
La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 6 - novembre-décembre 2007
Vie professionnelle
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La souffrance des soignants et leurs mécanismes de défense1
IP I. Moley-Massol*
1. © Correspondances en Risque Cardiovasculaire 2007;1:28-30.
* Médecin libéral, praticien attaché à l’hopital Cochin, Paris, psychothérapeute ; 
auteur du livre L’annonce de la maladie ? Une parole qui engage (Paris, éditions DaTeBe, 
2004) et de Relation médecin-malade. Enjeux, pièges et opportunités (Paris, éditions 
DateBe, 2007).
Face au diagnostic de maladie grave, à une récidive, un 
échec des traitements, le médecin est le premier à être 
confronté à la violence de la mauvaise nouvelle.
Il  est  piégé  dans  une  situation  paradoxale  :  être  à  la  fois 
le soignant et celui qui inflige au patient la blessure de la 
révélation de sa maladie. 
Mais c’est d’abord à lui-même que le médecin doit annoncer 
la mauvaise nouvelle. Elle le confronte à ses angoisses en tant 
que soignant et en tant que sujet humain.
Le médecin redoute le mal qu’il va “faire” au malade, craint 
ses  réactions  et  porte  parfois  la  culpabilité  du  “mauvais 
messager”.
Il  s’expose  à  la  détresse  et  à  l’agressivité  des  malades,  qui, 
fréquemment  associent  la  mauvaise  nouvelle  à  celui  qui 
l’énonce.
Dans  l’Antiquité,  le  messager  d’une  mauvaise  nouvelle  était 
aussitôt exécuté, comme si énoncer un malheur c’était le faire 
exister…
Pour le thérapeute aussi, la mauvaise nouvelle est une épreuve à 
surmonter ; c’est pourquoi il est important qu’il apprenne à recon-
naître sa propre souffrance, qu’il s’y autorise, qu’il la respecte.
Face à une maladie incurable et potentiellement mortelle, le 
soignant est douloureusement renvoyé à ses propres limites, à 
sa vulnérabilité, à l’angoisse de sa propre mort, à cette pensée 
intolérable,  irreprésentable  que  tout  être  humain  cherche 
désespérément à repousser.
Le médecin doit renoncer à l’illusion de la toute-puissance de 
la médecine sur la maladie et la mort. Il ne pourra pas sauver 
son malade, et pourtant il ne doit pas démissionner mais rester, 
peut-être plus que jamais, présent dans sa relation au malade : 
“Accompagner toujours, soulager souvent, guérir parfois” disait 
Hippocrate.
Pour se prémunir de la souffrance du patient et se protéger de 
ses propres peurs, le soignant recourt à des modes de défense 
psychique qui l’aident à réduire sa tension émotionnelle et à 
apprivoiser la mauvaise nouvelle.
S’il est important d’identifier les mécanismes de défense des 
malades,  il  faut  aussi  reconnaître  ses  propres  stratégies  de 
protection, les accepter comme des réponses légitimes à sa 
souffrance de soignant.
Reconnaître sa souffrance, c’est déjà apprendre à s’en protéger 
et à se protéger de celle du malade.
En  acceptant  ses  peurs,  ses  faiblesses,  ses  limites,  le 
soignant  ouvre  un  champ  nouveau  de  sa  pratique  médi-
cale ; il se libère de telle sorte qu’il devient finalement plus 
présent dans sa relation au patient.
LES DIFFÉRENTS MÉCANISMES 
DE DÉFENSE DES SOIGNANTS
Le mensonge
“De toutes les opérations défensives que les soignants pourront 
édifier, le mensonge est à l’évidence le mécanisme le plus entier, 
le plus radical et le plus dommageable à l’équilibre psychique 
du malade” (1). 
Par  le  mensonge,  le  médecin  croit  souvent  “protéger”  le 
malade. En réalité, le mensonge ne fait que préserver, tempo-
rairement, le médecin de sa propre angoisse.
Le  mensonge  prive  le  malade  d’une  représentation  de  sa 
maladie et l’empêche de donner un sens à ses symptômes. Il 
n’est pas, dès lors, en mesure de se préparer psychologique-
ment à l’évolution de sa maladie.
Cette attitude ne tient pas compte de la demande du malade, 
de ses besoins, de ses ressources personnelles.
Le mensonge interdit tout échange authentique avec le malade 
et empêche d’établir une véritable relation de confiance entre 
le soignant et le soigné.
La banalisation 
Elle ne tient pas compte de l’importance que revêt la maladie 
pour le  malade.  Pour lui, sa pathologie, quelle qu’en  soit la 
gravité, n’est jamais “banale”. Ce n’est pas “rien” !
En s’attachant aux seuls retentissements physiques de la maladie, 
le médecin tient à distance les aspects émotionnels. Il traite le 
corps malade et non le patient. Le malade a le sentiment que sa 
souffrance n’est pas reconnue. Il est nié en tant que sujet.
La fuite et l’évitement
Le  soignant,  démuni  et  impuissant  face  à  la  maladie,  ne 
parvient pas à affronter le  malade.  Il fuit l’échange véritable 
avec le patient, dévie la conversation, évite la rencontre. 
Dans son discours, il est fréquemment “hors sujet”. Il élude, 
esquive (1), pour éviter sa propre angoisse.