Dictatures et guerres en Europe
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Mussolini ne prend pas part directement à la marche. La décision en est la crainte d'une intervention
répressive de l'armée qui aurait provoqué l'échec de l'opération. Il reste à Milan en attendant le développement
de l'opération et il se rend à Rome seulement plus tard quand il apprend le bon résultat de l'action. À Milan, le
soir du 26 octobre, Mussolini affiche sa tranquillité auprès de l'opinion publique en assistant au Cigne de Molnàr
au théâtre Manzoni. Au cours de ces jours, il traite directement avec le gouvernement de Rome sur les
concessions que celui-ci est prêt à faire au fascisme et le futur duce nourrit des incertitudes sur le résultat de la
manœuvre.
Le 16 novembre Mussolini se présente à la Chambre et
obtient la confiance avec 316 voix en sa faveur, 116 contre et
seulement 7 abstentions et il tient son premier discours comme
président du Conseil dans lequel il déclare :
« Je me suis refusé de remporter une victoire éclatante,
et je pouvais remporter une victoire éclatante. Je me suis imposé
des limites. Je me suis dit que la meilleure sagesse est celle qui ne
s'abandonne pas après la victoire. Avec trois cent mille jeunes
armés, décidés à tout et presque mystiquement prêts à un de mes
ordres, moi, je pouvais punir tous ceux qui ont diffamé ou tenté
de salir le fascisme. Je pouvais faire de cette salle sourde et grise
un bivouac de pantins : je pouvais barrer le Parlement et
constituer un gouvernement exclusivement de fascistes. Je
pouvais : mais je n'ai pas, au moins dans ce premier temps,
voulu. »
Le 24 novembre 1922, il obtient les pleins pouvoirs en
matière économique et administrative jusqu'au 31 décembre 1923 afin de rétablir l'ordre. Le 15 décembre 1922,
le Grand conseil du fascisme se réunit pour la première fois. Le 14 janvier 1923, les chemises noires sont
institutionnalisées par la création de la Milice Volontaire pour la Sécurité Nationale. Le 9 juin, il présente la
nouvelle loi Acerbo en matière électorale, approuvée le 21 juillet. Toujours en juillet, grâce à l'appui britannique,
à la conférence de Lausanne, la présence italienne en Dodécanèse, occupée depuis 1912 est reconnue.
Le 28 août, l'expédition militaire Enrico Tellini, dont l'objectif est de définir la frontière entre la Grèce
et l'Albanie est massacrée à Ioannina. Mussolini envoie un ultimatum à la Grèce pour demander réparation et
suite au refus du gouvernement grec, la marine italienne reçoit l'ordre d'occuper Corfou. Avec cette action le
nouveau président du Conseil démontre vouloir poursuivre une politique extérieure forte et il obtient, grâce à la
Société des nations les réparations demandées après l'abandon de l'île occupée.
Le 19 décembre, il préside à la signature de l'accord entre la Confindustria et la Confédération des
Corporations fascistes. Le décret royal du 30 décembre 1923 numéro 284 établit la création des agences
communales d'assistance (ECA) avec pour objectif la « coordination de toutes les activités, publiques et privées,
destinées au secours des indigents, et promouvant l'éducation, l'instruction et l'accès aux métiers et aux arts».
Ceux-ci seront unifiés dans deux agences territoriales au sein de l'assistance sanitaire et matériel des pauvres et
de l'enfance abandonné par le décret royale du 31 mars 1933 numéro 383.
Le 27 janvier 1924, le traité de Rome entre L'Italie et la Yougoslavie est signé dans lequel celle-ci
reconnaît l' " italianité " de Fiume annexé le 16 février. Le Roi confère à Mussolini le collier de l'Ordre Suprème
de la très Sainte Annunziata. À partir du 7 février, le gouvernement italien établit des rapports diplomatiques
avec l'URSS. Un accord avec le Royaume-Uni permet à l'Italie d'acquérir l'autre rive du fleuve Jubba, région qui
est annexée à la Somalie italienne.
Aux élections du 6 avril 1924, la liste nationale (désignée comme " Listone ") obtient 60,1% des voix et
356 députés et à ceux-ci s'ajoutent 4,8% de voix et 19 sièges correspondant à la " liste bis ". Les deux listes
gouvernementales recueillent au total 64,9% des votes élisant 375 parlementaires dont 275 inscrits au parti
national fasciste. Dans le " Listone " est entrée la majorité des membres libéraux et démocrates parmi lesquels
Vittorio Emanuele Orlando, Antonio Salandra et Enrico De Nicola qui retire sa candidature peu avant les
élections, et de nombreuses personnalités de la droite italienne.
Les consultations se déroulent dans un climat de violence et d'intimidation, et les abus perpétrés par les
fascistes sont dénoncés le 10 mai par le député socialiste Giacomo Matteotti qui par un discours virulent à la
chambre demande d'annuler les résultats des élections.
Le 11 juin 1924, Matteotti est enlevé et assassiné par des squadristi fascistes. L'évènement provoque la
" sécession sur l'Aventin " , c'est-à-dire le départ des députés d'opposition du parlement pour protester contre
l'assassinat. Tout cela n'affecte pas le pouvoir de Mussolini car il n'est suivi d'aucune action politique concrète.
Le Roi Victor-Emmanuel III, en
raison de l'opposition de Mussolini à un
compromis (le 28 octobre, il refuse le
ministère des affaires étrangères) et en
raison du soutien dont bénéficie le
fascisme auprès des officiers supérieurs
et des industriels qui voient en Mussolini
l'homme fort qui peut ramener l'ordre
dans le pays en « normalisant » la
situation sociale italienne, ne proclame
pas l'état de siège proposé par le
président du conseil Luigi Facta et donne
au contraire la charge à Mussolini d'un
nouveau gouvernement de coalition (29
octobre).
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