L Demain, une double fonction ?

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Cadre dans une unité et chef de projet en transversal
Demain, une double fonction ?
Le cadre de santé doit assurer son rôle dans un service, c’est-à-dire
la charge normale de fonctionnement. S’impliquer, en même temps,
dans une mission transversale en tant que chef de projet renforce
l’exercice de sa fonction en favorisant la qualité des soins.
L
a direction du service des soins
de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP,
Paris) a nommé un cadre de santé,
en activité dans un service de cancérologie-radiothérapie, chef de
projet sur l’hémovigilance et la sécurité transfusionnelle.
La distinction se fait entre la fonction permanente du cadre, désignée ici en termes de “rôle”, et sa
fonction transitoire de chef de projet, sur l’établissement, désignée ici
en termes de “mission”. Le “rôle”
du cadre dans l’unité de soins et sa
“mission” dans sa fonction transversale font appel à des principes
de gestion et d’organisation parfois
différents, toujours interactifs.
Parallèle de fonctionnement
Le parallèle se retrouve à quatre
niveaux.
1/ Inscription dans la politique
de l’hôpital
Le cadre de santé, tout comme le
chef de projet, doit : respecter et
faire respecter les projets de l’établissement ; tenir compte des objectifs de celui-ci ; rendre des
comptes à ses supérieurs hiérarchiques ; faire valider le projet.
2/ Gestion des ressources
humaines
Pour cela, le cadre de santé et le
chef de projet doivent mettre en
adéquation l’activité du service et
l’effectif en personnel soignant
pour le premier, et l’importance du
projet et le nombre de participants
ou de bénéficiaires de la formation
pour le second. De même, l’un
comme l’autre doivent établir des
rapports constructifs avec les différents partenaires, être le porteparole et/ou l’interface, organiser la
gestion : des équipes soignantes,
pour le cadre, et des collègues
cadres, pour le chef de projet, tous
deux fixant des objectifs de service
ou de formation.
Déléguer aux personnels ou membres du groupe, informer et communiquer, faire produire et motiver le personnel ou les membres
du groupe, coordonner les soins
ou le projet sont des axes communs vers la qualité, soit par les audits internes, soit au niveau de l’hôpital, avec, pour le cadre plus
particulièrement, la direction des
équipes et, pour le chef de projet,
l’orientation du groupe.
3/ Gestion des moyens
Pour le cadre, c’est anticiper les besoins en matériels (ex. : commande
de produits appropriés), contrôler
et gérer les dépenses. Pour le chef
de projet, c’est mettre en adéquation les moyens et les dispositifs de
l’hôpital (ex. : réservation d’une
salle) et organiser une formation
réalisable financièrement.
4/ Maîtrise de la fonction
d’encadrement
Les deux fonctions impliquent
d’encadrer, d’identifier, de dispenser respectivement, pour le
cadre : l’équipe des stagiaires, les
besoins en formation à l’échelle du
service, la formation interne au
service ; et, pour le chef de projet,
les participants bénéficiant d’une
formation, les besoins en formation à l’échelle du service, une formation interne à l’hôpital.
On peut donc remarquer qu’il n’y
a pas de contradiction entre le
“rôle” et la “mission” et que l’un est
transposable dans l’autre. Toutefois, la dimension et l’échelle d’intervention du chef de projet par
rapport à celles du cadre de santé,
vont renforcer un positionnement
et un développement qui lui donneront les moyens de fonctionner
plus aisément.
“Rôle” et “mission”,
quelle différence ?
Si le “rôle” de la fonction cadre est
complexe, car il ne dépend pas
toujours de la connaissance mais
aussi d’une capacité d’analyse et
d’adaptation, la “mission” de chef
de projet l’est plus encore. En effet, celui-ci doit piloter des
équipes variées, au positionnement différent de celui qu’il rencontre au sein du service où il
exerce son activité de cadre. Ainsi,
le chef de projet peut être amené
à accompagner ses propres collègues, mais aussi des supérieurs
hiérarchiques, du personnel du
corps médical. Il doit communiquer avec les membres du groupe
et les motiver, en faisant abstraction de son “rôle” pour donner
priorité à sa “mission”. Cette situation particulière induit un
comportement adapté à son public. Le chef de projet n’a pas de
rapport hiérarchique naturel au
sein du groupe mais fonctionne
uniquement par la reconnaissance
professionnelle. L’organisation des
réunions, leur orchestration supposent des objectifs clairement
définis et imposent une communication adaptée à un public hétérogène (parfois constitué d’experts), à qui il doit faire accepter
ses propositions. Ici “manager une
équipe” prend tout son sens et impose la dimension de leader.
De plus, dans le cadre de sa mission, le chef de projet est confronté
à des difficultés inhérentes à la
taille de l’hôpital. Il doit considérer des impératifs qui interviennent à des niveaux différents de
ceux d’un service. Plus cette structure est importante, plus les variations de fonctionnement ou les
dysfonctionnements éventuels interviennent et interférent dans la
réalisation du projet. Il s’agit de
prendre en compte une multitude
de facteurs externes, souvent sans
relations entre eux :
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
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Cadre dans une unité et chef de projet en transversal
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– gestion de services aux intérêts
souvent opposés ;
– obligation de faire face à une
conjoncture sociale ;
– ajustement des priorités en
tenant compte des événements
conjoncturels au sein de l’hôpital.
Le chef de projet doit donc développer ses capacités à anticiper, à
réagir vite, à s’adapter sans jamais
perdre de vue ses objectifs. Il doit
être prospectif.
Si la fonction cadre n’est pas isolée
mais bien imbriquée dans une
unité et que la synergie au sein de
l’encadrement est nécessaire, c’est
encore plus vrai pour celle de chef
de projet. Elle est directement soumise à la validation du directeur du
service des soins. En effet, de ce dernier dépend la progression du projet. Le chef de projet s’inscrit dans
la démarche qualité et se soumet
à l’évaluation de ses supérieurs.
Outre l’entretien oral, il doit rédiger périodiquement des comptesrendus et des bilans nécessitant un
esprit de synthèse et une bonne
maîtrise de l’écriture.
Influence de la “mission”
sur le “rôle”
Aujourd’hui, les cadres s’inscrivent
dans une dynamique permanente
d’amélioration de la qualité et d’évolution des soins. Ils s’engagent dans
la participation et l’implication des
équipes. Le cadre de santé “chef de
projet”, par la vision globale qu’il
acquiert, aura plus de facilités à exercer sa fonction au sein de son service. En effet, confronté à des problèmes internes ou externes, il lui
sera plus aisé d’appréhender les difficultés rencontrées, de relativiser le
travail demandé et de prioriser ses
actions. Sa fonction de contrôle,
grâce à l’élaboration de protocoles
de soins et de critères d’évaluation
lui permettant de fixer des objectifs
et d’en assurer le suivi, en sera facilitée elle aussi. La complexité des
échanges rencontrée par un cadre,
que ce soit au niveau des patients,
des médecins, des agents, des intervenants extérieurs, sera également
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abordée avec plus d’aisance. Habitué à définir des objectifs, à traiter
des questions et à négocier des actions, il pourra établir des relations
constructives avec son entourage et
évaluer sa marge de manœuvre.
Ainsi, il sera plus à même de mesurer le degré d’urgence requis et de
trouver les solutions les mieux adaptées aux problèmes posés. L’analyse
en besoins de formation pour son
équipe en sera plus précise et les objectifs plus ciblés. Une démarche
participative aux projets de service
en assurera une application plus facile et plus cohérente. La gestion
d’une équipe au quotidien sera favorisée par une conduite de réunion
mieux adaptée et une identification
des ressources mieux cernée. La
communication en sera favorisée.
Les rapports avec la hiérarchie, directs ou indirects, seront plus
construits donc plus fructueux.
Le cadre d’un service, lui-même
convaincu et plus impliqué, obtiendra plus facilement l’adhésion
des équipes aux projets transversaux de l’hôpital. Il fera bénéficier
son service de ses connaissances, de
ses nombreux échanges et de ses
différentes rencontres. Il le dynamisera et l’entraînera dans une réflexion constante. Toutes les qualités indispensables au chef de projet,
et celles nécessaires au cadre de
santé, se complètent et se développent en se renforçant mutuellement. Cette complémentarité réciproque fait que le cadre assure le lien
entre l’hôpital et le service, entre la
théorie et la pratique. Il est le porteparole direct des équipes. Il en
connaît les besoins et les lacunes, ce
qui le rend plus efficace et réaliste
dans ses projets.
Rester réaliste
Il ne faudrait pas pour autant idéaliser la mission de chef de projet
qui peut être difficile et lourde à
assumer. Elle nécessite, en effet,
des qualités d’organisation afin de
trouver un équilibre entre les deux
fonctions. Il faudra aussi être sans
cesse en mouvement, se dépenser
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
sans compter pendant les heures
de service et en dehors, apprendre
à composer avec les membres de
sa hiérarchie pour trouver un équilibre mutuellement satisfaisant
entre le “temps présent dans le service” et le “temps passé à l’extérieur” consacré aux réunions. Il lui
faudra convaincre de l’importance
et de l’intérêt du travail transversal et faire la preuve du bénéfice
apporté au service, notamment en
termes d’efficacité accrue.
S’il est vrai que la mission transversale n’est pas une sinécure, elle
n’est pas non plus la panacée et encore moins une fin en soi.
Conclusion
L’exercice simultané de la fonction
de cadre de santé et de chef de projet constitue certainement une ouverture pour l’avenir. Elle montre,
entre autres, qu’un cadre relativement nouveau dans un service
peut avancer plus vite et développer plus rapidement des qualités
qui relèvent normalement d’une
longue expérience.
Inscrit dans la démarche qualité et
accréditation, ce positionnement
nouveau, loin d’être en contradiction avec le rôle traditionnel du
cadre de santé, présente un avantage certain en renforçant ce dernier
dans l’exercice de sa fonction et en
favorisant la qualité des soins au sein
du service. Ce positionnement permet aussi d’établir un parallèle (qui
n’est pas toujours évident) entre le
rôle du cadre dans l’unité de soins
et sa mission dans sa fonction transversale, sans occulter pour autant
les quelques différences qui les séparent. Toutes les différences et les
difficultés que rencontrera le chef
de projet vont avoir une influence
positive sur son rôle de cadre. Il
pourra tirer profit de cet avantage
pour mieux œuvrer dans son service et s’engager dans le processus
d’amélioration constante de la qualité des soins donnés au patient.
Yasmine Calisi-Pierron
Cadre de santé en radiothérapie,
hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris.
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