kines pro-inflammatoires comme le TNF, l’IL6 et l’IL1 par
des monocytes, ainsi que sa propre production via une boucle
autocrine. En outre, elle augmente la production de l’IL1RA
par ces cellules (4). En plus de ses effets inhibiteurs sur l’expres-
sion de l’HLA-DR et de plusieurs molécules costimulatoires,
comme le CD54, le CD80 et le CD86, à la surface des cellules
présentatrices d’antigène, l’IL10 présente également des effets
anti-allergiques en inhibant l’expression du CD40 sur les éosi-
nophiles (5), provoquant leur mort cellulaire par apoptose et
constituant ainsi un mécanisme additionnel d’inhibition de
l’inflammation éosinophilique. Étant donné les fortes proprié-
tés suppressives et anti-inflammatoires de l’IL10, on pourrait
donc s’attendre à ce qu’une production diminuée de cette cyto-
kine chez les patients asthmatiques contribue à un accroisse-
ment des cytokines pro-inflammatoires, caractéristiques des
réponses inflammatoires (6). L’observation d’une production
spontanée d’IL10 dans le LBA de patients asthmatiques est plus
faible que chez les individus sains, conséquence d’une dimi-
nution de la transcription de cette cytokine (7), constitue un
argument en faveur de cette hypothèse. Cette notion a été confir-
mée dans une étude montrant que des cellules T purifiées pro-
venant d’enfants atteints d’asthme allergique et d’asthme non
allergique exprimaient des niveaux d’ARN messager pour
l’IL10 qui étaient diminués comparativement à ceux des indi-
vidus sains (8). En outre, l’implication potentielle de l’IL10
dans la pathogénie de l’asthme allergique a été mise en évi-
dence par la démonstration d’un polymorphisme du promoteur
de l’IL10 chez des patients atteints de l’asthme dû à la substi-
tution d’une base située 512 paires de bases en amont du site
d’initiation de la transcription. Cet échange de base serait asso-
cié aux taux élevés d’IgE totales sériques chez des patients
homozygotes ou hétérozygotes pour ce polymorphisme (9).
Cependant, jusqu’à présent, aucune information ne permet de
savoir si l’hyperréactivité bronchique, élément clinique et carac-
téristique de l’asthme, est aussi associée à ce polymorphisme
présent dans le promoteur de l’IL10.
Des études récentes ont indiqué un lien intéressant entre la fonc-
tion immunosuppressive de l’IL10 et l’occurrence des ma-
ladies atopiques. Il a été montré qu’une immunothérapie avec la
phospholipase A2(PLA2), administrée à des patients hypersen-
sibles au venin d’abeille, aboutissait à une production augmen-
tée de l’IL10 par les lymphocytes T spécifiques de la PLA2. En
revanche, ces cellules n’étaient plus capables de proliférer suite
à une stimulation in vitro avec cet allergène (10). Ces résultats
confirment l’observation originale de Groux et al., qui ont mon-
tré que l’IL10 est capable d’induire un état d’anergie des cel-
lules T in vitro (11). D’une façon intéressante, l’ajout de l’IL10
aux cultures de lymphocytes B purifiés des patients hyperim-
munisés à la PLA2inhibait la production d’IgE spécifique de
PLA2, mais il augmentait, en revanche, la production d’IgG 4 (10),
contribuant ainsi au succès de l’immunothérapie. Ces données
confirment une étude précédente montrant que l’IL10 est capable
de réguler la production d’IgE et d’IgG 4 d’une façon différen-
tielle (12), et l’ensemble de ces résultats indique donc que l’IL10
pourrait avoir un rôle important, par des mécanismes différents,
dans des approches du type immunothérapie.
CELLULES T RÉGULATRICES ET ASTHME
Récemment, une population particulière de lymphocytes T CD4+,
dénommés lymphocytes régulateurs type 1 (Tr1), a été décrite
chez la souris, puis chez l’homme. Ces lymphocytes T, qui pos-
sèdent un fort pouvoir suppresseur, sont caractérisés par une pro-
duction élevée d’IL10, associée à une sécrétion faible d’IL2 et à
une absence d’IL4 (13). Dans diverses études, il a été démontré
que les lymphocytes T régulateurs jouaient un rôle primordial au
niveau de la régulation des réponses immunes intestinales (revue
dans 14). Par exemple, des souris déficientes en IL10 qui n’ont
pas de telles cellules développent des colites (15). De plus, des
souris SCID, chez lesquelles une colite a été induite par des cel-
lules Th1 pathogéniques, ont pu être traitées par une injection de
lymphocytes Tr1 générés in vitro à partir de la souche de souris
sauvage (13). Il est tentant d’imaginer que l’absence de cellules
régulatrices, ou au moins une diminution de leur nombre, pour-
rait contribuer à l’inflammation dans l’asthme allergique, et, à
l’inverse, qu’une immunothérapie avec ces cellules pourrait avoir
des bénéfices thérapeutiques. Cependant, bien que les résultats
des modèles animaux utilisant des souris IL10–/–montrent une
inflammation aiguë des intestins, ces animaux ne souffrent pas
d’une inflammation bronchique, contrairement à ce qui est
attendu. En outre, des données récentes, non publiées, montrent
que des souris IL10–/–sont insensibles à l’induction d’une hyper-
réactivité bronchique, situation réversible suite à un transfert de
gène codant pour l’IL10 chez ces animaux (E. Gelfant, commu-
nication personnelle). Ce dernier résultat, encore à confirmer,
indique que l’IL10, au vu de son action pléiotrope, pourrait avoir
certains effets, encore inconnus, sur l’épithélium ou les muscles
lisses, contribuant à l’hyperréactivité bronchique. Il suffit toute-
fois de remarquer que les effets des cytokines dépendent de leurs
concentrations locales, et l’administration de l’IL10 à des doses
bien définies pourrait compenser les effets délétères.
Il est important de signaler que les faibles quantités d’IL10 dans
le LBA des patients asthmatiques ne seraient pas forcement liées
à une baisse du nombre des cellules T régulatrices, mais pour-
raient être le résultat d’une production diminuée par d’autres cel-
lules productrices de l’IL10, comme les macrophages alvéolaires
ou les lymphocytes Th2. Cet argument implique qu’il n’y aurait
pas, a priori, un rôle préférentiel des cellules Tr comme un type
cellulaire unique, producteur d’IL10. De plus, il est à exclure que
l’IL10 produite par les différents types cellulaires ait des pro-
priétés fonctionnelles différentes. Toutefois, des résultats d’études
récentes ont mis en évidence que les cellules Tr seraient dotées
de propriétés migratoires particulières, car elles sont détectées
spécifiquement dans des organes cibles en l’absence d’une acti-
vation spécifique par l’antigène, et ce n’est que suite à cette acti-
vation qu’elles suppriment l’inflammation dans l’environnement
local (H. Groux, résultats non publiés). On peut donc s’attendre
à ce que les cellules Tr aient une composition de molécules mem-
branaires impliquées dans l’adhésion et la migration différente
de celle des cellules Th2, ce qui expliquerait pourquoi l’IL10 pro-
duite par les cellules Th2 ne serait pas efficace pour supprimer
les réponses inflammatoires. À l’heure actuelle, il y a peu d’infor-
mations sur l’expression de ces molécules membranaires spéci-
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La Lettre du Pneumologue - Volume III - no3 - juin 2000