R E V U E D E P R E S S E Philippe Morice (Institut Gustave-Roussy) • Résultats carcinologiques après trachélectomie élargie Plante M et al. Vaginal radical trachelectomy: an oncologically safe fertility-preserving surgery. An updated series of 72 cases and review of the literature. Gynecol Oncol 2004;94:614-23. Cette étude est intéressante car elle comporte l’analyse d’une large cohorte de patientes (72) avec un suivi après traitement conséquent puisqu’il est de 60 mois. Au début, 82 patientes devaient bénéficier d’une chirurgie conservatrice d’un cancer du col de l’utérus, 10 cas ont été récusés à cause d’une extension ganglionnaire chez 4 patientes, d’un envahissement de la marge endocervicale chez 5 patientes et en raison d’adhérences tubo-ovariennes très sévères chez 1 patiente. Soixante-douze patientes ont donc bénéficié d’une trachélectomie élargie. L’âge moyen de celles-ci était de 31 ans et 75 d’entre elles étaient nullipares. Il s’agissait d’un carcinome épidermoïde dans 52% des cas et d’un adénocarcinome dans 48 % des cas. Quatre vingt-neuf pour cent des patientes (n = 64) avaient une lésion inférieure à 2 cm. Des embols tumoraux péricervicaux ont été observés chez 14 patientes. Il est à noter que le diagnostic a été posé sur une pièce de conisation ou d’électro-résection du col dans 74 % des cas. Trente-deux ganglions en moyenne par patiente ont été réséqués lors de la chirurgie. La durée d’intervention était de 252 minutes et la durée d’hospitalisation de 3,5 jours. On note 5 complications peropératoires (plaie iliaque ou épigastrique dans 3 cas, saignement paramétrial dans 1 cas et plaie vésicale dans 1 cas). Trois de ces 5 complications ont nécessité une conversion par laparotomie. Les complications postopératoires sont plus fréquentes et ont été observées chez 13 patientes : il s’agissait essentiellement de dysfonctionnement vésical nécessitant un sondage prolongé. Lors de l’analyse histologique des spécimens chirurgicaux, 60 % des patientes n’avaient plus de reliquat tumoral sur la pièce chirurgicale et une patiente a bénéficié d’une radiothérapie complémentaire en raison de la présence d’une micro-métastase ganglionnaire méconnue lors de l’intervention initiale. Sur le plan carcinologique, après une médiane de 60 mois, trois récidives ont été observées : une patiente ayant une tumeur neuroendocrine de 1 cm a fait une évolution polymétastatique létale rapidement ; une autre patiente ayant une tumeur de stade IIA de 3 cm a présenté une récidive latéro-pelvienne 18 mois après la trachélectomie élargie et est décédée d’une récidive métastatique apparue au cours du traitement de rattrapage ; la dernière patiente avait une tumeur de 2,5 cm et a présenté une récidive péritonéale mésosigmoïdienne 15 mois après le traitement de son cancer du col et a été traitée par chirurgie exclusive. Lors de l’analyse statistique, le seul facteur de récidive retrouvé dans cette série est la taille tumorale supérieure à 2 cm. Comme on pouvait s’y attendre, la survie des 10 patientes n’ayant pas eu de trachélectomie élargie (en raison des constatations d’une atteinte ganglionnaire ou de l’isthme utérin) était significativement moins bonne que la survie des 72 patientes ayant pu bénéficier d’une chirurgie conservatrice. Les données de cette étude confirment l’intérêt que l’on doit porter à la trachélectomie élargie. Les résultats carcinologiques semblent similaires à ceux du traitement radical, mais sous réserve de ne proposer cette chirurgie que chez les patientes ayant d’excellents facLa Lettre du Gynécologue - n° 297 - décembre 2004 teurs pronostiques : histologie classique (carcinome épidermoïde, adénocarcinome ou tumeur mixte ; il faut impérativement exclure les autres types histologiques plus rares en particulier neuro-endocrines), tumeur de moins de 2 cm, absence d’atteinte ganglionnaire, marges saines (en revanche, la longueur minimale pour assurer la résection in sano est toujours discutée dans la littérature : 5 mm, 10mm ?) et pour la plupart des équipes dont nous faisons partie, l’absence d’embols tumoraux. Cette donnée est connue dans la plupart des cas après analyse histologique de la pièce de conisation initiale. Sous réserve de respecter scrupuleusement ces critères de sélection, la chirurgie conservatrice peut être proposée. Les résultats obstétricaux n’ont pas été discutés dans cette série, mais ils vont faire l’objet d’une étude ultérieure. ■ • Résultats de la colpo-hystérectomie élargie par cœlioscopie Steed H et al. A comparison of laparoscopic-assisted radical vaginal hysterectomy and radical abdominal hysterectomy in the treatment of cervical cancer. Gynecol Oncol 2004;93: 588-93. Cet article provient de l’équipe expérimentée d’Alan Covens au Canada et analyse les résultats de la colpo-hystérectomie élargie par laparoscopie pour cancer du col utérin de stade précoce. Cette série compare 71 patientes ayant bénéficié de cette chirurgie à 205 patientes ayant bénéficié d’une chirurgie similaire mais par laparotomie. Dans tous les cas une chirurgie première a été réalisée. Lors de la chirurgie laparoscopique, une lymphadénectomie première a été effectuée par voie cœlioscopique ainsi que l’ouverture de l’espace vésico-utérin, le repérage de l’artère utérine et la coagulation de celle-ci à son origine associée à une coagulation haute du ligament utéro-sacré. La colpo-hystérectomie a ensuite été poursuivie par voie vaginale. Il s’agit donc plutôt d’une colpo-hystérectomie élargie cœlio-assistée. Les données cliniques et paracliniques étaient comparables dans les deux groupes (âge, taille tumorale, type histologique et grade, profondeur d’atteinte stromale, fréquence des patientes avec des embols ou une atteinte ganglionnaire). Néanmoins, il existait une différence significative concernant la distribution par stade, le taux de cancers microinvasifs étant plus fréquent chez les patientes traitées par cœlioscopie que chez celles traitées par laparotomie. Aucune conversion par laparotomie n’a été nécessaire dans le groupe des patientes ayant bénéficié d’une laparoscopie. Le temps opératoire était significativement allongé après laparoscopie (3,5 heures versus 2,5 heures), mais le saignement peropératoire y était plus faible (300 ml versus 500 ml) sans engendrer de différence sur le taux de transfusion (7 versus 8% dans le groupe laparotomie). Par ailleurs, le taux de complications peropératoires était plus important chez les patientes traitées par cœlioscopie (13 versus 4 %). Il s’agissait essentiellement de plaies de l’arbre urinaire (vésicales dans 7 cas, urétérales dans 1 cas) toujours réparées par cœlioscopie. Le taux de complications postopératoires n’était pas significativement différent. Néanmoins, le délai médian pour l’obtention d’une miction normale était plus long chez les patientes traitées 5 R E V U E D E P R E S S E par laparoscopie (10 jours versus 5 jours avec une extrême allant jusqu’à 71 jours). Un traitement adjuvant a été réalisé dans 22 % des patientes traitées par cœlioscopie et 21 % des patientes traitées par laparotomie. Après un délai de suivi de 17 mois (groupe laparoscopie) et 21 mois (groupe laparotomie), le taux de survie sans récidive à 2 ans est identique. Aucune récidive sur orifice de trocart n’a été observée. Plusieurs séries ont été publiées ces dernières années concernant la faisabilité et les résultats carcinologiques de l’hystérectomie élargie par cœlioscopie. Cette étude présente deux intérêts, d’une part elle intègre un nombre important de patientes (n = 71) et, d’autre part ses résultats sont comparés avec des patientes traitées par laparotomie pendant la même période et par les mêmes opérateurs. Cette série confirme que la colpo-hystérectomie élargie par cœlioscopie est parfaitement réalisable lorsqu’elle est effectuée par des opérateurs entraînés à cette voie d’abord. Les résultats carcinologiques semblent comparables à ceux observés après laparotomie. Néanmoins, une étude récente publiée par Nam (Gynecol Oncol 2004;92:277-83) retrouvait un taux accru de récidives chez les patientes ayant été traitées par cœlioscopie lorsque le volume tumoral était important. A priori, il faut donc réserver cette voie d’abord aux patientes ayant un cancer de stade IB1. On observera aussi dans cette intéressante série de Steed qu’il existe une morbidité urinaire accrue après cœlioscopie et, en particulier, un taux de difficultés mictionnelles postopératoires plus important qu’après laparotomie. Cette constatation est probablement en rapport avec le choix de la voie d’abord laparoscopico-vaginale. En effet, ces complications urinaires sont moins importantes chez les patientes traitées après colpo-hystérectomie élargie par voie cœlioscopique pure. Le choix de la réalisation d’une partie de la dissection paramétriale et paracervicale par voie vaginale explique probablement ces troubles mictionnels postopératoires plus fréquents. ■ • Fiabilité de la détection du ganglion sentinelle dans les cancers du col utérin Marchiolé P et al. Sentinel node biopsy is not accurate in predicting lymph node status for patients with cervical carcinoma. Cancer 2004;100:2154-9. Barranger E et al. Histopathologic validation of the sentinel node concept in cervical cancer. Ann Oncol 2004;15:870-4. Barranger E et al. Value of intraoperative imprint cytology of sentinel nodes in patients with cervical cancer. Gynecol Oncol 2004;94:175-80. De très nombreux travaux se sont intéressés ces cinq dernières années à l’évaluation de l’intérêt du ganglion sentinelle dans les cancers du col utérin. De nombreuses équipes ont démontré qu’a priori la détection était aussi fiable que dans le cancer du sein. Néanmoins, en 2004 son intérêt dans la prise en charge des patientes reste à démontrer. En particulier, étant donné la faible morbidité des curages pelviens dans les cancers du col, il est fort peu probable que la réalisation de la recherche de ce ganglion sentinelle puisse un jour s’orienter vers l’omission du curage complet chez les patientes n’ayant pas d’atteinte ganglionnaire (comme 6 c’est le cas dans le cancer du sein, dans le mélanome ou dans le cancer de la vulve). Par ailleurs, étant donné le très bon pronostic des cancers du col débutant sans embols tumoraux ni atteinte ganglionnaire, il est fort peu probable que l’on s’oriente aussi vers l’utilisation du ganglion sentinelle à titre d’ultra-stadification biologique pour mieux cerner un groupe de patientes à risque de récidives plus important. En revanche, l’intérêt éventuel du ganglion sentinelle dans les cancers du col est de détecter en peropératoire les patientes ayant une atteinte ganglionnaire pour leur éviter une chirurgie radicale rendue alors inutile car ces patientes N+ doivent être orientées vers une radiothérapie postopératoire. Le dernier intérêt est peut-être aussi de détecter des ganglions localisés dans des territoires anatomiques inhabituels. Néanmoins, le concept de ganglion sentinelle dans le cancer du col a été mis à mal cette année avec un travail intéressant de l’équipe lyonnaise où il existait des résultats discordants entre l’examen histologique standard et de l’immuno-histochimie systématique sur le ganglion sentinelle et le reste du curage. Ce travail intéressant a fait l’objet d’une publication dans Cancer très remarquée. Récemment, l’équipe de Tenon a publié plusieurs articles intéressants sur les ganglions sentinelles dans les cancers du col de l’utérus et aussi de l’endomètre. Le travail publié dans Annnals of Oncology par Emmanuel Barranger reprenait exactement la même méthodologie que l’étude lyonnaise. Dix-huit patientes ayant été traitées pour un cancer du col utérin du stade IA2 au stade IIB ont bénéficié d’une chirurgie initiale avec une lymphadénectomie première et la détection d’un ganglion sentinelle. Dans tous les cas après repérage du ganglion sentinelle, une lymphadénectomie pelvienne complète a été réalisée. Cette recherche du ganglion sentinelle a été effectuée avec une méthode combinée (colorimétrique et isotopique au Technetium 99). Les ganglions sentinelles et tous les ganglions du reste du curage ont bénéficié d’une analyse histologique standard (hématoxiline et éosine), mais aussi d’une immuno-histochimie systématique. Une moyenne de 2,5 ganglions sentinelles et 8 ganglions non sentinelles ont été enlevés par patientes. Huit ganglions sentinelles retrouvés chez 5 patientes ont été trouvés métastatiques lors de l’analyse histologique. Parmi ces 8 ganglions, 2 étaient des macro-métastases, 3 des micro-métastases et dans 3 cas il existait quelques cellules tumorales isolées. Chez 13 patientes, aucun ganglion n’était métastatique ni en immuno-histochimie. Parmi ces 13 patientes, 106 ganglions non sentinelles ont été examinés et dans aucun des cas on a retrouvé de métastases biologiques ou histologiques. En conclusion, ce travail intéressant confirme que la détection du ganglion sentinelle avec une méthode combinée est une technique fiable pour prédire l’envahissement ganglionnaire dans les cancers du col. Comment expliquer une telle différence entre ces résultats et ceux de l’équipe lyonnaise ? Probablement l’utilisation d’une méthode combinée dans la série de Tenon alors que seule une méthode colorimétrique avait été utilisée dans l’équipe lyonnaise permet d’expliquer l’absence de faux négatifs dans la série de Barranger. Si on conçoit que l’intérêt essentiel de la recherche du ganglion sentinelle dans les cancers du col est de détecter en peropératoire un envahissement ganglionnaire pour, éventuellement, récuser une chirurgie plus radicale, l’étape ultérieure de cette démarche est donc d’évoquer les différentes possibilités de détection peropératoire des métastases ganglionnaires dans les cancers du col utérin. La Lettre du Gynécologue - n° 297 - décembre 2004 R D E P R E S S E des cellules tumorales isolées). Il n’y a eu aucun faux négatif de la détection de ganglion sentinelle. En revanche, une seule des métastases ganglionnaires sur les 12 ganglions métastatiques a été diagnostiquée grâce aux empreintes cytologiques. Il n’y a eu aucun faux négatif de cette technique. La sensibilité globale de l’empreinte sur les ganglions sentinelles des cancers du col utérin est de 8,3 % avec une spécificité de 100 %, une VPP de 100 % et une VPN de 85,5 %. La conclusion de cet article est de suggérer que l’empreinte cytologique n’est pas fiable pour détecter l’envahissement ganglionnaire en peropératoire dans les cancers du col utérin. Il reste donc maintenant à trouver la technique la plus adéquate pour diagnostiquer l’envahissement ganglionnaire des ganglions sentinelles dans les cancers du col utérin si l’on veut valider définitivement l’intérêt de cette technique dans cette pathologie. ■ Schématiquement, deux techniques sont utilisées. On peut réaliser un examen extemporané des ganglions sentinelles, mais qui a comme inconvénient majeur “d’abîmer” les ganglions surtout lorsqu’ils sont de petite taille et de méconnaître des micrométastases ganglionnaires éventuelles (qui sont fréquemment retrouvées dans les ganglions sentinelles). La deuxième technique est celle de “l’empreinte” où les ganglions sont coupés et apposés sur des lames qui sont examinées en peropératoire. Là encore l’équipe de Tenon a publié un travail remarquable sur les résultats de l’empreinte des ganglions sentinelles dans les cancers du col utérin. Ce travail a été réalisé chez 36 patientes traitées pour un cancer du col ayant bénéficié d’une lymphadénectomie première par voie laparoscopique avec empreinte cytologique. Au moins un ganglion sentinelle a été retrouvé chez 34 de ces 36 patientes. Huit patientes avaient un total de 12 ganglions sentinelles métastatiques (4 macro-métastases, 5 micro-métastases et 3 ganglions ayant À découper ou à photocopier O UI, JE M’ABONNE AU MENSUEL La Lettre du Gynécologue Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ....................................................................................... à l’attention de .................................................................................... 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