La Lettre du Cardiologue - n° 384 - avril 2005
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MISE AU POINT
LE SYNDROME DE BRUGADA
Le syndrome de Brugada a été décrit en 1992 chez les patients
ayant fait un accident de mort subite par fibrillation ventriculaire
idiopathique (4). Il associe un aspect de bloc incomplet droit et
une anomalie de la repolarisation caractérisée par une suréléva-
tion du segment ST dans les dérivations précordiales droites
(figure 1b). Ces morts subites inexpliquées sont suffisamment fré-
quentes au Japon et en Asie du Sud (5) pour avoir un nom spéci-
fique – “Lai Tai” en Thaïlande, “Bangungut” aux Philippines et
“Pokkuri” au Japon – et influencer les traditions locales. Les morts
subites touchant essentiellement les hommes pendant leur som-
meil, il est ainsi de tradition, dans certains villages, que les
hommes s’habillent en femmes la nuit, pour tromper la mort. Les
anomalies électrocardiographiques du syndrome de Brugada sont
variables dans le temps et modulées par le système neurovégé
ta-
tif. Les accidents de morts subites surviennent souvent au repos
et les anomalies de la repolarisation sont majorées lors de l’in-
jection d’ajmaline (1 mg/kg en perfusion continue sur 10 mi-
nutes), ou d’acétate de flécaïnide (2 mg/kg en perfusion conti-
nue sur 10 minutes) qui constitue un test diagnostique. À
l’inverse du syndrome du QT long, où les atteintes féminines
prédominent, le syndrome de Brugada est caractérisé par une
forte prédominance masculine.
De nombreux cas familiaux ont été décrits, et en 1998, une liaison
génétique a été mise en évidence avec le gène SCN5A (6). Plu-
sieurs mutations ont été retrouvées sur ce gène. Ce syndrome est
probablement hétérogène, puisque de nombreuses familles ne sont
pas liées à ce gène (des mutations dans le gène SCN5A ne sont
retrouvées que dans 20 % des cas). Un deuxième locus également
situé sur le chromosome 3 a été plus récemment identifié (7).
Actuellement, le pronostic des patients ayant un syndrome de Bru-
gada reste encore difficile à évaluer. La fréquence des accidents
rythmiques est très variable d’un fichier à l’autre, en particulier
chez les patients asymptomatiques. Si certains critères pronos-
tiques péjoratifs comme le sexe masculin, la survenue préalable
d’une syncope ou d’une mort subite récupérée et la présence d’un
sus-décalage du segment ST sur l’électrocardiogramme de base
sont clairs, d’autres comme la notion de morts subites familiales
et la survenue d’une fibrillation ventriculaire lors de l’exploration
électrophysiologique sont plus discutés (8, 9).
Le traitement du syndrome de Brugada repose essentiellement
sur l’implantation d’un défibrillateur. Les facteurs pronostiques
du syndrome de Brugada restant discutés, les critères d’im-
plantation le sont également. Il n’existe pas actuellement de
recommandations claires ; mais, si l’on suit les propositions des
frères Brugada, les patients ayant des antécédents de syncopes
ou de morts subites ou une exploration électrophysiologique
entraînant des troubles du rythme graves doivent bénéficier de
l’implantation d’un défibrillateur. L’intérêt du traitement par
quinidine émerge mais, actuellement, le choix de ce traitement
ne repose que sur deux études non randomisées et portant sur
de faibles effectifs, et il ne peut remplacer le défibrillateur (10).
En revanche, chez les patients présentant des accidents ryth-
miques fréquents et qui ont préalablement bénéficié de l’im-
plantation d’un défibrillateur, ce traitement peut probablement
diminuer la fréquence des chocs électriques (11).
LES TROUBLES DE LA CONDUCTION
DÉGÉNÉRATIFS
Les troubles de la conduction dégénératifs, également appelés
maladie de Lenègre, sont caractérisés par l’apparition, le plus sou-
vent après 50 ans, de troubles de la conduction pouvant amener,
dans les formes les plus sévères, à la mise en place d’un pace-
maker. En 1999, notre équipe a pu identifier le premier gène res-
ponsable de ce syndrome (12). Comme dans le syndrome de Bru-
gada, il s’agit du gène SCN5A qui code pour le canal sodique
cardiaque. Depuis, d’autres équipes ont identifié des mutations
dans ce gène chez les patients atteints de formes congénitales de
troubles de la conduction. Nous avons même pu décrire une
famille dans laquelle la même mutation du gène SCN5A pouvait,
en fonction de la branche familiale considérée, entraîner un syn-
drome de Brugada ou des troubles de la conduction (13). Cet
exemple montre que les relations entre une mutation et la patho-
logie engendrée ne sont pas toujours simples et surtout que nous
avons encore beaucoup à apprendre sur ces relations. Une autre
localisation génétique de troubles de la conduction avait préala-
blement été identifiée sur le chromosome 19 et nous avons pu
identifier un autre locus sur le chromosome 16. Dans ces deux
cas, le gène responsable des troubles de la conduction n’est pas
encore identifié.
LA FIBRILLATION AURICULAIRE IDIOPATHIQUE
FAMILIALE
Si la fibrillation auriculaire complique fréquemment une car-
diopathie sous-jacente, des formes idiopathiques familiales ont
été décrites. À partir de plusieurs familles espagnoles qui sem-
blent génétiquement liées, Brugada et al. ont localisé, sur le chro-
mosome 10, un premier locus responsable de fibrillation auri-
culaire (14). Le gène en cause dans cette forme n’est pas encore
identifié. Depuis, à partir d’une famille chinoise, il a été identi-
fié une mutation S140G dans le gène KCNQ1. Contrairement
aux mutations impliquées dans le syndrome du QT long, qui sont
responsables d’une perte de fonction du canal potassique, cette
mutation entraîne un gain de fonction. Plus récemment, un autre
locus sur le chromosome 6 a été identifié, de même que des muta-
tions dans le gène KCNH2. Nous venons tout récemment d’iden-
tifier un nouveau locus sur le chromosome 22 (15-17).
Toutes les familles dans lesquelles une forme héréditaire de fibril-
lation auriculaire a été identifiée sont caractérisées par la surve-
nue précoce de la fibrillation auriculaire, une période de fibrilla-
tion auriculaire paroxystique, et l’absence de cardiopathie
sous-jacente.
LA DYSPLASIE ARYTHMOGÈNE
DU VENTRICULE DROIT (DAVD)
Le diagnostic de la dysplasie du ventricule droit reste complexe.
Il repose sur l’association d’anomalies histologiques, électrocar-
diographiques et ventriculographiques. Le phénotype varie d’un
patient à l’autre, ce qui peut rendre l’étude familiale difficile. Il