A Éditorial La prise en charge de la cataracte Care of the cataract

Images en Ophtalmologie
Vol. V
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Éditorial
La prise en charge de la cataracte
Care of the cataract
G. Chaine
(Rédacteur en chef ; service d’ophtalmologie, hôpital Avicenne, Bobigny)
Au cours des années1960,
un chirurgien américain
célèbre et respecté avait
dit que la chirurgie delacataracte
avait atteint unpoint deperfection
qui ne pourrait plus être
amélioré. Il s’agissait delacryo-
extraction intracapsulaire
du cristallin, qui avait
indiscutablement été un progrès
par rapport aux précédentes
techniques. Cinquante ans plus
tard, lespatients ont bénéficié
d’évolutions très importantes
dela chirurgie de la cataracte
tant en ce qui concerne
latechnique d’extraction
quelacorrection de l’aphakie.
Plus encore que la technique
opératoire, le mode de prise
en charge de la chirurgie
delacataracte et les techniques
d’apprentissage ont évolué
considérablement.
La cataracte,
un problème de santé publique
Le nombre de cataractes opérées pour
100 000habitants constitue une indication
grossière de l’accès aux soins ophtalmo-
logiques dans une population donnée.
Les chiffres varient de 8 000paran en
France à moins de1 000 en Afrique. La
cataracte demeure la principale cause
de cécité dans le monde. Cependant,
il existe une grande variation de ces
chiffres parmi les pays développés :
16 000 enBelgique, 4 000 en Suisse.
Les régions dont les populations sont
plus âgées que la moyenne nationale
ont logiquement un taux de chirurgie
de cataracte élevé mais la densité des
ophtalmologistes dans la région joue
également un rôle important.
Le mode de prise en charge
L’ambulatoire doit devenir la règle,
les exceptions nécessitant une hos-
pitalisation courte d’une nuit ou deux
doivent être justifiées par une entente
préalable pour des raisons soit sociales
soit médicales. Là encore, les dispa-
rités sont importantes et sont liées à la
situation géographique (éloignement du
patient par rapport au site chirurgical)
ou à une non-adaptation de la struc-
ture. L’ambulatoire ne représente que
4 % des hospitalisations pour cataracte
dans le Cantal et 94 % dans les Alpes de
Haute-Provence.
L’hospitalisation publique a du mal à
rattraper le retard sur l’hospitalisation
privée et à atteindre le taux cible de
85 % des patients en ambulatoire. Les
caractéristiques médico-sociales des
patients sont différentes et participent à
la difficulté de généraliser l’ambulatoire
en hospitalisation publique.
Le développement de ce mode de prise
en charge a un intérêt économique
évident dans la mesure où il diminue
les coûts des structures. Il est, en
outre, présenté comme une amélio-
ration du confort des patients âgés,
qui n’ont pas à subir le dépaysement
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d’un séjour hospitalier, fût-il court. Il
implique une modification de la sur-
veillance postopératoire car la visite
à J1 encore préconisée par de nom-
breux chirurgiens peut être difficile à
organiser. Enfin, il est à lorigine d’une
baisse régulière du prix versé aux
établissements de santé. Il impose
un environnement socio-familial se
substituant à la prise en charge hos-
pitalière.
La prochaine étape pourrait être la
chirurgie simultanée des 2yeux :
s’agissant d’une pathologie souvent
symétrique cela simplifierait consi-
dérablement la prise en charge,
le risque (faible) d’endophtalmie
bilatérale limitant pour le moment
cette pratique à des cas particu-
liers en France. Nous la réservons
aux patients en mauvais état général
dont la fonction maculaire est diffi-
cile à évaluer. Par exemple, un patient
présentant une cataracte obturante
bilatérale et nécessitant une anes-
thésie générale. Cependant, pour des
raisons économiques, la chirurgie de
la cataracte bilatérale et simultanée
se développe dans de nombreux pays.
La chirurgie de la cataracte est réa-
lisée dans 700établissements en
France. Moins de 200d’entre eux
réalisent plus de 1 000interven-
tions paran, près de la moitié moins
de500. Il y a donc un grand éparpil-
lement des structures de santé. Il
est cependant vraisemblable que la
diminution des tarifs favorisera une
concentration des moyens.
Enfin, la Haute Autorité de santé
(HAS) n’est à ce jour pas favorable à
la réalisation de la cataracte dans un
cabinet d’ophtalmologie, comme cela
est souhaitée par certains. De rares
structures isolées de chirurgie ambu-
latoire existent.
L’apprentissage de la chirurgie
de la cataracte
La formation des ophtalmologistes
par la voie exclusive du diplôme
d’études spécialisées impose une
formation pour cet acte chirurgical
qui est certes stéréotypé mais de
réalisation et d’apprentissage déli-
cats. Les services d’ophtalmo logie
qui souhaitent être choisis par de
“vieux internes” doivent s’impliquer
dans cette formation.
L’anesthésie locale rend le dialogue
délicat entre le jeune opérateur et le
sénior (sauf en cas de patient mal-
entendant). L’anesthésie topique
limite le temps chirurgical tolérable
pour le patient à 30minutes. L’autre
particularité de la technique de
phako-émulsification est que chaque
temps commande le temps suivant,
ce qui n’était pas le cas avec la tech-
nique précédente. Une incision non
étanche complique tous les temps
de la chirurgie, un capsulorhexis
filé complique l’hydrodissection et
la phako-émulsification proprement
dite, des sillons imparfaits rendent le
cracking
impossible,etc.
Enfin, les conséquences d’un inci-
dent peropératoire de type rupture
capsulaire sont de gestion complexe.
La marge d’erreur chirurgicale est
faible.
Nous proposons donc un appren-
tissage segmenté, le junior réa-
lisant un temps chirurgical, pas
Tableau. Issu de la classification utilisé dans le Princess Alexandra Eye Pavillion, Édimbourg
(Royaume-Uni) [1].
Stade de difficulté
opératoire
de la chirurgie
de la cataracte
Chirurgien Critères
Stade 1 Idéal pour un
opérateur junior
• Patient facile à positionner
• Cataracte nucléaire d’importance moyenne
• Absence de comorbidité
Dilatation bonne, deuxième œil ou deuxième œil
bien voyant
Stade 2 Junior entraîné
ou médecin sénior • Âge supérieur à 90 ans
• Anxieux
Longueur axiale supérieure à 26 mm
ou inférieure à 20 mm
Comorbidité (dégénérescence maculaire liée
à l’âge, guttata, glaucome, œil enfoncé dans l’orbite)
myopie, hypermétropie supérieure à 6 dioptries
• Dicile à positionner
Cataracte molle ou cataracte blanche
avec un mauvais réexe pupillaire
Stade 3 Chirurgien sénior • Patient sous alpha-bloquant
• Cataracte brune
• Décompensation cornéenne
• Pseudo-exfoliation
• Dystrophie endothéliale
• Mauvaise dilatation
• Monophtalme
• Après vitrectomie
• Chambre antérieure étroite
• Cristallin subluxé
• Cataracte polaire postérieure
• Jeune diabétique
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nécessairement le premier, quand il
est dans les conditions “idéales” de
préparation réalisée par un opérateur
entraîné ; lorsque chaque temps aura
été réalisé indépendamment, le junior
pourra les réaliser de façon consé-
cutive, et il constatera alors qu’il
ne s’agit pas d’une chirurgie simple
(tableau,p.81)
.
La chirurgie de la cataracte a été lar-
gement dédramatisée (anesthésie
locale, ambulatoire, chirurgie courte,
résultats excellents) : les échecs sont
donc très mal tolérés par le patient et
son entourage.
La technique
L’objet de cet éditorial n’est pas
de développer les détails tech-
niques, qu’il s’agisse du bord carré
de limplant, du filtre jaune, de
l’acrylique hydrophobe, de la pompe
Venturi ou péristaltique, de lincision
de2,4, 2,2 ou 1,8mm, de l’implant
multifocal, accommodatif ou torique.
Les publications sont innombrables et
il est rassurant de savoir que l’indus-
trie, aidée par quelques ophtalmo-
logistes, cherche toujours à améliorer
les résultats fonctionnels de cette
chirurgie.
Un mot sur le laser femtoseconde, qui
est à l’origine d’un
“buzz”
important
depuis quelques mois. Il s’agit d’un
enjeu lourd tant en matière d’investis-
sement que de réorganisation archi-
tecturale des sites chirurgicaux. Si les
études à venir mettent en évidence
une supériorité des femtosecondes
pour les incisions, la découpe du
rhexis par exemple, cela impliquera
la fermeture de 90 % des sites chirur-
gicaux qui n’auront pas une activité
suffisante pour amortir ce type de
matériel.
Les techniques qui apportent une
réelle avancée s’imposent vite ; à
ce titre, le rapport extracapsulaire
manuelle/ phako-émulsification est
exemplaire. Aucune étude n’a été
nécessaire pour démontrer la supé-
riorité de la phako-émulsification
dans la plupart des indications, la
transition a été réalisée en quelques
années, le temps de mettre au point
les implants souples. L’implant multi-
focal ou accommodatif est le contre-
exemple : comment expliquer que
ce type d’implant qui, en théorie,
devrait être proche de la perfection
ne “décolle” pas depuis une quinzaine
d’années, si ce n’est qu’il ne tient pas
toutes ses promesses ?
Pour conclure
Le développement de l’anesthésie
locale pour la chirurgie de la cataracte
est contemporain d’une diminution
du tarif pris en charge par les assu-
rances aux États-Unis. La diminution
ou la suppression des honoraires de
l’anesthésiste a permis de rendre ce
changement de tarif indolore pour les
ophtalmologistes, qui ont donc pré-
conisé ce mode d’anesthésie pour le
plus grand bien des patients.
Le développement de la chirurgie
ambulatoire en ophtalmologie est
lié à une politique de diminution des
dépenses de santé, même s’il amé-
liore le confort du patient dans la
plupart des cas.
Le même type d’évolution est possible
pour la chirurgie bilatérale simul-
tanée.
Un progrès technologique isolé n’a
souvent d’intérêt que s’il est associé
à une autre innovation. Par exemple,
la chirurgie extracapsulaire n’était
pas un progrès avant le Yag, la phako-
émulsification et les petites incisions
sans implants souples de même.
Au cours des 30dernières années, le
progrès techniques ont donc permis
l’utilisation d’anesthésies non agres-
sives, une diminution de la durée de
séjour et une récupération fonction-
nelle plus rapide.
II
Référence bibliographique
1.
Gupta A, Singh J, Dhillon B. Cataract classifica-
tion system for risk stratification in surgery. JCata-
ract Refract Surg 2011;37(7):1363-4.
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