L
e diagnostic et le traitement du cancer du sein repré-
sentent un stress émotionnel et physique majeur dont
les conséquences psychologiques, physiques et psy-
chosociales peuvent s’étendre sur plusieurs années. L’améliora-
tion des traitements et de l’espérance de vie entraînent, en effet,
pour les patientes un double challenge : après avoir affronté la
maladie et ses traitements médicochirurgicaux, celles-ci auront
la possibilité, mais aussi la charge, de retrouver leurs investis-
sements antérieurs. Cette charge s’alourdit lorsque leur maladie
devient chronique ou qu’elles en conservent un handicap rési-
duel. Chez la femme jeune, ces difficultés sont encore accrues
par l’importance des investissements sociofamiliaux et profes-
sionnels. La femme assume en général à cet âge de la vie de
nombreuses responsabilités, ce qui entraîne à la fois l’accumu-
lation possible pour elle des facteurs de stress et un risque accru,
si elle ne peut remplir son rôle, de déséquilibre de la structure
sociofamiliale dans laquelle elle évolue :
responsabilité matérielle et affective, par rapport aux enfants
à charge, parfois encore très jeunes, mais aussi par rapport à
l’entretien du foyer, voire à la prise en charge de parents plus
âgés ;
responsabilité professionnelle (certains choix de carrière ne
pouvant pas toujours être différés) ;
responsabilité financière, l’autonomie financière de la femme
ou sa participation aux ressources du couple étant la plus fré-
quente aujourd’hui (1).
La majeure partie des études (1-3) confirme ces difficultés psy-
chosociales plus importantes chez les femmes de moins de
50 ans, et retrouve chez ces patientes :
– des niveaux de détresse psychologique plus élevés ;
– une moins bonne qualité de vie ;
– des difficultés matérielles, professionnelles ou financières
accrues.
Cette notion de risque psychologique, majorée par le jeune âge,
n’est cependant pas constante dans la littérature, la coexistence
avec d’autres facteurs de risques pouvant en atténuer l’impor-
tance.
Nous aborderons successivement les questions posées par
l’adaptation psychologique de la femme jeune et de son entou-
rage, puis la possibilité, au-delà de ces efforts adaptatifs, d’appa-
rition de symptômes psychologiques essentiellement anxieux ou
dépressifs qu’il importe de savoir repérer et traiter précocement
pour préserver la meilleure qualité de vie.
Les questions encore trop peu abordées en pratique quotidienne
que sont les enjeux concernant la sexualité et la fécondité seront
ensuite envisagées ainsi qu’une rapide revue des modes de prise
en charge psychologique chez la femme jeune.
L’ADAPTATION PSYCHOLOGIQUE DE LA FEMME JEUNE
ATTEINTE DE CANCER DU SEIN ET DE SON ENTOURAGE
Dans une étude interrogeant un petit groupe de patientes
atteintes de cancer du sein sur ce qui caractérise et définit une
femme “jeune”, les patientes interrogées (3) proposaient la défi-
nition suivante, qui met d’emblée l’accent sur l’importance de
la fécondité, de la maternité et de la sexualité à cette tranche
d’âge : est une patiente jeune celle qui est en âge de procréer, a
des enfants en bas âge (avant l’entrée dans le second cycle de
l’enseignement) et/ou n’est pas encore ménopausée.
Cet âge peut être celui de la construction pour la femme d’un
premier ou d’un deuxième couple, ou de la recherche d’un par-
tenaire, compliquant encore l’adaptation à une pathologie où
l’image du corps et la confiance en celui-ci peuvent être lour-
dement altérées.
Dans une étude prospective cherchant à repérer des facteurs de
risque de détresses psychologique et psychosociale dans un
groupe de femmes de tous âges traitées pour cancer du sein (4),
les auteurs ont formulé l’hypothèse de certains facteurs de risque
et ont défini, au début de la prise en charge, deux groupes, l’un
à risque, l’autre non. Le caractère “à risque” est fondé sur la
mauvaise qualité du coping* antérieur, la mauvaise qualité du
support sociofamilial, l’existence de problèmes de santé anté-
rieurs, des ressources financières inadaptées. Les patientes
étaient évaluées à un mois et à un an. Les caractéristiques médi-
cales des deux groupes, sur cette période d’un an, apparaissent
à peu près identiques, à cela près qu’il est observé que le groupe
“à risque” a plus de chimiothérapie adjuvante, et le groupe “à
faible risque” reçoit plus souvent une hormonothérapie (cela
pouvant être expliqué par la différence d’âge retrouvée dans les
deux groupes après analyse des caractéristiques sociodémogra-
phiques). L’évolution sur un an de ces deux groupes en termes
d’adaptations psychosociale, relationnelle ou socioprofession-
nelle confirme les facteurs de risque présumés au départ : des
différences significatives sont retrouvées entre les deux groupes
dans les domaines de la douleur, des symptômes anxieux ou
dépressifs, mais aussi dans les difficultés sexuelles ou la com-
munication avec les médecins, ainsi qu’avec leurs proches. Il est
19
La Lettre du Sénologue - n° 24 - avril/mai/juin 2004
Retentissement psychologique du cancer du sein
chez la femme jeune
Psychosocial impact of breast cancer in young woman
Sarah Dauchy*
* Unité de psycho-oncologie, Institut Gustave-Roussy, Villejuif. * En anglais, terme désignant la façon de s’adapter et de mobiliser ses res-
sources face à la maladie.
important de noter qu’à ces difficultés ne sont pas forcément
associées des difficultés objectives dans la réhabilitation : par
exemple le groupe “à risque”, constitué des patientes les plus
jeunes, reprend son travail aussi vite que les autres en âge de tra-
vailler ; cela accroît l’importance d’interroger les patientes sur
leur vécu subjectif, et d’adopter une logique de prévention en
fonction des facteurs de risque prééxistants.
L’adaptation de la patiente apparaît donc dépendre :
de facteurs médicaux : pour ceux-ci c’est plus le retentisse-
ment fonctionnel de la maladie et de son traitement que son type
qui compte, d’où le risque accru durant la phase active du trai-
tement et en cas de chimiothérapie adjuvante (5, 6). L’existence
de difficultés de santé antérieures ou surajoutées est également
un facteur de risque d’une moins bonne adaptation psychique.
de facteurs psychologiques :
– type et richesse des stratégies d’adaptation utilisées par la
patiente, l’adaptation active, par recherche d’informations et de
partenariats étant peut-être la plus favorable en termes de dimi-
nution de la détresse psychologique (4), bien que son retentis-
sement en termes de survie reste controversé (7) ;
– antécédents psychiatriques, notamment dépressifs ;
de facteurs psychosociaux, parmi lesquels l’adaptation des
ressources financières et le soutien sociofamilial, dont le rôle est
majeur.
Dans ce domaine la bonne adaptation apparaît plus liée au soutien
social perçu qu’à la taille objective du réseau social. Chez la femme
jeune le support social est d’autant moins disponible que leurs
époux sont qu’actifs professionnellement et leurs enfants trop
jeunes pour acquérir leur autonomie ou leur apporter un soutien
comme cela peut être le cas chez les femmes plus âgées (8).
Quant à l’adaptation familiale, elle dépend largement des res-
sources socio-affectives du groupe familial dans son ensemble
qui, chez la femme jeune, vont devoir l’aider à gérer ses nom-
breuses charges. Or ce groupe sociofamilial peut être absent,
restreint, ou peu disponible parce que lui-même à un âge de la
vie où les charges s’accumulent. Dans l’étude de Bloom (12)
(336 femmes âgées de moins de 50 ans), le bien-être psycholo-
gique de la femme jeune apparaît directement lié à la richesse
de son soutien psycho-affectif, mais son utilisation effective des
ressources matérielles de son entourage (comme l’accompa-
gnement à un rendez-vous) apparaît liée à un moins bon état
physique ; cela laisse supposer que les femmes jeunes ne se font
aider que lorsqu’elles en ont vraiment besoin, ce qui va de pair,
chez ces femmes jeunes, avec un entourage sociofamilial lui-
même souvent très sollicité (disponibilité des amies pour les
visites à l’hôpital par exemple).
La bonne communication dans le groupe est un facteur impor-
tant pour que le soutien soit effectif, ce qui apparaît n’être pas
toujours le cas : à un mois du diagnostic, un tiers des patientes
(4) disent avoir des difficultés à communiquer avec leur entou-
rage, qu’il s’agisse de difficultés à aborder les questions tou-
chant à la maladie, à demander de l’aide ou des soins, à expri-
mer ses sentiments et son vécu de la maladie.
L’adaptation des conjoints dépend, elle aussi, de la disponibilité
de leur entourage, des charges liées aux enfants et de la lourdeur
de leurs enjeux professionnels au moment de la maladie de leur
épouse.
L’adaptation des enfants est variable suivant leur âge : chez les
plus petits les sentiments d’insécurité liée à l’indisponibilité de
la mère dominent, alors que chez les adolescents, c’est plus la
difficulté d’avoir à assumer une part des responsabilités fami-
liales plus importante que celle normalement assumée à leur âge
(8). Dans le groupe de patientes interrogées par Dunn sur leurs
principales préoccupations, les quatre points les plus souvent
cités sont les suivants (3) :
– ne pas voir grandir ses enfants ;
– se sentir trop jeune pour avoir un cancer ;
– se sentir différente des autres femmes de son âge ;
– avoir perdu le choix d’avoir des enfants.
La peur de ne pas voir grandir ses enfants peut, si elle ne fait pas
l’objet d’une aide adaptée, perturber la relation mère-enfant et
menacer encore plus une parentalité déjà menacée par les
contraintes de la maladie.
APPARITION DE SYMPTÔMES PSYCHOLOGIQUES
(ANXIEUX ET DÉPRESSIFS)
On estime à un quart le nombre de femmes présentant des symp-
tômes d’une détresse psychologique marquée (9), quel que soit
le type de traitement proposé. Par ailleurs, ce niveau de détresse
psychologique est, chez les patientes jeunes comme chez les
autres, maximal durant l’année qui suit le diagnostic, tout en
étant plus important que celui des échantillons plus âgés à sévé-
rité de la maladie égale (2, 8, 10). Cela apparaît valable pour la
dépression comme pour les troubles anxieux.
Dans une étude portant sur un échantillon de 948 femmes mastec-
tomisées dont un tiers ont moins de 50 ans (9), on a étudié l’évo-
lution du niveau de dépression (d’après le Brief Symptom Inven-
tory) en fonction de différents facteurs dont l’âge et l’ancienneté
de la maladie. Les facteurs de risque de dépression, après exclu-
sion des femmes ayant des antécédents de suivi psychiatrique ou
prenant des psychotropes, sont les suivants :
– l’âge (patiente jeune) ;
– les trois premiers mois après la chirurgie ;
– le fait d’être divorcée ou veuve ;
– le nombre d’enfants à charge ;
– l’existence de nombreux effets secondaires du traitement, ou
de mauvaises performances physiques. L’absence de chimio-
thérapie adjuvante apparaît ainsi un facteur de meilleur pronos-
tic psychologique (9).
Cet écart persiste à 5 ans (2), bien que la situation s’améliore
peu à peu par opposition aux échantillons de femmes plus âgées
chez lesquelles la situation semble continuer à se détériorer.
Une autre étude (11) a évalué le niveau de désespoir/sentiment
d’abandon lors de la première récidive chez 55 patientes, éva-
luées à l’aide de la MAC : là encore le plus jeune âge est, tout
comme le passé dépressif et la douleur, corrélé avec cette
dimension de désespoir.
D
OSSIER
20
La Lettre du Sénologue - n° 24 - avril/mai/juin 2004
Les symptômes d’anxiété les plus fréquemment retrouvés sont
à type de pensées intrusives centrées sur la maladie, d’anxiété
anticipatoire avec ou sans évitement, de préoccupations
anxieuses au sujet d’une rechute éventuelle.
L’étude de Baider (10) comparant un échantillon de femmes
autrichiennes et de femmes israéliennes laisse évoquer d’impor-
tantes différences interculturelles dans la prévalence de ces dif-
férents symptômes, différences rapportées probablement, entre
autres, aux particularités culturelles des modes de soutien socio-
familial.
Il importe également de noter la fréquente traduction comporte-
mentale d’affects anxieux ou dépressifs chez les patientes
jeunes, et notamment les très jeunes (moins de 30 ans), à l’ins-
tar de ce qui est observé en psychiatrie générale. Ainsi
l’angoisse de mort, ou la lutte contre les idées de dévalorisation
de l’image du corps, peuvent se traduire par des comportements
excessifs (notamment au niveau sexuel ou financier), des
troubles du comportement alimentaire…
CANCER DU SEIN DE LA FEMME JEUNE ET SEXUALITÉ
Dans l’étude de Schag (4) concernant des patientes dans l’année
suivant le diagnostic, entre un tiers et la moitié se plaignent
d’une altération de leur vie sexuelle. Northouse (8) évalue entre
un quart et un tiers des couples qui auraient des problèmes dans
ce domaine. Ces difficultés apparaissent liées :
à des facteurs somatiques, d’autant plus marqués que la
femme est en phase active du traitement, ou sous hormonothé-
rapie (sécheresse vaginale, bouffées de chaleur, prise de poids,
mais aussi tout simplement asthénie, nausées…) ;
à des facteurs psychologiques parmi lesquels on retrouve au
premier plan l’image de soi et la confiance en son corps, poten-
tiellement investi comme objet de désir et de plaisir potentiel.
L’atteinte de l’image du corps concerne la représentation psy-
chique qu’a la patiente de son corps, et peut être beaucoup plus
importante que l’atteinte réelle du corps (13). La baisse de libido
peut également être majorée par un syndrome dépressif parfois
dénié ou peu visible chez une femme à laquelle ses charges
nombreuses n’autoriseront pas la baisse d’activité dans la vie
quotidienne ;
à l’existence de difficultés sexuelles ou conjugales anté-
rieures (8).
Il est important de noter que ces difficultés persistent plus long-
temps que la durée du traitement, ce qui n’est pas toujours perçu
par les conjoints qui, à l’issue de celui-ci, peuvent se montrer
moins compréhensifs ou à l’écoute ; si la bonne communication
dans le couple ne suffit pas, une intervention de couple est par-
fois utile pour permettre le retour à une vie sexuelle satisfai-
sante.
L’abord systématique de cette question de la sexualité, même,
et peut-être surtout, chez les femmes ne vivant pas en couple,
permet d’éviter l’apparition d’attitudes dysfonctionnelles secon-
daires au sein du couple. En effet, certaines attitudes en miroir
du partenaire peuvent majorer les troubles (espacement des rap-
ports interprété par la femme comme le renforcement de sa
dévalorisation).
LES ENJEUX LIÉS À LA FÉCONDITÉ
Lorsqu’il s’agit de la possibilité d’une grossesse ultérieure chez
une femme traitée pour cancer du sein, il est important de pou-
voir aborder ces enjeux sans forcément attendre le questionne-
ment de la patiente qui risque de s’imaginer d’emblée qu’aucune
conception ne sera plus possible, ou d’espérer de façon irréa-
liste, le report d’une grossesse prévue à un moment du traite-
ment inopportun pour cela (notamment lorsque l’hormonothé-
rapie n’est pas anticipée et qu’elle n’est annoncée que lors de
son instauration alors que la femme pensait le traitement ter-
miné). Anticiper ces enjeux avec la patiente, pour qui cette pré-
occupation est souvent majeure, c’est lui permettre de s’adapter
et surtout reconnaître leur importance (3).
La possibilité d’une aménorrhée définitive, les aides éventuelles
à la procréation, mais aussi les peurs de la patiente comme celle
d’une récidive du cancer lors d’une grossesse ultérieure sont
autant de questions qui méritent d’être abordées même lorsque
la femme les censure : l’aider à retrouver une image positive
d’elle-même, c’est être capable de la considérer dans l’intégra-
lité des enjeux liés à sa féminité – dont la fécondité.
Lorsque le cancer est découvert pendant la grossesse la situation
est différente, et la première difficulté pour la femme va être de
faire face à ces deux événements, l’un a priori positif et désiré,
mais nécessitant une projection dans le futur qui peut être diffi-
cile à la découverte du cancer, l’autre involontaire et générateur
d’angoisse et d’un fort sentiment de vulnérabilité. L’accouche-
ment souvent prématuré et les éventuelles séparations de la mère
et de l’enfant générées par le traitement seront autant de facteurs
de risque supplémentaires pour une relation mère-bébé qu’il fau-
dra quelquefois soutenir. La difficulté pour la femme d’accep-
ter d’être une bonne mère (psychologiquement, un bon sein, qui
nourrit et materne) tout en se séparant physiquement du mauvais
sein malade peut aussi nécessiter un accompagnement adapté.
Enfin, la situation du conjoint, tiraillé entre un enfant à investir
et une épouse à soutenir, tout en remettant parfois en cause la
projection dans le futur que représente, pour le couple, l’arrivée
d’une descendance, n’est pas simple non plus.
PRISE EN CHARGE PSYCHOLOGIQUE DES FEMMES
JEUNES AYANT UN CANCER DU SEIN
Il est capital pour que l’adaptation se fasse au mieux que
l’ensemble de ces facteurs soient reconnus et pris en compte –
par exemple dans le choix du mode ou du lieu de traitement –
par le médecin ou l’équipe soignante. Reconnaître la possibilité
de difficultés (par exemple sexuelles), et s’en préoccuper auprès
de la patiente, c’est déjà valider son vécu émotionnel et ses
efforts adaptatifs. Cela est valable même lorsque la prise en
charge de ces difficultés n’est pas possible, et l’impossibilité de
21
La Lettre du Sénologue - n° 24 - avril/mai/juin 2004
traiter efficacement un symptôme ou un registre de problèmes
ne doit surtout pas entraîner l’évitement de celui-ci, sa non-
reconnaissance étant encore pire pour la patiente (doute sur le
caractère définitif d’une aménorrhée et l’éventuelle possibilité
de procréation par la suite, ou dans un registre plus pragmatique
troubles du sommeil liés à des bouffées de chaleur nocturne par
exemple).
Cette prise en charge psychologique fait appel aux même tech-
niques variées que celles proposées chez l’adulte en général et
doit allier :
un souci de prévention des troubles quand cela est possible
(par exemple le soutien apporté aux patientes ayant des jeunes
enfants pour les aider à parler avec ceux-ci de leur maladie peut
prévenir d’importantes difficultés familiales) ;
une logique de dépistage précoce, d’autant plus importante
chez la femme jeune que le retentissement social, professionnel
ou familial, peut être majeur (un syndrome dépressif pouvant
par exemple être à la base d’un licenciement à la reprise du tra-
vail, de la perte du réseau amical et social, de la majoration de
difficultés conjugales) ;
une prise en charge de la souffrance et des symptômes psy-
chiques lorsqu’ils sont constitués.
Celle-ci peut faire appel à différentes techniques et différents
modes d’application. Les thérapies individuelles peuvent être
d’inspiration analytique (la cure psychanalytique stricte n’ayant
que très rarement une indication dans ce contexte particulier),
ou d’inspiration cognitivocomportementale.
Parmi ces dernières, les techniques de relaxation ont montré leur
efficacité et sont particulièrement bien acceptées par les
patientes jeunes.
L’approche thérapeutique peut également être groupale faisant
en général appel à des techniques cognitivo-comportementales
centrées sur le coping, le développement des ressources adapta-
tives personnelles et familiales, le maintien de la capacité
d’investissement et de plaisir.
Le recours à une prescription de psychotropes ne doit pas être
systématique et ne doit en aucun cas primer sur l’incitation à la
verbalisation émotionnelle, ou à la reconnaissance des difficul-
tés psychosociales rencontrées par la patiente. Une prescription
d’hypnotique peut éviter au moment des annonces la majoration
de l’asthénie par des troubles du sommeil réactionnels. La pres-
cription d’anxiolytique devra toujours être réévaluée après
quelques jours ou quelques semaines afin d’éviter l’instauration
d’une dépendance. Quant à la prescription d’anti-dépresseurs,
elle est indispensable en cas d'épisode dépressif majeur vrai,
mais on veillera à ce qu’une iatrogénie éventuelle ne majore pas
les difficultés sexuelles ou la prise de poids fréquente chez ces
patientes.
L’effet de ces différentes techniques de prise en charge psycho-
logique sur les événements médicaux et sur la survie des
patientes reste controversé (7). En revanche, la plupart des
études montre qu’elles sont efficaces sur les symptômes anxieux
ou dépressifs à court, moyen ou long terme, ainsi que sur cer-
tains autres symptômes comme, par exemple, la douleur.
Les particularités associées aux patientes jeunes – notamment
les nombreuses charges et l’importance du soutien social – ren-
dent les prises en charge en groupe particulièrement intéres-
santes pour les patientes qui acceptent ce type d’approche,
notamment par le travail d’objectifs concrets incluant les aspects
relationnels et la réhabilitation, ainsi que par la possibilité de
contacts entre pairs.
Un point important concernant le moment auquel une prise en
charge psychologique doit être proposé notamment lorsqu’on est
dans une logique préventive a été souligné par Bloom (10) ;
puisqu’il apparaît que les difficultés psychologiques de la
femme sont autant liées à sa maladie qu’aux enjeux existentiels
qui sont les siens, il importe d’inclure cette notion dans les pro-
grammes de soutien psychologique et de ne pas modeler uni-
quement ceux-ci sur le rythme de la maladie et de ses traite-
ments : il est aussi important d’accompagner l’annonce d’une
récidive que la reprise du travail, ou le renoncement à la mater-
nité le cas échéant.
CONCLUSION
La bonne connaissance des particularités du retentissement psy-
chologique du cancer du sein chez la femme jeune devrait inci-
ter les cliniciens :
à interroger plus systématiquement les patientes sur leur vécu
psychologique, sans attendre l’apparition de conséquences socio-
familiales ou de signes de détresse psychologique majeurs ;
à proposer précocement une aide psychologique surtout quant
aux facteurs de risque du jeune âge sont associés les autres fac-
teurs de risque que sont les antécédents de difficultés psycholo-
giques ou psychiatriques, l’absence de soutien social ou l’exis-
tence de difficultés financières ;
à être vigilant lors des phases actives du traitement (notamment
lorsque celui-ci entraîne un retentissement fonctionnel majeur),
mais également à rester présent lorsque la femme est confrontée à
la reprise d’enjeux pour elle profondément identitaires comme la
fécondité, la maternité, la reprise de la sexualité, la possibilité de
poursuite d’une vie professionnelle accomplie.
Des travaux restent à mener, en particulier qui permettraient
de prédire, en fonction des caractéristiques individuelles des
patientes (mode de vie, antécédents, type de personnalité…)
quel type de prise en charge serait le plus indiqué, et quel
moment serait le plus favorable. Dans la pratique clinique, le
choix reste la plupart du temps dicté par les moyens souvent
limités mis à disposition des patientes, les ressources en psy-
cho-oncologie étant le plus souvent insuffisantes. Il importe
de souligner combien, même en l’absence de moyens de prise
en charge psychologique spécialisée, une prise en charge glo-
bale de bonne qualité (associant prise en charge des symp-
tômes, prise en compte des difficultés sociales, soutien à
l’entourage…) peut être à même de prévenir en partie les dif-
ficultés psychologiques associées au cancer du sein de la
femme jeune.
D
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