La Lettre du Rhumatologue - n° 302 - mai 2004
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profit de la notion de “faute”, a priori dans le but d’améliorer les
chances pour les plaignants d’obtenir une indemnisation, en éta-
blissant que les faits incriminés “constituent une faute médicale
de nature à engager la responsabilité de l’hôpital”, et permet-
tant ainsi d’élargir le champ d’application de la mise en jeu de la
re s p o n s abilité hospitalière. To u t e f o i s , toute erreur ne constitue
pas une “faute médicale”, ce qui tend finalement à l’absence de
majoration de la pression sur le corps médical.
Cet arrêt bouleverse en apparence le paysage de la responsabilité
médicale au plan administrat i f, mais rétablit de fait une vérité puisque,
dans la pratique,la “lourdeur” de la faute était au fil des années
dépossédée de son import a n c e. Il a toutefois l’ava n t age de ne plus
infliger au médecin le qualificatif de “lourde” dans la définition
de la faute pour laquelle il était poursuivi, et de ne plus permettre
au public de s’indigner qu’un médecin ne puisse être poursuivi
dès lors que la faute n’était que “simple”.
La teneur de cet arrêt VERGOZ a encore été confirmée par un
nouvel arrêt du Conseil d’État du 27 juin 1997.
La responsabilité sans fa u te et l’aléa théra p e u t i q u e
Initiée en 1990 par l’arrêt GOMEZ, de la cour administrat ive
d ’ a ppel (CAA) de Lyo n , la notion de re s p o n s abi lité sans fa u t e
sera reprise trois ans plus tard par l’arrêt BIANCHI. Dans ce pre-
mier arrêt, la CAA expose que “l’utilisation d’une thérapeutique
n o u v elle crée, l o rsque ses conséquences ne sont pas encore entiè-
rement connues, un risque spécial pour les malades qui en sont
l’objet lorsque le re c o u rs à une telle thérapeutique ne s’impose pas
pour des raisons vitales, et les complications exceptionnelles et
a n o rma lement graves qui en sont la conséquence directe engage n t ,
même en l’absence de faute,la responsabilité du service public
h o s p i t a l i e r ”. L’ a rrêt BIANCHI, le 9 av ril 1993, se prononce sur
les conséquences dra m atiques (tétrap l é gie ) d’une “ s i m p l e ” a r t é ri o-
graphie cérébra l e,c o m p l i c ation ap p a rue en l’absence de toute
faute dans l’indicat i o n , la réalisation ou la surveillance de l’ex p l o-
ration. “Considérant que,lorsque l’acte médical nécessaire au
diagnostic ou au traitement présente un risque,dont l’existence
est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle, et dont
aucune raison ne permet de penser que le patient y soit exposé,
la responsabilité du service public est engagée.”
Ce nouvel arrêt constitue donc un pas de plus vers la notion de
responsabilité sans faute,si controversée par ailleurs. Il est dans
le même esprit que l’arrêt du 21 mai 1996 sur la présomption de
responsabilité en matière d’infection nosocomiale.
Il faut rappeler toutefois également les cri t è res imposés par l’arr ê t
GOMEZ, nécessaires pour pouvoir engager la responsabilité de
l’hôpital en l’absence de faute :
✓
que les suites possibles n’aient pas été entièrement connues ;
✓
que le recours à cette méthode n’ait pas été imposé par des rai-
sons vitales ;
✓
que les conséquences dommage ables directes de cette méthode
aient eu un caractère exceptionnel et anormalement grave.
Dans la prat i q u e , il est bien ra re que ces trois éléments soient réunis,
ce qui permet de ne pas cra i n d re que le juge administratif soit
entré dans la logique de réparation systématique de l’aléa au pro-
fit du patient et/ou aux dépens du médecin.
Car il faut rappeler que la juridiction administrative, tout comme
la juridiction judiciaire, exclut du contrat passé entre médecin et
p a tient la notion d’aléa thérapeutique (Cour de cassat i o n ,
8 novembre 2000).
En l’absence de ces éléments, la re s p o n s a bilité de l’hôpital ne
pourra être recherchée que sur la base d’une faute.
Les infections nosocomiales hospitalières
C’est l’un des terrains de choix de la notion de présomption de
faute : survenue chez un patient d’un événement dommageable
sans aucun lien avec la raison pour laquelle il était ve nu à l’hôpital.
La présomption de faute pèse alors sur l’hôpital, ce qui est bien
sûr sévère, puisqu’il est en pratique quasi impossible de maîtri s er
toutes les sources possibles de contamination. Dans ce même cas,
le juge judiciaire a fait le même choix, par son arrêt de la Cour
de cassation du 21 mai 1996 : “(...) Une clinique est présumée
responsable d’une infection contractée par un patient lors d’une
i n t e r vention pratiquée dans une salle d’opérat i o n , à moins de
prouver l’absence de faute de sa part”. Ce chapitre concerne en
fait tant les infections bactériennes que les infections virales et,
de fait, la question du dossier du sang contaminé par le VIH. La
cour administrative d’appel de Paris a, par un arrêt du 12 février
1998, renforcé la nécessité du lien de causalité.
Le devoir d’information
L’obligation d’information vient, outre une simple question de
bon sens et d’honnêteté vis-à-vis du patient, du Code de déonto-
logie, qui rappelle que le médecin doit à son patient une infor-
mation loyale, adaptée et aussi complète que possible.
L’information s’exerce à trois niveaux : état de santé du patient,
nature exacte des traitements, risques inhérents aux explorations
complémentaires ou aux traitements.
Le médecin doit informer son patient de tout risque grave, quelle
que soit sa fréquence, comme l’ont cl a i rement précisé deux
a rrêts du Conseil d’État du 5 janvier 2000 : “ L o r sque l’acte médi-
cal envisagé, même accompli dans les règles de l’art, comporte
des risques connus de décès ou d’inva l i d i t é , le patient doit en être
i n fo r mé dans des conditions qui permettent de recueillir son
consentement écl a i r é , (que) si cette info rm ation n’est pas re q u i s e
en cas d’urge n c e, d’impossibilité ou de refus du patient d’être
i n f o rm é , la seule circonstance que les risques ne se réalisent
q u ’ ex c ept ionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obl i-
gation (d’info rm at i o n ) ”. Cette obl i gation d’info rm ation se calque
en fait depuis ces arrêts du 5 janvier 2000 en matière de respon-
s a bilité hospitalière sur les ex i g ences de la re s p o n s abilité en
matière de droit civil, comme l’avait établi la Cour de cassation
dans son arrêt du 7 octobre 1998.
C’est à l’hôpital d’établir que le médecin a procédé à cette infor-
mation, cette position du Conseil d’État (9 juin 1998) se calquant
là aussi sur la position de la Cour de cassation (25 février 1997).
La définition de la gravité du risque se pose pour définir la limite
au-delà de laquelle ce risque “grave”, même s’il n’est qu’“excep-
tionnel”, doit être mentionné. Nous mettrons à part les impéra-
tifs très spécifiques de la chirurgie esthétique,qui ne seront pas
détaillés ici.
R appelons également pour mémoire la question du consentement,
i n d i s p e n s able à obtenir dans notre activité pro fe s s i o n n e l l e,n o t a m-
ment hospitalière, consentement qui sera éventuellement écri t ,
en particulier dans le cadre d’expérimentations.
V
I E P R O F E S S I O N N E L L E