éditorial Éditorial Mucosectomie pour cancer superficiel de l’estomac. Est-ce bien raisonnable ? P. de Mestier* N ul doute que la mucosectomie, notamment par voie endoscopique, joue un grand rôle dans le traitement du cancer superficiel de l’estomac, principalement au Japon où cette indication représenterait 60 % des cancers gastriques réséqués, grâce à une politique de dépistage efficace. Néanmoins, à travers la centaine de publications sur le sujet, on peut constater qu’il règne une très grande confusion quant à la définition précise d’un cancer superficiel. Certes, la plupart des auteurs s’accordent à réserver la mucosectomie aux cancers différenciés surélevés (II a) de moins de 2 cm de diamètre, ou différenciés légèrement déprimés (IIc) non ulcérés de moins de 1 cm de diamètre : cependant, un flou artistique règne sur l’extension de la tumeur en profondeur, une majorité d’auteurs incluant dans les cancers superficiels les tumeurs étendues à la sous-muqueuse, ce qui change tout. Sano et coll. (1) ont parfaitement défini les critères d’un cancer superficiel, et il est bon de les rappeler. Ce sont des tumeurs strictement limitées à la muqueuse, laquelle est séparée de la sous-muqueuse par la muscularis mucosae ; seules ces tumeurs strictement muqueuses peuvent prétendre à un risque d’extension lymphatique très faible (0 à 3 %). Or, ce risque peut être encore réduit si l’on ajoute un critère de taille tumorale et, pour ces auteurs, outre leur caractère muqueux, seuls les cancers de moins de 1,5 cm de diamètre, surélevés ou déprimés, sans ulcération et histologiquement différenciés, pourraient prétendre à une mucosectomie, avec un risque lymphatique proche de zéro. Le risque de métastase ganglionnaire, lorsque la muscularis mucosae est franchie et que le cancer s’étend dans la sous-muqueuse, oscille entre 7 et 20 % ; ce qui contre-indique naturellement une mucosectomie, l’apparition de métastases ganglionnaires chez un patient traité par mucosectomie endoscopique étant inacceptable. * Service de chirurgie générale et digestive, hôpital des gardiens de la paix, Paris. Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 4, avril 2000 Les résultats sont d’ailleurs clairement exprimés dans de nombreuses séries japonaises publiées incluant des cancers étendus à la sous-muqueuse (par exemple, la série de Wang (2), qui rapporte une survie à 5 ans de 72, 8 %, lorsque les ganglions sont positifs versus 95,6 % lorsque les ganglions sont négatifs…) Tout le problème est donc de faire le diagnostic préopératoire de la profondeur de l’invasion. Le seul moyen à notre disposition actuellement est l’échoendoscopie. Malheureusement, avec les sondes actuelles de 7,5 ou 12 MHz, la muscularis mucosae n’est pas individualisable. Akahoshi (3) rapporte une étude utilisant une sonde de 15 MHz pour le diagnostic de cancers jugés superficiels. Le résultat de l’échoendoscopie comparé à l’étude histologique des pièces est décevant. Le taux de diagnostic exact d’extension pariétale n’est que de 67 % ; en revanche, le résultat est meilleur pour les tumeurs surélevées (91 %) et bien différenciées (86 %), mais faible pour les tumeurs déprimées (56 %) ou indifférenciées (18 %). La sensibilité pour le diagnostic de métastases ganglionnaires reste médiocre (17 %), avec une spécificité de 90 %. 112 éditorial Éditorial La solution viendra peut-être de sondes plus performantes de 30 MHz, comme le rapporte Konishi (4), permettant de visualiser onze couches, dont les deux premières sont l’épithélium gastrique, les deux suivantes les glandes gastriques et les deux suivantes la muscularis mucosae qui paraît visualisée chez tous les patients de l’étude (n = 28). L’exactitude du diagnostic d’extension pariétale est ici de 84 % pour les cancers superficiels “vrais”. Ces résultats demandent, bien entendu, à être confirmés. En définitive, avec les moyens échoendoscopiques actuels, il n’est pas possible de faire le diagnostic précis de l’extension d’un cancer superficiel de l’estomac. La chirurgie est le traitement obligatoire lorsqu’une extension sous-muqueuse est suspectée à l’échoendoscopie, ou dépistée sur une pièce de mucosectomie faite “quand même”. Dans le doute il est obligatoire de s’abstenir, étant donné un risque d’extension lymphatique proche de 20 % lorsque la muscularis mucosae est franchie. Le traitement du cancer superficiel de l’estomac reste donc pour l’instant chirurgical. La mucosectomie ne peut être mise sérieusement à l’ordre du jour. Références 1. Sano T. Koborio O. Muto T. Lymph node metastases from early gastric cancer : endoscopic resection of tumour.Br J Surg 1992 ; 79 : 241-4. 2. Wang C.S., Hsueh S., Chao T.C. et coll. Pronostic study of gastric cancer without serosal invasion : reevaluation of the definition of early gastric cancer. J Am Coll Surg 1997 ; 185 : 476-80. 3. Akahoshi K., Chijiwa Y., Hameda S. Pre Treatment staging of endoscopically early gastric cancer with a 15 MHz ultrasound catheter probe. Gastrointes Endosc 1998 ; 48 : 470-6. 4. Konishi H, Murata Y., Kishino M., Fukazawa Y. A study of the layer structure of the gastric wall and diagnosis of cancer invasion by using 30 MHz ultra sonographic probe. Endoscopy 2000 ; 32 : A18-P44.i de l'hépato-gastroentérologue de l'hépato-gastroentérologue 113