Socio-anthropologie, n° 23-24, 2e sem. 2008/1er semestre 2009
SOCIO-ANTHROPOLOGIE
Sommaire
N°23/24 1er sem. 2009
L’Anthropologie face au moment historique
Dejan DIMITRIJEVIC
Avant-propos
Dejan DIMITRIJEVIC
Le procès d’Andrija Artukovic,
un énement oublié
Slobodan NAUMOVIC
Otpor ! et « la révolution électorale » en Serbie
Mladen OSTOJIC
Collective Memory in Personal Accounts
of Veterans of the Croatian War 1991-1995
Vassilis GOUNARIS et Yannis FRANGOPOULOS
La quête de la nation grecque moderne et le « cas grec »
comme un cas paradoxal de la construction
du fait national contemporain
Fernando MATAMOROS PONCE
Une approche des structurations symboliques
Histoire, mémoire et croyance dans les milieux
de la résistance au Chiapas
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Jean-François GOSSIAUX
Point de vue de l’acteur et regard myope
Anthropologie apocryphe de la déroute
française en Corée (1866)
Sylvain LAZARUS
Sur une nouvelle politique radicalement contemporaine
et sur la philosophie de la politique de Louis Althusser
lecteur de Lénine
Varia
Charlie GALIBERT
L’incommunicabilité dans le cadre
de la pratique anthropologique
Ce numéro a été coordonpar Dejan DIMITRIJEVIC
Université de Nice Sophia Antipolis
CIRCPLES (EA 3159)
Image de couverture :
Socio-anthropologie, n° 23-24, 2e sem. 2008/1er semestre 2009
AVANT-PROPOS
Une réflexion conséquente sur l’anthropologie, mais peut-
être plus largement sur toutes les disciplines qui fondent leur
méthode sur une démarche empirique, nécessite aujourd’hui de
penser le rapport à l’histoire (en tant que ali temporelle, et
non comme discipline académique) et l’inscription dans la
temporalité. Pour appréhender cette dimension problématique le
recueil du présent volume a choisi de donner à voir différents
rapports aux réalités évolutives.
Présenter un ensemble var de mises en narration nous
permet d’ouvrir le débat sur l’importance et les implications des
choix narratifs. La mise en narration pose la question du rapport
de l’anthropologie à l’histoire. Il ne s’agit pas ici d’évaluer les
relations que peuvent entretenir entre elles deux disciplines
académiques, mais de renseigner la singularité avec laquelle
l’anthropologie traite la dimension historique. Cette singulari
peut se manifester sous divers aspects, car si un certain
consensus se fait autour de la définition de l’anthropologie en
tant que science historique, son implication dans l’étude des
processus de la temporalité reste très largement non explicité.
Comment atteindre la compréhension dans un domaine qui est
dominé par l’explication et la recherche en causalité ? Comment
donnons-nous sens aux silences, aux fragments et aux murmures
des faits qui ne sont pas imdiatement perceptibles ?
L’histoire se présente ici sous la forme de situations dont
certaines s’enracinent dans le présent de la recherche et d’autres
dans le passé, l’échelle d’inscription temporelle est variable,
longue, moyenne ou courte, et le mode d’expression va de
l’objectivé au subjectivé. Ce qui induit une attention soutenue à
la question de la temporalité.
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Les temporalités que nous rencontrons sur nos terrains
d’investigation ont une origine collective car elles sont
socialement édifiées, leur existence se situe à différentes échelles
en fonction des groupes qui leur donnent corps, et elles sont
indispensables pour comprendre les phénomènes sociaux ; car
quel que soit le lieu temporel dans lequel se situe la recherche,
passé, présent ou avenir, le temps reste le facteur d’intelligibilité
des phénomènes humains - c’est leur contexte, et toute
réinterprétation est un travail de recontextualisation dans lequel
la temporalité joue un rôle central. Parce qu’elle est porteuse de
sens, la temporalité est un enjeu et donc un objet de concurrence,
de compétition. Et les redéfinitions sont récurrentes : des enjeux,
des frontières, des positions, etc. C’est le rythme de vie de
l’histoire et de lamoire.
Le moment historique évoque ici l’exceptionnel et la
rupture, un moment qui scande le temps, mais c’est la narration
qui l’accompagne qui lui donne sens et puissance, pour
paraphraser Balandier. Or, cette narration n’est jamais « pure
littérature » indépendante du contexte, bien au contraire, elle est
liée à un double contexte, celui dans lequel l’action s’est
déroulée et celui dans lequel se constitue le cit qui la met en
scène. Les actions et les récits (qui sont également des actes) ne
prennent sens que dans les circonstances historiques et
sociologiques de leur effectuation.
Les moments forts de l’histoire des sociétés font toujours
l’objet d’une mise en récit qui dans sa forme élaborée prend la
consistance d’un discours, au sens que lui donnait Foucault qui le
définissait comme un régime de vérité. Autrement dit, ce sur la
base de quoi les individus ont des pratiques qui pour eux vont de
soi et énoncent des paroles qu’ils tiennent pour vraies. Les
articles réunis dans ce numéro se penchent sur la logique qui
préside à la production des discours à partir d’études de cas qui
restituent la complexité des enjeux. L’intérêt est double :
analyser la construction de la mise en récit par les acteurs
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historiques eux-mêmes ou par ceux qui diatisent à distance
temporelle certaines situations historiques sélectionnées, mais
aussi donner à voir différentes approches anthropologiques dans
leur effort de rendre compte des relations évolutives.
Des textes consacrés à des situations historiques intenses
sont inévitablement aussi autant de contributions à l’histoire des
sociétés et des domaines abordés, soit par les faits que ces textes
introduisent, et qui étaient jusqu’alors ignorés, soit par la lumière
qu’ils projettent sur les moments historiques visés. Le chercheur
peut ainsi favoriser la appropriation de l’histoire par les gens, il
peut aider les gens à faire reconnaître qu’ils ont une histoire,
contribuer à la médiatiser et à la valoriser, mais il peut aussi
« remettre en mémoire » des énements « oubliés ». Quoi qu’il
en soit, le travail des chercheurs des sciences sociales, et en ce
domaine probablement plus qu’en aucun autre, participe de la
sédimentationmorielle des sociétés qu’il étudie.
Un des problèmes qui se pose à l’anthropologie dans son
analyse des phénones sociaux est la difficile prise en compte
conjointe de l’initiative individuelle, de la pratique humaine,
d’une part, et de la structure et des règles de la contrainte, d’autre
part. Ou encore, les difficultés que posent l’articulation de la
parole des acteurs et du contexte englobant : Comment prendre
en compte à la fois l’aspect englobant dans lequel un acte
historique se déroule et la dimension particulière du sujet pour
qui la dimension globale du contexte n’a pas de visibilité ? Ou
alors faut-il considérer que rien n’existe en dehors « de l’ordre du
subjectif », et qu’une pratique humaine comme la politique, par
exemple, n’exprime rien de plus élevé qu’elle-même bien que sa
singularité soit en permanence recouverte de nobles générosités.
Chaque fait historique se vèle être une singularité : il est
singulier parce qu’il n’est ni naturel ni universel, mais il est
singulier aussi par la restitution abstraite qu’en font les
observateurs, ethnographes ou historiens. Et comment ne pas
suivre Paul Veyne lorsqu’il affirme que toute restitution est
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