D O S S I E R Prise en charge des sarcomes utérins Treatment of uterine sarcoma ● P. Pautier, C. Lhommé, P. Morice, C. Pomel, D. Castaigne, C. Haie-Meder, P. Duvillard* L es sarcomes utérins (SU) sont des tumeurs rares, comprenant différents sous-types histologiques, et représentant entre 3 et 5 % de l’ensemble des tumeurs malignes de l’utérus (1). Ils sont de mauvais pronostic hormis les sarcomes du stroma endométrial de bas grade, associés à un taux important de récidives (entre 50 et 70 % selon les séries), locales et surtout métastatiques (dans 70 % des cas environ) (1-3). Les taux de survie n’excèdent pas 30 % à 5 ans tous stades confondus et de 30 à 70 % pour les stades localisés (I et II) (1-3). Leur profil évolutif est superposable à celui des sarcomes des tissus mous (STM), bien que de plus mauvais pronostic. Ainsi, par extension, le traitement adjuvant est calqué sur celui des STM, et beaucoup de tumeurs de stade I-II ont un traitement chirurgical exclusif. Malgré l’évolution défavorable de ces tumeurs, peu d’études prospectives randomisées de traitement adjuvant après chirurgie des SU ont été menées et la prise en charge optimale n’est pas clairement définie. Les SU dérivent soit du parenchyme musculaire lisse, soit du chorion cytogène. La classification proposée par l’OMS reconnaît trois grands groupes histologiques avec par ordre d’incidence décroissante dans la littérature : des tumeurs mixtes épithéliales et mésenchymateuses ; carcinosarcomes pour l’essentiel (ou tumeurs mixtes mésenchymateuses müllériennes) et exceptionnellement des adénosarcomes ; des léiomyosarcomes (tissu musculaire lisse) ; des sarcomes stromaux (du chorion cytogène) (< 10 % des SU). Les facteurs pronostiques des SU rapportés dans la littérature sont le stade et l’âge (1-3). Des critères histologiques retrouvés dans les sarcomes des tissus mous (grade de la FNCLCC sur différenciation tumorale, nombre de mitoses et nécroses [4]) ne sont pas pronostiques dans les sarcomes utérins (2). Hormis les sarcomes du stroma endométrial de bas grade, selon Norris (5), le diagnostic même de sarcome utérin est un facteur de mauvais pronostique. Le nombre de mitoses des léiomyosarcomes (< 10, 10-20, et > 20/10 champs) et l’importance de l’infiltration myométriale dans les carcinosarcomes sont les facteurs histologiques pronostiques les plus souvent décrits (3). Dans les sarcomes du stroma, le grade défini par Noris et Taylor est le facteur pronostique le plus important (2, 5). Enfin, aucun facteur biologique ou moléculaire n’est pronostique. * Comité de gynécologie, Institut Gustave-Roussy, 39, rue CamilleDesmoulins, 94800 Villejuif. La Lettre du Gynécologue - n° 297 - décembre 2004 La prise en charge thérapeutique des sarcomes utérins est très hétérogène, allant de la chirurgie seule à l’association d’une chirurgie, radiothérapie pelvienne et curiethérapie vaginale de complément et chimiothérapie. Il n’y a pas d’attitude concensuelle. Les indications sont variables en fonction des thérapeutes, des centres, des patientes, du temps, des facteurs pronostiques. La chirurgie est le traitement de référence. Il est impératif, d’intervenir par laparotomie, de préférence médiane, et d’éviter de morceler la tumeur. Pour les carcinosarcomes, l’extension ganglionnaire pelvienne est fréquente ; il est donc recommandé de réaliser un curage ganglionnaire pelvien. Il n’y a pas d’étude randomisée publiée sur la place de la radiothérapie adjuvante dans les sarcomes utérins. Cependant, dans beaucoup de séries rétrospectives, la radiothérapie ne semble pas avoir d’influence sur la survie globale, mais semble, en revanche, augmenter le contrôle local. Elle se fait classiquement selon les mêmes modalités que pour les adénocarcinomes de l’endomètre (6). Le taux important de rechutes métastatiques précoces dans cette pathologie est probablement lié à la présence de micrométastases au moment du diagnostic, et la médiane de survie n’excède pas 1 an lorsque la maladie est métastique. Comme pour les autres tumeurs solides à haut risque métastatique, se pose la question de l’influence d’une chimiothérapie adjuvante sur la survie et la survie sans récidive. En phase II, les drogues les plus efficaces sont la doxorubicine, l’ifosfamide, le cisplatine et l’étoposide. Les associations les plus efficaces rapportées en phase II associent doxorubicine et ifosfamide (30 % de réponses) (7), et plus récemment doxorubicine cisplatine, ifosfamide ou cyclophosphamide, déticène et vindésine (53 % de réponses) (8), et gemcitabine plus taxotère (53 % de réponses) (9). En phase III, seules deux associations ont été testées par rapport à l’adriamycine seule : adriamycine + cyclophosphamide (10) ; et adriamycine + dacarbazine (11). Aucune de ces combinaisons n’apporte un avantage en termes de taux de réponses. Elles ne semblent cependant pas optimales. Une seule étude randomisée de chimiothérapie adjuvante (12) a été menée. Elle comparait une chimiothérapie adjuvante par doxorubicine seule versus observation chez des patientes de stade I ou II. Sur 225 femmes incluses, seulement 156 sont évaluables. Il n’y a pas de différence significative sur la survie 17 D O S S I E R sans récidive (41 % avec adjuvant versus 53 % sans adjuvant) ni sur la survie globale (médiane de survie 74 mois avec doxorubicine versus 55 mois sans chimiothérapie). L’interprétation de ces résultats doit être prudente (grand nombre de patientes inéligibles et/ou inévaluables, radiothérapie à la carte, pas de stratification, choix discutable du traitement adjuvant. Enfin, il existe une tendance en termes de survie sans récidive en faveur de la chimiothérapie. Compte tenu du pronostic réservé de ces tumeurs utérines par rapport aux classiques tumeurs épithéliales, et en l’absence de facteurs pronostiques clairement définis (à l’exception du grade de Norris et Taylor pour les sarcomes stromaux), une thérapeutique adjuvante plus agressive des stades localisés peut s’envisager. Un essai français (SARC-GYN1) de phase III randomisé étudiant l’effet de l’adjonction d’une chimiothérapie (adriamycine, cisplatine et ifosfamide) à une radiothérapie adjuvante est en cours. Elle doit inclure 270 patientes en 6 ans. La tâche est difficile, compte tenu de la rareté de cette tumeur. Tous les centres français peuvent y participer ou adresser les patientes dans un des 31 centres investigateurs*. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Harlow BL, Weiss NS, Lofton S. The epidemiology of sarcomas of the uterus. J Natl Cancer Inst 1986;76:399-402. 2. Pautier P, Genestie C, Rey A et al. Analysis of clinicopathological prognostic factors in 157 uterine sarcoma: interest of a grading score validated in soft tissue sarcoma. Cancer 2000;88:1425-31. 3. Major FJ, Blessing JA, Silverberg SG et al. Prognostic factors in early-stage uterine sarcoma. A gynecologic oncology group study. Cancer 1993;suppl 71:1702-9. 4. Coindre JM, Binh Bui N, Bonichon F et al. Histopathologic grading in spindle cell soft tissue sarcomas. Cancer 1988;61:2305-9. 5. Norris HJ, Taylor HB. Mensenchymal tumors of the uterus. A clinical and pathological study of 53 endometrial stromal tumors. Cancer 1966;19:755-66. 6. Knocke TH, Kucera H, Dorfler D et al. Results of postoperative radiotherapy in the treatment of sarcoma of the corpus uteri. Cancer 1998;83:1972-9. 7. Sutton G, Blessing JA, Malfetano JH. Ifosfamide and doxorubicine in the treatment of advanced leiomyosarcomas of the uterus: a gynecologic oncology group study. Gynecol Oncol 1996;62:226-9. 8. Pautier P, Rey A, Genestie C et al. Chemotherapy with DECAV (cisplatinume based regimen) in uterine sarcomas. Proceedings of the American Society of Clinical Oncoloy (ASCO), may 1997. Abstract. 9. Hensley ML, Maki R, Venkatraman E et al. Gemcitabine and docetaxel in patients with unresectable leiomyosarcoma: results of a phase II trial. J Clin Oncol 2002;15,20:2824-31. 10. Muss HB, Bundy B, DiSaia PJ et al. Treatment of recurrent or advanced uterine sarcoma: a randomized trial of doxorubicine versus doxorubicine and cyclophosphamide (a phase III trial of the Gynecologic Oncology Group). Cancer 1985;55:1648-53. 11. Omura GA, Major F, Blessing JA et al. A randomized study of adriamycin with and without dimethyl triazinoimidazole carmoxamide in advanced uterine sarcomas. Cancer 1983;52:626. 12. Omura GA, Blessing JA, Major F et al. A randomized clinical trial of adjuvant Adriamycine in uterine sarcomas: a gynecologic oncologic group study. J Clin Oncol 1985;3 :1240-5. * Investigateur principal : P. Pautier. Pour renseignements, contacter Mme Dupouy. Tél. : 01 42 11 41 20 ou 01 42 11 41 20, BIP 4900. Nous Nous faisons faisons de de vos vos spécialit spéciali notre notre spécialité... spécialité... Société du groupe de presse et d'édition santé 18 La Lettre du Gynécologue - n° 297 - décembre 2004