D O U L E U R Les opioïdes forts dans les douleurs chroniques non cancéreuses L es opioïdes du palier 3 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) restent à ce jour les antalgiques les plus puissants dans les douleurs par excès de nociception, et leur utilisation dans le traitement des douleurs cancéreuses est largement admise. Sous l’effet de campagnes de sensibilisation et de recommandations ministérielles (plan de lutte triennal contre la douleur 1998-2000), l’accès aux antalgiques majeurs a été facilité afin d’encourager leur prescription : suppression du carnet à souche, allongement de la durée maximale de prescription. L’utilisation des antalgiques de niveau 3 a ainsi progressé de 20 % en 2000, pour la douleur cancéreuse, mais aussi non cancéreuse (1). Il faut rappeler que les différents paliers de l’OMS ont été élaborés pour la douleur cancéreuse (puissance croissante de la thérapeutique antalgique avec recours aux morphiniques préconisé d’emblée dans le cas de douleurs sévères) et ne sauraient s’appliquer indistinctement aux douleurs non cancéreuses, en particulier dans leur forme chronique. En rhumatologie, où la douleur est un symptôme majeur, de nombreux patients sont insatisfaits des traitements antalgiques classiques. On ne dispose pas de données précises concernant la prévalence d’utilisation de la morphine dans les douleurs non cancéreuses, les habitudes variant en fonction des pays. Deux études allemandes (2, 3) portant respectivement sur 1 000 et 1 389 patients présentant des douleurs neuropathiques ou ostéoarticulaires soulignent que 4,3 % et 4,7 % d’entre eux reçoivent des médicaments morphiniques. Récemment, une étude multicentrique américaine regroupant 25 479 patients avec douleurs lombaires ou radiculaires retrouve des valeurs proches avec 3,4 % des patients traités par opiacés (4). Dans ce dernier groupe, de nombreuses prescriptions correspondent à un stade aigu, mais 60 % des patients avaient des symptômes évoluant depuis plus d’un an. Nous analyserons successivement : ! les données de la littérature qui servent de base à la justification de la prescription de morphine dans les douleurs non cancéreuses : études expérimentales animales, études cliniques ; ! les effets indésirables potentiels qui pourraient être un frein dans ces indications, et en particulier le retentissement cognitif pour les prescriptions au long cours et les risques de développement de phénomènes de tolérance et de dépendance ; ! les recommandations concernant la prescription de morphine dans les douleurs chroniques non cancéreuses (DCNC). 32 ÉTUDES COMPORTEMENTALES CHEZ L’ANIMAL Par voie systémique ou périphérique, la morphine semble peu active sur des modèles non inflammatoires, alors que l’action antinociceptive est nette dès qu’il y a inflammation (polyarthrite à adjuvant de Freund du rat, injection intraplantaire de carragénine pro-inflammatoire). Des études montrent une action anti-inflammatoire de la morphine, avec diminution des phénomènes inflammatoires locaux induits par l’injection intraplantaire de carragénine (5, 6). La présence des récepteurs morphiniques en périphérie a été démontrée sur la terminaison des fibres afférentes primaires. Ces récepteurs sont activés ou synthétisés lors de l’inflammation. La morphine agit par inhibition locale de libération de neuropeptides (substance P, CGRP...), agents de l’inflammation neurogène. Si les données fournies par les modèles animaux sont nombreuses, il existe en contrepartie peu d’études cliniques, en particulier dans la pathologie inflammatoire. ÉTUDES CLINIQUES Morphine par voie périphérique intra-articulaire La présence de récepteurs à la morphine dans le tissu synovial ayant été démontrée chez l’homme et l’animal, plusieurs auteurs ont évalué l’efficacité de la morphine par voie intra-articulaire. Kalso (7) a réalisé une méta-analyse en 1997, avec 10 études contrôlées valables depuis 1991, comportant environ 900 patients, principalement pour des douleurs postopératoires. Il existe une efficacité antalgique, mais qui paraît modérée en intensité et en durée (24 heures). Cette technique, bien tolérée, ne semble pas apporter de bénéfice majeur comparativement à l’injection La Lettre du Rhumatologue - n° 286 - novembre 2002 D intra-articulaire d’un anesthésique local. Une autre étude réalisée chez 44 patients présentant une arthrite inflammatoire ou une arthrose du genou montre une efficacité de la morphine intra-articulaire (3 mg) comparable à celle de la dexaméthasone, significativement supérieure au placebo (sérum salé), qui se maintient sur les 6 jours de suivi de l’étude (8). Morphine et douleurs aiguës La morphine est de plus en plus utilisée, en cures courtes, lors du traitement de certaines douleurs aiguës : infarctus du myocarde, coliques néphrétiques, douleurs abdominales, traumatismes, douleurs postopératoires. Il paraît maintenant assez clair que ces prescriptions ne sont pas associées à un surcroît d’erreurs diagnostiques, que faisait craindre l’analgésie précoce. En rhumatologie, certains tableaux hyperalgiques (tassements vertébraux, névralgies cervicobrachiales, lomboradiculalgies ...) peuvent être de bonnes indications à un traitement antalgique rapidement efficace par morphiniques. Dans ces indications, on ne dispose pas d’études cliniques randomisées. Les observations cliniques laissent cependant à penser que la morphine permet une meilleure prise en charge immédiate de la douleur et une reprise rapide de la fonction. Morphine et douleurs chroniques Biais des études cliniques Les études concernant l’utilisation de morphine dans les DCNC sont d’interprétation difficile car elles concernent des populations très hétérogènes (mécanisme de la douleur, diagnostics, états thymiques, comédications...). La plupart de ces études concernent des petites séries sur des durées variables. On relève très peu de patients avec des rhumatismes inflammatoires par rapport aux nombreux travaux sur les effets des opioïdes dans les modèles animaux de douleur inflammatoire. Études randomisées Seules deux études contrôlées ont été réalisées : ! La première en 1996 par Moulin (9), chez 46 patients présentant des douleurs chroniques principalement ostéoarticu- laires, réfractaires à plusieurs traitements (AINS, codéine, antidépresseurs). Les patients ont reçu soit de la morphine à la dose de 30 à 120 mg (moyenne 83,5 mg/ jour), soit un placebo actif à effets anticholinergiques, pendant 9 semaines. Il existe une action antalgique significative de la morphine dans cette étude, mais sans amélioration fonctionnelle, ni de la qualité de vie. Moins d’un tiers des patients a tiré un bénéfice de la prise de morphine, alors que le taux de satisfaction est de 70 % dans la douleur cancéreuse (10). Il n’a pas été constaté d’effet délétère des morphiniques sur les fonctions cognitives. ! Une autre étude contrôlée a été réalisée par Roth (11). Elle concerne 133 patients arthrosiques, ayant des douleurs depuis au moins un mois, recevant soit de l’oxycodone LP 20 ou 40 mg, soit un placebo pendant deux semaines. Il existe une efficacité antalgique de la morphine, mais pas de différence en termes d’amélioration fonctionnelle. Études non contrôlées – En 1998, Jamison (12), chez 36 lombalgiques chroniques traités par morphine 40 mg/j, trouve une efficacité antalgique, mais une fois encore sans bénéfice associé sur le plan fonctionnel. Aucun comportement addictif n’a été constaté. Cette étude comporte un biais de sélection, les patients ayant été sélectionnés sur des critères psychologiques très stricts. – Le suivi de cohortes et l’analyse rétrospective de dossiers montrent qu’une fraction de patients peut être soulagée de façon durable et sûre par la morphine. Dans l’étude de Roth (11), les patients ont été suivis pendant 6 mois (n = 58), 12 mois (n = 41) ou 18 mois (n = 15) ; on observe un maintien de l’efficacité antalgique sans augmentation des doses de morphine après la titration initiale. Morphine et douleurs neuropathiques Un véritable dogme de “morphinorésistance” existe en matière de douleurs neurogènes, à la suite d’études anciennes, qui font référence depuis, mais non exemptes de critiques (13). La réponse aux opioïdes dans ce cadre est en fait soumise à de larges variations interindividuelles, avec des doses souvent plus élevées que dans les douleurs par excès de nociception. L’efficacité des opioïdes est comparable à celle La Lettre du Rhumatologue - n° 286 - novembre 2002 O U L E U R de l’amitriptyline dans les douleurs postzostériennes (13). La morphine pourrait être une alternative thérapeutique, avec une optimisation de son efficacité dans le cadre d’associations thérapeutiques (antidépresseurs, anticonvulsivants). EFFETS INDÉSIRABLES Ils sont équivalents à ceux rapportés dans la douleur cancéreuse La plupart sont dépendants de la dose, surtout observés en début de traitement, et cèdent habituellement au cours des traitements prolongés : nausées-vomissements (20 à 60 % selon les séries), asthénie, somnolence. Ces effets peuvent être plus marqués chez le sujet âgé, et en cas de prescription conjointe de psychotropes. Seule la constipation, constante, persiste avec la poursuite du traitement et doit bénéficier d’une prévention continue, dès les premières prescriptions. Ces effets indésirables sont bénins, mais souvent mal acceptés par le patient, et doivent faire l’objet d’une information attentive de la part du praticien pour éviter des arrêts prématurés de traitement. Des effets indésirables plus rares sont à dépister : effets psychodysleptiques (dysphorie, agitation, confusion, hallucinations), plus fréquents chez le sujet âgé, prurit, rétention urinaire. La dépression respiratoire est exceptionnelle si l’augmentation des doses est progressive et la posologie adaptée à l’intensité de la douleur, avec une surveillance accrue chez le sujet âgé polymédicamenté. Elle ne doit pas constituer un frein à la prescription. Existe-t-il un retentissement cognitif significatif ? Les troubles cognitifs – sédation/ralentissement, troubles attentionnels, troubles mnésiques – peuvent représenter un handicap non négligeable dans la vie quotidienne des patients. Des incertitudes persistent sur les effets délétères de traitements morphiniques au long cours en termes de performances neuropsychiques. Ainsi, des auteurs ont montré que certains tests de performance sont significativement perturbés chez les patients sous morphine par rapport au groupe témoin (14). Ces tests 33 D O U L E U R sont d’autant plus perturbés que l’intensité douloureuse mesurée sur l’échelle visuelle analogique (EVA) est élevée, la douleur ayant elle-même un rôle délétère sur les performances cognitives. Les auteurs de cette étude concluent qu’il pourrait y avoir compensation, lors de prescriptions adéquates et efficaces, entre les effets délétères de la morphine et le soulagement de la douleur. LA TOLÉRANCE ET LA DÉPENDANCE À LA MORPHINE : UN PROBLÈME RÉEL DANS LES DOULEURS NON CANCÉREUSES ? Tolérance La tolérance est définie par la diminution d’un effet pharmacologique avec nécessité d’augmenter les doses afin de maintenir cet effet. La tolérance à la morphine est bien réelle pour certaines de ses actions pharmacologiques, à l’origine des effets indésirables du produit, qui, de ce fait, s’estompent avec la poursuite du traitement. Qu’en est-il de la tolérance à l’effet analgésique des morphiniques ? Récemment encore, et concernant en particulier les douleurs cancéreuses, ce phénomène apparaissait mineur, la nécessité de majorer les doses étant le plus souvent attribuée à la progression du processus tumoral sous-jacent. De même, dans les suivis de cohortes pour la DCNC, les doses de morphine restent généralement stables plusieurs mois ou années après la titration initiale, et une éventuelle nécessité de majorer les doses pouvait se justifier par ce même processus. Depuis peu, les travaux de Simonnet (15) éclairent d’un regard différent les mécanismes de la tolérance aux effets analgésiques des substances opiacées. Les analgésiques opiacés activeraient simultanément, et ce dès les premières administrations, non seulement des systèmes inhibiteurs de la nociception, mais également des systèmes facilitateurs, l’effet analgésique étant la résultante de ces deux effets opposés. L’activation de ces systèmes pronociceptifs NMDA-dépendants dure plus longtemps que celle des systèmes antinociceptifs et se traduit par une hyperalgésie qui peut per34 sister, à l’origine de la tolérance aux effets analgésiques des opiacés. En outre, la sensibilisation à la douleur par le biais de ces systèmes pronociceptifs pourrait jouer un rôle majeur dans les processus de chronicisation, voire d’amplification de la perception douloureuse. Dépendance Dépendance physique. Elle est responsable du syndrome de sevrage avec symptômes physiques lors d’un arrêt brutal du traitement : larmoiement, rhinorrhée, sueurs, tachycardie, troubles digestifs jusqu’à la déshydratation. Elle implique la nécessité de diminuer progressivement les doses, et constitue un problème mineur, les arrêts de traitements morphiniques ne provoquant que très rarement des difficultés. Dépendance psychique. Elle correspond à l’envie irrésistible de consommer le produit, avec un état qui s’exprime par des modifications comportementales comprenant toujours la recherche de la drogue, caractéristique de l’addiction. Son développement, exceptionnel en termes de douleur cancéreuse, concerne moins de 1/100 000 patients. En douleur non cancéreuse, le risque est plus important, mal évalué, mais il paraît minime dans le cadre d’une prise en charge globale, rationnelle et prudente avec respect des règles de prescription. Elle n’excède pas 1 % pour de nombreux auteurs (10), avec un risque plus important selon le terrain : antécédent d’abus médicamenteux, contexte psychique. La généralisation de l’utilisation des opioïdes s’accompagne-t-elle d’une aggravation de la toxicomanie à ces produits ? Une enquête rétrospective (1990-1996) réalisée aux États-Unis (16) révèle que la consommation de morphine a augmenté de 59 % sur cette période. Dans le même temps, les abus d’opiacés progressaient de 6,6 % et les abus d’autres drogues de 43 % (en particulier héroïne et cocaïne). La part relative des abus d’opiacés par rapport à l’abus total de drogues était en nette régression, puisqu’elle était de 25 %. Ainsi, l’abus de substances opiacées ne représente qu’une proportion négligeable de l’abus de substances psychoactives, alors que la consommation globale à visée médicale a considérablement augmenté. Les résultats sont probablement extrapolables à la France, où la prescription de morphine a progressé moins rapidement. RÈGLES D’UTILISATION DES MORPHINIQUES DANS LES DOULEURS CHRONIQUES NON CANCÉREUSES Quel morphinique ? La morphine reste l’opiacé de référence et devrait être prescrite en première intention, sulfate de morphine à libération immédiate (Actiskenan®, Sevredol®) ou prolongée (Skenan LP®, Moscontin®, Kapanol®, Oxycontin LP®). Le fentanyl en dispositif transdermique (Durogesic®) et l’hydromorphone (Sophidone®), autres agonistes µ totaux, sont utiles dans le cadre de la rotation des opioïdes, quand la morphine n’assure pas une analgésie suffisante ou génère des effets indésirables non contrôlés (17). Il faut cependant rappeler que ces produits n’ont pas encore l’AMM dans les douleurs non cancéreuses. La buprénorphine (Temgésic®) est un agoniste µ partiel : l’augmentation de doses audelà d’un certain seuil ne s’accompagne pas d’une augmentation de l’activité antalgique (effet plafond), mais expose à un risque de toxicité accrue, ce qui n’en fait pas un traitement de choix des douleurs chroniques. Règles d’utilisation En 1986, Portenoy (18) rédigeait les premières recommandations sur l’utilisation de la morphine dans les DCNC (tableau I). En février 1999, un travail du Cercle d’études de la douleur en rhumatologie (CEDR) a réalisé une revue bibliographique puis confronté la littérature avec l’expérience clinique. Seize recommandations ont ainsi été rédigées, dans l’attente de la publication de preuves scientifiques et d’une conférence de consensus concernant l’utilisation de la morphine dans les douleurs rhumatologiques non cancéreuses : il s’agit des recommandations de Limoges (19) (tableau II). La Lettre du Rhumatologue - n° 286 - novembre 2002 D O U L E U R Ta b l e a u I . – À n’envisager qu’après échec de toute autre méthode alternative appropriée, après une évaluation globale pluridisciplinaire, si possible dans un centre pluridisciplinaire de traitement de la douleur. – Contre-indication : antécédent d’abus médicamenteux. – Un seul praticien doit assumer la responsabilité première du traitement. – Consentement éclairé, détaillé du patient. – Administration à “horaire fixe”. – L’inefficacité des doses faibles doit faire remettre en question la pertinence du traitement. – Mettre l’accent sur l’amélioration en termes d’activités physiques et sociales. – Prévoir des ajustements autocontrôlés (doses de secours). – Contrôles périodiques pour détecter une utilisation mal adaptée ou un abus. – Les périodes de douleurs non contrôlées par des augmentations de petites doses doivent être traitées au cours d’une courte hospitalisation. – Arrêt du traitement en cas de stockage de produits, de multiplication des consultations, d’escalade incontrôlée des doses ou de comportement anormal. Ta b l e a u I I . Préalable 1. Il n’existe pas de recommandations pour l’utilisation de la morphine en rhumatologie. 2. Le but n’est pas d’inciter à une utilisation imprudente de la morphine, mais d’aider le clinicien à son bon usage quand il a décidé d’y recourir. 3. La morphine n’est qu’une des possibilités, mais est une possibilité, du traitement de la douleur non cancéreuse en rhumatologie. Sélection des patients et évaluation initiale 4. Pourront être traités par la morphine : les patients douloureux chroniques non ou insuffisamment soulagés par les thérapeutiques usuelles de la pathologie antérieurement définie (dégénérative, inflammatoire...). 5. L’évaluation initiale comprendra : une synthèse de l’histoire de la maladie et des thérapeutiques, un avis psychiatrique spécialisé dans le cas de pathologies mal définies, de sujet très jeune, d’abus médicamenteux, de suspicion de troubles psychiatriques, une évaluation de la douleur et de son retentissement. 6. Ne seront pas traités par la morphine : les patients dont les symptômes ne sont pas médicalement expliqués (douleurs idiopathiques) ou ceux atteints de troubles caractériels sévères ou psychosociaux prédominants. Mise en route pratique du traitement 7. Information donnée au patient et à ses autres médecins : buts, modalités, événements indésirables (EI) potentiels. 8. Les buts du traitement seront définis conjointement par le patient et son médecin. 9. Dose initiale : 10 à 30 mg x 2/j de sulfate de morphine LP. 10. Ajustement posologique par paliers, en augmentant de 50 % au plus la dose journalière. 11. Surveillance rapprochée (minimum J14 et J28), pour apprécier les EI et l’efficacité jusqu’à obtention d’une posologie optimale. 12. Complément antalgique en cas de douleur fluctuante (paracétamol, morphine à libération immédiate...). 13. Prévention systématique de la constipation à l’instauration du traitement. Évaluation et suivi du traitement 14. À chaque visite, recherche de signes orientant vers un mésusage, un abus ou une dépendance psychique. 15. Toute augmentation trop rapide des doses doit faire reconsidérer l’indication du traitement 16. En cas de décision d’arrêt, on diminuera progressivement et on recherchera les signes de sevrage. La Lettre du Rhumatologue - n° 286 - novembre 2002 Particularités de la prescription dans les DCNC par rapport à la douleur cancéreuse L’utilisation discontinue est plus fréquente, diurne ou nocturne, sans couvrir le nycthémère en fonction de la nature plutôt mécanique ou inflammatoire des douleurs, ou par périodes, en fonction des poussées évolutives, dans le cas des rhumatismes inflammatoires par exemple. Le contrat doit préciser les objectifs du traitement sur le plan fonctionnel, et pas seulement sur l’intensité de la douleur. Si la morphine doit être efficace, elle l’est le plus souvent rapidement pour des doses faibles ou modérées. Certains auteurs préconisent une dose initiale de 10 mg à libération prolongée toutes les 12 heures de façon systématique, afin d’éviter les effets secondaires dosedépendants et de permettre une meilleure adhésion au traitement. Indications Il n’y a pas d’indications type dans la mesure où des études contrôlées par pathologie sont inexistantes. Pour certains auteurs, dans le domaine rhumatologique, certaines indications seraient plus appropriées (19) : rhumatismes inflammatoires, arthrose, alors que d’autres affections devraient constituer une non-indication de principe : certains tableaux de lombalgie chronique, fibromyalgie... Constatons cependant, outre que ces faits ne sont pas validés, que certains patients de ce deuxième groupe sont parfois traités par de fortes doses d’opioïdes dits “faibles” (codéine, tramadol), correspondant en équivalent-morphine jusqu’à 30 à 60 mg de sulfate de morphine, avec une certaine efficacité. Le rapport bénéfice/ effets indésirables ne serait-il pas meilleur, dans certains de ces cas très sélectionnés, avec de petites doses de morphine ?.. CONCLUSION Les études cliniques concernant l’utilisation de la morphine dans les douleurs non cancéreuses sont très limitées et ne permettent pas de répondre aux questions sur l’intérêt de la morphine dans ces indica35 D O U L E U R tions, en particulier en ce qui concerne la DCNC. Les travaux récents mettant en évidence l’activation de systèmes pronociceptifs par les opiacés remettent au premier plan les phénomènes de tolérance aux effets analgésiques des opiacés et laissent entrevoir, par ce biais de la mise en jeu de systèmes pronociceptifs, le rôle potentiel des opioïdes dans les processus de chronicisation de la douleur. Ils incitent donc à la prudence. Sous réserve du développement de ces travaux, de nombreux arguments fondamentaux et les études observationnelles plaident actuellement pour une utilisation plus large de la morphine dans les douleurs chroniques non cancéreuses. Des études bien conduites, incluant les différentes pathologies, devraient permettre de mieux préciser les indications. A. Dumolard* et **, J.P. Alibeu**, R. Juvin* * Service de rhumatologie, ** Centre de la douleur, CHU de Grenoble Bibliographie 1. Évaluation du plan triennal de lutte contre la douleur – Société Française de Santé Publique – octobre 2001. 36 2. Maier C, Hildebrandt J, Klinger R et al. Efficacity of oral morphine in chronic nonmalignant pain. Abstr. 8th World Cong Pain 1996 ; 159 : 50. 3. Schuzeck S, Gleim M, Maier C. Morphine tablets for chronic non-tumor-induced pain : which factors modify the success or failure of longterm therapy ? Anaesthesist 1993 ; 42 : 545-56. 4. Fanciullo GJ, Ball PA, Girault G et al. 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