É D I T O R I A L Cancer du sein : vous avez dit Plan Cancer ? ● P. Bey* L a mobilisation dans la lutte contre le cancer, depuis l’annonce, qui en a surpris plus d’un, du président de la République le 14 juillet 2002, de faire du cancer l’un des trois chantiers de son quinquennat, a été exceptionnelle puisqu’elle a abouti en un temps très court à un Plan Cancer qu’il a lui-même annoncé le 24 mars 2003. Ce plan a, certes, bénéficié des travaux effectués au cours des années passées dans beaucoup de domaines de la cancérologie ; des groupes de professionnels actifs avaient produit de multiples documents. Ceci n’enlève rien au caractère exceptionnel de ce plan à plus d’un titre : la mobilisation au plus haut niveau de l’État puisque le président de la République s’est impliqué personnellement, le Premier ministre également, les ministres de la Santé et de la Recherche avec notamment la mise en place d’une mission interministérielle de suivi du plan, pilotée par Pascale Briand ; c’est d’autre part et pour la première fois, un plan global, de la prévention à la recherche. Le cancer du sein apparaît comme une préoccupation majeure puisqu’il représente 41 845 des 278 253 nouveaux cas de cancer estimés en France en 2000. C’est le cancer le plus fréquent, devançant d’une courte longueur le cancer de la prostate. L’augmentation d’incidence est régulière depuis plus de 30 ans. Avec 11 635 décès en 2000, c’est la première cause de mortalité chez la femme (même si le cancer du poumon fait une percée qui n’est pas terminée). Le cancer du sein représente près de 20 % des décès féminins par cancer. Ces chiffres devenus officiels montrent bien l’importance majeure du cancer du sein en termes de santé publique ; il touche environ une femme sur dix en France au cours de son existence. Les 70 mesures du Plan Cancer intéressent largement le cancer du sein, depuis le soutien aux registres qui permettent une meilleure connaissance de l’existant jusqu’au développement de la recherche fondamentale et de la recherche de transfert qui, à terme, vont améliorer les résultats thérapeutiques. On relève plusieurs éléments qui s’appliqueront au cancer du sein : • La généralisation du dépistage organisé du cancer du sein d’ici à fin 2003 pour toutes les femmes entre 50 et 74 ans et l’assurance de l’accès aux tests de prédisposition génétique des formes * Directeur de la section médicale, Institut Curie, Paris. La Lettre du Sénologue - n° 20 - avril/mai/juin 2003 familiales de cancer : certes, c’est la troisième annonce ministérielle d’une telle généralisation du dépistage, mais on peut être plus optimiste cette fois-ci, compte tenu du travail important fait dans les années passées, d’une volonté forte de la quasi-totalité des partenaires nécessaires à cette opération dont on connaît les difficultés sur le terrain. Il faut signaler que les laboratoires d’oncogénétique ont reçu un soutien spécifique du ministère de la Santé, fin 2002, en particulier pour le développement des tests de prédisposition au cancer du sein. • La coordination systématique des acteurs de soins, la généralisation des réseaux de cancérologie, l’obligation d’une concertation pluridisciplinaire préétablie ou au cas par cas, tout ceci ne peut que bénéficier aux patientes atteintes de cancer du sein et leur assurer une prise en charge adaptée à chaque cas particulier. • À côté des mesures renforçant les traitements spécifiques (moyens techniques et humains, coordination, etc.), il y a de nombreuses mesures qui vont dans le sens d’un soutien aux personnes malades et à leur plus grande participation aux soins. Ceci se retrouve à travers l’obligation du programme personnalisé de soins remis à la personne malade, d’un dossier communiquant accessible au malade, de meilleures conditions d’annonce du diagnostic et des événements importants de la maladie, d’augmenter les possibilités de bénéficier de soins de support, en particulier de soutien psychologique et social, de lutte contre la douleur et d’accès aux soins palliatifs ou à la réhabilitation. On sait combien cela est attendu par les malades en général et par celles qui ont un cancer du sein en particulier. • La recherche, l’innovation sont également soutenues, notamment par le programme d’aide à la création et au renforcement des tumorothèques : tout laisse penser que le cancer du sein, comme d’autres cancers, va bénéficier des progrès issus de la génomique et que tous les malades devront avoir accès à ces méthodes, ce qui nécessite une organisation généralisée dans toutes les régions. La création des cancéropôles devrait fortement stimuler la recherche de transfert. On ne peut que se réjouir que l’on ait enfin pris la mesure de ce qu’il convenait de faire pour lutter efficacement contre les cancers. Les professionnels, les malades et l’administration se sont beaucoup impliqués ces dernières années dans la définition des objectifs d’un tel plan. Il convient maintenant, et c’est notre responsabilité, de contribuer à sa mise en œuvre qui, certes, va dépendre de quelques moyens mais aussi de la bonne volonté et de l’action de tous sur le terrain. ■ 3