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table ronde
Diarrhées aiguës
Propositions d’arbres décisionnels
d’investigation des diarrhées aiguës
B. Flourié (Lyon), D. Coumaros (Strasbourg), C. Florent (Paris), G. Gay (Nancy),
Ph. Houcke (Lille), F. Klotz (Brest), H. Licht (Saint-Denis), G. Schenowitz (Nice)
Les diarrhées aiguës
patients de retour d’un
’évolution spontanément et rapidement favorable
peuvent être d’origine
voyage à l’étranger ;
iatrogène (veinotodes diarrhées aiguës rend les investigations le plus – enfin, les patients préniques, antiacides, prossouvent inutiles. À la différence du généraliste, il est rare sentant une diarrhée aiguë
taglandines, colchicine,
récidivante.
que le gastroentérologue soit consulté par un malade
AINS,
antibiotiques,
ayant une diarrhée aiguë. Si c’est le cas, la diarrhée
antimitotiques, radiothérapie…), elles peun’est habituellement pas banale, et des investigations
vent survenir au cours
sont alors souvent nécessaires.
d’un effort intense,
après un excès alimen(voir figure page suivante)
taire (indigestion), après l’ingestion de
La coproculture
champignons ou de métaux lourds.
Elles peuvent aussi révéler une maladie
Si le patient appartient aux catégories
inflammatoire chronique, une intoléprécédentes, des examens peuvent être
rance alimentaire (lactose), une allergie
(voir figure page suivante)
demandés et, hormis le cas où la diarrhée
vraie ou fausse (ingestion d’histamine).
est présumée parasitaire, ils commenceIl faut envisager des examens pour :
Le plus souvent, l’origine des diarront par une coproculture. Celle-ci doit
– les malades chez qui la diarrhée persisrhées aiguës est infectieuse et, dans la
comporter un examen direct des selles
te au-delà de trois jours : dans ce cas la
grande majorité des cas, elles ne
qui peut identifier des bactéries mobiles
probabilité d’isoler une bactérie ou un
nécessitent pas d’investigations. En
(Campylobacter jejuni, Vibrio sp) et
parasite devient supérieure à 50 % ;
effet, dans les pays développés, on
compter les leucocytes dont la présence
estime à un cas par an et par habitant la
– les malades suspects d’avoir une diartraduit une inflammation pariétale surfréquence des épisodes digestifs aigus
rhée invasive avec des lésions organiques
tout distale (germes invasifs ou sécrétant
(nausées, vomissements et/ou diarintestinales susceptibles de se compliquer
une toxine générant des lésions).
rhée). En majorité ces épisodes sont
et nécessitant un traitement : il s’agit des
L’examen direct peut également mettre
bénins et ne durent que quelques
patients présentant une diarrhée hémorraen évidence des hématies, dont la présenheures. Cela explique que moins de
gique, un syndrome dysentérique ou un
ce témoigne d’une iléite et/ou d’une coli10 % des patients consultent un médetableau clinique de colite grave ;
te. Si la diarrhée n’est pas hémorragique
cin (trois millions de Français consul– les malades ayant des signes cliniques
ou dysentériforme, la présence d’hématent chaque année un médecin générade gravité (syndrome septicémique, temties et/ou de leucocytes dans les selles
liste pour une diarrhée aiguë).
pérature supérieure à 39 °C, déshydratadoit inciter à réaliser des examens endoLa deuxième raison pour ne pas prestion) et les malades fragiles chez lesquels
scopiques en cas de négativité de la
crire des examens en cas de diarrhée
la diarrhée aiguë peut avoir des consécoproculture.
aiguë présumée infectieuse est la mauquences sévères : personnes âgées, insufEn l’absence de spécification sur l’orvaise rentabilité diagnostique des exafisants rénaux et cardiaques ;
donnance, l’ensemencement des selles
mens coprologiques, inférieure à 1 %.
– les malades immuno-déprimés ;
s’effectue sur des milieux sélectifs pour
La troisième raison pour ne pas en
Salmonella, Shigella et, presque systé– les malades ayant une forte probabilité
prescrire est la fréquente origine virale
matiquement (mais il vaut mieux le spéde diarrhée bactérienne, c’est-à-dire les
des diarrhées. La recherche de virus
cifier), Campylobacter et Yersinia entepatients recevant ou ayant reçu récemment
dans les selles est réalisable en routine
des antibiotiques, des antimitotiques, ou en
rocolitica. La recherche de certaines
pour les rotavirus et les adénovirus,
cas d’infections nosocomiales ;
bactéries nécessite une demande spécimais elle n’a pas d’intérêt individuel,
– les malades ayant une forte probabilité
fique : E. coli O157:H7 en cas de diarpuisque nous ne disposons pas de traide diarrhée parasitaire, c’est-à-dire les
tement efficace.
rhée hémorragique survenant après l’in-
L
Quels examens
réaliser ?
Des investigations,
chez quels types de patients ?
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 4, avril 2000
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table ronde
Diarrhées aiguës
gestion de viande de bœuf insuffisamment cuite, K. oxytoca en cas de diarrhée
hémorragique survenant au cours d’un
traitement par ampicilline, céphalosporine de première génération ou pristinamycine,
Aeromonas
hydrophila
et
Plesiomonas shigelloïdes en cas de diarrhée hémorragique survenant chez des
sujets âgés vivant en institution.
L’examen parasitologique des selles
Il est indiqué, en cas de diarrhée aiguë
qui se prolonge et/ou qui récidive, en cas
de diarrhée sanglante, et surtout en cas de
diarrhée survenant au cours ou au décours
immédiat d’un voyage à l’étranger : bassin méditerranéen, Amérique centrale,
Népal (penser aux cyclosporoses),
Europe centrale (penser aux cryptosporidioses, à la lambliase). Il est également
systématique chez l’immuno-déprimé.
Certaines recherches doivent être spécifiées sur la demande : forme végétative
mobile d’Entamoeba histolytica sur selles
émises au laboratoire (rarement réalisé),
oocystes de Cryptosporidium sp, microsporidiose (infection VIH). Étant donné
le caractère intermittent de l’excrétion
fécale des éléments parasitaires, un examen isolé négatif a peu de valeur ; idéalement, il devrait être répété trois fois à
quelques jours d’intervalle.
Les examens endoscopiques
Ils peuvent être réalisés parallèlement
aux examens de selles en cas de diarrhée hémorragique, de syndrome dysentérique ou de tableau clinique de
colite grave. Ils peuvent également
être proposés si la diarrhée persiste ou
récidive malgré le traitement antibiotique empiriquement prescrit et si les
examens de selles sont restés négatifs.
Ils sont aussi couramment réalisés
chez l’immuno-déprimé. La rectoscopie ou la rectosigmoïdoscopie permettent de poser le diagnostic de colite
distale et pseudo-membraneuse (quasi
pathognomonique du C. difficile),
d’écouvillonner des selles, des déjections glairo-sanglantes ou du pus pour
ensemencement secondaire, voire
d’aspirer le contenu colique et de
l’adresser au laboratoire bactériologique ; l’endoscopie permet également
d’effectuer des biopsies pour examens
histologiques, bactériologiques (2 à 3
fragments dans de l’eau stérile ou du
sérum physiologique) et parasitologiques ; ils doivent être réalisés même
en l’absence de lésion endoscopique.
La coloscopie sera réalisée en deuxième intention, en cas de diarrhée inexpliquée avec rectosigmoïdoscopie
négative.
La recherche de toxines de
Clostridium difficile
Elle doit être effectuée en cas de diarrhée
nosocomiale ou survenant au cours ou au
décours (six semaines) d’un traitement
antibiotique ou antimitotique. Elle peut être
également utile en cas de diarrhée aiguë
récidivante. La technique repose sur la mise
en évidence de l’effet cytotoxique d’un filtrat de selles (toxine B), dont la sensibilité
et la spécificité sont proches de 100 %,
mais dont l’obtention du résultat nécessite
deux à trois jours de délai. C’est pourquoi
les méthodes immuno-enzymatiques
rapides (quelques heures) se sont développées pour mettre en évidence les toxines A
et B : elles ont une très bonne spécificité,
leur sensibilité varie de 70 à 90 % mais elle
augmente lorsque la recherche est répétée.
Conclusion
Certaines circonstances cliniques ou certains caractères des diarrhées aiguës justifient la pratique d’investigations dont les
indications sont assez bien codifiées. La
démarche diagnostique nécessite cependant de ne pas méconnaître certaines
causes, dont la recherche par le laboratoire doit être explicitement spécifiée.
…/…
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table ronde
Diarrhées aiguës
Diarrhées aiguës (DA) : investigations
DA sanglante
S. dysentérique
Colite grave
DA
récidivante
S. septicémique
Déshydratation
Terrains fragiles
Origine
bactérienne
probable
DA hydrique
persistante > 3 jours
Origine
parasitaire
probable
Immunodépression
COPROCULTURE
– examen direct : leucocytes, hématies
Campylobacter jejuni, Vibrio sp
– ensemencements : Salmonella, Shigella
+/- Campylobacter, Yersinia
Demandes spécifiques si DA sanglantes :
E. coli 0157:H7, K. oxytoca, A. hydrophila, P. shigelloïdes
EXAMENS PARASITOLOGIQUES RÉPÉTÉS
– formes végétatives mobiles d'E. histolytica (émission labo)
– oocystes de Cryptosporidium
– microsporidiose (VIH)
Examens précédents négatifs et DA persistante ou récidivante
ENDOSCOPIE
– rectoscopie, recto sigmoïdoscopie : pseudo-membranes
écouvillonnage, aspiration : bactériologie, parasitologie
biopsie : histologie, bactériologie (eau stérile, sérum physiologique), parasitologie
– si négatif : iléocoloscopie
TOXINES DU C. DIFFICILE
– effet cytotoxique (B) : sensibilité, spécificité 100 % ; 2-3 jours
– immuno-enzymologie : sensibilité 70-90 %, spécificité 90 %
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 4, avril 2000
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