D Le dispositif d’annonce en cancérologie : aspects pratiques et interrogations Ê

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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 5 - mai 2007
Le dispositif d’annonce en cancérologie :
aspects pratiques et interrogations
A new organization to announce a diagnosis of cancer in France:
practical aspects and interrogations
G. Moutel*, A. Lièvre**
D
epuis la découverte de la maladie cancéreuse, initia-
lement vécue par le malade ainsi que par le médecin
comme une fatalité hors de portée de toute ressource
thérapeutique, la médecine na cessé de faire des progrès dans
la prise en charge thérapeutique du cancer. Cette avancée est la
conséquence d’une meilleure compréhension des mécanismes
moléculaires impliqués dans la carcinogenèse, ayant permis le
développement de la radiothérapie, de chimiothérapies de plus
en plus effi caces et de nouvelles thérapies ciblées, ainsi que
d’une amélioration des techniques opératoires et des mesures
réanimatoires nécessaires à une chirurgie de qualité. Elle est
également secondaire à l’amélioration de la prise en charge des
symptômes liés au cancer grâce aux traitements de la douleur
et des soins de supports, de même qu’à l’essor de gestes inter-
ventionnels hautement techniques contribuant à une meilleure
prise en charge des complications liées à la maladie.
Cette amélioration de la prise en charge thérapeutique du
cancer s’accompagne-t-elle, au-delà des prouesses scientifi ques
et technologiques, d’une prise en compte des préoccupations,
de l’information et des choix du patient ? En eff et, le concept
de guérison et le retour à une normalité sociale, ou à une vie
sociale compatible avec la maladie, impliquent que soit pris en
compte limpact du cancer sur la vie personnelle, professionnelle,
aff ective et familiale.
Dans cette perspective, on sait que le choix du traitement et de
ses modalités (durée d’hospitalisation, traitement ambulatoire,
traitement préservant une qualité relationnelle ou la possibilité
de travailler) sont des demandes fortes des patients et de leurs
proches. Cest en ce sens qu’il restait du chemin à parcourir, si
l’on en croit les nombreux témoignages de patients recueillis lors
des états généraux du cancer organisés en 1998 et 2000 par la
Ligue nationale contre le cancer, évoquant les mauvaises condi-
tions dans lesquelles était parfois faite l’annonce de leur cancer.
Au-delà de l’annonce du diagnostic, déjà diffi cile à entendre et
à comprendre, ils évoquaient le manque général d’information
sur le déroulement des traitements à venir, sur les alternatives
thérapeutiques et les possibilités de choix, ainsi qu’un défaut
de soutien psychologique et social.
Les principales demandes avaient trait à la mise à disposition
d’une information intelligible sur les traitements et les examens,
à l’accès au dossier médical et à une coordination des soins
au sein d’une équipe multidisciplinaire. Il nétait pas rare de
constater que l’annonce du diagnostic avait été faite par un
médecin que le patient ne connaissait pas ou qu’il ne reverrait
pas — à l’occasion d’un examen conduisant à poser le diagnostic
de cancer — ou, qu’elle avait été faite de façon un peu rapide
sans temps consacré aux questions des patients, au cours d’une
consultation brève, interrompue par des appels téléphoniques,
voire même parfois dans un couloir.
Ces points s’améliorent progressivement, mais les troisièmes
états généraux des malades et des proches, organisés par la Ligue
contre le cancer en 2005, montrent que du chemin reste à faire.
Parallèlement à ces constatations, plusieurs travaux (1-3) ont
montré l’importance de l’écoute du patient et de la manière
d’annoncer une mauvaise nouvelle. Diff érentes équipes ont étudié
les diverses réactions du patient, mais aussi du médecin, face
à l’annonce d’une maladie grave, ouvrant la voie à une méde-
cine plus humaniste, où la relation médecin-malade ne serait
plus occultée par l’obsession aveuglante des performances
techniques et thérapeutiques. Cest dans ce cadre qu’a été mis en
œuvre le dispositif d’annonce du cancer dans les établissements
de santé, à la suite d’une expérimentation nationale. Cette mesure
du Plan cancer 2003-2007 s’est concrétisée par l’élaboration
d’un cahier des charges.
LE PLAN CANCER 2003-2007 ET LA PRISE EN
CHARGE GLOBALE DU PATIENT
Le Plan cancer est un plan de mobilisation nationale visant à
améliorer l’organisation des soins en cancérologie en France (4).
Il résulte des travaux menés par une mission interministérielle
et propose 70 mesures regroupées en sept grands thèmes :
la prévention ;
le dépistage ;
l’amélioration de la qualité des soins, passant par :
- la coordination des soins autour du patient,
- l’accès à l’information,
- une prise en charge globale du patient tenant compte de ses désirs et
de son mode de vie : développement des soins à domicile, des soins
palliatifs, soutien psychologique, prise en charge de la douleur,
* Laboratoire d’éthique médicale, faculté de médecine, université Paris-V
** Service d’hépatogastroentérologie et d’oncologie digestive, Assistance publique des
hopitaux de Paris, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt
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- l’accès à l’innovation diagnostique et thérapeutique ;
l’accompagnement social ;
une formation plus adaptée ;
le développement de la recherche fondamentale et clinique
en cancérologie ;
la création d’un Institut national du cancer (INCa) ayant pour
but une meilleure coordination de l’ensemble des diff érents
intervenants de la lutte contre le cancer.
À l’énoncé de ces objectifs, de nombreux points semblent essen-
tiels à aborder avec le patient dès le début de sa maladie, afi n
de lui faciliter l’organisation et la compréhension de son
parcours de soin. Cette construction passe par un temps dévolu,
privilégié : la consultation d’annonce.
LA CONSULTATION D’ANNONCE EN CANCÉROLOGIE
La consultation d’annonce s’intègre dans le champ plus vaste
du dispositif d’annonce du cancer correspondant à la mesure
40 du Plan cancer, qui vise à améliorer l’accès à l’information
du patient. Elle repose sur deux grands principes :
tout patient doit pouvoir bénéfi cier d’un dispositif d’annonce
organisé, devant être mis en place dans tous les établissements
traitant des patients atteints de cancer ;
la coordination interprofessionnelle, la relation avec le patient
et leurs proches, dont le but est l’amélioration du vécu du patient
vis à vis de sa maladie.
Le dispositif d’annonce nest pas une mesure centrée sur la relation
entre un médecin et un malade, mais un processus interactif
faisant intervenir diff érents acteurs de santé impliqués dans
la prise en charge globale du patient atteint de cancer. Il s’agit
de placer le patient au centre du dispositif, avec une centralisation
des informations et une mise à disposition rapide et appropriée
qui lui est destinée ainsi qu’à son médecin généraliste référent,
qui devra être tenu informé dès les premiers moments de la
prise en charge spécialisée et tout au long du parcours de soin.
Le dispositif d’annonce doit permettre l’information, le soutien
et l’accompagnement du patient et de ses proches, facilitant ainsi
l’implication du patient dans la décision thérapeutique. Il s’agit
là d’une révolution conceptuelle de la relation médecin-patient,
ce dernier devenant en théorie acteur d’une codécision concer-
nant son avenir. Cette évolution fait dire que la cancérologie a
participé fortement à la fi n du paternalisme médical, ouvrant
la voie à un participation plus grande des patients, préconisée par
de nombreux médecins depuis maintenant plus de 20 ans (5).
Le cadre général
Ce dispositif d’annonce se construit autour de quatre temps
théoriques.
Un temps médical
Ce temps correspond à proprement parler aux consultations
médicales (deux en général) dédiées à l’annonce du cancer
puis aux explications relatives au projet thérapeutique proposé
au patient et défi ni lors de la réunion de concertation pluri-
disciplinaire, qui rassemble plusieurs médecins de spécialités
diff érentes impliqués dans le diagnostic et le traitement de leur
cancer. En eff et, le temps de l’annonce diagnostique et celui de
l’annonce thérapeutique sont souvent diffi cilement dissociables,
ce d’autant qu’il s’agit le plus souvent, en milieu hospitalier,
d’une “ré-annonce” ou d’une confi rmation d’un diagnostic déjà
abordé ou annoncé par le médecin généraliste, le radiologue
ou le spécialiste d’organe. Le médecin, lors de la consultation
d’annonce, doit disposer d’un dossier médical complet, avec
en particulier le compte-rendu opératoire et les résultats des
examens biologiques, anatomopathologiques et d’imagerie.
Lensemble des informations est donné ou redonné au patient
par le médecin et doit porter sur le diagnostic, sur les diff é-
rentes alternatives thérapeutiques, leur modalité ainsi que leurs
risques immédiats ou à distance et, si la situation le permet, sur
le pronostic. Ces informations nécessitent donc une consultation
longue permettant un dialogue entre le patient et le médecin,
lequel aura à répondre à de multiples questions au moyen
de mots simples et compréhensibles. Il va sans dire que cette
consultation d’annonce du diagnostic, tout comme celle
de l’annonce de la stratégie thérapeutique, doit se dérouler dans
le calme et en l’absence d’interruptions extérieures (appels télé-
phoniques, bips, etc.) délétères. La présence d’un accompagnant
est bien sûr acceptée, voire même encouragée et habituelle-
ment proposée au patient, pour lequel elle constitue un soutien
psychologique indéniable lorsqu’il en fait le choix. En ce sens,
la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients préconise
la désignation par le patient d’une personne de confi ance auprès
du médecin, personne qui sera dès lors habilitée à partager le
secret médical et à participer avec le patient et l’équipe aux prises
de décision (6). Cependant, il sera parfois utile de voir le patient
seul afi n de pouvoir discuter de sujets qu’il noserait probablement
pas évoquer en compagnie d’un conjoint ou d’une autre personne ;
c’est le cas, par exemple, de la question cruciale du pronostic
de la maladie, que le patient évitera par souci de protection
de son entourage proche, ou bien de celle de la sexualité, rarement
évoquée au cours d’une consultation médicale. Chez les sujets
jeunes, la question corrolaire du désir d’enfants doit être posée, avec
la proposition systématique d’une autoconservation de sperme
(voire, à titre expérimental, de tissu ovarien) au CECOS, qui doit
être réalisée avant le début de toute chimiothérapie (7).
Les informations données au patient doivent lui permettre
de comprendre la proposition de traitement, reposant sur
des protocoles thérapeutiques validés, et de prendre une place
importante dans la prise de décision thérapeutique. Cette
cision thérapeutique doit être acceptée par le patient avant
d’être formalisée par écrit dans le dossier médical et remise au
patient sous la forme d’un programme personnalisé de soins.
Ce dernier doit comprendre au minimum le plan de traitement
accepté par le malade, son organisation (durée prévisible et
fréquence des hospitalisations), ainsi que les diff érents bilans
prévus. Pour cela, le patient peut souhaiter un délai de réfl exion,
voire même un deuxième avis spécialisé. Dans ce cas, il convient
de tout mettre en œuvre pour lui en faciliter l’accès en lui procurant
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les informations et les documents utiles de son dossier. Cest
pour cette raison que le patient a désormais un droit d’accès libre
à son dossier dès lors qu’il le demande. Un compte-rendu des
consultations médicales doit impérativement être rédigé, inséré
dans le dossier (appelé désormais “dossier médical personnel”)
et communiqué aux diff érents médecins et soignants impliqués
dans la prise en charge du patient, avec son accord.
Ce temps médical est un processus dynamique, puisqu’il est
ponctué de plusieurs consultations qui devront intégrer des
données nouvelles liées à l’évolution de la maladie.
Le temps médical permet également de connaître les conditions
psychologiques et sociales dans lesquelles évolue le patient
au quotidien, et de lui présenter les personnels soignants ou
les travailleurs sociaux pouvant intervenir de manière utile
au cours de la prise en charge de la maladie, en lui expliquant
l’intérêt de leur travail. Cela constitue le volet “accès aux droits”
du Plan cancer et de la loi du 4 mars 2002. Les coordonnées
de l’ensemble des intervenants seront dès lors communiquées
au patient de manière systématique afi n qu’il puisse prendre
contact ultérieurement avec chacun d’eux au moment où il
le souhaite au cours de sa maladie.
Si c’est le choix de l’équipe médicale et de l’équipe soignante,
la présence d’un infi rmier en tout ou en partie de la consultation
médicale, ou la mise en œuvre d’une consultation infi rmière
individualisée après la consultation médicale, permettra au
médecin de connaître les réactions du patient. On sait que,
face à un interlocuteur autre que le médecin, le patient aura
la possibilité de poser des questions sur ce qu’il na pas compris,
ce qui permet d’assurer une continuité dans l’information en
off rant au patient un interlocuteur parfois plus facile d’accès.
De plus, cet infi rmier pourra donner des informations plus
pratiques (perfusions, soins du corps, soins de sites veineux
implantables, etc.) et de nouvelles explications, complément
précieux aux informations médicales initiales.
Enfi n, cette consultation médicale est également le moment
de prendre contact avec le médecin traitant du patient, qui
doit être tenu informé, dès ce stade, du diagnostic et du projet
thérapeutique afi n de pouvoir assurer la meilleure prise en charge
possible à domicile des événements médicaux survenant en
dehors des séjours hospitaliers et de coordonner au mieux une
hospitalisation en cas de complication de la maladie ou des
traitements reçus.
Un temps daccompagnement soignant
Ce temps permet au patient et à ses proches d’avoir accès à
des soignants, disponibles à cet eff et, dont les rôles fondamen-
taux sont l’écoute, la reformulation de l’information, le soutien
psychologique et la prise en charge sociale du patient. Ce temps
fait donc intervenir plusieurs professionnels tels que :
les infi rmiers ;
les psychologues et/ou les psychiatres ;
les assistants sociaux, qui établissent un bilan social initial,
pouvant aider plus tard à améliorer la qualité de vie du patient.
Ce temps d’accompagnement, qui est concomitant du temps
médical, est primordial et fait désormais partie intégrante
de l’off re de soins dans le cadre du dispositif d’annonce du cancer.
En pratique, il se concrétise par l’ouverture de postes de consul-
tations paramédicales, ce qui constitue un apport majeur du
dispositif, apprécié à la fois par les patients et les soignants.
Cette consultation paramédicale doit donc être accessible immé-
diatement après la consultation médicale, quand le patient
se retrouve seul face à l’annonce du diagnostic. Elle comporte
tout d’abord un temps d’écoute, d’information et de soutien du
patient visant à reformuler ce qui a déjà été dit au cours de
la consultation médicale, à compléter, voire à réexpliquer les
informations reçues, et permet de présenter l’organisation de
la prise en charge au sein du service ou du pôle d’hospitalisa-
tion. Elle est importante pour la reconnaissance des besoins
psychologiques et sociaux du patient et pour l’identifi cation
des situations à risque, afi n d’anticiper les potentielles diffi cultés
de prise en charge. Cest aussi l’occasion d’aborder la maladie avec
les proches qui seront amenés à accompagner le patient tout au
long des soins, de mettre en valeur leur rôle, de les aider à gérer
leurs émotions et à mieux se situer dans l’accompagnement à
venir. Le deuxième temps de cette consultation paramédicale
est un temps de coordination avec les autres acteurs impli-
qués dans la prise en charge de la maladie ; il permet d’orienter,
si nécessaire, le malade vers les équipes compétentes en soins
de support, mais aussi de faire un lien entre les intervenants
à domicile (infi rmiers, médecin traitant), le personnel ambu-
latoire (consultation) et celui du secteur d’hospitalisation,
en permettant une communication immédiate de l’information
entre ces diff érentes équipes.
Le personnel paramédical peut intervenir immédiatement
ou de façon un peu diff érée (quelques jours au plus) après
la consultation médicale d’annonce du diagnostic et/ou de
la stratégie thérapeutique, le moment de cette intervention
étant laissé au libre choix du patient et peut faire l’objet d’un
suivi téléphonique.
Laccès à une équipe impliquée dans les soins de support
Léquipe comtente en soins de support peut être mobilisée
soit à la demande du patient — les coordonnées de celle-ci lui
ayant préalablement été communiquées au cours de la consul-
tation d’annonce — soit à la demande du médecin ou de l’équipe
soignante, en cas de nécessité.
Les soins de support comprennent :
l’accompagnement social, qui permet d’informer le patient
sur ses droits et sur les aides sociales dont il peut bénéfi-
cier. Des informations d’ordre pratique sont également diffu-
sées concernant les personnes compétentes et les lieux de
ressources qui peuvent être sollicités afi n d’accéder à ces aides.
Le but de ce volet social est de pouvoir repérer le plus tôt
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possible des éléments de fragilité sociale existant ou à venir chez
le patient. Ce travail, amorcé dès la consultation d’annonce,
est approfondi lors de l’entretien soignant et oriente, si néces-
saire, le patient vers les services sociaux. Une coordination entre
les médecins, les infi rmiers de consultation d’annonce et les
assistants sociaux est donc indispensable dès ce stade de la prise
en charge. Si la situation sociale le nécessite, un entretien avec un
travailleur social permet de faire le point sur les droits ouverts
en matière de mutuelle et d’assurance, sur les démarches à faire
en matière de conventions collectives et de droit du travail au
regard d’une situation professionnelle salariée ou libérale, sur
les aménagements du temps de travail possibles, l’articulation
avec la médecine du travail et le congé d’accompagnement.
Cet entretien permet également d’informer le patient des aides
dont il pourrait bénéfi cier, notamment les aides au maintien à
domicile (aide ménagère, auxiliaire de vie, etc.) ;
la prise en charge psychologique, qui est, dans un premier
temps, assurée par le médecin et le personnel soignant qu’est
amené à voir le patient en premier lieu. Le psychologue doit,
cependant, autant que faire se peut, être présenté au patient
dès le début de sa prise en charge dans le but d’établir un
premier contact, celui-ci pouvant être suivi d’une prise en
charge psychologique au long cours si le patient en ressent
le besoin. Cette off re doit rester une proposition et ne jamais
revêtir un caractère obligatoire. Le suivi par le psychologue peut
se faire sur le mode de consultations ayant lieu à des moments
où le patient est hospitalisé (pendant ses séances de chimiothé-
rapie, par exemple), voire en dehors des hospitalisations, ou bien
sur le mode d’entretiens téléphoniques — raison pour laquelle
le patient doit pouvoir disposer du numéro de téléphone du
psychologue afi n d’établir facilement un contact aux moments
où il en ressent le besoin. La prise en charge psychologique ne
s’adresse pas seulement au patient, mais également aux proches
(conjoint, enfants, parents, membres de la famille, etc.) qui
l’accompagnent quotidiennement pendant la maladie ;
la prise en charge de la douleur, qui fait souvent appel à des
médecins référents de la douleur, spécialisés dans la prise en
charge non seulement des symptômes douloureux, mais aussi
de tous les autres symptômes liés aux cancers (dyspnée, asthénie,
etc.) ou relatifs à la toxicité des traitements anticancéreux ;
les autres compétences en soins de support sont assurées par
des professionnels spécialisés (kinésithérapeutes, diététiciens,
etc.) qui, après évaluation des besoins, sont sollicités de manière
ponctuelle pour la prise en charge de problèmes particuliers.
Larticulation entre la médecine de ville et l’hôpital
autour de lannonce
Le rôle du médecin traitant est primordial dans la prise en charge
d’un patient atteint de cancer, puisqu’il est le médecin de proxi-
mité que le patient consulte en premier recours. Dautre part,
il est le seul médecin qui puisse intervenir au jour le jour au
domicile du patient. Enfi n, il ne faut pas oublier qu’il est, en règle
générale, le médecin de famille qui connaît le mieux le contexte
familial et social du patient. Il est donc important qu’il soit
informé et associé, dès le début de la prise en charge du cancer,
du diagnostic et du projet thérapeutique afi n d’être associé très
tôt au parcours de soins et d’assurer la meilleure coordination des
soins entre l’hôpital et le domicile. Le médecin traitant doit être
le destinataire principal des résultats signifi catifs des examens
complémentaires réalisés à chaque étape de la prise en charge
du cancer, en particulier des résultats anatomopathologiques
et d’imagerie. Il doit également être tenu au courant de tous les
temps successifs de la stratégie thérapeutique (chirurgie, radio-
thérapie, chimiothérapie, etc.), des eff ets indésirables prévisibles
des traitements et des modifi cations éventuelles en cours de
traitement en raison d’évolutions non prévues. Pour cela, le
médecin responsable du traitement du cancer doit demander
au patient les coordonnées de son médecin traitant ou l’inviter,
s’il nen na pas, à en choisir un. En eff et, le médecin traitant est
devenu indispensable pour les démarches de demande de prise
en charge à 100 % par la Sécurité sociale pour “aff ection de
longue durée” (ALD) : cest impérativement lui qui doit remplir
les formulaires nécessaires, le médecin spécialiste, oncologue
ou autre, nétant plus habilité à les signer. En pratique, il est
souhaitable que ce protocole ALD se fasse de concert entre le
médecin généraliste et l’oncologue.
Un point particulier est celui de l’annonce dans le cadre d’un
programme de dépistage. Elle concerne tous les médecins
susceptibles de participer au dépistage du cancer (radiologues,
gastro-entérologues, gynécologues, dermatologues, oncogéné-
ticiens, généralistes). L’annonce d’un dépistage positif doit être
associée à l’information immédiate du médecin traitant, avec
l’accord du patient, et à l’orientation la plus rapide possible vers
un centre spécialisé dans la prise en charge du cancer diagnos-
tiqué, incluant le dispositif d’annonce tel que décrit plus haut.
LA CONSULTATION D’ANNONCE : ET APRÈS ?
La mise en place du dispositif d’annonce du cancer constitue-t-elle
la solution aux problèmes soulevés lors des états généraux du
cancer organisés en 1998 et 2000 par la Ligue nationale contre
le cancer ? Bien présomptueux serait celui qui avancerait cette
affi rmation. Même si cette mesure a permis un vrai progrès
en termes de prise de conscience des besoins des patients,
il conviendra de voir au fi l du temps si les diff érents points sont
tous e ectifs dans la prise en charge des patients. Cela fait partie
des objectifs d’évaluation du Plan cancer. S’il est certain que
l’on ressent déjà des améliorations en termes d’information du
patient (du fait des discussions engendrées sur les conditions
de l’annonce au sein des équipes soignantes), de renforcement
en personnel infi rmier, de reconnaissance du temps consacré
aux consultations d’annonce et d’implication signifi cative des
administrations, il nen demeure pas moins que la consultation
d’annonce nest qu’un cadre qui ne remplace pas le contenu
humain que chaque médecin désire y mettre. Le temps passé à
donner toutes les informations ayant trait au diagnostic et au
projet personnalisé de soins ne doit pas faire oublier le temps,
probablement plus long, nécessaire à une réelle écoute du
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patient, de son histoire et de ses questions existentielles ou
religieuses. Toutes ces facettes, tout aussi importantes pour le
vécu de ses priorités et de ses projets à venir, sont essentielles,
afi n que la consultation ne devienne pas le lieu d’une relation
qui ne serait, elle aussi, guidée, comme les soins, que par des
règles et des artifi ces techniques.
Il ne faut pas non plus méconnaître l’hétérogénéité de la prise
en charge des patients atteints de cancer selon le lieu d’exercice,
étant admis que tous les hôpitaux ne disposent pas des mêmes
moyens fi nanciers sur le territoire français. Les états généraux
soulignaient la grande inégalité territoriale de la prise en charge
en France d’une région à l’autre.
Cela fait appel à une politique de santé publique encore à parfaire
de manière à répondre à l’objectif républicain d’égalité, en termes
de moyens non seulement matériels, mais aussi humains, à un
moment où l’on sait qu’il existe une réelle pénurie de médecins
et un défi cit de formation persistant… Cest peut-être pour-
quoi, malgré les discours et les belles théories, de nombreuses
situations quotidiennes où le patient peut se retrouver seul face
à un examen non équivoque échappent encore au dispositif
d’annonce du cancer. Des exemples concrets laissent perplexes,
qu’il s’agisse du patient apprenant son diagnostic en lisant un
compte-rendu d’examen d’imagerie qui lui a été remis directe-
ment – avant même qu’il ait revu son médecin traitant – ou,
de celui auquel on annonce le diagnostic en quelques minutes
dans un couloir d’hôpital ou dans le hall d’un cabinet dans les
suites immédiates d’un examen. Ce point ouvre le débat sur la
nécessité d’une consultation médicale systématiquement associée
à la remise des examens révélant un diagnostic de cancer, ou
de l’envoi de ces résultats directement par courrier au médecin
prescripteur, en expliquant au patient que c’est ce dernier qui les
lui communiquera. Ces données remettent en question le libre
accès du patient à ses résultats d’examens et, surtout, posent
clairement la question du rôle humain des médecins réalisant
des actes techniques.
Il faudra aussi continuer à s’interroger sur le fonctionnement
des institutions médicales pour regarder en quoi et comment
elles ne véhiculent pas des attitudes et des habitudes contraires
aux évolutions souhaitées. On peut parler ici de la traditionnelle
grande” visite hospitalière, qui devra elle aussi évoluer afi n
d’éviter que le patient napprenne fortuitement son diagnostic
devant un groupe d’étudiants à l’occasion d’une lecture “éducative”
de scanners, sans que l’on ne s’adresse jamais directement à lui.
Enfi n, il ne faut pas non plus faire d’angélisme sur la question
de la vérité à tout prix ni sur le fait que tout patient est à même
de recevoir une information complète. Dans de nombreuses
situations, celle psychique ou socioculturelle du patient fait que
l’annonce doit être distillée avec prudence et tact au fi l du temps.
Il faut donc entendre dans ces situations que la consultation dan-
nonce nest pas un moment ponctuel, défi ni dans le temps, mais
un parcours de relation à construire lentement.
CONCLUSION
Au-delà de la mise en place de “dipositifs” comme celui de la
consultation d’annonce du cancer, il serait dommage d’oublier
que l’écoute, le partage et l’information sont les actes fondateurs
de la relation médecin-patient, et qu’il appartient à tout médecin
de construire hors de tout cadre législatif ou administratif un
cadre relationnel et d’empathie. L’un des problèmes majeurs de la
médecine “moderne” est probablement le manque de valorisation
institutionnelle et fi nancière de ce temps “humain” consacré à
un patient comparé au temps “technique”, plus court et plus
lucratif, contre lequel les médecins, même les plus motivés,
ont des diffi cultés à lutter.
Lannonce du diagnostic de cancer est, sans aucun doute, une
étape très importante dans l’histoire d’un patient atteint de
cancer, justifi ant que l’on s’interroge sur la façon d’en améliorer
les conditions relationnelles, au besoin à l’aide du dispositif
d’annonce du cancer. Ce dispositif névoque cependant pas
d’autres étapes probablement aussi importantes, comme
l’annonce d’une récidive tumorale après chirurgie à visée
curative, qui plonge de nouveau le patient dans un univers
fragile alors qu’il se croyait “guéri” de son cancer, ou l’an-
nonce d’une progression tumorale nécessitant le changement
du traitement anticancéreux. Elle névoque pas, non plus,
celle, peut-être la plus redoutée (par le patient, mais aussi
par l’équipe soignante), de la progression tumorale échappant
à toute ressource thérapeutique et pour laquelle il faut envisager
l’arrêt défi nitif de la chimiothérapie ou de tout autre traitement
anticancéreux au profi t des soins de support. Lamélioration
de la prise en charge globale du patient atteint de cancer ne
saurait donc se résumer au seul dispositif d’annonce du cancer,
dont le bénéfi ce reste un présupposé, étant donné, l’absence
à ce jour, de travaux objectivant au regard du patient le béné-
ce escompté. Peut-être faudrait-il désormais, avant de crier
victoire, poser la question aux patients à travers des travaux
d’évaluation de nos pratiques dans ce domaine.
POUR EN SAVOIR PLUS :
DÉTAIL DES PRINCIPALES MESURES DU PLAN CANCER
Nous détaillerons les principales mesures du plan cancer concer-
nant les soins du patient et en particulier la coordination autour
du patient, l’accès à l’information et l’amélioration de la prise
en charge du patient atteint de cancer.
Concertation pluridisciplinaire
Faire bénéfi cier 100 % des nouveaux patients atteints de cancer
d’une concertation pluridisciplinaire autour de leur dossier.
Synthétiser le parcours thérapeutique prévisionnel issu de cette
concertation sous la forme d’un “programme personnalisé
de soins” expliqué et remis au patient. Il doit être parfaitement
compréhensible par le patient. Dans l’attente d’un véritable
dossier communiquant, ce programme doit, lors des épisodes
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