important de noter qu’à ces difficultés ne sont pas forcément
associées des difficultés objectives dans la réhabilitation : par
exemple le groupe “à risque”, constitué des patientes les plus
jeunes, reprend son travail aussi vite que les autres en âge de tra-
vailler ; cela accroît l’importance d’interroger les patientes sur
leur vécu subjectif, et d’adopter une logique de prévention en
fonction des facteurs de risque prééxistants.
L’adaptation de la patiente apparaît donc dépendre :
•de facteurs médicaux : pour ceux-ci c’est plus le retentisse-
ment fonctionnel de la maladie et de son traitement que son type
qui compte, d’où le risque accru durant la phase active du trai-
tement et en cas de chimiothérapie adjuvante (5, 6). L’existence
de difficultés de santé antérieures ou surajoutées est également
un facteur de risque d’une moins bonne adaptation psychique.
•de facteurs psychologiques :
– type et richesse des stratégies d’adaptation utilisées par la
patiente, l’adaptation active, par recherche d’informations et de
partenariats étant peut-être la plus favorable en termes de dimi-
nution de la détresse psychologique (4), bien que son retentis-
sement en termes de survie reste controversé (7) ;
– antécédents psychiatriques, notamment dépressifs ;
•de facteurs psychosociaux, parmi lesquels l’adaptation des
ressources financières et le soutien sociofamilial, dont le rôle est
majeur.
Dans ce domaine la bonne adaptation apparaît plus liée au soutien
social perçu qu’à la taille objective du réseau social. Chez la femme
jeune le support social est d’autant moins disponible que leurs
époux sont qu’actifs professionnellement et leurs enfants trop
jeunes pour acquérir leur autonomie ou leur apporter un soutien
comme cela peut être le cas chez les femmes plus âgées (8).
Quant à l’adaptation familiale, elle dépend largement des res-
sources socio-affectives du groupe familial dans son ensemble
qui, chez la femme jeune, vont devoir l’aider à gérer ses nom-
breuses charges. Or ce groupe sociofamilial peut être absent,
restreint, ou peu disponible parce que lui-même à un âge de la
vie où les charges s’accumulent. Dans l’étude de Bloom (12)
(336 femmes âgées de moins de 50 ans), le bien-être psycholo-
gique de la femme jeune apparaît directement lié à la richesse
de son soutien psycho-affectif, mais son utilisation effective des
ressources matérielles de son entourage (comme l’accompa-
gnement à un rendez-vous) apparaît liée à un moins bon état
physique ; cela laisse supposer que les femmes jeunes ne se font
aider que lorsqu’elles en ont vraiment besoin, ce qui va de pair,
chez ces femmes jeunes, avec un entourage sociofamilial lui-
même souvent très sollicité (disponibilité des amies pour les
visites à l’hôpital par exemple).
La bonne communication dans le groupe est un facteur impor-
tant pour que le soutien soit effectif, ce qui apparaît n’être pas
toujours le cas : à un mois du diagnostic, un tiers des patientes
(4) disent avoir des difficultés à communiquer avec leur entou-
rage, qu’il s’agisse de difficultés à aborder les questions tou-
chant à la maladie, à demander de l’aide ou des soins, à expri-
mer ses sentiments et son vécu de la maladie.
L’adaptation des conjoints dépend, elle aussi, de la disponibilité
de leur entourage, des charges liées aux enfants et de la lourdeur
de leurs enjeux professionnels au moment de la maladie de leur
épouse.
L’adaptation des enfants est variable suivant leur âge : chez les
plus petits les sentiments d’insécurité liée à l’indisponibilité de
la mère dominent, alors que chez les adolescents, c’est plus la
difficulté d’avoir à assumer une part des responsabilités fami-
liales plus importante que celle normalement assumée à leur âge
(8). Dans le groupe de patientes interrogées par Dunn sur leurs
principales préoccupations, les quatre points les plus souvent
cités sont les suivants (3) :
– ne pas voir grandir ses enfants ;
– se sentir trop jeune pour avoir un cancer ;
– se sentir différente des autres femmes de son âge ;
– avoir perdu le choix d’avoir des enfants.
La peur de ne pas voir grandir ses enfants peut, si elle ne fait pas
l’objet d’une aide adaptée, perturber la relation mère-enfant et
menacer encore plus une parentalité déjà menacée par les
contraintes de la maladie.
APPARITION DE SYMPTÔMES PSYCHOLOGIQUES
(ANXIEUX ET DÉPRESSIFS)
On estime à un quart le nombre de femmes présentant des symp-
tômes d’une détresse psychologique marquée (9), quel que soit
le type de traitement proposé. Par ailleurs, ce niveau de détresse
psychologique est, chez les patientes jeunes comme chez les
autres, maximal durant l’année qui suit le diagnostic, tout en
étant plus important que celui des échantillons plus âgés à sévé-
rité de la maladie égale (2, 8, 10). Cela apparaît valable pour la
dépression comme pour les troubles anxieux.
Dans une étude portant sur un échantillon de 948 femmes mastec-
tomisées dont un tiers ont moins de 50 ans (9), on a étudié l’évo-
lution du niveau de dépression (d’après le Brief Symptom Inven-
tory) en fonction de différents facteurs dont l’âge et l’ancienneté
de la maladie. Les facteurs de risque de dépression, après exclu-
sion des femmes ayant des antécédents de suivi psychiatrique ou
prenant des psychotropes, sont les suivants :
– l’âge (patiente jeune) ;
– les trois premiers mois après la chirurgie ;
– le fait d’être divorcée ou veuve ;
– le nombre d’enfants à charge ;
– l’existence de nombreux effets secondaires du traitement, ou
de mauvaises performances physiques. L’absence de chimio-
thérapie adjuvante apparaît ainsi un facteur de meilleur pronos-
tic psychologique (9).
Cet écart persiste à 5 ans (2), bien que la situation s’améliore
peu à peu par opposition aux échantillons de femmes plus âgées
chez lesquelles la situation semble continuer à se détériorer.
Une autre étude (11) a évalué le niveau de désespoir/sentiment
d’abandon lors de la première récidive chez 55 patientes, éva-
luées à l’aide de la MAC : là encore le plus jeune âge est, tout
comme le passé dépressif et la douleur, corrélé avec cette
dimension de désespoir.
D
OSSIER
20
La Lettre du Sénologue - n° 24 - avril/mai/juin 2004