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Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 4, avril 2000
Les diarrhées aiguës
peuvent être d’origine
iatrogène (veinoto-
niques, antiacides, pros-
taglandines, colchicine,
AINS, antibiotiques,
antimitotiques, radio-
thérapie…), elles peu-
vent survenir au cours
d’un effort intense,
après un excès alimen-
taire (indigestion), après l’ingestion de
champignons ou de métaux lourds.
Elles peuvent aussi révéler une maladie
inflammatoire chronique, une intolé-
rance alimentaire (lactose), une allergie
vraie ou fausse (ingestion d’histamine).
Le plus souvent, l’origine des diar-
rhées aiguës est infectieuse et, dans la
grande majorité des cas, elles ne
nécessitent pas d’investigations. En
effet, dans les pays développés, on
estime à un cas par an et par habitant la
fréquence des épisodes digestifs aigus
(nausées, vomissements et/ou diar-
rhée). En majorité ces épisodes sont
bénins et ne durent que quelques
heures. Cela explique que moins de
10 % des patients consultent un méde-
cin (trois millions de Français consul-
tent chaque année un médecin généra-
liste pour une diarrhée aiguë).
La deuxième raison pour ne pas pres-
crire des examens en cas de diarrhée
aiguë présumée infectieuse est la mau-
vaise rentabilité diagnostique des exa-
mens coprologiques, inférieure à 1 %.
La troisième raison pour ne pas en
prescrire est la fréquente origine virale
des diarrhées. La recherche de virus
dans les selles est réalisable en routine
pour les rotavirus et les adénovirus,
mais elle n’a pas d’intérêt individuel,
puisque nous ne disposons pas de trai-
tement efficace.
Des investigations,
chez quels types de patients ?
(voir figure page suivante)
Il faut envisager des examens pour :
– les malades chez qui la diarrhée persis-
te au-delà de trois jours : dans ce cas la
probabilité d’isoler une bactérie ou un
parasite devient supérieure à 50 % ;
– les malades suspects d’avoir une diar-
rhée invasive avec des lésions organiques
intestinales susceptibles de se compliquer
et nécessitant un traitement : il s’agit des
patients présentant une diarrhée hémorra-
gique, un syndrome dysentérique ou un
tableau clinique de colite grave ;
– les malades ayant des signes cliniques
de gravité (syndrome septicémique, tem-
pérature supérieure à 39 °C, déshydrata-
tion) et les malades fragiles chez lesquels
la diarrhée aiguë peut avoir des consé-
quences sévères : personnes âgées, insuf-
fisants rénaux et cardiaques ;
– les malades immuno-déprimés ;
– les malades ayant une forte probabilité
de diarrhée bactérienne, c’est-à-dire les
patients recevant ou ayant reçu récemment
des antibiotiques, des antimitotiques, ou en
cas d’infections nosocomiales ;
– les malades ayant une forte probabilité
de diarrhée parasitaire, c’est-à-dire les
patients de retour d’un
voyage à l’étranger ;
– enfin, les patients pré-
sentant une diarrhée aiguë
récidivante.
Quels examens
réaliser ?
(voir figure page suivante)
La coproculture
Si le patient appartient aux catégories
précédentes, des examens peuvent être
demandés et, hormis le cas où la diarrhée
est présumée parasitaire, ils commence-
ront par une coproculture. Celle-ci doit
comporter un examen direct des selles
qui peut identifier des bactéries mobiles
(Campylobacter jejuni, Vibrio sp) et
compter les leucocytes dont la présence
traduit une inflammation pariétale sur-
tout distale (germes invasifs ou sécrétant
une toxine générant des lésions).
L’ e xamen direct peut également mettre
en évidence des hématies, dont la présen-
ce témoigne d’une iléite et/ou d’une coli-
te. Si la diarrhée n’est pas hémorragique
ou dysentériforme, la présence d’héma-
ties et/ou de leucocytes dans les selles
doit inciter à réaliser des examens endo-
scopiques en cas de négativité de la
coproculture.
En l’absence de spécification sur l’or-
donnance, l’ensemencement des selles
s’effectue sur des milieux sélectifs pour
Salmonella, Shigella et, presque systé-
matiquement (mais il vaut mieux le spé-
cifier), Campylobacter et Yersinia ente-
rocolitica. La recherche de certaines
bactéries nécessite une demande spéci-
fique : E. coli O157:H7 en cas de diar-
rhée hémorragique survenant après l’in-
table ronde
L’évolution spontanément et rapidement favorable
des diarrhées aiguës rend les investigations le plus
souvent inutiles. À la différence du généraliste, il est rare
que le gastroentérologue soit consulté par un malade
ayant une diarrhée aiguë. Si c’est le cas, la diarrhée
n’est habituellement pas banale, et des investigations
sont alors souvent nécessaires.
Propositions d’arbres décisionnels
d’investigation des diarrhées aiguës
B. Flourié (Lyon), D. Coumaros (Strasbourg), C. Florent (Paris), G. Gay (Nancy),
Ph. Houcke (Lille), F. Klotz (Brest), H. Licht (Saint-Denis), G. Schenowitz (Nice)
Diarrhées aiguës
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gestion de viande de bœuf insuffisam-
ment cuite, K. oxytoca en cas de diarrhée
hémorragique survenant au cours d’un
traitement par ampicilline, céphalospori-
ne de première génération ou pristinamy-
cine, Aeromonas hydrophila et
Plesiomonas shigelloïdes en cas de diar-
rhée hémorragique survenant chez des
sujets âgés vivant en institution.
L’ e xamen parasitologique des selles
Il est indiqué, en cas de diarrhée aiguë
qui se prolonge et/ou qui récidive, en cas
de diarrhée sanglante, et surtout en cas de
diarrhée survenant au cours ou au décours
immédiat d’un voyage à l’étranger : bas-
sin méditerranéen, Amérique centrale,
Népal (penser aux cyclosporoses),
Europe centrale (penser aux cryptospori-
dioses, à la lambliase). Il est également
systématique chez l’immuno-déprimé.
Certaines recherches doivent être spéci-
fiées sur la demande : forme végétative
mobile d’Entamoeba histolytica sur selles
émises au laboratoire (rarement réalisé),
oocystes de Cryptosporidium sp, micro-
sporidiose (infection VIH). Étant donné
le caractère intermittent de l’excrétion
fécale des éléments parasitaires, un exa-
men isolé négatif a peu de valeur ; idéale-
ment, il devrait être répété trois fois à
quelques jours d’intervalle.
Les examens endoscopiques
Ils peuvent être réalisés parallèlement
aux examens de selles en cas de diar-
rhée hémorragique, de syndrome dys-
entérique ou de tableau clinique de
colite grave. Ils peuvent également
être proposés si la diarrhée persiste ou
récidive malgré le traitement antibio-
tique empiriquement prescrit et si les
examens de selles sont restés négatifs.
Ils sont aussi couramment réalisés
chez l’immuno-déprimé. La rectosco-
pie ou la rectosigmoïdoscopie permet-
tent de poser le diagnostic de colite
distale et pseudo-membraneuse (quasi
pathognomonique du C. difficile),
d’écouvillonner des selles, des déjec-
tions glairo-sanglantes ou du pus pour
ensemencement secondaire, voire
d’aspirer le contenu colique et de
l’adresser au laboratoire bactériolo-
gique ; l’endoscopie permet également
d’effectuer des biopsies pour examens
histologiques, bactériologiques (2 à 3
fragments dans de l’eau stérile ou du
sérum physiologique) et parasitolo-
giques ; ils doivent être réalisés même
en l’absence de lésion endoscopique.
La coloscopie sera réalisée en deuxiè-
me intention, en cas de diarrhée inex-
pliquée avec rectosigmoïdoscopie
négative.
La recherche de toxines de
Clostridium difficile
Elle doit être effectuée en cas de diarrhée
nosocomiale ou survenant au cours ou au
décours (six semaines) d’un traitement
antibiotique ou antimitotique. Elle peut être
également utile en cas de diarrhée aiguë
récidivante. La technique repose sur la mise
en évidence de l’effet cytotoxique d’un fil-
trat de selles (toxine B), dont la sensibilité
et la spécificité sont proches de 100 %,
mais dont l’obtention du résultat nécessite
deux à trois jours de délai. C’est pourquoi
les méthodes immuno-enzymatiques
rapides (quelques heures) se sont dévelop-
pées pour mettre en évidence les toxines A
et B : elles ont une très bonne spécificité,
leur sensibilité varie de 70 à 90 % mais elle
augmente lorsque la recherche est répétée.
Conclusion
Certaines circonstances cliniques ou cer-
tains caractères des diarrhées aiguës justi-
fient la pratique d’investigations dont les
indications sont assez bien codifiées. La
démarche diagnostique nécessite cepen-
dant de ne pas méconnaître certaines
causes, dont la recherche par le laboratoi-
re doit être explicitement spécifiée.
table ronde
Diarrhées aiguës
…/…
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 4, avril 2000 134
table ronde
Diarrhées aiguës
DA hydrique
persistante > 3 jours
DA sanglante
S. dysentérique
Colite grave
S. septicémique
Déshydratation
Terrains fragiles
Origine
bactérienne
probable
DA
récidivante
Immuno-
dépression
COPROCULTURE
– examen direct : leucocytes, hématies
Campylobacter jejuni
,
Vibrio sp
EXAMENS PARASITOLOGIQUES RÉPÉTÉS
– formes végétatives mobiles d'
E. histolytica
(émission labo)
– oocystes de
Cryptosporidium
– microsporidiose (VIH)
Examens précédents négatifs et DA persistante ou récidivante
ENDOSCOPIE
TOXINES DU
C. DIFFICILE
– rectoscopie, recto sigmoïdoscopie : pseudo-membranes
écouvillonnage, aspiration : bactériologie, parasitologie
biopsie : histologie, bactériologie (eau stérile, sérum physiologique), parasitologie
– effet cytotoxique (B) : sensibilité, spécificité 100 % ; 2-3 jours
Origine
parasitaire
probable
Demandes spécifiques si DA sanglantes :
E. coli
0157:H7,
K. oxytoca
,
A. hydrophila
,
P. shigelloïdes
– ensemencements :
Salmonella, Shigella
+/-
Campylobacter
,
Yersinia
– si négatif : iléocoloscopie
– immuno-enzymologie : sensibilité 70-90 %, spécificité 90 %
Diarrhées aiguës (DA) : investigations
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