échec et mat
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 4 - octobre-novembre-décembre 2011
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Discussion
Les cellules neuroendocrines prostatiques dérivent de
précurseurs communs aux cellules basales et sécré-
trices. Certaines conditions microenvironnementales,
comme une déplétion androgénique ou une irradiation,
sont capables d’induire une transdiff érenciation des
cellules basales ou sécrétantes en cellules neuroendo-
crines. Cette population neuroendocrine peut alors se
manifester sous la forme d’éléments isolés au sein d’un
adénocarcinome prostatique ou, plus rarement, sous
la forme de tumeurs neuroendocrines, semblables à
celles habituellement observées dans le tube digestif
ou les poumons (1, 2).
La présence d’éléments neuroendocrines isolés au
cours d’un traitement antiandrogène semble faci-
liter la progression tumorale des cellules exocrines.
Les cellules neuroendocrines n’expriment pas le PSA
et ne possèdent pas de récepteurs aux androgènes.
Elles ne sont donc pas aff ectées par les thérapies anti-
androgéniques. En revanche, elles se caractérisent par
une activité sécrétoire (chromogranines A, B, C, NSE
et synaptophysine) que l’on peut mettre en évidence
par immunohistochimie (anticorps antichromo-
granine, antisynaptophysine, anti-NSE [anti-Neuron
Specifi c Enolase] ou anti-CD56) ou par dosage sérique
(chromogranine A). Ces cellules neuroendocrines
produisent des peptides, des hormones et des facteurs
de croissance capables de stimuler la croissance des
cellules à leur voisinage (chromogranine A, PTHrp
[ParaThyroid Hormone-related protein], bombésine),
inhiber l’apoptose (survivine) et stimuler la néo-angio-
genèse (VEGF). La diff érenciation neuroendocrine est
un phénomène dynamique. Elle augmente au cours
du traitement antiandrogénique ainsi que durant la
phase hormono résistante de la maladie prostatique
où des taux sériques élevés de chromogranine A (ou
un immunomarquage positif à la chromogranine supé-
rieur à 1 %) sont fréquemment observés et corrélés au
pronostic de la maladie prostatique (3-5).
Une série récente rapporte 95 cas de patients
présentant un cancer de la prostate avec un contin-
gent neuroendocrine majoritaire ou exclusif (6). Le
diagnostic de tumeur neuroendocrine a pu être
posé sur biopsies (55 cas : 58 %), résections transu-
réthrales (27 cas : 28 %), prostatectomies radicales
(4 cas : 4 %) ou biopsies de localisation métastatique
(9 cas : 10 %). L’âge des patients était en moyenne de
69 ans (44 à 92 ans). Bien que le taux de PSA ait pu
être élevé chez certains patients, il était le plus souvent
faible (moyenne : 4,0 ng/ml, extrêmes : 0,2-1 893 ng/
ml). Chez les patients pour lesquels des informations
cliniques étaient disponibles, on notait des antécé-
dents d’adénocarcinome prostatique dans seulement
42 % des cas. Le diagnostic de carcinome neuroen-
docrine était posé en moyenne 25 mois après celui
d’adénocarcinome prostatique (extrêmes : 1-300 mois).
Les formes pures de carcinomes neuroendocrines à
petites cellules étaient majoritaires (57 % des cas).
Dans les formes à prédominance neuroendocrine
(plus de 80 % de cellules neuroendocrines) le grade
de l’adénocarcinome prostatique était supérieur ou
égal à 8 dans 85 % des cas.
Dans cette série, 88 % des cas étaient positifs pour au
moins 1 des marqueurs neuroendocrines classiques
(chromogranine, synaptophysine ou CD56), et 52,3 %
étaient positifs pour le TTF1 (Thyroïd Transcription
Factor 1). Quelques cellules neuroendocrines expri-
maient le PSA, le P501S ou le PSAM (prostate-specifi c
membrane antigen) dans respectivement 19 %, 28 %
et 25 % des cas.
Les taux sériques de chromogranine A sont généra-
lement augmentés dans ces tumeurs et corrélés aux
marquages tissulaires (7), mais d’autres méthodes
ont été proposées pour améliorer la recherche de
la présence de contingents neuroendocrines, en
particulier dans le suivi évolutif d’adénocarcinomes
classiques (8).
Dans le cas de tumeurs neuroendocrines pures ou
majoritairement neuroendocrines, comme chez notre
patient, les manifestations cliniques sont peu spéci-
fi ques. Elles ne s’associent pas, ou de façon inhabituelle,
à l’inverse de ce qui peut être observé dans des loca-
lisations digestives ou bronchiques, à des syndromes
paranéoplasiques associés à une sécrétion hormonale
aberrante (2). L’évolution vers les localisations métasta-
tiques osseuses ou viscérales est rapide (9).
L’hormonorésistance impose la mise en route d’un
traitement chimiothérapique spécifi que (cisplatine
ou étoposide). Aucun traitement n’a cependant fait
preuve de son effi cacité, et le pronostic reste sévère.
Dans une série de 30 patients présentant une tumeur
neuro endocrine de la prostate, seuls 5 (17 %) ont
présenté, après un traitement par radio- et chimio-
thérapie (cisplatine), une rémission complète qui n’a
pas dépassé en moyenne 21 mois (6-54). Tous les autres
patients sont décédés rapidement, entre 17 mois (9) et
42 mois (1, 10). Dans cette dernière étude, les auteurs
concluent à l’ineffi cacité des protocoles thérapeutiques
actuellement proposés. ■
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Références
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