
Cas clinique
Cas clinique
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La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 312 - janvier-mars 2008
les tumeurs à cellules rondes, le diagnostic peut de ce fait ne pas
être évoqué ni à la TDM ni à l’IRM (1-3). En outre, l’imagerie
permet une surveillance ultérieure afin de détecter une récidive
tumorale ou la survenue de métastases.
Le bilan d’extension est obligatoire. Il doit comporter une scin-
tigraphie osseuse, une radiographie pulmonaire, une TDM
thoraco-abdominale et un médullogramme.
La suspicion radioclinique d’une tumeur à cellules rondes néces-
site une approche anatomopathologiste rigoureuse pour obtenir
un diagnostic positif. L’examen essentiel à envisager est la biopsie
chirurgicale, qui permet d’avoir un bon échantillon pour réaliser
les différentes études nécessaires au diagnostic. Le prélèvement
peut être réalisé également par aspiration fine ou par biopsie
simple à l’aiguille : méthode rapide, non traumatique et fiable
pour le diagnostic des formes osseuses ainsi que des formes
extraosseuses, lorsque la tumeur est accessible (10). C’est le cas
de notre patient n° 2. La taille des tumeurs d’Ewing est variable et
due en grande partie à la localisation anatomique dont dépendent
le mode et le délai de révélation. Sur le plan macroscopique,
les tumeurs apparaissent arrondies, ovalaires, multinodulaires
ou lobulées, assez bien limitées, sans encapsulation plus ferme
dans leur forme osseuse, de couleur blanc grisâtre. La couleur
peut être rougeâtre, liée aux remaniements hémorragiques et
nécrotiques. Les aspects histologiques de cette tumeur sont
les mêmes au microscope optique : il s’agit généralement d’une
prolifération cellulaire monomorphe en nappe, faite de petites
cellules rondes monotones et basophiles (11, 12). Pour la locali-
sation orbito-temporale, étant donné l’extension importante en
endocrânien, l’origine exacte de cette tumeur n’a pu être déter-
minée. La radiologie orientait plutôt vers un méningiosarcome.
L’aspect à la microscopie optique évoquait plus un lymphome,
même si la localisation n’était pas en faveur. C’est l’immuno-
histochimie qui a pu redresser le diagnostic. Cette dernière est
largement employée pour la caractérisation des pPNET. Elle
permet d’apporter des arguments en faveur du diagnostic. Elle
nécessite l’utilisation d’une batterie de marqueurs. Le marqueur
le plus exprimé est le CD99, qui est le produit du gène MIC2
exprimé dans plus de 95 % des cas. Il s’agit d’une fixation intense,
homogène et diffuse, de type membranaire, associée parfois à
un marquage cytoplasmique (13-14).
Le sarcome d’Ewing a été la première tumeur dans laquelle une
anomalie cytogénétique caractéristique a été observée. Il s’agit
de la translocation t(11;22)(q24;q12) identifiée par les équipes de
A. Aurias et de C. Turc-Carel en 1983. Au niveau de ces points
de cassure sont mis en évidence le gène EWS, normalement
situé au locus 22q12, et le gène FLI1, normalement situé au
locus 11q24. Ces gènes aboutissent à des transcrits de fusion,
le plus fréquent étant le trancrit ews/fli-1, dont le rôle exact
n’est pas déterminé clairement (15, 16).
Le traitement comporte deux volets : un contrôle local par la
chirurgie et la radiothérapie, et un contrôle systémique par
la chimiothérapie (17-22). La chirurgie permet une réduction
rapide du volume tumoral et, lorsqu’elle est radicale, évite
les complications d’une radiothérapie crânio-faciale complé-
mentaire. Mais l’exérèse ne peut pas toujours être complète
du fait de l’envahissement de structures vitales, en particulier
de la base du crâne comme chez deux de nos patients. Dans
la littérature, cela concerne 2 patients sur 5. La radiothérapie
correspond au second volet du contrôle local de la tumeur.
Elle permet un bon contrôle local de la maladie. Il s’agit d’une
radiothérapie externe fractionnée dont les doses varient entre
45 et 60 Gy.
La chimiothérapie est la thérapeutique qui a le plus bénéficié
de progrès et de nouveautés. Il existe plusieurs protocoles, mais
aucun n’a montré sa suprématie par rapport à l’autre. L’IESS-III
suggère l’intérêt de l’introduction des molécules étoposide et
ifosfamide : VAC-doxorubicine, en alternance avec étoposide
ifosfamide versus VAC-doxorubicine avec un progrès à 3 ans de
la survie sans récidive (69 % versus 50 %) et de la survie globale
(80 % versus 56 %). Les formes extra-osseuses et osseuses du
sarcome d’Ewing bénéficient des mêmes protocoles thérapeu-
tiques, le pronostic étant identique.
Le pronostic général des PNET reste mauvais. La médiane de
survie sans lésion tumorale après traitement est de 50 % à 3 ans
et de 35 à 45 % à 5 ans. Le pronostic dépend essentiellement de
l’existence de métastases, du volume tumoral et du traitement
reçu, le traitement chirurgical associé à une chimiothérapie
s’accompagnant du meilleur pronostic (17, 18).
CONCLUSION
Le terme de pPNET est actuellement utilisé pour qualifier
une famille homogène de tumeurs, dont la description initiale
remonte au début du siècle. Dans ce travail, nous avons rapporté
3 observations de localisation ORL : naso-sinusienne, temporo-
orbitaire et parotidienne.
Si l’argumentation histologique est orientée par le morphotype
tumoral “à petites cellules rondes”, ce sont les données de l’im-
munohistochimie, et tout particulièrement la mise en évidence
du produit d’expression du gène MIC2 qui permettent de poser
le diagnostic positif. L’étude cytogénétique n’a pas été réalisée,
faute de disponibilité technique, même si dans la littérature elle
constitue le volet le plus développé. Le rôle de l’ORL est souvent
limité, réduit au diagnostic, laissant la place au radiothérapeute
et au chimiothérapeute pour le traitement. ■
RéféRences bibliogRaphiques
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