Hypogonadisme et dysfonction érectile

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Mise au point
Hypogonadisme et dysfonction érectile
J.M. Kuhn*
✎ Un hypogonadisme peut être
responsable à lui seul d’une dysfonction érectile s’il s’avère suffisamment profond (testostéronémie
< 2 ng/ml).
✎ Un hypogonadisme modéré peut
participer à la physiopathologie
d’une dysfonction érectile, en particulier chez l’homme âgé.
✎ Dans la démarche étiologique
d’une dysfonction érectile, la
recherche de signes cliniques d’hypogonadisme doit être faite au même
titre que le recueil de signes d’atteinte neurologique ou vasculaire et
l’évaluation de la composante psychologique.
raisemblablement par analogie avec
V
l’aménorrhée, symptôme majeur des
déficits ovariens, la dysfonction érectile
(terme nosologiquement plus précis et psychologiquement plus acceptable par le
patient qu’impuissance) est spontanément
et intuitivement considérée comme un
signe d’hypogonadisme. En fait, la difficulté ou l’impossibilité du maintien ou de la
mise en route d’une érection n’est qu’un
symptôme susceptible de s’inscrire dans le
cadre d’un hypogonadisme mais relevant le
✎ L’affirmation d’un hypogonadisme
repose sur la mesure combinée des
taux de testostérone plasmatique totale (ou de testostérone biodisponible),
de LH et, si besoin, de Testosteroneestradiol Binding Globulin.
✎ Ces mesures ne sont à entreprendre chez l‘homme de moins de
50 ans que s’il existe des signes
objectifs d’hypogonadisme alors
qu’elles se justifient après cet âge
même en présence d’une dysfonction érectile isolée.
✎ L’androgénothérapie substitutive
n’est pas indiquée lorsqu’une cause
curable d’hypogonadisme est mise
en évidence.
plus souvent d’autres étiologies, souvent
intriquées. En effet, un hypogonadisme
biologique n’est retrouvé, en moyenne, que
chez moins de 10 % des hommes consultant pour ce symptôme (1, 2). Il n’en
demeure pas moins que la recherche d’un
hypogonadisme doit être l’un des temps de
l’enquête étiologique d’une dysfonction
érectile et que celle-ci doit être systématiquement recherchée chez des patients souffrant d’hypogonadisme quelle qu’en soit la
cause. En effet, un hypogonadisme peut
✎ En l’absence de traitement étiologique, une substitution par androgènes
doit être mise en route dans le respect
de ses contre-indications (en particulier prostatiques et hypophysaires).
✎ La mise en route d’une androgénothérapie ne se justifie pas chez un
patient souffrant de dysfonction érectile non sous-tendue par un hypogonadisme ou dont la responsabilité
peut être attribuée à des médications
à activité antiandrogénique.
✎ L’induction médicamenteuse d’un
hypogonadisme peut s’avérer nécessaire lorsque l’objectif est d’obtenir
un contrôle de pulsions sexuelles
pathologiques.
expliquer à lui seul le symptôme ou s’insérer dans un mécanisme physiopathologique
composite impliquant des facteurs neurologiques, vasculaires, médicamenteux et psychologiques. La quête du facteur causal de
la dysfonction érectile permettra de préciser le caractère fonctionnel, susceptible de
réversibilité spontanée, ou au contraire
organique du trouble, susceptible de bénéficier d’un traitement symptomatique à
défaut d’une thérapeutique spécifiquement
étiologique.
* Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, hôpital Le Bois-Guillaume, CHU de Rouen.
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Les centres cérébraux du comportement
sexuel des mammifères impliquent avant
tout l’hypothalamus et, plus spécifiquement, le circuit de Papez et l’aire préoptique. Les neurones de ces centres sont sensibles à l’action des stéroïdes sexuels pour
lesquels ils expriment des récepteurs. La
stimulation électrique de ces noyaux neuronaux accroît l’activité sexuelle alors que
leur destruction l’abolit (3). La modulation
par les stéroïdes sexuels de l’activité neurosécrétoire de ces centres est transmise
par des circuits neuronaux hautement complexes mettant en jeu nombre de neurotransmetteurs parmi lesquels la dopamine
(notamment par le biais de l’activation de
récepteurs D1 et D2) et de nombreux peptides (peptides opioïdes endogènes, neuropeptide Y, etc.) (4). La testostérone, susceptible d’être transformée localement en
17 β-estradiol par une aromatase ou en
dihydrotestostérone par une 5-α-réductase,
stimule l’activité des centres impliqués
dans l’émergence du désir d’activité
sexuelle. À l’inverse, la carence androgénique mettra l’activité de ces centres au
repos avec sa double conséquence de
désintérêt pour toute activité sexuelle et de
dysfonction érectile (4-7). Cependant,
l’imprégnation androgénique ne représente
pas la seule voie d’initiation de l’érection.
En effet, lorsque le stimulus utilisé
emprunte des voies androgéno-indépendantes, l’érection et l’activité sexuelle sont
possibles. Cinquante pour cent des
hommes traités par analogues de la GnRH
pour carcinome de la prostate métastasé
conservent un certain degré d’activité
sexuelle alors même que la sécrétion endocrine testiculaire est totalement bloquée
(8). Chez des hommes atteints d’un hypogonadisme profond non substitué, la stimulation visuelle par des films à caractère érotique induit des érections plus amples et
plus prolongées que chez les témoins (9).
Ces résultats contrastent avec la réduction
du nombre et de l’amplitude des érections spontanées nocturnes chez
l’homme hypogonadique
non substitué alors que
celles-ci sont parfaitement
restaurées après supplémentation androgénique
(10). Ainsi, les érections
spontanées nocturnes sont
clairement androgénodépendantes alors que
les érections psychogènes
(notamment par l’emprunt
des voies visuelles) ne le
sont que partiellement.
TESTOSTÉRONE
+
R
Neurone pelvien
+
L-arg
NO-synthase
Aspects physiologiques
+
NO
Les points d’impact de la
+
testostérone sur les phénoGuanylyl-cyclase
mènes impliqués dans
Corps caverneux
l’activité sexuelle masculine ne se limitent pas à
GTP
cGMP
l’action sur le cortex.
+
En effet, certains motoRelaxation
neurones spinaux disposent du système de réception aux androgènes (11). Figure 1. Androgéno-dépendance de la vasodilatation des corps caverneux
La testostérone stimule induite par la libération neuronale pelvienne d’oxyde nitrique (NO).
l’activité enzymatique des R = récepteur des androgènes ; L-arg = L-arginine (précurseur du NO).
neurones du système autonome moteur (12).
plémentation en androgènes la restaure
La trophicité pénienne est également andro(13, 14). Les androgènes stimulent l’exgéno-dépendante. Pendant la vie embryonpression du gène codant pour la NO-synnaire, la dihydrotestostérone formée localethase au sein des neurones des ganglions
ment est responsable de la différenciation
pelviens du rongeur (15). Si l’activation de
pénienne. À la période pubertaire, ce même
la voie de la NO-synthase, aboutissant in
stéroïde en permet le développement optifine à la production de GMP-cyclique myomal, phénomène maintenu par les androrelaxant est dominante, elle n’est cepengènes à l’âge adulte.
dant pas exclusive (16).
Les androgènes interviennent également
Ainsi, la dysfonction érectile, satellite de
dans les phénomènes vasculaires qui sont à
l’hypogonadisme masculin, relèvera de la
l’origine de l’érection. Succinctement, les
sommation des mécanismes précédemment
contingents de neurones honteux activés
envisagés : réduction de l’intérêt sexuel, disinduisent une augmentation du débit artéparition des érections nocturnes ou matiriel local par production d’oxyde nitrique
nales, altération moins profonde des érec(NO). Ces neurones contiennent en effet
tions psychogènes dont la qualité sera
une NO-synthase dont l’activité est androcependant réduite par disparition des effets
géno-dépendante (figure 1). La carence
trophiques et vasodilatateurs des androgènes
androgénique réduit cette activité. La sup-
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Estrogènes
Progestatifs
Glucocorticoïdes
Spironolactones
Cyprotérone acétate
Flutamide
Nilutamide
Cimétidine
OP
–
Démarche
diagnostique
La recherche d’un lien
entre carence androgénique et dysfonction
LIBIDO
HYPOTHALAMUS
érectile s’inscrira schéPRL
+
Estrogènes
+
matiquement dans quatre
Psychotropes
situations différentes :
HYPOPHYSE
– le patient consulte pour
dysfonction érectile et
GnRH analogues
prend des médications
LH
susceptibles d’en être reshCG
Spironolactones
ponsables, notamment
Estrogènes
par le biais d’une action
Kétoconazole
Aminoglutéthimide
satellite sur l’équilibre
T-TeBG
androgénique ;
TESTICULE
– le patient se plaint de
Progestérone
Finastéride
dysfonction érectile et ne
Estrogènes
prend pas de médications
Hormones thyroïdiennes
DHT
Anti-épileptiques
jouant un rôle dans la
Op'DDD
genèse du symptôme ; la
quête d’un hypogonadisFigure 2. Point d’impact des principales médications susceptibles d’inter- me doit faire partie de la
démarche étiologique ;
agir avec l’équilibre androgénique physiologique.
– le patient souffre d’un
+ = effet stimulant ; – = effet inhibiteur.
hypogonadisme connu, la
sur le pénis.
recherche d’une dysfonction érectile doit
La carence androgénique ne se traduira en
faire partie de l’évaluation préthérapeusymptômes cliniques qu’au-dessous d’un
tique et du suivi ;
certain seuil que plusieurs études ont cher– l’objectif de la thérapeutique est d’induire
ché à préciser. Dans l’ensemble, il apparaît
une dysfonction érectile, sa recherche fera
qu’un taux de testostérone plasmatique total
donc partie de l’évaluation de l’efficacité
inférieur à 2 ng/ml (7 nmol/l) est un seuil
thérapeutique.
au-dessous duquel l’ensemble de la foncCompte tenu des effets centraux des androtion sexuelle est altérée (17). Bagatell et al.
gènes, le médecin doit s’enquérir, à l’exa(18) ont montré que la substitution androgémen clinique, de l’existence ou non d’une
nique à ce niveau, chez des hommes norbaisse de la libido. Il s’agit en effet d’un
maux préalablement traités par agonistes de
symptôme prédominant, quoique non spéla GnRH, suffisait à maintenir libido et acticifique, d’un hypogonadisme profond. Elle
vité sexuelle normale. Si une carence andropeut néanmoins être absente lorsque l’hygénique profonde (<2 ng/ml) peut expliquer
pogonadisme est d’intensité modérée ou au
à elle seule le trouble observé, un déficit
contraire être présente lorsqu’il n’y a pas
androgénique plus discret (entre 2 et
d’hypogonadisme et n’être alors qu’une
3,5 ng/ml, soit 7 à 12 nmol/l) peut intervenir
conséquence de la dysfonction érectile.
dans la dysfonction érectile mais incite à
L’interrogatoire devra détailler les prises
rechercher l’association d’autres mécanismes
médicamenteuses. Parmi les nombreuses
physiopathologiques sous-jacents.
+
GnRH
–
médications susceptibles d’altérer la qualité de l’érection, certaines agissent plus spécifiquement par le biais d’un hypogonadisme fonctionnel. Ces médications sont susceptibles d’agir à tous les étages androgéno-dépendants (figure 2). Ainsi, les effets
secondaires des traitements par analogues
de la GnRH ou des thérapeutiques psychotropes s’exerceront au niveau central. À
l’inverse, des médications anti-androgéniques bloquant de façon compétitive la
liaison des androgènes sur le récepteur agiront en des sites aussi variés que l’hypothalamus ou les cibles périphériques des
androgènes (19).
Le troisième temps de l’examen clinique
sera la recherche de signes objectifs d’hypogonadisme. Bien qu’inconstants, il faut
les rechercher dans quatre registres :
– psychologique : asthénie, troubles des
fonctions cognitives, tendance dépressive,
défaut de concentration, etc. ;
– physique : asthénie, gynécomastie, adiposité, régression de la pilosité sexuelle,
diminution de la masse musculaire ;
– vasomoteur : similaire à ceux observés
au cours de la ménopause ;
– sexuel, enfin.
L’affirmation de la présence d’un hypogonadisme masculin repose sur les dosages
hormonaux. Ceux-ci incluent peu ou prou
les paramètres suivants : testostéronémie
totale, Testosterone-estradiol Binding
Globulin (TeBG), testostérone biodisponible, LH plasmatique.
Avant 50 ans, ces mesures ne se justifient
qu’en présence de stigmates cliniques
d’hypogonadisme et/ou d’une chute de la
libido.
Après 50 ans, la fréquence de l’hypogonadisme s’accroissant avec l’âge, la mesure
de ces paramètres hormonaux est légitime
chez un patient se plaignant de dysfonction
érectile qu’il existe ou non des signes associés évocateurs (2).
Un abaissement de la concentration plasmatique de testostérone totale inférieur à
2 ng/ml confirmé sur un deuxième prélève-
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ment suffira à établir le diagnostic d’hypogonadisme à condition d’avoir écarté les fausses
hypotestostéronémies par confrontation aux
chiffres de TeBG ou de LH. En effet, une
réduction de la concentration de TeBG a pour
conséquence une baisse de la testostérone
totale sans chute concomitante de sa fraction
libre (à peu près 2 %) considérée comme la
seule physiologiquement active. Un tableau
de ce type peut être observé chez l’obèse.
À l’inverse, une inflation du taux de TeBG
est susceptible de masquer une réduction de
la fraction libre du stéroïde, voire même
d’induire une hypertestostéronémie paradoxale compte tenu du motif de la consultation (20). Dans ces circonstances, le rapport testostéronémie totale-TeBG (chaque
paramètre étant exprimé en nmol/l) fournira une approximation indirecte de la fraction physiologiquement active de la testostérone (N > 0,6). Elle doit être, en cas de
doute, utilement remplacée par la mesure
directe de la testostérone biodisponible
(21, 22). Enfin, la détermination concomitante de la concentration plasmatique de
LH (23) permettra d’apporter deux informations supplémentaires.
Son élévation au-dessus des limites normales de l’homme adulte (N 10 U/ml)
confirme l’hypogonadisme, même en présence d’une testostéronémie totale normale.
Il faut néanmoins avoir présent à l’esprit,
pour l’interprétation de cette dernière
valeur, que la sécrétion gonadotrope se
modifie avec l’âge et que ce symptôme biologique peut être absent après 65 ans alors
même qu’il existe un authentique hypogonadisme primaire (24).
L’inflation de la concentration plasmatique
de LH traduit le déficit du rétrocontrôle
négatif exercé par les stéroïdes sexuels sur
la sécrétion gonadotrope. Ce constat
permettra de préciser le caractère primaire
de l’hypogonadisme. Si la concentration
plasmatique de LH est inférieure à
10 mU/ml, son association à une réduction
de la testostéronémie totale, qu’il faudra
interpréter avec les précautions mentionnées
précédemment, authentifie le caractère
secondaire de l’hypogonadisme à un déficit
gonadotrope. Celui-ci peut expliquer en
totalité la symptomatologie clinique et biologique ou au contraire s’associer au déficit
testiculaire primaire, notamment chez
l’homme âgé de plus de 65 ans (25).
En résumé, les déterminations biologiques
les plus pertinentes pour affirmer l’existence d’un hypogonadisme chez un patient
consultant pour dysfonction érectile sont
au nombre de trois : testostérone, TeBG et
LH. Avant 50 ans, ces trois mesures, effectuées chez un patient se plaignant de symptômes ou présentant des signes d’hypogonadisme, suffiront à établir ce diagnostic.
Après 50 ans, l’existence d’une dysfonction érectile doit suffire à faire effectuer ces
mesures éventuellement complétées par la
détermination de la testostérone biodisponible compte tenu des modifications hormonales liées à l’âge (modifications de la
sécrétion gonadotrope, inflation du taux de
TeBG). La mise en évidence d’un hypogonadisme hypogonadotrope devra conduire
à une dernière étape comportant la mesure
de la saturation à la sidérophiline, de la
prolactinémie et de la recherche d’autres
stigmates d’insuffisance antéhypophysaire
et bien entendu à une étape de visualisation
pituitaire.
Attitude pratique (figure 3)
L’hypogonadisme affirmé et la précision de
son origine établie, se pose la question de
l’attitude pratique à adopter.
1. Lorsque la dysfonction érectile est soustendue par un hypogonadisme, trois situations sont schématiquement possibles :
– la cause de l’hypogonadisme est accessible à un traitement spécifique. Cette thérapeutique permettant de supprimer le facteur causal et, consécutivement, l’hypogonadisme, résoudra le problème de la dysfonction érectile révélatrice. L’exemple
type de cette situation est l’adénome hypophysaire à prolactine, étiologie rare d’hypogonadisme, mais spécifiquement curable
par une approche neurochirurgicale ou par
les agonistes dopaminergiques ;
– la cause de l’hypogonadisme est identifiée mais aucun traitement spécifique n’est
envisageable. Le déficit testiculaire endocrine primaire est l’exemple type de cette
situation. Le traitement repose alors sur la
substitution androgénique. Si l’hypogonadisme est suffisamment profond pour
expliquer à lui seul la dysfonction érectile,
la substitution androgénique est un traitement d’autant plus logique qu’il fera disparaître le symptôme révélateur et permettra
de palier les inconvénients de l’hypogonadisme (au premier rang desquels l’ostéoporose). L’initiation de la thérapeutique qui
suivra des modalités adaptées à chaque cas
ne devra cependant s’envisager qu’après
avoir écarté les contre-indications potentielles (notamment prostatiques après
50 ans) et s’être assuré que la dysfonction
érectile n’est pas de physiopathologie multifactorielle (vasculaire ou neurologique en
particulier). Dans cette dernière hypothèse,
ces autres facteurs étiologiques seront à
corriger conjointement ;
-– enfin, troisième cas de figure, la cause de
l’hypogonadisme est clairement identifiée
et non accessible à un traitement spécifique,
mais la mise en route d’une substitution
androgénique est impossible. Elle peut en
effet être contre-indiquée par le contexte
pathologique ou vouée à l’échec en raison
d’interférences médicamenteuses (traitement non interruptible par substance à activité antiandrogénique par exemple). Il faut
dans ce cadre avoir recours aux traitements
non hormonaux de la dysfonction érectile.
En pratique, les patients atteints d’une dysfonction érectile et relevant d’une androgénothérapie substitutive sont les suivants
(26-29) :
– la dysfonction érectile révèle un hypogonadisme chez un adulte jeune ;
– il existe des symptômes cliniques et la
testostéronémie totale est inférieure à la
limite basse de la norme de l’adulte jeune
(3 ng/ml = 11 nmol/l) chez un patient de
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001
Mise au point
alternatives thérapeutiques
symptomatiques.
Traitement inhibiteur
Hypogonadisme
3. Si l’hypogonadisme est
de la libido
connu
Recherche d'une
antérieurement connu et qu’il
dysfonction érectile
n’existe pas de contre-indication à leur prescription
Dysfonction érectile
révélatrice
(notamment prostatique ou
hypophysaire), le patient est
en toute logique substitué par
Évaluation libido
< 50 ans
> 50 ans
Prises médicamenteuses
androgènes. Compte tenu de la
Examen clinique
nécessité d’une concentration
androgénique suffisante pour
Signes d'hypogonadisme
Signes d'hypogonadisme
présents
absents
stimuler l’élément physioloTestostérone + LH
gique moteur de l’activité
± TeBG
Testostérone + LH
sexuelle masculine, il est tout
± T biodisponible
± TeBG
à fait habituel qu’un homme
hypogonadique insuffisamHypogonadisme
Hypogonadisme
Recherche d'autres
Hypogonadisme
confirmé
écarté
facteurs étiologiques
ment substitué ne se plaigne
infirmé
pas de l’absence de correction
d’une dysfonction érectile préTraitement étiologique
Recherche d'autres
Traitement étiologique
existante au traitement. La
IMPOSSIBLE
facteurs étiologiques
POSSIBLE
démarche médicale de suivi de
l’hypogonadisme traitée doit
Substitution androgénique Substitution androgénique
donc inclure la recherche de
possible
impossible ou inefficace
l’existence d’une dysfonction
érectile. Sa présence devra
faire reconsidérer l’adéquation
Traitement
Traitement
Substitution
des modalités du traitement
symptomatique
étiologique
androgénique
androgénique et, si nécessaire,
faire rechercher d’autres facFigure 3. Arbre décisionnel de prise en charge d’un hypogonadisme associé à une dysfonction érectile.
teurs physiopathologiques.
roïdogenèse, antiandrogènes interfèrent
plus de 65 ans ;
4. Enfin, dans certaines circonstances très
peu ou prou avec les effets physiologiques
– il existe une baisse du taux de testostéroparticulières, l’obtention d’une dysfonction
des androgènes et sont susceptibles, par ce
ne totale ou libre associée à une franche
érectile est l’objectif recherché par le thébiais, d’être responsables d’une dysfoncélévation du taux de LH chez un patient de
rapeute (30, 31). La délinquance sexuelle
tion érectile. Deux situations schématiques
la même tranche d’âge ;
constitue un phénomène de société de plus
sont observables :
en plus inquiétant. Ces actes délictueux,
– il existe des symptômes cliniques et la
– l’affection causale rend possible l’interquasi exclusivement masculins, sont comtestostéronémie biodisponible est située
ruption ou la modification du traitement
mis par des sujets au comportement sexuel
au-dessous de la valeur inférieure au seuil
impliqué ;
déviant ou paraphilie. La pédophilie est
de l’adulte jeune chez un patient de plus de
– le traitement ne peut être modifié. En
sans
doute
la
plus
fréquente.
65 ans (0,07 ng/ml = 0,25 nmol/l).
l’absence de contre-indication, l’introducL’internement, à fondement pénal, ne
2. La deuxième situation, loin d’être exception d’une androgénothérapie substitutive
résout pas le problème de fond et n’est pas
tionnelle, concerne les patients consultant
peut être tout à fait envisagée lorsque la
un élément préventif des récidives. Enfin,
pour dysfonction érectile et recevant une
médication en cause est responsable direcl’obligation de soins de tels patients, impothérapeutique susceptible d’induire un
tement ou non d’un déficit androgénique.
sée par la législation, rend nécessaire le
hypogonadisme fonctionnel (figure 2). À
Cette attitude thérapeutique n’est cepenrecours à un suivi thérapeutique à la fois
titre d’exemple, agonistes de la GnRH,
dant pas envisageable avec les antiandropsychotropes (agissant par le biais d’une
psychothérapique et médicamenteux. La
gènes, ce qui rend nécessaire le recours aux
hyperprolactinémie), inhibiteurs de la stécastration chirurgicale est efficace (32)
Traitement potentiellement
inducteur d'hypogonadisme
260
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001
Mise au point
mais irréversible. L’acétate de cyprotérone
exerce une puissante action antiandrogénique par inhibition compétitive de l’effet
des androgènes sur leur récepteur et par
blocage de la sécrétion gonadotrope. Elle
permet d’obtenir le résultat recherché
8 fois sur 10 (33). Pour efficace qu’il soit,
ce traitement a cependant ses limites :
effets secondaires potentiels (notamment
hépatiques), administration orale exclusive
(risque d’interruption intempestive), absence de marqueurs biologiques indiscutables
de suivi (réduction inconstante du taux de
testostérone plasmatique). Les analogues
de la GnRH présentent l’avantage de bloquer la sécrétion de testostérone en évitant
ses inconvénients. Plusieurs études pilotes
ont clairement démontré l’intérêt de l’utilisation des analogues retard de la GnRH
dans une telle indication (30, 31, 34).
Conclusion
La recherche de l’existence d’un hypogonadisme
sous-jacent à une dysfonction érectile et, dans
l’affirmative, la précision de son étiologie, représentent deux étapes dont les modalités seront
adaptées au contexte. Chez un homme de moins
de 50 ans, la réalisation d’un bilan biologique doit
comporter au maximum la mesure du taux de
testostérone plasmatique lorsqu’il n’existe pas de
stigmates cliniques d’hypogonadisme. Après cet
âge, la mesure de la LH, de la testostéronémie
plasmatique totale et de la TeBG (ou de la testostérone biodisponible) doit être incluse dans la
démarche étiologique, même en l’absence
d’autres signes cliniques d’hypogonadisme. La
possibilité de mise en route d’un traitement étiologique de l’hypogonadisme permettra à la fois
son éviction et celle de la dysfonction érectile. En
dehors de ces circonstances, le traitement le plus
adapté est la substitution androgénique. En cas
d’inefficacité, de contre-indication ou d’impossibilité, le recours à un traitement symptomatique
de la dysfonction érectile paraît alors logique.
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A U T O - T E S T
A U T O - T E S T
I. Les actions des androgènes sur l’activité sexuelle
masculine s’exercent en particulier :
a. sur le cortex occipital,
II. Vrai ou faux
Le seuil du taux de testostérone totale au-dessous
duquel un hypogonadisme explique à lui seul une
dysfonction érectile est de 2 ng/ml (7 nmol/l).
b. sur le thalamus,
III. Vrai ou faux
c. sur les motoneurones médullaires,
d. sur le système nerveux autonome pelvien,
e. directement sur la musculature lisse des vaisseaux
péniens.
Les érections nocturnes et matinales sont totalement andrégénodépendantes alors que les érections
psychogènes ne le sont que partiellement.
Vrai : les hommes hyponadiques non traités ont des érections plus lentes et plus prolongées que les hommes témoins du même âge lors de
l’induction des réactions sexuelles par visualisation de films érotiques.
Vrai : des études menées chez l’adulte castré transitoirement par analogue de la GnRH ont montré que, au-dessus de 2 ng/ml, l’imprégnation androgénique était suffisante pour maintenir une libido et une activité sexuelle satisfaisantes.
Résultats : C - D
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