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Le syndrome de Kennedy
Kennedy syndrome
Isabelle Lihrmann*
»»Le syndrome de Kennedy, ou amyotrophie bulbospinale liée
à l’X (SBMA), est une maladie caractérisée par une atteinte des
motoneurones périphériques associée à des troubles endocrines. Ces
manifestations endocrines se traduisent par une résistance modérée
aux androgènes.
»»Le développement de la maladie est sous la dépendance des
androgènes ; seuls les hommes sont atteints.
»»Ce syndrome est provoqué par une mutation dans le gène du récepteur
aux androgènes ; il s’agit d’un homopolymère de glutamines (polyQ)
de taille anormalement élevée (supérieure à 38 résidus), dans la région
N-terminale.
»»L’expansion polyQ trop élevée a deux conséquences : la baisse de
l’activité transcriptionnelle du récepteur, entraînant l’insensibilité des
patients aux androgènes et un gain de fonction toxique, provoqué
par l’accumulation du récepteur mutant dans le noyau, responsable
de la neurodégénérescence des motoneurones.
»»La protéine mutante portant la mutation polyQ est réfractaire à
la dégradation. Les mécanismes neuroprotecteurs dont dispose
la cellule pour contrecarrer la protéotoxicité (chaperons et
protéasomes, voie autophagique) sont surpassés.
»»La prise en charge de la maladie est pour l’instant purement
P o i nt s f o rt s
symptomatique. Elle vise à améliorer les conditions de vie du patient.
»»Un traitement anti-androgénique à base de leuproréline fait
actuellement l’objet d’une étude clinique en phase II au Japon,
avec des résultats préliminaires peu concluants.
»»L’ASC-J9, une molécule de synthèse dérivée du curry, capable de
rompre les agrégats, semble une piste thérapeutique extrêmement
prometteuse car elle améliore les symptômes de la maladie sans
perturber la fonction sexuelle dans un modèle murin. Dans le même
ordre d’idées, des molécules visant à accélérer le processus de
dégradation des inclusions en stimulant l’activité des chaperons,
du protéasome et la voie autophagique semblent prometteuses.
Mots-clés : Amyotrophie bulbospinale liée à l’X – Maladie neurodégénérative – Insensibilité aux androgènes.
Keywords: X-linked bulbospinal amyotrophy – Neurodegenerative disease
– Androgen insensitivity – Androgen receptor.
* Laboratoire de différenciation et communication neuronale et
neuroendocrine, Unité Inserm U982, Rouen, Mont Saint-Aignan
L
e syndrome de Kennedy, ou amyotrophie bulbospinale liée à l’X (SBMA pour Spinal and Bulbar
Muscular Atrophy) est une maladie caractérisée par une atteinte du motoneurone périphérique
associée à des troubles endocrines. C’est une maladie rare, qui se transmet selon un mode récessif lié
au chromosome X. On estime à 200 le nombre de
personnes atteintes en France. Seuls les hommes
sont touchés ; les femmes peuvent être porteuses de
la maladie, mais elles ne présentent généralement
pas de manifestation clinique. Sa prévalence est de
1 sur 50 000 naissances mâles, soit 5 à 8 nouveaux
cas par an. Chez les hommes porteurs de SBMA, les
motoneurones bulbaires et spinaux dégénèrent,
contrairement aux motoneurones supérieurs, qui
restent épargnés. On observe une fonte musculaire,
plus prononcée pour les membres inférieurs, des
troubles de la marche, des crampes musculaires et
des fasciculations. Avec la progression relativement
lente de la maladie, la faiblesse musculaire gagne
les membres supérieurs ; des dizaines d’années plus
tard apparaissent des troubles de la déglutition et
de l’élocution, et la voix se modifie ; une atteinte
respiratoire peut survenir. Les ganglions spinaux
sensitifs peuvent aussi dégénérer, causant des déficits
sensoriels légers. La sclérose latérale amyotrophique
(SLA) peut mimer, surtout en début d’évolution, le
syndrome de Kennedy. Cependant, la particularité
de la SBMA, qui la distingue des autres pathologies
neuromusculaires, réside dans l’association de déficits
moteurs à des manifestations endocriniennes. Ainsi,
les hommes atteints de SBMA présentent des signes
de résistance modérée aux androgènes : gynécomastie, atrophie testiculaire, fertilité réduite, impuissance
sexuelle. Les taux d’androgènes sont normaux par
ailleurs. Les symptômes endocriniens précèdent les
troubles moteurs de plusieurs années. Ils se manifestent lors de la puberté, alors que les symptômes
moteurs apparaissent tardivement chez l’adulte, aux
alentours de 50 ans, bien qu’ils puissent survenir plus
tôt. L’association des manifestations endocriniennes
et neuromusculaires ne laisse aucun doute sur le
diagnostic de la maladie. Le diagnostic de certitude
repose sur la réalisation d’un test génétique.
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 6 - juin 2010
Le syndrome de Kennedy
Génétique
Dans les années 1980, sur la base des signes d’insensibilité aux androgènes et de la transmission liée au
chromosome X, le gène du récepteur aux androgènes
(AR) est suspecté d’être un gène candidat pour la maladie de Kennedy, études de liaison génétique à l’appui.
De fait, l’équipe du Dr Kenneth Fischbeck démontre
en 1991 que l’anomalie génétique porte sur le premier exon du récepteur aux androgènes, localisé sur
le chromosome X (1). Cette mutation, jamais décrite
jusqu’ici, est une expansion trinucléotidique codant
pour un homopolymère de glutamines (polyQ) dans la
région N-terminale du récepteur. Chez les sujets sains,
la polyQ est polymorphique, comprenant en moyenne
une vingtaine de résidus. Toutefois, l’expansion au-delà
de 38 à 40 résidus dans le gène AR confère le syndrome
de Kennedy, dont la gravité augmente avec la taille de
l’homopolymère de glutamines. L’expansion polyQ est
décrite par la suite dans 8 autres maladies, incluant la
maladie de Huntington, l’atrophie dentato-rubro-pallido-luysienne (DRPLA) et 6 formes d’ataxie cérébelleuse
autosomique dominante (SCA). Dans ces maladies dites
“par expansion de polyglutamines”, les allèles normaux
sont transmis sans modification à la descendance, mais
les allèles avec une expansion de polyQ sont instables
et sont transmis avec une tendance à l’accroissement
du nombre de répétitions au cours des générations. Ces
maladies partagent des caractéristiques cliniques communes, parmi lesquelles le phénomène d’anticipation,
c’est-à-dire un âge de début plus précoce et/ou une
sévérité accrue au cours des générations successives,
et l’accumulation d’agrégats dans le noyau ou le cytosol
des neurones vulnérables.
Hypothèses physiopathologiques
Gain de fonction toxique
Les patients porteurs d’une mutation non-sens dans le
gène AR présentent un syndrome du testicule féminisant
ou de résistance aux androgènes, mais jamais les troubles
neurologiques de la SBMA (2, 3). Par conséquent, la neurodégénérescence observée chez les patients SBMA ne
peut être attribuable qu’à l’expansion polyQ, qui entraîne
un gain de fonction, c’est-à-dire l’acquisition pour l’AR
muté d’une nouvelle fonction. Des études réalisées dans
un modèle de souris SBMA et chez la mouche étayent la
théorie du gain de fonction ; dans ces modèles, la protéine mutée s’avère toxique pour les motoneurones
(4, 5). Toutefois, la toxicité ne se manifeste qu’en présence d’androgènes. Ainsi, seules les souris transgéniques
mâles manifestent les signes de la maladie. Les souris
femelles transgéniques qui expriment l’AR polyQ muté
ne développent pas de syndrome moteur, sauf si elles
sont traitées par les androgènes. À l’inverse, la maladie
ne se développe pas chez les souris mâles castrées ou
après qu’elles ont reçu de la leuproréline, un analogue
de synthèse de la gonadolibérine qui inhibe la libération
testiculaire de testostérone (6).
Perte partielle de fonction
Contrairement à d’autres maladies à expansion polyQ,
la fonction de la protéine mutée dans la SBMA, en l’occurrence l’AR, est bien connue. L’AR fonctionne comme
un facteur de transcription inductible par ses ligands, la
testostérone et la dihydrotestostérone (DHT). Il contient
un domaine de transactivation N-terminal, un domaine
de liaison à l’ADN comprenant deux doigts de zinc, une
région charnière et une région de liaison du ligand. L’AR
agit classiquement via des interactions avec des coactivateurs et des corépresseurs et d’autres composants de
la machinerie transcriptionnelle pour induire l’expression de gènes cibles (7). Les gènes dont la transcription
est régulée par l’AR interviennent dans la croissance
musculaire, la croissance osseuse, la spermatogenèse et
le développement des caractères sexuels secondaires.
L’insensibilité partielle aux androgènes des patients
SBMA suggère que l’activité transcriptionnelle de
l’AR muté est réduite. De fait, une expansion polyQ
comportant 40 ou 50 résidus entraîne une baisse de
l’activité transcriptionnelle du récepteur sans affecter
la liaison du ligand (8). P.S. Thomas et al. ont étudié les
fonctions de l’AR polyQ en croisant un modèle de souris
SBMA (ARQ100) avec des souris qui n’expriment pas le
récepteur des androgènes de façon endogène car porteuses de la mutation Tfm (pour testicule féminisant),
qui décale le cadre de lecture de l’AR. L’absence d’AR
endogène dans ce modèle accélère les troubles neurodégénératifs, et les souris présentent une insensibilité
plus sévère aux androgènes (9). Ces effets s’accompagnent d’une réduction du nombre de motoneurones
dans la partie lombaire de la moelle épinière. Plus l’expansion polyQ est courte, plus l’AR mutant est capable
de réverser le phénotype du testicule féminisant. De la
même manière, dans un modèle cellulaire de cellule
prostatique, le récepteur AR mutant possède une activité transcriptionnelle résiduelle qui est inversement
corrélée à la taille de l’expansion polyQ. De tels résultats
indiquent clairement que l’expansion polyQ perturbe
la fonction normale de l’AR d’autant plus qu’elle est de
taille élevée. Par conséquent, des thérapies qui viseraient à bloquer l’expression de l’AR mutant, par ARN
interférence par exemple, pourraient non pas amélio-
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rer mais altérer le tableau clinique, d’une part en augmentant les processus de neurodégénération, d’autre
part en générant plus d’effets indésirables (insensibilité
sévère aux androgènes) à cause de la perte de fonction
normale de l’AR.
Inclusions neuronales intranucléaires
La SBMA et les autres maladies par expansion de polyQ
présentent une signature commune : la présence d’inclusions dans le cytoplasme et le noyau des neurones sensibles (10). Un nombre considérable de données montre
que ces inclusions ne sont pas la cause des maladies
neurodégénératives mais de simples marqueurs de ces
pathologies. Par exemple, l’observation d’agrégats dans
des tissus non neuronaux (peau, cœur, testicule, etc.)
de patients SBMA indique que l’agrégation n’est pas
suffisante pour induire la mort cellulaire (11, 12).
Plusieurs travaux ont montré que seuls des anticorps
dirigés contre l’extrémité N-terminale de l’AR, comportant l’homopolymère polyQ, sont capables de
reconnaître la protéine dans ces inclusions ; d’autres
anticorps dirigés contre le domaine de liaison à l’ADN
ou l’extrémité C-terminale de la protéine ne marquent
pas les agrégats. Un tel manque de reconnaissance
tient sans doute à une altération de conformation de
l’AR mutant, au masquage des épitopes par l’interaction avec d’autres protéines ou à la protéolyse de l’AR
mutant (13). Un phénomène de protéolyse est mis en
évidence dans des modèles cellulaires. Il génère, au
cours des stades précoces de la maladie, la libération
de produits tronqués, sous forme de monomères et
d’oligomères, qui seraient toxiques pour la cellule (14).
Les inclusions marqueraient la phase plus tardive d’un
processus pathologique (15, 16).
Rôle du noyau
Le noyau est le site principal d’agrégation et d’expression de la toxicité de la protéine mutante dans la SBMA
(13), comme dans toutes les maladies à expansion de
polyglutamines. Il est d’autant plus impliqué dans le
syndrome de Kennedy en raison du rôle critique des
androgènes, qui entraînent la translocation du récepteur mutant dans ce compartiment. Le récepteur non lié
au ligand réside principalement dans le cytoplasme, où
il s’associe avec les protéines HSP et les protéines accessoires. La liaison de l’hormone entraîne un changement
de conformation qui expose le signal de localisation
nucléaire (SLN) et permet l’adressage de l’AR au noyau,
où il peut réguler la transcription. L’importance de la
translocation nucléaire dans le cas de la SBMA est bien
démontrée, car, en l’absence d’androgènes, l’AR mutant
n’entraîne ni inclusion nucléaire, ni toxicité (4, 5). Des
172
travaux récents montrent cependant que le rôle des
androgènes ne se limite pas à transférer la protéine
mutante dans le compartiment nucléaire. En effet, un
mutant de l’AR désigné pour être constitutivement
exprimé dans le noyau n’entraîne pas la formation d’inclusions nucléaires (ni la mort cellulaire) en l’absence
de ligand (DHT) dans la lignée cellulaire PC12. Cette
expérience démontre clairement que, si la translocation nucléaire de la protéine mutée est nécessaire pour
la formation des inclusions, la présence du ligand est
requise pour que s’exprime la toxicité du mutant (17).
Cette observation souligne qu’il est pertinent d’envisager l’utilisation de traitements anti-androgéniques
pour traiter le syndrome de Kennedy (18).
Les mécanismes moléculaires contrecarrant
la protéotoxicité sont surpassés
Une protéine mutante portant une expansion polyQ
est réfractaire à la dégradation et s’accumule dans le
compartiment où elle se trouve. Certaines observations
suggèrent que le noyau pourrait être moins efficace que
le cytoplasme dans la restauration de la conformation et
la désagrégation des protéines mal conformées, sinon
leur dégradation selon les modèles actuels, les mécanismes moléculaires contrant la protéotoxicité seraient
surpassés dans les maladies à expansion de polyglutamines. Ces mécanismes incluent, entre autres, les chaperons moléculaires, les protéasomes et l’autophagie.
Les chaperons et les protéasomes
L’accumulation dans les agrégats nucléaires de protéines ubiquitinylées constitue la signature de nombreuses maladies neurodégénératives, telles que la
maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson et toutes
les maladies à expansion de polyglutamines comme la
SBMA (13). Les agrégats séquestrent, entre autres, des
facteurs de transcription ainsi que des corégulateurs et
des corépresseurs. On y trouve également des composants du complexe UPS (UPS pour ubiquitin-proteasome
system) et des protéines chaperons (HSP pour heat shock
proteins) [19] qui tentent probablement activement de
reconnaître, de renaturer ou d’éliminer les protéines mal
conformées. Il semble que, dans la SBMA, la voie UPS
soit saturée, soit au niveau des protéines chaperons
qui interagissent avec les protéines du complexe UPS,
soit au niveau du protéasome lui-même. À l’appui de
cette hypothèse, la surexpression de certaines protéines
HSP, en particulier la combinaison de HSP70 et HSP40
dans les agrégats, augmente la survie cellulaire (20). On
observe aussi une amélioration du phénotype SBMA
dans un modèle transgénique murin SBMA surexprimant CHIP (C-terminus of heat shock cognate protein
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Le syndrome de Kennedy
70-interacting protein). CHIP est une ubiquitine-ligase
E3 qui interagit avec les chaperons HSP90 et HSP70.
Elle entraîne l’ubiquitination des protéines mal conformées par les chaperons (avec lesquels elle interagit)
pour les orienter vers la dégradation par le protéasome
(21). Dans le modèle animal surexprimant CHIP, l’AR
mutant est dégradé préférentiellement à l’AR sauvage.
Les monomères d’AR et les agrégats sont réduits, ce qui
suggère une activation de la voie UPS.
L’autophagie
L’autophagie est une voie qui met en jeu la dégradation
des constituants cellulaires (organelles, protéines) par
ses propres lysosomes. Des données récentes suggèrent
qu’elle jouerait plutôt un rôle neuroprotecteur dans
la SBMA, comme dans les autres maladies à expansion polyQ. Ainsi, H.L. Montie et al. ont développé un
modèle murin AR∆NLS dans lequel l’AR mutant est
exprimé constitutivement dans le cytoplasme qui ne
développe pas de phénotype SBMA. Dans ce modèle,
l’AR muté séquestré dans le cytoplasme colocalise avec
des spots dont la présence signe l’activation de la voie
autophagique (17). D’un autre côté, l’activation de la
voie autophagique chez des souris SBMA, en utilisant
la phénoxazine, un inhibiteur de la voie AKT, protège
les motoneurones des effets neurotoxiques (17). Cet
effet neuroprotecteur n’entraîne pas de diminution
significative des agrégats nucléaires et passerait par
l’activation de la voie mTOR (22).
La voie autophagique est-elle altérée dans les maladies à expansion polyQ ? Il n’y a pas de réponse à cette
question. Il est probable que les protéines à expansion trinucléotidiques agrégées et mal conformées
saturent la voie autophagique, provoquant une sorte
d’indigestion cellulaire. La stimulation de la voie de
l’autophagie pour traiter les patients SBMA est donc
une piste séduisante.
Altération du transport axonal
Malgré une expression ubiquitaire de l’AR polyQ mutant
dans l’organisme, seuls les motoneurones présentent
une vulnérabilité particulière à ce mutant. Cependant,
les mécanismes physiopathologiques responsables de
l’altération spécifique du motoneurone dans la SBMA
ne sont pas connus. Les résultats d’une étude menée
par M. Katsuno et al. montrent une accumulation de
neurofilaments dans les motoneurones et les cellules
musculaires squelettiques d’un modèle murin SBMA
(23). Aux stades précoces de la maladie, une altération
du transport axonal rétrograde est observée, due à une
diminution des taux de dynactine 1, une protéine clé
du transport axonal qui s’accroche aux microtubules.
La castration réverse cet effet : les agrégats nucléaires disparaissent et les troubles neurodégénératifs s’atténuent.
Ainsi, l’altération du transport axonal et du trafic vésiculaire
rétrograde dans les motoneurones pourrait jouer un rôle
important dans la physiopathologie de la SBMA.
Pistes et essais thérapeutiques
La prise en charge du syndrome de Kennedy est pour
l’instant purement symptomatique. Elle vise essentiellement à prévenir les complications et à améliorer les
conditions de vie des patients. Toutefois, comme on
l’a vu précédemment, l’élucidation des mécanismes
moléculaires impliqués dans les aspects neurodégénératifs et endocrines (insensibilité aux androgènes)
de la SBMA ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques.
Les données obtenues chez la souris et la mouche montrent que la toxicité de l’AR polyQ ne s’exprime qu’en
présence d’androgènes et qu’un traitement anti-androgénique (leuproréline) améliore les déficits neurodégénératifs. Mais ce traitement est-il efficace chez l’homme ? Une
étude clinique en phase II, réalisée en double aveugle
(leuproréline versus placebo) sur une cohorte de 50 sujets
SBMA, montre qu’il n’y a aucune différence entre les
deux groupes au bout de 48 semaines de traitement (18).
Au premier abord, la leuproréline semble donc dénuée
d’efficacité clinique pour traiter la SBMA. Par ailleurs, ses
effets indésirables sur la fonction sexuelle (libido, fertilité),
l’ostéoporose, etc., n’ont pas encore été évalués. Cette
étude demande clairement à être étayée.
L’AR avec une expansion polyQ colocalise dans les
agrégats avec des coactivateurs de la transcription,
notamment CBP (pour CREB-binding protein, CREB
signifiant cAMP response element-binding protein). La
séquestration de CBP pourrait jouer un rôle important
dans la physiopathologie du syndrome de Kennedy, car
la restauration des taux de CBP en utilisant un inhibiteur de désacétylation des histones améliore le phénotype neurodégénératif dans un modèle animal (24).
Une équipe américaine a donc recherché un composé
naturel capable de rompre les agrégats, de libérer les
coactivateurs et d’augmenter la vulnérabilité de l’AR
mutant vis-à-vis des processus de dégradation. Ils ont
identifié l’ASC-J9, un composé de synthèse dérivé du
curry, qui augmente la survie cellulaire en réduisant la
taille des agrégats et en augmentant la dégradation
de l’AR polyQ (25). Dans un modèle murin de SBMA,
l’injection intrapéritonéale d’ASC-J9 améliore les symptômes de la SBMA, sans modifier les taux circulants
d’androgènes, de telle sorte que les souris conservent une fonction sexuelle et une fertilité normales.
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L’ASJ-9 pourrait donc ouvrir une piste thérapeutique
intéressante pour traiter les patients SBMA.
Enfin, il y a probablement d’autres perspectives thérapeutiques à explorer grâce à la recherche portant sur les
mécanismes neuroprotecteurs, par exemple, l’emploi
de molécules stimulant la voie de l’autophagie ou celle
de la protéolyse par le complexe UPS pour détruire les
agrégats.
■
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JPCOM - Caen - 02 31 27 19 18
[email protected] - www. jpcom.fr
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Française d’Endocrinologie
Centre International de Deauville
Deauville,  
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