Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (16), n° 10, décembre 2002 204
accessible, intelligible, loyale et appro-
priée sur son état, les investigations et
les soins qu’il lui propose” (3).
L’annonce d’une affection chronique,
d’une maladie grave ou d’un handicap
est paradoxale: il convient d’annoncer
une “mauvaise nouvelle”, et dans le
même temps de donner en retour un
sens aux symptômes, jusque-là sources
d’interrogations angoissantes. Il s’agit
d’annoncer une maladie souvent grave
et spontanément mortelle, mais pour
mieux donner forme à “ce avec quoi il
va falloir apprendre à vivre” ou “ce
contre quoi il va falloir se battre” (4).
Il importe de parler des traitements pos-
sibles, de leurs implications, des éven-
tuels aménagements de vie, du travail,
des relations familiales et de désigner
un proche qui saura soutenir le malade.
Mais au-delà des informations tech-
niques et rationnelles, il s’agit de favo-
riser l’écoute, le dialogue et l’échange
en restant très attentif aux représen-
tations et aux croyances de chacun. La
représentation de la maladie varie beau-
coup en fonction des patients, de leur
culture et des caractéristiques de l’af-
fection, visible ou invisible, source de
symptômes ou silencieuse, fonction-
nellement limitante ou non.
L’environnement affectif du patient, son
âge, son état émotionnel au moment de
l’annonce sont autant de facteurs qui
influencent la perception de sa maladie
et la façon de s’adapter à cette épreuve.
Sidération, déni, colère, tristesse, dépression,
renoncement, acceptation... sont des moyens
de “recevoir l’annonce de la maladie, du han-
dicap”. Ces états d’adaptation varient en
fonction des personnalités du patient, du
moment de l’annonce dans sa vie et évoluent
dans le temps. Il est fréquent que les malades
passent par cette succession de phases, les
mêmes que celles qui jalonnent les étapes
du deuil (car il s’agit bien là d’un deuil, celui
de son projet de vie, deuil de l’image proje-
tée de son corps, de son être et de son inté-
grité), et parviennent à l’acceptation.
“Si le médecin bride la relation de soin en la
réduisant aux seules discussions sur le traite-
ment et ses modalités, cette ouverture à la réci-
procité ne sera évidemment pas possible” (4).
Dire une mauvaise nouvelle, c’est
transmettre des informations qui vont
bouleverser la vie du malade et celle de
son entourage, provoquer une réaction
émotionnelle qui nécessite une dispo-
nibilité suffisante.
Il s’agit de partager un fardeau, non pas
seulement au moment de l’annonce,
mais dans la durée. L’engagement du
médecin se situe à cette place précise,
au côté du malade face à la maladie,
tout au long de la maladie.
Il faut beaucoup d’écoute, d’empathie,
de temps pour que le médecin pénètre
l’univers du patient et passe avec lui un
contrat, une alliance pour l’avenir.
Mais qu’est-ce
qu’une mauvaise nouvelle?
Il n’est pas simple de définir une mau-
vaise nouvelle. Nous pouvons proposer
comme définition: “Une nouvelle qui
change radicalement et négativement
l’idée que se fait le patient de son ave-
nir.” Selon cette définition, c’est le
décalage entre les attentes de la per-
sonne, ses projets d’avenir et la réalité
médicale qui détermine la force du sen-
timent ressentie et la violence de la
réaction.
Le médecin, le soignant ne peuvent pré-
juger de la façon dont le patient va res-
sentir l’annonce, sans savoir ce que le
malade connaît déjà de sa maladie et ce
à quoi il s’attend.
En médecine, une mauvaise nouvelle ne
devrait pas forcément être associée à la
mort ou à un déficit physique majeur.
L’annonce d’un changement de vie,
telle que l’impose la découverte d’un
diabète, mérite aussi que l’on prenne
des précautions lors de l’annonce; les
exemples sont infinis.
La difficulté pour le soignant est de
comprendre le contexte émotionnel du
patient et non pas de projeter ses
propres représentations de la maladie
en fonction de sa personnalité et de ses
expériences professionnelles et person-
nelles.
Et les soignants
dans tout ça?
Pour le thérapeute aussi la mauvaise
nouvelle est une épreuve à surmonter.
Il affronte ses peurs, celles de faire mal,
sa culpabilité du “mauvais messager”,
celle générée par la confusion, l’amal-
game, entre la mauvaise nouvelle et
celui qui l’apporte. Il est fréquent que
la colère du malade se retourne contre
le médecin, alors pris comme person-
nification du mal qui l’atteint.
Face à un mal incurable, et a fortiori mortel,
le soignant se heurte à ses limites, à son
impuissance technique, à son manque de
savoir, à ses angoisses et à sa représentation
de sa propre mort.
“Le thérapeute doit renoncer au fan-
tasme de la réparation. Il doit faire le
deuil de sa toute puissance. Il doit pour
ainsi dire s’annoncer à lui-même cette
Le coaching médical
Le deuil, un mécanisme
de défense psychologique
L’annonce d’une mauvaise nouvelle –
Le deuil du projet de vie.
– Le choc, la sidération: il n’y a plus
de place pour le rationnel.
Le message technique ne passe pas.
–Le déni: protection psychologique,
dans un premier temps.
– La révolte : “ce n’est pas juste!”, “qu’est-
ce que j’ai fait pour mériter cela?”
À ce stade, les paroles du médecin sont
souvent déformées.
– Le marchandage : la maladie est
discutée, parlée. Les sentiments
sont multiples, contradictoires.
– La tristesse et parfois la dépression.
–L’acceptation: la communication,
la discussion, l’échange sont plus que
jamais les soutiens indispensables au
patient.