MISE AU POINT
La classification de H. Dejour (2) a le mérite d’être simple pour
une pathologie compliquée. Elle met ainsi en évidence deux grands
groupes de rotules :
–la rotule douloureuse qui peut s’associer à une instabilité mais
qui reste subjective, et sans épisode de luxation objective. La radio,
dans ce contexte, montre une rotule centrée et sans caractère dys-
plasique. Ce type de syndrome rotulien doit toujours être traité
médicalement ;
–la rotule essentiellement instable : soit instable vraie, avec d’au-
thentiques épisodes de luxation et assez rapidement confiée au
chirurgien, soit potentiellement instable, sans luxation vraie mais
avec des signes radiologiques de dysplasie et/ou d’instabilité. Ces
rotules potentiellement instables peuvent faire l’objet d’un trai-
tement chirurgical après échec du traitement médical bien conduit,
en particulier de la rééducation.
EXAMEN CLINIQUE
L’examen clinique, devant un syndrome rotulien, est primordial :
il s’appuie sur un examen physique performant et un bilan radio-
graphique standard spécifique, centré en particulier sur la recherche
de signes dysplasiques de la trochlée et/ou de la rotule et sur la
mise en évidence d’une malposition de la rotule, aussi bien en hau-
teur que dans le plan frontal. Il faut avoir présent à l’esprit l’objec-
tif principal de l’examen : déterminer, parmi les rotules doulou-
reuses pour lesquelles le rhumatologue est consulté, celles qui ont
un caractère instable et qui feront éventuellement l’objet d’un
traitement chirurgical. Il doit également répondre à certaines
questions :
–en premier lieu, il doit éliminer toute douleur projetée (crural-
gie, coxopathie) et confirmer la souffrance fémoro-patellaire, la
localiser précisément par rapport aux autres compartiments du
genou, en particulier par rapport aux douleurs de l’interligne (lésion
méniscale, par exemple) ;
–dans un certain nombre de cas, il doit essayer de faire la part
des choses entre une chondropathie et une tendinopathie rotulienne,
notamment la tendinite de la pointe de la rotule dans le cadre d’une
pratique sportive, pathologies qui peuvent avoir des implications
thérapeutiques différentes.
On recherchera à l’interrogatoire les éléments qui confirment la
souffrance rotulienne. La douleur, initialement unilatérale, peut se
bilatéraliser aux deux genoux. Sa localisation est souvent antérieure,
parfois médiale, simulant une pathologie méniscale, et plus rare-
ment postérieure, par projection. Dans certains cas, la topographie
est imprécise et mal définie par le patient, qui exprime une sensa-
tion d’étau ou de gonflement de son genou. Classiquement, la dou-
leur est provoquée par l’accroupissement, la position assise pro-
longée ou par le fait de se relever d’un fauteuil. Les escaliers sont
pénibles à monter et surtout à descendre, avec parfois une sensa-
tion d’instabilité et de dérobement de la jambe, en rapport avec un
dysfonctionnement quadricipital. Il faut absolument différencier
cette instabilité subjective, constatée dans les rotules douloureuses,
d’une instabilité vraie avec de véritables épisodes de subluxation
rotulienne ou encore de l’instabilité ligamentaire objective de type
rotatoire en rapport avec les séquelles de rupture du pivot central
du genou (LCA). Néanmoins, la recherche, dans les antécédents,
d’épisodes d’entorse avec luxation ou subluxation rotulienne doit
être systématique. La notion de blocage est souvent présente dans
le cadre des rotules douloureuses potentiellement instables : ce
pseudo-blocage sans limitation de l’extension correspond le plus
souvent à un défaut d’engagement de la rotule, et peut être accom-
pagné d’un claquement ou d’un ressaut.
À l’examen,on évaluera le morphotype des axes des membres
inférieurs en recherchant un genu valgum, et notamment un aspect
en “baïonnette” (figure 1)de l’appareil extenseur, évocateur d’une
bascule externe et d’une instabilité de la rotule. De même, la posi-
tion en hauteur de celle-ci doit être évaluée, à la recherche d’une
dysplasie. On appréciera la trophicité du vaste interne (amyotrophie
éventuelle) et la présence ou non d’un
épanchement pouvant évoquer une
chondropathie. Les différents élé-
ments rotuliens doivent être palpés,
en particulier les ailerons (l’externe
peut être rétracté), les facettes et la
pointe de la rotule, qui peut faire
l’objet d’une pathologie d’insertion
tendineuse. Une douleur est fré-
quemment retrouvée sur les bords
externe et interne du tendon rotulien,
en rapport avec une souffrance du
paquet adipeux de Hoffa. Puis l’ap-
pareil extenseur est testé contre ré-
sistance de la flexion complète à
l’extension, à la recherche d’un arc
douloureux (tendinopathie, chondro-
pathie). In fine, au terme de l’exa-
men d’un syndrome rotulien, le test
jugé le plus fiable en matière d’ins-
tabilité rotulienne est le test de Smi-
lie (figure 2). Il permet de reproduire
précisément l’appréhension ressen-
tie par le patient : le genou est placé
au départ en extension ; l’examina-
teur subluxe la rotule en dehors et
demande dans le même temps au
patient de fléchir progressivement
le genou. Le test de Smilie est posi-
tif quand le patient retrouve sa sen-
sation d’instabilité dans les 30 pre-
miers degrés de flexion.
EXAMEN RADIOGRAPHIQUE
L’examen radiologique standard est incontournable, et d’une
importance fondamentale dans le cadre de la pathologie fémoro-
patellaire, pour rechercher d’une part des signes de dysplasie de
la rotule et/ou de la trochlée et, d’autre part, des anomalies posi-
tionnelles de la rotule par rapport à la trochlée. Le bilan radiolo-
gique doit comporter un cliché de face et surtout un cliché de profil
(3) en faible flexion pour mettre en évidence des aspects dyspla-
siques de la trochlée (trop plate), reconnaissables au signe du croi-
sement (figure 3) :lorsque au moins l’une des deux lignes des berges
La Lettre du Rhumatologue - n° 315 - octobre 2005
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Figure 1.Aspect en baïonnette.
Figure 2. Test de Smilie.