F S c i e n c e e...

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S c i e n c e
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c o n s c i e n c e
Formation, qualification et compétence
Villet*
F
ormation, qualification et compétence.
Ces trois termes sont largement utilisés pour juger de l’exercice médical, mais
sont-ils si proches et liés les uns aux autres ?
En d’autres termes, la qualification dans une
discipline est-elle la conséquence et l’assurance d’une bonne formation, et surtout garantit-elle une réelle compétence dans cette discipline ? Rien n’est moins sûr, car la
signification temporelle de ces trois substantifs est fort différente.
Si la formation médicale est intemporelle et
continue tout au long de la carrière, comment peut-elle être sanctionnée par une qualification, qui par définition traduit un état
ponctuel, délivrée pour une discipline donnée par les instances universitaires, ordinales ou étatiques, et qui, le plus souvent,
n’est jamais remise en cause, ou tout au plus
agrémentée de quelques additifs au gré de
ladite carrière et/ou de l’évolution de la discipline ?
La formation médicale débute à la faculté où
elle est encadrée et sanctionnée. Elle devient
ensuite individuelle, notamment au cours de
la spécialisation, s’appuyant sur une connaissance livresque d’origine universitaire ou, plus
récemment, par l’accès au Web, d’origine universelle moins contrôlée, justifiant la méthodologie des niveaux de preuve. La formation
médicale intellectuelle doit s’accompagner
d’une formation pratique par laquelle le choc
affectif ancrera la connaissance. Cet aspect
pratique et l’évolution des sciences médicales
expliquent les inquiétudes de tous quant à la
nécessité d’une formation médicale continue
(FMC) de qualité, dont, idéalement, l’efficacité doit être vérifiée (nous en sommes loin).
En effet, ce n’est pas en assistant à des
réunions scientifiques sur des sujets qu’il
connaît, pour être sûr de pouvoir facilement
les critiquer, que le participant améliorera sa
connaissance. Tout au plus justifiera-t-il
l’aphorisme d’Alain : “La réunion est un instrument du croire plutôt qu’un instrument du
savoir.”
La compétence, enfin, est immédiate et
intemporelle. Elle est immédiate, car elle
s’exprime dans chaque situation médicale où
d’un diagnostic précis découle une attitude
thérapeutique dont le seul but est d’améliorer
l’état du patient. C’est au résultat que l’on
juge la compétence. Elle est intemporelle, car
dans cette relation binaire médecin-patient se
déroulera toute la carrière dans des situations
différentes et surtout évolutives par les avancées médicales tant diagnostiques que thérapeutiques.
* Service de chirurgie viscérale et gynécologique,
hôpital des Diaconesses, Paris.
Ainsi, formation, qualification et compétence sont liées mais sans corrélation systématique. Ces trois termes doivent garder une
signification large, dépendant du substantif qui
les complète, et une grande souplesse d’utilisation. L’enseignement de la proctologie en
France, différent de celui de l’Europe, est soumis à des tiraillements qui semblent plus relever de querelles de pouvoir que du bon sens
qui devrait permettre de réunir nos trois
maîtres mots.
La qualification qui sanctionne la formation
médicale initiale doit rester un terme large.
Pour paraphraser Montaigne, un médecin
“bien fait” est sans doute préférable à un
médecin “bien plein”. Une formation poly-
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valente et ouverte permet les échanges interdisciplinaires et favorise la faculté de
s’adapter à des situations variées. De plus,
le médecin qualifié, qu’il soit gastroentérologue, chirurgien viscéral, digestif ou autre,
aura la possibilité de s’orienter vers des spécialités voisines, comme la colo-proctologie,
pour devenir compétent, répondant ainsi, si
nécessaire, aux besoins de la démographie
médicale actuelle et aux évolutions de la discipline. Par une formation continue, théorique et pratique, il acquerra la compétence
nécessaire à la pratique de la colo-proctologie. Mais qui lui assurera cette formation
pratique et théorique, qui évaluera sa compétence, et cette dernière doit-elle à nouveau
être qualifiée ? Il n’est pas de notre propos
de répondre, d’autres avancent des solutions
(1), mais diable, point de dogmatisme ! Trop
de lois tuent la loi. Les services formateurs,
eux-mêmes contrôlés et remis en cause,
ne sont-ils pas un bon moyen de contrôler
la formation ? Quoi qu’il en soit, ce n’est
pas le rôle des patients de juger de la compétence, le risque étant trop grand que
certains d’entre eux en fassent les frais.
L’évolution si rapide du savoir impose que
la compétence soit constamment remise
en cause. Imaginions-nous, il y a quinze ans,
la naissance et l’essor de la pelvi-périnéologie ? Devait-on ou doit-on créer une qualification en pelvi-périnéologie, discipline
qui paraît par essence même multidisciplinaire (2) ?
En définitive, la compétence pourrait reposer sur une FMC dont on s’assurerait de l’efficacité et sur une large pratique dans la discipline pour laquelle elle est censée être
acquise. Ce n’est qu’à ce prix que les coloproctologues seront bien formés et compétents avec une remise en cause permanente,
Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 1 - mars 2001
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● R.
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que l’on érigera en accréditation ou non
selon le désir de nos concitoyens, de nos instances de tutelle et de nos juristes. La qualification initiale n’est que le garant d’un
niveau minimal ; la compétence, accréditée
ou non, est obtenue par une solide formation, vérifiée et continue. Elle correspond à
la pratique quotidienne ; elle varie donc d’un
Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 1 - mars 2001
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médecin à l’autre, d’un environnement
médical à l’autre et d’une période à l’autre.
Elle doit rester dynamique et représente en
définitive le seul critère avantageux en
termes de santé publique et la seule certitude d’une prise en charge de qualité pour
le bien des patients.
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R É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Atienza P. L’enseignement de la proctologie :
impossible réalité ? Gastroenterol Clin Biol 1998 ;
22 : 263-5.
2. Villet R. Does pelvic floor surgeon exist ? ESU
Post Graduate Course 18. Pelvic floor reconstruction. 15 april 2000. Brussel, Belgium.
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