Il importe de parler des traitements possibles, de leurs implica-
tions, des éventuels aménagements de vie, du travail, des rela-
tions familiales et de désigner un proche qui saura soutenir le
malade. Mais au-delà des informations techniques et ration-
nelles, il s’agit de favoriser l’écoute, le dialogue et l’échange
en restant très attentif aux représentations et aux
croyances de chacun. La représentation de la maladie varie
beaucoup en fonction des patients, de leur culture et des carac-
téristiques de l’affection, visible ou invisible, source de symp-
tômes ou silencieuse, fonctionnellement limitante ou non.
L’environnement affectif du patient, son âge, son état émotion-
nel au moment de l’annonce sont autant de facteurs qui
influencent la perception de sa maladie et la façon de s’adapter
à cette épreuve.
Sidération, déni, colère, tristesse, dépression, renoncement,
acceptation... sont des moyens de “recevoir l’annonce de la
maladie, du handicap”. Ces états d’adaptation varient en fonction
des personnalités du patient, du moment de l’annonce dans sa vie
et évoluent dans le temps. Il est fréquent que les malades passent
par cette succession de phases, les mêmes que celles qui jalon-
nent les étapes du deuil (car il s’agit bien là d’un deuil, celui de
son projet de vie, deuil de l’image projetée de son corps, de son
être et de son intégrité), et parviennent à l’acceptation.
“Si le médecin bride la relation de soin en la réduisant aux
seules discussions sur le traitement et ses modalités, cette
ouverture à la réciprocité ne sera évidemment pas possible” (4).
Dire une mauvaise nouvelle, c’est transmettre des informa-
tions qui vont bouleverser la vie du malade et celle de son
entourage, provoquer une réaction émotionnelle qui nécessite
une disponibilité suffisante.
Il s’agit de partager un fardeau, non pas seulement au moment
de l’annonce, mais dans la durée. L’engagement du médecin
se situe à cette place précise, au côté du malade face à la
maladie, tout au long de la maladie.
Il faut beaucoup d’écoute, d’empathie, de temps pour que
le médecin pénètre l’univers du patient et passe avec lui un
contrat, une alliance pour l’avenir.
MAIS QU’EST-CE QU’UNE MAUVAISE NOUVELLE?
Il n’est pas simple de définir une mauvaise nouvelle. Nous
pouvons proposer comme définition : “une nouvelle qui
change radicalement et négativement l’idée que se fait le
patient de son avenir”. Selon cette définition, c’est le décalage
entre les attentes de la personne, ses projets d’avenir et la réa-
lité médicale qui détermine la force du sentiment ressentie et la
violence de la réaction.
Le médecin, le soignant, ne peuvent préjuger de la façon dont
le patient va ressentir l’annonce, sans savoir ce que le malade
connaît déjà de sa maladie et ce à quoi il s’attend.
En médecine, une mauvaise nouvelle ne devrait pas forcément
être associée à la mort ou à un déficit physique majeur.
L’annonce d’un changement de vie, telle que l’impose la
découverte d’un diabète, mérite aussi que l’on prenne des pré-
cautions lors de l’annonce ; les exemples sont infinis.
La difficulté pour le soignant est de comprendre le contexte
émotionnel du patient et non pas de projeter ses propres repré-
sentations de la maladie en fonction de sa personnalité et de
ses expériences professionnelles et personnelles.
ET LES SOIGNANTS DANS TOUT ÇA ?
Pour le thérapeute aussi la mauvaise nouvelle est une épreuve
à surmonter.
Il affronte ses peurs, celles de faire mal, sa culpabilité du
“mauvais messager”, celle générée par la confusion, l’amal-
game, entre la mauvaise nouvelle et celui qui l’apporte. Il est
fréquent que la colère du malade se retourne contre le méde-
cin, alors pris comme personnification du mal qui l’atteint.
Face à un mal incurable, et a fortiori mortel, le soignant se heurte
à ses limites, à son impuissance technique, à son manque de
savoir, à ses angoisses et à sa représentation de sa propre mort.
“Le thérapeute doit renoncer au fantasme de la réparation.
Il doit faire le deuil de sa toute puissance. Il doit pour ainsi
dire s’annoncer à lui-même cette mauvaise nouvelle, pour pou-
voir lire en même temps la phase émotionnelle de la situation.
On ne peut pas édulcorer la mauvaise nouvelle, au risque de
perdre sa crédibilité” (5).
Le médecin a souvent peur de son émotion face au patient.
En acceptant cette peur, ses faiblesses, ses limites, le soignant
s’ouvre à de nouvelles perspectives, pour une prise en charge
mieux adaptée au patient qui souffre.
La discussion avec un pair, un aîné ou tout professionnel qui
saura l’entendre, peut aider le médecin à dépasser ses propres
freins à la communication avec le patient en demande. ■
Le deuil, un mécanisme de défense psychologique
L’annonce d’une mauvaise nouvelle – Le deuil du projet de vie
–Le choc, la sidération : il n’y a plus de place pour le rationnel.
Le message technique ne passe pas.
–Le déni : protection psychologique, dans un premier temps.
–La révolte : “ce n’est pas juste !”, “qu’est-ce que j’ai fait pour
mériter cela ?”
À ce stade, les paroles du médecin sont souvent déformées.
–Marchandage : la maladie est discutée, parlée. Les sentiments
sont multiples, contradictoires.
–Tristesse et parfois dépression.
–Acceptation : la communication, la discussion, l’échange sont
plus que jamais les soutiens indispensables au patient.
Quelles mauvaises nouvelles en médecine ?
La définition d’une mauvaise nouvelle dépend de chaque patient, de
son histoire, de son mode de vie, de ses représentations, de ses
croyances, de sa culture...
–Informer un patient qu’il est hypertendu.
–Annoncer un herpès génital.
–Expliquer à un patient âgé qu’il ne pourra plus conduire.
–Révéler une malformation lors d’un diagnostic anténatal.
–Annoncer un handicap.
–Annoncer une maladie grave et/ou chronique à un adolescent, à
un enfant, aux parents.
–Annoncer un cancer, une récidive.
– Révéler à un patient que son enfant est un surdoué...
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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 5 - septembre-octobre 2002
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