Cancers bronchopulmonaires d’origine professionnelle Occupational lung cancers M

FRÉQUENCE DES CBP PROFESSIONNELS
Le nombre de cas de CBP reconnus comme maladie profession-
nelle dans le cadre du régime général de la Sécurisociale a net-
tement augmenté au cours des dernières années, la majorité d’entre
eux étant liés à des expositions antérieures à l’amiante (tableau I).
Ces chiffres doivent être rapprochés des évaluations épidémio-
logiques récentes, en particulier de l’estimation de la fraction des
CBP attribuable aux expositions professionnelles effectuée par
l’Institut de veille sanitaire ( 1 ). Chez l’homme, cette fraction
varie de 13 à 29 % selon diverses études internationales euro-
péennes (1). Cela a conduit à une estimation du nombre de décès
par CBP attribuable à une exposition professionnelle de 2 700 à
6000 cas par an chez l’homme en 1999 (1). Parmi ces étiologies
professionnelles, le poids de l’amiante est le plus important, et la
même publication conclut que l’amiante a é à l’origine de
2 100 à 4 200 cas des décès sus-cités chez l’homme, selon les
fractions attribuables utilisées. Une estimation à partir de données
d’une étude française conduisait au chiffre de 2 260 cas (1). Lors
de l’expertise collective de l’INSERM, une molisation à partir
des relations dose-effet antérieurement publiées avait conduit à esti-
mer que le nombre de CBP liés aux expositions antérieures à
l’amiante était de 1 200 pour l’année 1996 (2).
REPÉRAGE DU DANGER CANCÉROGÈNE : LA DÉMARCHE
DU CENTRE INTERNATIONAL DE RECHERCHE SUR LE CANCER
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) est un
organisme qui procède régulièrement à l’évaluation critique du pou-
voir cancérogène de substances, de mélanges de substances ou de
situations d’exposition. La démarche est une démarche de type
“expertise collective” consistant en une évaluation du danger (c’est-
à-dire une évaluation qualitative du pouvoir cancérogène, à distin-
guer de la marche de type évaluation de risque : “l’exposition à
la nuisance évaluée est-elle susceptible de modifier l’incidence du
cancer chez l’homme ?”), à partir des informations publiées dans
la littérature, essentiellement sur le plan épidémiologique et sur
le plan expérimental.
L’évaluation conduit à classer l’agent évalué, le mélange d’agents
ou la situation d’exposition dans un groupe en fonction de son
pouvoir cancérogène, conformément à des règles résumées dans
le tableau II. Il importe de souligner que ce classement ne s’assor-
M
I S E A U P O I N T
Cancers bronchopulmonaires d’origine professionnelle
Occupational lung cancers
J.C. Pairon
1-3
, M. Matrat
1, 2
, J.P. L’Huillier
1
167
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
1. Service de pneumologie et de pathologie professionnelle, CHI de Créteil.
2. INSERM EMI 03-37, faculté de médecine de Créteil.
3. Institut interuniversitaire de médecine du travail de Paris Île-de-France,
Biomédicale des Saints-Pères, Paris.
©
La Lettre du Pneumologue - Volume VII - n° 2 - mars-avril 2004
RÉSUMÉ. Les cancers bronchopulmonaires (CBP) sont les plus fréquents des cancers professionnels.
Le caractère multifactoriel des CBP et le poids important du tabagisme ne doivent pas faire méconnaître la fréquence de ceux qui sont
liés à des expositions professionnelles antérieures à diverses nuisances, la plus fréquente étant l’amiante.
Le Centre international de recherche sur le cancer a classé de nombreux agents, mélanges d’agents ou situations professionnelles dans
les groupes 1 et 2A cancérogènes certains ou probables chez l’homme, du fait d’un excès de risque identifié de CBP.
Il est important, sur le plan scientifique, de développer des recherches dans le domaine de l’imputabilité pour cette maladie multifactorielle.
Les conséquences médico-sociales sont importantes en cas de reconnaissance d’une maladie professionnelle. La mise en place du Fonds
d’indemnisation des victimes de l’amiante est un aspect médico-social récent fondamental pour les CBP liés à l’amiante.
Mots-clés : Cancer bronchopulmonaire - Amiante - Profession - Indemnisation.
Summary: Lung cancer (LC) is the most frequent occupational cancer.
Besides the well-known contribution of tobacco smoking, physicians should be aware that LC may be linked to previous exposure to
several occupational agents, mainly asbestos.
The International Agency for Research on Cancer has classified several agents, mixtures and exposures as being definitely or probably
carcinogenic to humans, because of an excess of LC observed in occupational settings.
It is important to develop research in the field of imputation for this multifactorial disease.
Medico-social consequences are important in the case of recognition as an occupational disease. In France, the recent creation of the
Fund for Compensation of Asbestos Victims (“Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante”) is an important medico-social event
for asbestos-related LC.
Keywords: Lung cancer - Asbestos - Occupation - Compensation.
tit d’aucune obligation réglementaire, à la différence des classe-
ments qui peuvent être proposés par d’autres organismes, comme
par exemple l’Union européenne.
Cette évaluation est évolutive en fonction des nouvelles publi-
cations, et accessible via Internet (http://www.iarc.fr/, ou accès
direct aux monographies : http://193.51.164.11/).
CANCER BRONCHOPULMONAIRE : ÉTIOLOGIES
PROFESSIONNELLES – ÉLÉMENTS D’IMPUTABILITÉ
Les étiologies professionnelles des CBP ont fait l’objet de revues
de la littérature récentes (3, 4).
D’une façon générale, un obstacle au repérage rapide d’un CBP
d’origine professionnelle réside dans le fait qu’il n’existe pas
d’éléments de spécificité de ce CBP orientant le clinicien vers
une origine professionnelle : il n’y a pas de spécificité clinique
(topographie, signes cliniques, etc.), ni histologique (l’exception
du bischlorométhyléther et du type histologique “petites cellules”
peut néanmoins être citée), ni pronostique.
Les étiologies professionnelles connues ou suspectées sont sché-
matiquement résumées dans le t a b l e a u I I I, qui indique également
les groupes professionnels ou les situations évalués par le CIRC
le cas échéant (lorsque la nuisance mentionnée dans la c o l o n n e
de gauche n’a pas fait elle-même l’objet d’une évaluation spéci-
fique par le CIRC : cas, par exemple, des hydrocarbures aroma-
tiques polycycliques) et signale l’existence ou non d’un tableau
de maladie professionnelle dans le régime général de la Sécurité
sociale ou le régime agricole.
A m i a n t e
Il ne peut être retenu de type histologique spécifique, ni de topo-
graphie spécifique, même si certains auteurs ont évoqque
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168
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
2
Amiante 156 188 280 438 561 800 853
Poussières/gaz radioactifs 6 5 5 7 9 12 12
Chromates 2 1 1 6 8 7 5
Hydrocarbures aromatiques polycycliques 4 3 3 5 12 11 10
dérivés du charbon
Dérivés de l’arsenic 1 - - 1 - 1 1
Dérivés du nickel 2 2 - 1 - - 1
Complication de sidérose 1 1 3 9 7 7 4
Cobalt + carbure de tungstène - - - - 1 2 2
Bischlorométhyléther (BCME) 4 - - 2 - - -
Autres (nuisances hors tableau de maladie professionnelle, 2 2 2 - 4 10 2
via le CRRMP
1
)
Total 178 202 294 469 602 850 890
Tableau I. Nombre de cas de cancer du poumon reconnus en maladie professionnelle dans le cadre du régime général de la Sécurité sociale (sta-
tistiques CNAM-TS).
1. CRRMP : Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
2. Décompte provisoire, arrêté au 31 décembre 2003.
Tableau II.Évaluation globale de la canrogénicité pour l’homme pour un agent, un lange d’agents ou une situation d’exposition (classification du CIRC).
Les lignes en italique correspondent aux situations les plus fréquentes conduisant au classement dans un groupe donné. Les lignes entre parenthèses correspondent à des situations exceptionnelles.
Indications de cancérogénicité Indications de canrogénicité Autres données
chez l’homme chez l’animal
Groupe 1 : cancérogène suffisantes – –
pour l’homme (limitées) (suffisantes) (mécanisme connu)
Groupe 2A : probablement limitées suffisantes
cancérogène pour l’homme insuffisantes suffisantes mécanisme analogue chez l’homme et l’animal
(limitées) –
Groupe 2B : peut-être cancérogène limitées insuffisantes
pour l’homme insuffisantes suffisantes
insuffisantes limitées existence de données pertinentes
Groupe 3 : non classable par rapport insuffisantes insuffisantes
au pouvoir cancérogène pour l’homme insuffisantes limitées
insuffisantes suffisantes mécanisme chez l’animal, non pertinent chez l’homme
Groupe 4 : probablement absence absence
non cancérogène pour l’homme insuffisantes absence existence de données pertinentes
l’adénocarcinome ou l’atteinte des lobes inférieurs pourraient
être plus fréquents dans les CBP liés à l’amiante (6).
Toutes les variétés d’amiante peuvent induire des CBP, avec
cependant un risque variable selon le type d’exposition (pente de
la relation dose-effet différente en fonction du secteur d’activité :
mines < amiante-ciment < amiante textile). Contrairement à ce qui
a été rapporpour le mésothéliome, il n’a pas été identifié d’excès
de risque mesurable de CBP dans des situations d’exposition à
l’amiante considérée comme faible, telles que chez les femmes
résidant à proximité des mines de chrysotile au Québec ( 7 ).
L’évaluation de l’interaction du tabac avec l’exposition à
l’amiante a donné lieu à de multiples travaux. Il est admis qu’il
existe une synergie d’effet multiplicatif amiante x tabac pour le
risque de CBP, les coefficients qui permettent de mesurer l’excès
de risque étant variables d’une étude à l’autre (8-10). Lors de
l’expertise collective de l’INSERM, il a été souligné que, à l’éche-
lon individuel, “la plausibilité d’une association causale avec une
exposition professionnelle à l’amiante chez un sujet présentant
un CBP est totalement indépendante de la consommation de tabac
de la personne considérée, et dépend uniquement de la plausibi-
lité des antécédents d’exposition à l’amiante, de leur intensité,
de leur ancienneté et de leur durée” (2).
Une question actuellement encore controversée concerne le rôle
de la fibrose pulmonaire (asbestose) dans la survenue du CBP lié
aux expositions antérieures à l’amiante ([11], revue de la littéra-
ture dans 12). Il est admis que l’existence d’une fibrose pulmo-
naire, souvent retenue sur des arguments radiologiques, est asso-
ciée à un excès de risque de CBP (13, 14). Cela pourrait
s’expliquer par le fait que l’existence d’une fibrose pulmonaire
est un marqueur de forte exposition. Plusieurs études originales
et revues récentes retiennent qu’un excès de CBP peut être
observé en l’absence d’asbestose dans des populations antérieu-
rement exposées à l’amiante, même si l’excès de risque est plus
important dans le sous-groupe des patients présentant une asbes-
tose ( 1 5 - 1 7 ) . À l’échelon individuel, l’expertise collective de
l’INSERM a conclu que “si l’existence d’une fibrose pulmonaire
est un élément qui accroît la plausibilité d’une exposition plus
importante à l’amiante chez un sujet ayant été professionnelle-
ment exposé, l’absence d’un tel signe ne peut pas être considé-
rée comme un élément qui réduit sensiblement la plausibilité
d’une association causale( 2 ). Dans une publication récente ( 1 8 ),
il a été suggéré, à partir d’un modèle de régression logistique, que
c’était le caractère évolutif de la fibrose qui était associé à un
excès de risque de survenue de CBP (l’odds-ratio associé à la pro-
gression des petites opacités était de 9,6 [IC
95
: 2,5-36,8]).
Compte tenu du caractère multifactoriel du CBP, le recueil
d’arguments étayant l’imputabilité à l’exposition professionnelle
antérieure est important, en particulier pour les sujets qui ne rem-
plissent pas les critères administratifs leur permettant de deman-
der une reconnaissance au titre du tableau 30 bis du régime géné-
ral de la Sécurité sociale (ou 47 b i s du régime agricole), voire dans
la perspective d’une demande de prise en charge auprès du Fonds
d’indemnisation des victimes de l’amiante. Le clinicien portera
une attention particulière aux paramètres suivants :
Le relevé des emplois successivement occupés, permettant de
retenir une exposition cumulée élevée à l’amiante, avec une chro-
nologie compatible (respect du temps de latence dans le cadre
d’un processus de cancérogenèse). Le questionnaire de repérage
élaboré par la Société de pneumologie de langue française et la
Société française de médecine du travail peut l’aider dans cette
démarche (19).
Le résultat d’une analyse biométrologique (quantification des
corps asbestosiques [CA] en microscopie optique) dans un échan-
tillon de liquide de lavage bronchoalvéolaire (LBA) ou de paren-
chyme pulmonaire chez les sujets bénéficiant d’une interven-
tion. En effet, une concentration en corps asbestosiques supérieure
à 1 CA/ml dans le LBA ou 1 000 CA/g de poumon sec dans un
prélèvement biopsique (minimum : 1 cm
3
) est en faveur d’une
169
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
Tableau III. Liste des étiologies professionnelles des CBP connues ou
suspectées par le CIRC, et tableaux de maladies professionnelles cor-
respondants (5).
1. CIRC : Centre international de recherche sur le cancer.
2. N° TRG : numéro du tableau du régime général de la Sécurité sociale.
3. N° TRA : numéro du tableau du régime agricole de la Sécurité sociale.
4. 2,3,7,8 TCDD : 2,3,7,8 tétrachlorodibenzoparadioxine.
Agents/mélanges d’agents/situations n° TRG
2
n° TRA
3
d’exposition (classement CIRC
1
)
Cancérogènes certains pour le poumon
(groupe 1)
– amiante 30/30 bis 47/47 bis
– arsenic et composés 20 bis/20 ter 10
– béryllium et composés - -
bischlorométhyléther (BCME) - 81 -
chlorométhyl méthyléther (CMME)
– cadmium et composés - -
– composés du chrome hexavalent 10 ter -
hydrocarbures aromatiques polycycliques : 16 bis 35 bis
brais de houille, goudrons de houille, (dérivés (dérivés
huiles de schiste, huiles minérales de la houille) de la houille)
non ou peu raffinées, suies
production d’aluminium, gazéification
du charbon, production de coke,
fonderie de fonte et d’acier
– certains composés du nickel 37 ter -
– gaz moutarde - -
poussières ou gaz radioactifs (radon, 6 (inhalation) 20 (inhalation)
aérosols de plutonium 239,
certains émetteurs β)
– silice cristalline 25 (si silicose) -
Autres cancérogènes potentiels
pour le poumon (groupes 1 ou 2A)
brouillards d’acides minéraux forts - -
contenant de l’acide sulfurique
– gaz d’échappement Diesel - -
dérivés chlorés du toluène/chlorure - -
de benzoyle, - -
– 2,3,7,8 TCDD
4
- -
– chlorure de vinyle - -
– formaldéhyde - -
– cobalt + carbure de tungstène 70 ter -
Autres
– travaux dans les mines de fer 44 bis -
(si sidérose)
– profession de peintre (groupe 1) - -
industrie de fabrication du verre - -
(groupe 2A)
exposition antérieure significative à l’amiante, le plus souvent
d’origine professionnelle. Un tel résultat n’est pas requis pour
l’obtention d’une reconnaissance dans le cadre des tableaux de
maladie professionnelle, mais s’avère utile lorsque le relevé de
carrière indique que la durée minimale d’exposition requise (dix
ans dans le cadre du TRG 3 0 b i s ou TRA 4 7 b i s) n’est pas atteinte
par l’intéressé.
L’existence d’une fibrose pulmonaire histologique chez les
patients opérés, ou d’anomalies radiologiques compatibles avec
une asbestose, puisqu’il a été indiqué qu’il s’agissait d’un mar-
queur renforçant l’hypothèse d’une forte exposition antérieure à
l’amiante (2).
L’épidémiologie moléculaire permettra peut-être d’identifier des
mutations d’oncogènes ou de gènes suppresseurs de tumeurs
qui seraient le reflet de l’exposition passée à l’amiante ( 2 0 - 2 2 ).
Ainsi, des mutations de K-ras ont érapportées à une exposi-
tion antérieure à l’amiante dans l’adénocarcinome, inpen-
damment de l’existence d’une fibrose pulmonaire associée ( 2 2 ) .
L’utilisation de tels marqueurs demeure aujourd’hui prématu-
rée en routine ( 2 3 ).
Silice cristalline
La réévaluation du pouvoir cancérogène de la silice cristalline
par le CIRC en 1996 a abouti à sa classification dans le groupe 1
des cancérogènes certains pour l’homme en ce qui concerne les
situations d’exposition au quartz ou à la cristobalite d’origine pro-
fessionnelle (24).
Certains auteurs ont ultérieurement contesté l’existence d’une
relation entre l’exposition à la silice et un excès de risque de CBP
en l’absence de silicose (25), voire écarté tout lien causal entre
exposition à la silice ou silicose et excès de risque de CBP (26).
La reproductibilité de l’excès de CBP dans les études épidémio-
logiques concernant les populations atteintes de silicose est très
en faveur de la relation silicose-CBP, indépendamment du méca-
nisme de survenue du CBP. Il n’est pas définitivement établi que
la silicose soit une étape nécessaire dans la relation entre expo-
sition à la silice et risque de survenue d’un CBP (27).
Les publications très centes, postérieures à l’évaluation du groupe
de travail du CIRC, apportent des informations de plus en plus
détaillées sur la prise en compte des facteurs de confusion et/ou
l’existence d’une relation dose-effet. Même si elles ne sont pas
toutes positives, elles n’apportent globalement pas d’arguments
susceptibles de remettre en cause les conclusions du groupe de
travail du CIRC, conclusions corroborées par une méta-analyse
récente (28).
Sur le plan expérimental, la silice cristalline est un cancérogène
certain chez le rat, un excès de tumeurs épithéliales ayant été
observé après inhalation de quartz.
Depuis mars 2003, le CBP est inscrit au tableau n° 25 des mala-
dies professionnelles du régime général de la Sécurisociale. Les
patients ayant eu une exposition professionnelle antérieure à la
silice cristalline durant au moins cinq ans peuvent être pris en
charge, sous réserve que leur CBP soit associé à des signes radio-
logiques ou à des lésions de nature silicotique (en particulier his-
tologiques). En revanche, le CBP n’est pas réparé s’il complique
une pneumoconiose du mineur de charbon.
Poussières de cobalt, carbure de tungstène
Dans une étude cas-témoins effectuée dans une cohorte française
d’ouvriers de l’industrie des métaux durs, il a été rapporté une
relation dose-effet avec l’exposition cumulée aux poussières de
cobalt et de carbure de tungstène, l’excès de CBP persistant après
ajustement sur le tabac (OR = 1,93 [IC
95
: 1,03-3,62]) (29). Une
évaluation précise des expositions dans l’une des usines a permis
de confirmer cet excès de CBP non attribuable au tabac ( 3 0 ).
La réévaluation récente par le CIRC du pouvoir cancérogène des
poussières de cobalt-carbure de tungstène a abouti à un classe-
ment de ces poussières dans le groupe 2A (cancérogène probable
chez l’homme) (31).
Une mise au point sur la modification récente du tableau de mala-
die professionnelle concernant les affections liées au cobalt a été
publiée dans La Lettre du Pneumologue (32). Le tableau 70 ter
du régime général de la Sécurité sociale permet désormais la
réparation du CBP chez les ouvriers ayant été exposés à l’inha-
lation de poussières de cobalt et de carbure de tungstène dans la
fabrication des carbures métalliques avant frittage.
Émissions de moteurs Diesel
Les émissions de moteurs Diesel sont actuellement classées dans
le groupe 2A du CIRC. L’excès de risque de CBP rapporau
c o u r s d’une méta-analyse cente est de 1,33 (IC
9 5
: 1,21-1,46) ( 3 3 ) .
Une étude cas-témoins effectuée en Allemagne, portant sur des
effectifs élevés (3 500 cas, 3 500 témoins), a confirmé ces résul-
tats : l’odds-ratio associé à l’exposition aux émissions de moteurs
Diesel est de 1,43, et cet odds-ratio est plus élevé chez les personnes
ayant été exposées aux émissions des tracteurs Diesel durant au
moins 30 ans (OR = 6,81 [IC
95
: 1,17-39,51]) (34).
Les émissions de moteurs Diesel ne font actuellement pas l’objet
d’un tableau de maladie professionnelle. De ce fait, une demande
de reconnaissance en maladie professionnelle ne peut être envisa-
gée, dans le cadre du régime général ou agricole de la Sécurité
sociale, qu’après passage devant un Comité régional de reconnais-
sance des maladies professionnelles (CRRMP) pour affection
“hors tableau”. Il est de ce fait recommandé de n’engager dans
une telle démarche que les sujets ayant un tabagisme nul ou très
faible, puisque le CRRMP va devoir établir s’il existe une relation
directe et essentielle entre l’exposition et la survenue de la maladie.
ASPECTS MÉDICO-SOCIAUX RÉCENTS
Les différents agents cancérogènes pour lesquels il existe un tableau
de maladie professionnelle dans le cadre du régime général ou agri-
cole de la Sécurité sociale justifient que la démarche de déclaration
en maladie professionnelle soit proposée au patient, dès lors qu’il
remplit les critères du tableau, indépendamment de l’existence
d’un éventuel tabagisme associé du fait de l’application du principe
de présomption d’origine. Les aspects pratiques de la déclaration
et des étapes conduisant à une reconnaissance ont fait l’objet de mises
au pointcentes auxquelles le lecteur peut se référer (5, 35).
En revanche, les aspects récents concernant les affections liées à
l’amiante justifient un développement spécifique. En effet, la loi
du 23 décembre 2000 a marqué l’orientation vers la réparation
intégrale des préjudices chez les personnes atteintes d’une patho-
M
I S E A U P O I N T
170
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
logie due à l’amiante, avec la création du Fonds d’indemnisation
des victimes de l’amiante (FIVA) (36). Le FIVA est un établisse-
ment public national sous la tutelle des ministères du Budget et
de la Sécuri sociale ( 3 7 ) . Il indemnise plusieurs préjudices :
des préjudices dits “patrimoniaux” (ou “économiques”), c’est-
à-dire les dépenses dues à la maladie (soins, aménagements, tierce
personne...) restées à la charge de la victime, le préjudice profes-
sionnel (perte de revenus présents et à venir) et le préjudice d’inca-
pacité (ou physiologique), représenté par le taux d’incapaciselon
le barème du FIVA (taux IBF) ;
les préjudices “extrapatrimoniaux” (ou “personnels”) que sont
les souffrances physiques et morales (ou “pretium doloris”), le
préjudice d’agrément (diminution des plaisirs de la vie du fait des
séquelles), le préjudice esthétique (dégradation de l’apparence
physique secondaire à la maladie ou aux traitements), le préju-
dice sexuel.
En cas de décès d’un patient atteint de CBP secondaire à l’amiante,
ses ayants droit peuvent également demander réparation du fait
du préjudice moral occasionné par son décès s’il est secondaire
à sa maladie.
L’indemnisation versée par le FIVA permet ainsi une meilleure
indemnisation que la reconnaissance en maladie professionnelle
par la Sécurité sociale, puisque cette dernière ne répare, forfaitai-
rement, qu’une partie des préjudices patrimoniaux : les dépenses
dues à la maladie (soins, tierce personne, mais pas les aménage-
m e n t s ) , les indemnités journalières en cas d’arrêt de travail (60 %
les 28 premiers jours, puis 80 %), une indemnisation de l’inca-
pacité permanente partielle ou IPP (séquelles), calculée en fonc-
tion du taux de rente comme pour toute maladie dont le taux d’IPP
est supérieur à 10 % (ce qui est bien sûr le cas pour le CBP). Il
n’y a pas d’indemnisation en cas de perte d’emploi, mais pro-
tection de l’emploi. L’indemnisation par la Sécurité sociale ne
tient pas compte des préjudices extrapatrimoniaux. Les ayants
droit (le conjoint et les enfants mineurs) perçoivent une rente dite
“rente de réversion” en cas de décès imputable à la maladie.
Les patients atteints d’un CBP peuvent être indemnisés par le
FIVA dans deux situations principales :
En cas de reconnaissance de leur CBP en maladie profession-
nelle due à l’amiante au titre de la législation française (régime
général, fonction publique, mines, etc.). Le patient doit alors
fournir le formulaire de demande d’indemnisation (qui peut être
o b t e n u auprès du FIVA, tour Gallieni 2, 36, avenue du Général-
de-Gaulle, 93175 Bagnolet Cedex, tél. : 0800 500 200 ; télé-
chargement à partir du site du FIVA : www.fiva.fr) et les docu-
ments de reconnaissance de la maladie professionnelle
(notification de décision et taux d’IPP).
En cas de préjudice résultant directement d’une exposition à
l’amiante sur le territoire de la République française, mais dont
la pathologie n’a pas été reconnue en maladie professionnelle (par
exemple, les artisans, ou en cas d’exposition environnementale).
Le patient doit alors fournir un certificat médical attestant de la
pathologie, et tout document de nature à établir la réalité de
l’exposition à l’amiante. Le dossier est instruit par la C o m m i s-
sion d’examen des circonstances d’exposition à l’amiante. Si le
demandeur a précisé dans le formulaire que le préjudice est sus-
ceptible d’avoir une origine professionnelle et qu’il n’a pas été
reconnu en maladie professionnelle, il doit fournir un certificat
médical attestant le lien possible entre l’affection et l’activipro-
fessionnelle afin que le FIVA le transmette à l’organisme de
Sécurité sociale, cette transmission valant déclaration de mala-
die professionnelle. La proposition d’indemnisation est effec-
tuée dans les trois mois après l’avis de la CPAM, et en tout cas
dans un délai de neuf mois.
L’indemnisation attribuée par le FIVA est déterminée en partie
par le taux d’IBF, celui-ci pouvant être différent du taux d’IPP
de la Sécurité sociale, établi en fonction du traitement initial
administré au patient. Ainsi, les patients qui n’ont pas été opérés
bénéficient d’un taux d’IBF de 100 %. Ceux qui ont été opérés
ont un taux d’IBF de 100 % durant les deux premières années,
puis, si le cancer n’est pas évolutif, un taux de 70 % durant les
trois années suivantes et si le cancer n’est toujours pas évolutif, le
taux est évalué en fonction du barème “fonction publique” selon
les séquelles chirurgicales et fonctionnelles reconnues à partir de
documents médicaux fournis par le patient. Les indemnisations
déjà versées (par les tribunaux ou par le régime de protection
sociale) sont soustraites des préjudices patrimoniaux. Le
tableau IV présente le montant de l’indemnisation globale en
fonction de l’âge et de la situation clinique (CBP opéré ou non).
Les ayants droit d’un patient décéde CBP à l’amiante peuvent
bénéficier d’une indemnisation au titre du préjudice moral. Ils
f o u rnissent alors les documents concernant la victime (recon-
n a i s s a n c e de la maladie professionnelle ou certificat médical
selon la situation), un document justifiant du “lien de parenté”,
le certificat de décès et un certificat médical attestant le lien entre
le décès et la maladie imputable à l’amiante. L’indemnisation
versée au titre du préjudice moral est alors de 22 0 0 0 epour le
conjoint, 15 0 0 0 ep o u r les enfants de moins de 25 ans, 5 à 9 0 0 0 e
pour les enfants de plus de 25 ans, 3 000 epour les petits-enfants.
Le patient, en désaccord avec un rejet de demande peut contes-
ter la décision devant la cour d’appel de son domicile dans un
délai de deux mois à partir de la date de l’offre d’indemnisation.
Il en est de même s’il n’a pas reçu de réponse de la part du FIVA
dans un délai de six mois (ce qui signifie rejet implicite).
Si l’offre est acceptée, le règlement est effectué au plus tard dans
les deux mois après réception de l’accord. Lacceptation empêche
l’introduction de toute action en justice.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
Tableau IV. Montant indicatif de l’indemnisation versée par le FIVA
en cas de CBP en fonction de l’âge de survenue de ce cancer (en cas
d’indemnisation par un organisme de Sécurité sociale, les sommes
reçues de la part de cet organisme sont soustraites du total proposé
par le FIVA).
45 ans 55 ans 65 ans 75 ans 85 ans
CPB non opéré :
– extrapatrimonial 150 ke127 ke100 ke68 ke37 ke
– rente/an 16 ke16 ke16 ke16 ke16 ke
CPB opéré :
– extrapatrimonial 39-65 ke33-55 ke26-43 ke18-29 ke10-16 ke
– rente (cumul 5 ans) 60 ke60 ke60 ke60 ke60 ke
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