Curie, Paris.
** CAC Montpellier.
Actualités 1999 dans les tumeurs urologiques
Ph. Beuzeboc*, S. Culine**
Patients N+
Le pronostic est très sombre. La majorité des équipes récusent
une chirurgie radicale. Certains patients peuvent-ils malgré
tout être curables par un curage ganglionnaire ? W.R. Fair et
coll. (8) ont repris rétrospectivement 193 patients consécutifs
traités entre 1980 et 1990 au Memorial Sloan-Kettering Cancer
Center (MSKCC) de New York, candidats à la cystectomie
dont l’atteinte ganglionnaire pelvienne a été découverte lors de
la chirurgie. Ils ont été traités par cystectomie et curage gan-
glionnaire. Divers traitements ont été associés : irradiation pré-
opératoire dans 119 cas, chimiothérapie à base de platine dans
78 cas, chimiothérapie sans cisplatine dans 32 cas. Trente-
deux patients n’ont eu qu’une chirurgie. Les analyses univariée
et multivariée ont identifié seulement deux paramètres prédic-
tifs de la survie : le stade pathologique pT (p = 0,0001) et
l’importance de l’atteinte ganglionnaire (p = 0,0006). La sur-
vie actuarielle de ces 193 patients est de 25 % à 5 ans et de
20,8 % à 10 ans. Pour les 44 patients dont la lésion primaire
était strictement intravésicale, respectivement 57,5 % et
54,2 % survivent à 5 et 10 ans versus 22,4 % et 18,6 % pour
les 149 > pT3a. Le pourcentage de survivants à 5 ans est de
44,2 % pour les 75 N1, de 26,6 % pour les 107 N2 et de 0 %
pour les 11 N3. La survie n’est pas différente entre les patients
traités par chimiothérapie néoadjuvante (n = 32) ou adjuvante
(n = 44) : les médianes sont respectivement de 1,62 an et
1,89 an (p = 0,99). La radiothérapie préopératoire n’a pas eu
d’impact sur la survie. Le curage ganglionnaire apparaît donc
curatif pour un pourcentage faible de patients qu’il convien-
drait de sélectionner pour évaluer dans des essais contrôlés
l’intérêt de nouvelles stratégies adjuvantes ou néoadjuvantes.
Phase métastatique
Bajorin et coll. (9) ont recherché des paramètres prédictifs de
survie dans une série de 203 patients. Deux facteurs ont une
signification pronostique indépendante : le performance status
(index de Karnofsky < 80) et la présence de métastases viscé-
rales (os, foie, poumons). La médiane de survie est respective-
ment, avec 0, 1 et 2 facteurs, de 33, 13,4 et 9,3 mois
(p=0,0001). Ces données devraient permettre de mieux analy-
ser les résultats des essais de phase II et de stratifier les
patients dans les essais de phase III afin d’éviter un déséqui-
libre des bras.
Au plan thérapeutique, la recherche s’oriente vers des proto-
coles pouvant se substituer au MVAC.
Un essai de phase II multicentrique canadien (10) a évalué
l’efficacité et la toxicité de l’association gemcitabine
(1 000 mg/m2J1, J8, J15) et cisplatine (70 mg/m2J2). Vingt-
huit patients sur 31 patients inclus étaient évaluables pour la
réponse. Le taux de réponse objective rapporté est de 57 %
(IC 95 % : 37-76 %) et de 52 % en intention de traiter. La
médiane de survie est de 13,2 mois. La toxicité principale est
hématologique avec 39 % de neutropénies de grade 3 (mais
seulement deux neutropénies fébriles), 55 % de thrombopénies
de grade 3. Tous les patients ont dû avoir une adaptation des
doses de gemcitabine à un moment quelconque de leur traite-
ment.
On attend pour l’année prochaine les résultats de l’essai de
phase III comparant l’association de gemcitabine et de cispla-
tine au MVAC.
Un essai danois (11) a étudié la combinaison de docétaxel
(75 mg/m2) et de cisplatine (75 mg/m2) tous les 21 jours. Sur
les 25 patients évaluables, 15 ont présenté une réponse objec-
tive (60 %, IC 95 % : 39-79 %). La médiane de survie globale
est de 13,6 mois. Les toxicités les plus importantes en dehors
des nausées et vomissements ont été également les neutropé-
nies de grades 3-4 constatées chez 56 % des patients (une seule
neutropénie fébrile) mais aussi, comme on pouvait le prévoir,
76 % de neuropathies périphériques de grades 1-2.
Sweeney et coll. (12) ont publié les résultats d’un essai de
phase II d’une combinaison d’ifosfamide (1 g/m2J1, J2, J3, J4)
et de paclitaxel (135 mg/m2en perfusion de 24 heures à J1)
reprise tous les 21 jours pour un maximum de 6 cycles. Vingt-
six patients ont été traités. Deux des treize patients préalable-
ment traités par chimiothérapie ont présenté une réponse com-
plète. Pour les treize autres en première ligne, il a été obtenu
trois réponses complètes et une réponse partielle. Les conclu-
sions sont difficiles à tirer d’un effectif si limité mais l’ifosfa-
mide ne semble pas augmenter les réponses obtenues avec le
paclitaxel seul.
Tumeurs urothéliales du haut appareil
Ces tumeurs ont une curabilité inférieure à celle des tumeurs
de vessie. Une étude rétrospective multicentrique européenne
(13) regroupant 138 patients a évalué les facteurs pronostiques
de ces tumeurs. Douze patients d’emblée métastatiques ont été
exclus de l’analyse statistique. Une chirurgie radicale a tou-
jours été réalisée excepté dans trois cas : 71 néphro-urétérecto-
mies, 20 néphro-urétérectomies avec curage ganglionnaire, 20
néphro-urétérectomies avec résection partielle de la vessie ou
résection transuréthrale, 10 néphrectomies et 5 urétérectomies.
Soixante-dix-sept tumeurs (61 %) étaient localisées au niveau
du bassinet, 27 (21 %) au niveau de l’uretère. Après chirurgie,
33 patients présentaient encore une maladie résiduelle. Une
radiothérapie postopératoire a été délivrée dans 45 cas (36 %).
Avec un suivi médian de 39 mois, 66 % des patients ont pré-
senté une rechute (27 locales, 7 locorégionales, 16 régionales
et 24 à distance). Celle-ci survient rapidement, avec une
médiane de 9 mois. Les survies à 5 et 10 ans sont respective-
ment de 29 % et 19 %. En analyse univariée, l’index de Kar-
nofsky, le stade pT, le statut ganglionnaire pN, la localisation
tumorale, le grade, la persistance de lésions tumorales après
chirurgie sont des facteurs influençant significativement le
pronostic. En analyse multivariée, le stade pT, l’existence
d’une tumeur résiduelle et la localisation urétérale sont des
facteurs indépendants.
CANCERS DU TESTICULE
Pronostic
Le pronostic du cancer du testicule s’est nettement amélioré au
cours des deux dernières décennies. Sur la base de 7 426 cas
233
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
diagnostiqués entre 1985 et 1989 dans 17 pays européens, le
taux de survie à 5 ans varie de 89 % (Finlande) à 93 %
(Espagne, Allemagne). En Europe de l’Est, les taux sont res-
pectivement de 48 % pour l’Estonie et de 84 % pour la Slové-
nie. Des périodes 1978-1980 à 1987-1989, la survie relative à
5 ans est passée de 79 % à 93 % (p < 0,05) dans une analyse de
12 084 cas fournis par 12 pays (14).
Biologie
Les tumeurs germinales représentent une énigme thérapeu-
tique. Pourquoi sont-elles aussi facilement curables ? Quelles
sont les bases biologiques fondamentales (15) expliquant cette
sensibilité extrême aux cytotoxiques ?
À la différence des autres tumeurs qui présentent divers degrés
d’aneuploïdie, les tumeurs germinales sont pratiquement tou-
jours hyperdiploïdes et fréquemment triploïdes ou tétraploïdes.
La ploïdie des CIS ressemble à celle de la tumeur adjacente
invasive, prouvant bien que ces altérations surviennent tôt dans
la tumorigenèse. Les analyses caryotypiques ont permis
d’identifier un marqueur chromosomique spécifique, l’iso-
chrome 12p, ou i (12p), rarement retrouvé dans d’autres types
tumoraux et présent dans 80 à 90 % des tumeurs germinales de
l’homme (plus inconstamment de la femme), quels que soient
l’histologie, le stade (il est présent également dans les CIS) et
le site métastatique. Des réarrangements cryptiques affectant le
chromosome 12 ont été rapportés dans les tumeurs n’ayant pas
i (12p). Le ou les gènes de cette région impliqués dans la
tumorigenèse des cellules germinales ne sont pas encore
connus.
Un allèle parental de Rb est perdu par perte d’hétérozygotie
dans 30 à 39 % des cancers du testicule. Les données des
études expérimentales suggèrent que Rb n’est pas muté dans
ces tumeurs. Une relative augmentation de la cycline D2 a été
retrouvée dans 15 des 19 lignées de tumeurs germinales testi-
culaires testées par Heimdal (Genes Chromosomes Cancer
1993 ; 6 : 92-7). Le gène de la cycline D2 étant situé juste en
dehors de la région cruciale surreprésentée dans les tumeurs
sans i (12p), il ne semble pas pouvoir être le gène responsable
de la tumorigenèse de toutes les tumeurs germinales.
Pourquoi ces tumeurs sont-elles si sensibles à la chimiothéra-
pie et à la radiothérapie (pour les séminomes) ?
La forte expression de la protéine pro-apoptotique BAX et les
faibles niveaux de la protéine antiapoptotique Bcl-2 suggèrent
que ces tumeurs privilégient la voie de l’apoptose en cas de
lésion de l’ADN. Les cellules germinales malignes ont, par
ailleurs, des niveaux élevés de p53 sauvage, ce qui doit jouer
un rôle également pour favoriser la réponse apoptotique.
Albanell et coll. (16) se sont intéressés à l’étude de l’activité
de la télomérase dans les tumeurs germinales malignes et dans
les tératomes matures. En utilisant une technique appelée
TRAP (Telomeric Repeat Amplification Protocol), l’activité
télomérase a été étudiée dans 4 prélèvements de tissu testicu-
laire bénin, dans 27 cas de tumeurs germinales du testicule et
dans 7 cas de tératomes matures. La longueur des télomères
était mesurée par restriction-digestion de l’ADN génomique et
hybridation en Southern-Blot. L’activité télomérase a été
détectée dans tous les cancers et tissus normaux, mais dans
aucun des tératomes matures (p < 0,0001).
La répression de l’activité de la télomérase dans les tératomes
matures doit contribuer à leur capacité de prolifération limitée.
Tumeurs germinales non séminomateuses (TGNS) à bon
pronostic
S. Culine (17) a donné les résultats préliminaires de l’essai de
la Fédération des centres anticancéreux comparant 3 cycles de
BEP à 4 cycles d’EP. Deux cent soixante-dix patients ont été
inclus, 224 sont actuellement évaluables. La survie sans réci-
dive est identique (95,3 % versus 95,6 %). Les toxicités immé-
diates ne sont guère différentes en dehors des syndromes de
Raynaud avec la bléomycine. L’étude de phase III de
l’EORTC-MRC aussi rapportée cette année à l’ASCO
(abstr. 1187) comparant 3 BEP à 3 BEP/1 EP chez
812 patients a également montré une stricte équivalence des
résultats tant en réponses complètes qu’en survie sans récidive.
TGNS à mauvais pronostic
Dans les formes à mauvais pronostic, une enquête conjointe de
l’EORTC et du MRC (18), réalisée à partir des données d’un
essai ayant inclus 380 patients avec une TGNS, traités dans 49
institutions, comparant 4 cycles de BEP suivis de 2 cycles
d’EP à 3 cycles d’une combinaison de bléomycine, vincristine,
cisplatine suivie de 3 cycles de VIP, les 2 traitements étant
associés ou non avec du GM-CSF, a montré que les patients
traités dans les 23 centres ayant inclus moins de 5 patients ont
une survie significativement inférieure (p = 0,01).
Il apparaît donc important que ces patients soient traités dans
des centres spécialisés afin de leur garantir le maximum de
chances de curabilité.
Persistance de cellules viables après chimiothérapie pre-
mière dans les tumeurs germinales non séminomateuses
métastatiques
Doit-on poursuivre la chimiothérapie ? Avec le même proto-
cole ? K. Fizazi (19) a tenté de répondre à ces questions en
rapportant les données d’une très importante étude rétrospec-
tive internationale (9 pays participants) sur le devenir de
231 patients dans cette situation. Le but de cette étude était
d’analyser la survie, les facteurs pronostiques et l’impact de la
chimiothérapie postopératoire. La survie globale à 5 ans est de
60 %. Trois facteurs pronostiques ont été retrouvés en analyse
multivariée : le caractère complet de la résection (p < 0,001),
une proportion de cellules viables > 10 % (p = 0,001), l’appar-
tenance initiale avant de débuter la chimiothérapie aux groupes
de mauvais pronostic ou de pronostic intermédiaire de
l’IGCCGG (p = 0,01). La chimiothérapie postopératoire
apporte un bénéfice en survie sans récidive (p = 0,0001) mais
pas en survie globale. Les messages clairs que l’on peut tirer
de cette étude peuvent être résumés en deux points : la néces-
sité d’une chirurgie d’exérèse complète et l’absence d’intérêt
d’une chimiothérapie adjuvante pour les tumeurs à bon pro-
nostic de l’IGCCGG, la curabilité étant de 100 % sans traite-
ment complémentaire. Que faut-il faire dans les autres cas ?
Dans le groupe intermédiaire, le plus logique actuellement
TUMEURS UROLOGIQUES
234
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
semble de compléter le traitement par deux cycles du protocole
d’induction qui pourrait apporter un gain d’environ 15 % en
survie. En effet, il n’a pas été retrouvé d’avantage à une chi-
miothérapie de rattrapage dans cette étude.
Les formes graves mériteraient la mise en place d’un essai
international prospectif pour mieux définir la place d’une chi-
rurgie intensive, de nouvelles drogues ou combinaisons cyto-
toxiques.
Complications tardives
Elles sont marquées par le risque leucémogène. Deux nou-
velles contributions majeures à l’étude des leucémies secon-
daires après radiothérapie et chimiothérapie des cancers du tes-
ticule sont disponibles. L. Travis (20) a présenté à l’ASCO une
vaste étude sur 18 567 patients traités entre janvier 1970 et
décembre 1993 en Amérique du Nord et en Europe. Le risque
apparaît faible avec 36 cas recensés. La latence moyenne de
survenue de la leucémie est de 6,8 ans (25 % après 10 ans).
L’âge moyen au moment du diagnostic est de 46 ans. Le risque
augmente avec les doses de radiothérapie délivrées à la moelle.
Les doses cumulatives de cisplatine augmentent aussi le risque
(p=0,001), mais les doses totales d’étoposide ne semblent pas
impliquées.
C. Bokemeyer et coll. (21) ont publié les résultats d’une étude
multicentrique allemande dans une population traitée par éto-
poside à fortes doses (> 2 g/m2). Sur un total de 302 patients
traités avec une dose cumulative d’étoposide de 5 g/m2(2,4 à
14 g/m2), 4 cas de leucémie ont été retrouvés, soit une inci-
dence cumulative de 1,3 % (IC 95 % : 0,38 % à 3,59 %) avec
un suivi moyen de 52 mois.
Même avec des doses d’étoposide importantes, les chimiothé-
rapies des cancers du testicule sont associées à une incidence
faible et acceptable de leucémies secondaires.
Traitement des métastases cérébrales
S. Fossa (22) a compilé une vaste expérience multi-institution-
nelle sur le traitement des métastases cérébrales. Deux groupes
ont été distingués : un groupe (I) constitué de 56 patients pré-
sentant des métastases au moment du diagnostic, un deuxième
(II) comprenant 83 patients avec des métastases détectées
après chimiothérapie par cisplatine (avec une médiane de sur-
venue de 9 mois). Tous les patients du groupe I ont reçu une
chimiothérapie conventionnelle basée sur du cisplatine asso-
ciée à une irradiation cérébrale (36 patients) et/ou une neuro-
chirurgie (10 patients). Dans le groupe I, 59 patients ont été
traités par radiothérapie, 25 par une intervention neurochirur-
gicale, 35 par chimiothérapie. La survie spécifique à 5 ans
dans le groupe I est de 45 % (IC 95 % : 31-59 %). Un traite-
ment neurochirurgical et l’absence de métastases viscérales
extrapulmonaires sont des facteurs indépendants de bon pro-
nostic mais non la radiothérapie cérébrale. Dans le groupe II,
la survie spécifique à 5 ans n’est que de 12 % (IC 95 % : 4-
20 %) mais de 39 % quand la rechute est uniquement céré-
brale. La radiothérapie (mais pas la chimiothérapie) représente
un facteur prédictif indépendant de bon pronostic et le traite-
ment essentiel des métastases cérébrales survenant après une
chimiothérapie d’induction.
Nouvelles drogues
Compte tenu de la rareté et du bon pronostic des cancers du
testicule, il existe peu de possibilités de tester l’activité de nou-
velles drogues. Le paclitaxel et l’oxaliplatine sont en cours
d’évaluation. Deux publications ont concerné cette année des
études de phase II avec la gemcitabine.
La première, rapportée par Bokemeyer (23), a inclus
35 patients, 31 évaluables porteurs d’une tumeur germinale
non séminomateuse (8 extragonadiques). Vingt (63 %) présen-
taient des métastases pulmonaires, 12 (39 %) des métastases
hépatiques. Le nombre médian de cycles reçus comprenant du
cisplatine était de 7. Vingt-deux (71 %) avaient reçu une chi-
miothérapie à fortes doses avec autogreffe, 19 (61 %) un traite-
ment comprenant du paclitaxel. Dix-sept patients (54 %)
étaient considérés comme réfractaires au platine. Six sur 31
(19 %) ont présenté une réponse objective. Le temps médian
jusqu’à progression a été de 4 mois (2-9 mois).
La deuxième, rapportée par Einhorn (24), dans les formes
réfractaires a inclus 21 patients. Le schéma utilisé était clas-
sique (1 200 mg/m2J1, J8, J15 tous les 28 jours). Treize
patients sur 20 avaient reçu 3 lignes de chimiothérapie,
13 étaient réellement réfractaires (progression dans les 4
semaines de traitement par cisplatine). Trois sur 20 (15 %) ont
une réponse objective, dont une réponse complète.
CANCERS DU REIN
Pronostic
Le pronostic s’est également amélioré en Europe, comme l’a
montré l’étude EUROCARE II (25), projet collaboratif basé
sur 45 registres de cancers appartenant à 17 pays différents.
Durant la période 1985-1989, plus de 24 000 cas ont été rele-
vés. La survie relative à 5 ans a été de 48 %, avec de larges
variations en fonction des pays : 57 % en France (le meilleur
résultat), 53 % en Italie, 51 % en Espagne, 50 % en Alle-
magne, Suisse et Hollande, 48 % en Suède et Finlande, 39 %
en Angleterre, 35 % au Danemark. Elles s’expliquent vraisem-
blablement par des différences de stades au moment du dia-
gnostic.
Entre les périodes 1978-80 et 1987-89, cette survie a progressé
de 44 % à 50 %. Elle diminue avec l’âge, passant de 63 %
pour les 15-44 ans à 53 % pour les 55-64 ans et 37 % pour les
65-74 ans.
Biologie
Quelles sont les anomalies génétiques associées avec les diffé-
rents sous-types de tumeurs rénales ? Quels apports diagnos-
tiques et thérapeutiques ?
Zambrano et coll. (26) ont publié une synthèse exhaustive sur
le sujet. L’étude des formes sporadiques et familiales (estimées
à 4 %) suggère que les anomalies des gènes VHL (Von Hippel-
Lindau) et met constituent les événements les plus précoces
respectivement des cancers à cellules claires et des cancers
papillaires. Les oncocytomes, qui sont des tumeurs bénignes,
ont les mêmes anomalies génétiques, suggérant une origine
commune.
235
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
Dans la maladie de Von Hippel-Lindau, 40 à 45% des sujets
vont développer un cancer du rein à cellules claires, lié à une
mutation germinale du gène VHL (chromosome 3p25), qui est
un gène suppresseur de tumeur. Cette tumeur survient égale-
ment chez 50 % des patients présentant une translocation
t(3;8) (p14;q24), t (3;6) ou t (2;3). Toutes ces anomalies
concernent le chromosome 3. La perte d’hétérozygotie sur le
chromosome 3p est une constante des formes sporadiques quel
que soit le stade, survenant dans 81 à 98 % des tumeurs. Les
autres événements sont plus tardifs : duplication du segment
5q22-qter, trisomie du chromosome 5q, mutation de p53, perte
d’hétérozygotie du chromosome 17q.
Le cancer papillaire familial est une maladie génétique à trans-
mission autosomique dominante de pénétrance réduite par rap-
port à la maladie de Von Hippel-Lindau. Le gène impliqué est
un proto-oncogène appelé met localisé en position 7q31.1-34.
Les formes familiales d’oncocytomes constituent une entité
très récente (27). Elles n’ont pas de mutations de VHL.
Dans les cancers des canaux de Bellini, caractérisés par leur
extrême agressivité, aucune anomalie génétique spécifique n’a
été décrite.
Les cancers chromophobes présentent en cytogénétique de
multiples délétions chromosomiques. Des monosomies 1, 2, 6,
10, 13 et 17 ont été décrites. Des mutations de p53 ont été
identifiées dans 30 % de ces tumeurs.
L’identification des gènes impliqués et l’étude de leur rôle sont
importantes car elles permettent de comprendre les voies
moléculaires de la tumorigenèse et de l’invasion tumorale
(l’inactivation de VHL, par exemple, conduit à une augmenta-
tion des taux de VEGF produit par les cellules malignes),
d’établir un diagnostic génétique et d’identifier des cibles thé-
rapeutiques.
Facteurs de risque chez les patients dialysés
Chez les patients dialysés, le risque de cancer du rein ou de la
vessie (mais aussi de la thyroïde et autres glandes endocrines)
ainsi que de cancer viro-induit (comme chez les transplantés)
est augmenté, comme l’a montré une étude internationale
(données fournies par des équipes américaines, européennes,
australiennnes et néo-zélandaises) d’une cohorte de
831 804 patients dialysés pendant la période 1980-94 (28).
Durant un suivi moyen de 2,5 ans, 25 044 cas de cancers (3 %)
ont été enregistrés au lieu des 21 185 attendus. Le risque le
plus élevé concerne les sujets âgés de moins de 35 ans (RR :
3,68). Pour les cancers du rein et de la vessie, les risques sont
multipliés respectivement par 3,60 (IC 95 % : 3,45-3,76) et 1,5
(IC 95 % : 1,42-1,57).
Néphrectomie partielle
C’est un traitement parfaitement validé pour des tumeurs
sélectionnées T1 selon la nouvelle classification TNM de
l’AJCC (American Joint Comittee of Cancer). Les lésions de
moins de 7 cm (idéalement de moins de 4 cm) avec un rein
controlatéral normal peuvent légitimement en bénéficier,
comme le prouve l’étude rétrospective de l’UCLA (University
of California-Los Angeles) sur 146 patients appariés avec un
groupe contrôle de 125 patients traités par néphrectomie (29).
Facteurs pronostiques du cancer du rein métastatique
Afin d’identifier les facteurs pronostiques et un modèle prédic-
tif de la survie des patients présentant un cancer du rein méta-
statique, Motzer et coll. ont repris 670 cas traités au MSKCC
dans 24 essais thérapeutiques entre 1975 et 1996 (30). La
médiane de survie était de 10 mois (IC 95 % : 9-11 mois).
Cinq facteurs pronostiques ont été identifiés (un statut de per-
formance faible, un taux de LDH > 1,5 la normale, un taux
d’hémoglobine bas, une calcémie > 100 mg/l et l’absence de
néphrectomie antérieure), permettant de classer les patients en
trois catégories. Les médianes de survie ont été respective-
ment, pour les 25 % de patients sans aucun facteur de risque,
de 20 mois, pour les 53 % avec 1 ou 2 facteurs, de 10 mois,
pour les autres, de 4 mois.
Métastases cérébrales
En cas de métastases cérébrales, la survie est classiquement de
4 à 6 mois. Une étude rétrospective de 68 patients traités à
l’Institut Gustave-Roussy (31) a mis en évidence en analyse
univariée 5 facteurs pronostiques péjoratifs : l’absence de
néphrectomie, la localisation temporale et gauche des lésions,
la présence de fièvre ou une perte de poids, une VS > 50 et un
intervalle entre le diagnostic du cancer primitif et les méta-
stases cérébrales < 18 mois. Les 44 patients (65 %) présentant
un ou deux de ces critères ont eu une médiane de survie de
8mois et une survie à un an de 26 %, les 24 autres une
médiane de survie de 3 mois et une survie à un an de 9 %.
Immunothérapie dans les formes métastatiques
Dans les formes métastatiques, trois messages clairs peuvent
être tirés des données de la littérature de 1999 à propos de
l’immunothérapie : la démonstration prouvée d’un gain en sur-
vie avec l’interféron α(IFN), l’absence d’intérêt des TIL asso-
ciés à l’interleukine 2 (IL2) et d’un cross-over entre deux cyto-
kines après échec d’une première ligne d’immunothérapie.
L’étude finlandaise (32) comparant une combinaison d’interfé-
ron α2a (18 000 000 UI x 3/semaine) et vinblastine (0,1
mg/kg/21 jours) à de la vinblastine seule a montré un bénéfice
significatif en termes de réponse (16,5 % versus 2,5 %,
p=0,0025) et surtout, pour la première fois, en termes de sur-
vie (67,6 semaines versus 37,8 semaines, p = 0,0049) dans le
bras avec interféron.
Figlin (33), dans un essai contrôlé multicentrique américain
ayant inclus 178 patients randomisés entre CD8 + TILs
(5 x 107à 3 x 1010 cellules i.v. J1) plus IL2 recombinante (1 à
4cycles en perfusion continue 4 jours par semaine x
4semaines) et placebo i.v. plus IL2, n’a pas retrouvé d’amélio-
ration de la réponse (9,9 % versus 11,4 %) ou de la survie à un
an (55 % versus 47 %).
En cas de progression sous une immunothérapie par IFNα2a
ou IL2, y a-t-il intérêt à faire un cross-over entre les deux cyto-
kines ? La réponse fournie par B. Escudier (34) à partir de
l’essai CRECY est formellement non. Cent treize patients dans
cette situation ont été analysés, 48 traités par IFN, 65 par IL2.
Seulement 4 réponses partielles ont été observées (1 avec
l’IFN, 3 avec l’IL2).
TUMEURS UROLOGIQUES
236
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!