INFECTIO-VIROLOGIE 19 Sommaire • Sida • Hépatite C • Herpès • Tuberculose • Trichomonas vaginalis • Méningites bactériennes de l’enfant • Légionelloses • Pneumopathies acquises sous ventilation © Garo/Phanie © Joubert/Phanie mécanique Institut Pasteur • Paludisme • Tétanos • Couverture vaccinale • Infections fongiques systémiques Réalisé avec la participation de notre publication La Lettre de l’Infectiologue Infectio-virologie Les maladies infectieuses sont toujours d’actualité et, parmi elles, ce sont les infections virales qui ont le plus fait parler d’elles au cours de ces vingt dernières années. Cela a commencé avec le sida et s’est poursuivi avec l’hépatite C. Depuis, d’autres viroses sont apparues et peuvent être considérées comme des maladies émergentes, même si certaines sont connues depuis longtemps. L’attention des professionnels de la santé est particulièrement requise. Ceux-ci peuvent en être les premières victimes comme pour le SRAS. Ils ne doivent pas non plus baisser la garde face à des affections plus fréquentes comme la grippe, mortelle pour des patients déjà fragilisés. D’ un point de vue pratique, il faut distinguer trois sortes d’infections virales, selon leur mode de transmission, par voie sanguine, aérienne ou par l’intermédiaire d’un arthropode vecteur, le plus souvent un moustique. Les arboviroses Les maladies virales transmises par piqûre d’arthropode sont appelées arboviroses. Elles sont plus ou moins répandues dans les pays ou ces insectes pullulent c'est-à-dire les pays tropicaux. Mais elles peuvent être rencontrées dans les pays tempérés, soit chez des voyageurs de retour de zone d’endémie, soit chez des autochtones, au cours de l’été, sous réserve de l’implantation des insectes vecteurs (et de leur réservoir animal éventuel) dans le pays en question. Elles ne peuvent pas se transmettre de personne à personne, en dehors de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (voir fièvres hémorragiques virales). Cliniquement, les arboviroses sont marquées par une incubation courte (moins d’une dizaine de jours), un début brutal par un syndrome pseudo-grippal suivi d’une focalisation viscérale, l’absence de traitement et la gravité du pronostic (pour certaines d’entre elles). Elles se distinguent par leur tropisme neurologique (encéphalite japonaise, fièvre de West Nile), cutané (dengue, fièvre de la vallée du Rift, fièvre de West Nile), hépatique (fièvre jaune) ou leur aptitude à donner des formes hémorragiques (fièvre jaune, dengue hémorragique, fièvre hémorragique de Crimée-Congo, fièvre de la vallée du Rift). La dengue est la plus fréquente des arboviroses. C’est une maladie tropicale, en expansion partout dans le >> DOSSIER Une attention particulière aux maladies émergentes >> Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 DOSSIER >> DOSSIER >> Infos ... Surveillance des grippes aviaires Selon le Pr Thierry P. van den Berg (Centre d’Étude et de Recherches Vétérinaires et Agrochimiques, CERVA, Bruxelles, Belgique), en Europe, 24 pays participent activement au réseau de surveillance de la peste aviaire (autre nom pour décrire l'infection par un virus influenza pathogène chez les oiseaux), par le biais de l'OIE récemment renommé OMSA. Le laboratoire référent en Europe est celui de Weybridge au Royaume-Uni. Congrès grippe, Bruxelles, 2004. monde, transmise par la piqûre d’un moustique, appelé Aedes aegypti. La répartition géographique classique comprend principalement l’Asie du Sud-Est, le sous-continent indien, les îles du Pacifique, l’Amérique latine et les Caraïbes. L’OMS estime que tous les ans 50 millions de personnes sont touchées par la dengue dans le Monde et que 12 000 en décèdent (formes hémorragiques, formes compliquées d’un état de choc). D’après l’Institut nationale de veille sanitaire (INVS), dans les départements français des Amériques, des épidémies ont été enregistrées aux Antilles (1 297 cas notifiés en 1997 en Martinique), en Guyane (44 cas en 2003), ainsi qu'à Saint-Martin (188 cas en 2003). En France métropolitaine, la dengue n’est observée que chez le voyageur. Un autre exemple d’arbovirose en expansion est la maladie de West Nile qui est réapparue en France au cours de l’été 2003 et s’est implantée aux États-Unis d’Amérique depuis l’été 1999. Elle est également transmise par piqûre d’un moustique. Le réservoir animal est constitué par des oiseaux. En France, seuls une dizaine de cas ont été observés au cours de l’été 2003 dans le Var. Le fait que la canicule ait sévi cet été-là n’est peut-être pas étranger à cette petite épidémie. Aux États-Unis d’Amérique, des centaines de cas sont observés chaque été et certains patients, principalement des personnes âgées, décèdent de complications neurologiques. Les maladies virales transmises par voie aérienne Les maladies virales transmises par voie aérienne sont beaucoup plus à craindre dans le cadre de l’exercice professionnel. Le personnel médical et paramédical, au contact direct des patients, doit être extrêmement vigilant car il y a un risque élevé d’infections respiratoires et ultérieurement de transmission aux malades. Le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) a eu l’immense intérêt de Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 © Phanie 20 Virus du sida (HIV) sortant d’une cellule MET (Microscope Electronique à Transmission) sensibiliser le personnel médical et paramédical aux précautions élémentaires à prendre contre les infections à transmission respiratoire. Cette épidémie est née en Chine dans la région de Canton, en automne 2002. Elle s’est achevée pendant l’été 2003 au Canada. Entre-temps, des centaines de personnes ont été contaminées, dont plus de la moitié était du personnel médical ou paramédical. Le taux de mortalité était en moyenne de 10 % mais la mortalité augmentait de manière régulière avec l’âge. Cette maladie est due à un coronavirus rapidement identifié. L’épidémie mondiale a été évitée grâce à la réactivité de la communauté internationale, à un échange constant d’informations scientifiques par voie électronique et à l’efficacité des mesures d’isolement respiratoire des cas et de ceux qui ont été en contact avec ces cas. Mais cette épidémie doit nous servir de leçon, pour apprendre à mieux nous protéger contre des maladies autrement plus fréquentes comme la grippe humaine, voire d’autres infections virales respiratoires sévères à venir, grippe aviaire “humanisée” ou récurrence du SRAS. La grippe humaine est certainement l’exemple le plus caricatural de ce type d’infections et des conséquences qu’elle entraîne pour le personnel soignant. Mais on peut se protéger de la grippe humaine avec une relative efficacité par la vaccination annuelle. Étant donné les conséquences de la grippe en milieu hospitalier (personnel malade et arrêté, contamination de personnes fragiles par le personnel), le vaccin antigrippal devrait être obligatoire chez le personnel médical et paramédical. Il est légitime de se demander pourquoi certains sont vaccinés contre la variole, maladie aujourd’hui disparue, et pas contre la grippe, maladie très commune. La grippe aviaire est une crainte, pour le moment théorique, mais la plus grande vigilance est requise pour l’avenir. Cette grippe est pour le moment presque exclusivement animale (“grippe du poulet” principalement). Elle peut être due à plusieurs types de virus influenza, et des bouffées épidémiques sporadiques sont régulièrement observées dans les élevages intensifs de volailles dans le monde. Des épidémies récentes ont été facilement circonscrites aux Pays-Bas et aux États-Unis d’Amérique. Mais en Asie, la situation est plus inquiétante car les épidémies sont maintenant trop rapprochées et il est probable que le virus circule de façon endémique. Elles sont dues à un virus influenza H5N1 qui avait émergé à Honk Kong en 1997. Il avait pu être contrôlé, à l’époque, grâce à l’abattage systématique et massif des poulets de ce territoire. Cette épidémie peut être considérée comme une des conséquences des élevages industriels de volailles, anarchiques et aberrants, qui atteignent des proportions gigan- Les fièvres hémorragiques virales Les fièvres hémorragiques virales sont théoriquement à craindre en raison du risque de contamination par les hémorragies extériorisées. Mais, en pratique, le risque pour le personnel soignant est certainement très faible. D’une part, même si les maladies virales pouvant se compliquer d’hémorragies sont nombreuses, celles d’entre elles pouvant se transmettre secondairement à l’homme sont très rares et ont une répartition géographique très limitée. D’autre part, la “protection sanguine” est naturelle à partir du moment où il y a hémorragies, et il est probable que la contagiosité soit extrêmement faible, si elle existe, en dehors des formes hémorragiques. Les plus fréquentes des viroses à l’origine d'une fièvre hémorragique sont la fièvre hémorragique avec syndrome rénal en France, et, pour les voyageurs, la fièvre jaune, la dengue hémorragique, la fièvre de la vallée du Rift et la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Seule la fièvre hémorragique de CriméeCongo se distingue par une transmission possible de patients à soignants, voire de personne à personne, avec possibilité d’épidémie (comme pour d’autres fièvres hémorragiques virales). Pourtant, on parle beaucoup plus de la fièvre de Lassa et surtout de la maladie d’Ebola. Elles sont marquées par une transmission initiale- © Garo/Phanie tesques dans certains pays d’Asie du Sud-Est (en Chine, plus d’un milliard d’habitants, on compte environ cent poulets pour un habitant et ces élevages sont concentrés dans certaines régions). La maladie est maintenant devenue endémique chez les volailles en Asie du Sud-Est, la Chine, la Thaïlande, le Vietnam, l’Indonésie étant touchés. Pour le moment, le passage à l’homme s’est fait de manière très peu efficace (ce sont des personnes en contact direct et proche avec des volailles malades qui ont été atteintes) mais avec une mortalité très élevée. Il ne semble pas qu’il y ait eu à ce jour une transmission interhumaine par apparition d’un virus muté, “humanisé” car recombiné à partir de la grippe humaine. Mais elle est possible si les deux virus venaient à se rencontrer soit chez l’homme soit, plus probablement, chez un animal réservoir commun. Le porc constitue un réservoir de choix pour ce genre de rencontre car il peut héberger le virus de la grippe humaine. A cet égard, la reconnaissance par les autorités chinoises, en été 2004, de l’apparition de cas de grippe aviaire chez le porc, dans le pays, en 2003, est une mauvaise nouvelle. Selon certains spécialistes, elle laisse présager le passage inéluctable à l’homme, la seule question n’étant pas de savoir si cela se fera, mais seulement quand ! ment inconnue puis, à partir du cas index, de patients à soignants, voire de personne à personne, avec une mortalité très élevée et la possibilité d’épidémie. Celles-ci surviennent à intervalle régulier en Afrique centrale mais la possibilité pour qu’un tel patient arrive en France peut être considérée comme extrêmement faible. En pratique, la survenue brutale au retour des tropiques, après une courte période de rémission (inconstante), d’une altération de l'état général, avec une recrudescence de la fièvre et un syndrome hémorragique, doit conduire à l’isolement du malades et aux précautions d’usage. L’expérience des médecins de terrain en Afrique montre que dès la mise en place de mesures d’hygiène de base, la transmission au personnel soignant est interrompue. Mais le pronostic vital est engagé pour le malade. Les hémorragies cutanées (purpura pétéchial et ecchymotique), muqueuses (épistaxis, hématurie, gingivorragie...) puis viscérales (digestive...) peuvent conduire au décès dans un état de choc. Le taux de létalité des formes symptomatiques, peut atteindre 80 % pour certaines fièvres hémorragiques. En conclusion, les infirmières savent maintenant bien se protéger des maladies transmises par voie sanguine. C’est l’héritage des grandes infections virales, par les virus des hépatites B et C et le VIH. Elles n’ont rien à craindre des maladies transmises par les arthropodes, sauf à titre individuel, si elles voyagent dans les régions d’endémie de fièvres hémorragiques virales. En revanche, elles doivent maintenant être bien informées des risques liés aux maladies transmissibles par voie aérienne. Elles doivent être vaccinées contre la grippe chaque année. Elles doivent maîtriser les règles d’isolement respiratoire et suivre avec vigilance l’évolution des épidémies de grippe et des autres viroses respiratoires. Pr Éric Caumes 21 >> DOSSIER INFECTIO-VIROLOGIE Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris. Rédacteur en chef de La Lettre de l’Infectiologue Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 22 DOSSIER Sida >> DOSSIER Les inquiétudes renaissent en Europe Infos ... Comportements à risque Les trithérapies antirétrovirales hautement actives (HAART) ne sont pas totalement efficace mais diminuent de manière substantielle la charge virale (les taux de mARN viral) chez de nombreux malades, si l’observance thérapeutique est étroite. D'où la diminution des décès. Mais les croyances sur les vertus imaginaires des trithérapies dans la prévention du SIDA s’avèrent dangereuses en matière de comportement sexuel à risque. Le sida se propage en Europe orientale. Le nombre d'infections augmente à nouveau en Europe occidentale. L’abandon, voire l’inexistence des programmes intégrés de prévention et de traitement en sont une cause. Les jeunes et d'autres groupes, comme les travailleurs du sexe, les homosexuels masculins et les toxicomanes par voie intraveineuse sont particulièrement exposés. P lus de 1,5 million de personnes vivent avec le VIH en Europe orientale et en Asie centrale alors qu’elles n’étaient que 30 000 en 1995. La majorité des nouveaux cas d’infection à VIH chez les toxicomanes par voie intraveineuse touchent des jeunes. Un grand nombre d’entre eux ne se protègent pas non plus lors de rapports sexuels, alors que leurs premiers rapports sont plus précoces. Les pays d’Europe orientale sont désormais dans l’Union européenne et, comme l’a souligné le Dr Peter Piot, Directeur exécutif de l’ONUSIDA, à la Conférence de Dublin en février de cette année, « L’Europe et l’Asie centrale sont au cœur d’une épidémie de VIH qui progresse plus rapidement que partout ailleurs dans le monde ». Si la plus grande partie de la population de l’Europe occidentale a désormais accès à un traitement gratuit dans le cadre des systèmes nationaux de santé, beaucoup de gouvernements n’ont pas mis le même accent sur la prévention que pendant les années 90. Les taux d’infection recommencent à augmenter. Le traitement, qui permet de prolonger la vie, ne doit pas être considéré comme un moyen de guérison. Les personnes vivant avec le VIH/sida doivent donc continuer de se protéger elles-mêmes et de protéger leurs partenaires. En Europe orientale et en Asie centrale, 7 000 personnes reçoivent un traitement antirétroviral, c’està-dire 9 % seulement des personnes qui en ont besoin. Pour Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 beaucoup, le traitement est trop coûteux ou n’est tout simplement pas disponible. La dimension socio-économique de l’épidémie ressort clairement ainsi que l’aspect qui concerne la gouvernance de ces pays. Les membres de groupes à risque sont souvent des exclus, des pauvres ou des détenus et sont par là-même exposés à un risque accru de contamination. Recrudescence des IST Dans beaucoup de pays d’Europe occidentale, on constate une augmentation des infections sexuellement transmissibles (IST) qui illustrent une résurgence des rapports sexuels non protégés, avant tout chez les jeunes hétérosexuels. Rien qu’en 2003, 30 à 40 000 personnes ont été infectées par le VIH et le nombre de personnes vivant avec le VIH se situe désormais entre 520 000 et 680 000. Plus de 20 ans après l’émergence du sida, les comportements sexuels à risque sont en forte croissance également chez les homosexuels masculins dans les pays développés. Cet état de fait, indiscutablement lié à l’apparition de traitements anti-rétroviraux très efficaces au milieu des années 90, explique, qu’encore aujourd’hui, les homosexuels représentent 44 % des nouveaux cas d’infection à VIH aux États-Unis (statistiques 2002). Pour faire reculer ces comportements dits de “relapse” des interventions psychologiques ou comportementales sont nécessaires. Cependant, curieusement, malgré des milliers de publications sur le sujet, aucun essai randomisé n’avait jusqu’ici abordé la question. L’étude EXPLORE* conduite dans 6 villes américaines était destinée à combler cette lacune : 4 295 homosexuels masculins séronégatifs ont été randomisés entre un groupe le “suivi standard” et un groupe d’“intervention”. Les deux groupes étaient représentatifs de la population homosexuelle masculine américaine à risque : par exemple, plus de 10 partenaires au cours des 6 mois précédents dans 42,2 % des cas, relation anale passive non protégée avec un partenaire séropositif ou au statut sérologique inconnu dans 28 % des cas. Les résultats sont très décevants et aussi très controversés, notamment à cause de réponses plus ou moins fiables compte tenu de la gravité de certains comportements difficiles à avouer. En 4 ans, 144 sujets du groupe contrôle (8,2 %) et 115 du groupe intervention (6,9 %) ont eu une séroconversion. La prévention des comportements de “relapse” chez les homosexuels masculins reste donc toujours à imaginer. C’est pourquoi, des actions d’urgence de prévention s’imposent partout pour inverser le cours de la maladie. ALP * Dr Anastasia Roublev : The EXPLORE study Team : “Effects of a behavioural intervention to reduce acquisition of HIV infection among men who have sex with men : the EXPLORE randomised controlled study.” Lancet 2004; 364: 41-50. INFECTIO-VIROLOGIE 23 Hépatite C Comment gérer les effets secondaires La gestion des effets secondaires est une composante majeure de la conduite du traitement de l’hépatite C. Or on connaît la gravité potentielle de la maladie chronique qui peut être efficacement traitée par le traitement antiviral, notamment chez les patients infectés par un VHC de génotype 2. Interféron pégylé et ribavirine Le traitement actuel de l’hépatite C chronique repose sur l’association interféron pégylé avec ribavirine : cette bithérapie permet l’éradication virale chez 9O % des patients infectés par VHC de génotype 2 ou 3 et 50 % de ceux qui présentent un virus de génotype 1. Par ailleurs, les examens virologiques se sont considérablement simplifiés et standardisés. L’accès aux soins et au traitement des patients est facilité grâce à l’ouverture de la prescription initiale aux spécialistes libéraux en médecine de ville et à la possibilité de renouveler la prescription par les médecins généralistes. Les indications du traitement sont définies en fonction de l’activité de fibrose dans le foie. Il est reconnu que la biopsie hépatique, examen invasif et redouté par un grand nombre de patients, constitue un écueil dans la prise en charge de l’hépatite C. Bonne nouvelle, il existe désormais une alternative : Fibrotest-Actitest. Il s’agit de tests fondés sur les dosages sanguins pour évaluer l’index de fibrose et d’activité du foie dans son ensemble, qui sont utilisables en pratique quotidienne et ne nécessitent pas d’hospitalisation. Il faut prendre en considération que la bithérapie interféron pégylé/ribavirine est jugée le plus souvent difficile à supporter par la majorité des patients, l’espoir de guérir étant leur motivation principale pour poursuivre le traitement. L’aggravation de la qualité de vie liée aux effets secondaires conduit à un arrêt du traitement dans environ 10 % des cas et à une diminution de la posologie de l’interféron pégylé et/ou de la ribavirine dans 1 cas sur 3. Les effets les plus fréquents sont les céphalées, la fatigue notable, les tremblements, la fièvre, les nausées, les myalgies, l’insomnie et les troubles anxieux et dépressifs. « On retrouve plus rarement d’autres troubles psychiatriques fluctuants et souvent imprévisibles tels que des troubles maniaques, des troubles délirants, des troubles de la personnalité ou des troubles cognitifs atypiques. La prévalence des effets secondaires psychiques reste sous-évaluée et trop souvent considérée comme négligeable, alors qu’il convient de rechercher précocement ces troubles et de les prévenir par une prise en charge globale au sein d’une équipe multidisciplinaire. En ce qui concerne l’alcoolisme chronique, il n’est pas une contre-indication au traitement mais il peut en diminuer l’efficacité. Les antécédents de maladies psychiatriques ou de toxicomanies sont des contre-indications majeures au traitement par interféron alpha, mais cela n’est pas acceptable actuellement », estime le Dr Jean-Philippe Lang (Strasbourg). Décider avec le patient On entrevoit qu’il est indispensable d’associer le patient à la décision thérapeutique, de bien lui expliquer les bons résultats escomptés ainsi que les inconvénients qu’il va subir afin qu’il puisse interpréter ses symptômes, et de choisir un bon moment (sauf urgence). En d’autres termes, le patient doit être soutenu par l’équipe médicale comme par ses proches et aidé dans la gestion des effets secondaires pendant les six mois du traitement. D’ailleurs, le médecin généraliste peut être amené à prendre en charge également son entourage, souvent perturbé par le changement de la personnalité du patient induit par l’interféron. Le contrôle de la charge virale est effectué au bout de 6 à 12 mois par PCR. Si la charge virale est indétectable, le patient est virologiquement guéri 6 mois après l’arrêt du traitement et la majorité des manifestations indésirables disparaissent entre 1 et 3 mois. A noter que d’après des études récentes rapportées par le Pr. T. Poynard, il semble que la cirrhose n’est pas irréversible. Ludmila Couturier >> DOSSIER C omme le rappelle le Pr T. Poynard (hôpital PitiéSalpêtrière), l’hépatite C est une maladie asymptomatique dans la majorité des cas. La découverte du VHC se fait donc le plus souvent de façon fortuite lors d’un dépistage systématique, soit après l’évaluation des facteurs de risques. Les contaminations les plus fréquentes se font chez les usagers et ex-usagers de drogue par voie veineuse (80 % des cas). Néanmoins, le piercing et les tatouages jouent désormais un rôle, et par ailleurs, il ne faut pas oublier de dépister les patients qui ont subi une transfusion sanguine avant 1992. Il apparaît que 200 000 sujets par an sont dépistés (alors que l’on estime 600 000 personnes porteuses du virus de l’hépatite C en France) et parmi celles-ci, seulement 10 000 à 15 000 sont mises sous traitement. Medec 2004 Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 24 DOSSIER Herpès Infos ... Un dépistage précoce Un herpès peut en cacher un autre car 20 à 30 % des herpès génitaux ont pour origine “un banal bouton de fièvre” ; 60 % des patients ne sont pas diagnostiqués et risquent de transmettre le virus à leur entourage ; le virus se transmet très facilement et n’est pas toujours visible. La journée Nationale contre l’Herpès a lieu le 6 novembre 2004. Site Internet de l’association Herpès : www.herpes.asso.fr et/ou au numéro indigo 0 825 800 808 (0,15 euros TTC/min) L’herpès est actuellement l’IST la plus répandue dans le monde. Or, on estime que 6O % des malades ne sont pas diagnostiqués car les symptômes qu’ils présentent sont attribués à d’autres maladies. Ce qui augmente le risque de transmission. En France, plus de 400 000 cas d’herpès génital sont diagnostiqués chaque année, soit une augmentation de 5O % en dix ans. A lors que le virus de type 1 (HSV 1) infecte surtout la sphère oro-faciale, le virus HSV 2 agit sur les organes sexuels mais également les fesses et les cuisses. La séro-prévalence de l’infection à HSV 2 est actuellement de 18 % chez les femmes et de 14 % chez les hommes. Les femmes consultent plus facilement un médecin, notamment le gynécologue. En revanche, les hommes restent plus réticents et consultent volontiers un dermatologue. Reste que 60 % des porteurs du virus ne seraient pas pris en charge, en raison notamment d’une mauvaise connaissance de la maladie : la majorité des patients la confondent avec des mycoses, d’autres IST ou une infection urinaire. Une information indispensable L’information approfondie du public comme du personnel de santé est indispensable sur les facteurs favorisant la diffusion de l’infection à l’herpès, et en particulier la possibilité d’excrétion virale asymptomatique (en dehors de récurrence clinique), ainsi que sur les conséquences sévères que cette infection est susceptible d’entraîner. En effet, on reconnaît le rôle favorisant de l’herpès dans la transmission de l’infection à VIH, par le biais des lésions génitales ulcéreuses devenant une porte ouverte à l’acquisition du VIH. Autre risque majeur, celui de l’herpès néonatal : en cas de primoinfection, il est de 50 % et en cas de récurrence il est de 1 %. L’obstétricien devrait systématiquement demander à la femme Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 enceinte si elle ou son conjoint ont déjà eu des épisodes herpétiques, tant au niveau génital qu’oro-facial. En cas de doute, il faut faire le prélèvement d’une lésion suspecte avec culture virale. Si la primo-infection est dépistée en fin de grossesse, le recours à la césarienne s’impose. En cas d’herpès récurrent, on pratique d’abord un prélèvement au niveau de l’endocol avant d’envisager la césarienne en cas de positivité. Il est important de savoir que dans certains cas l’herpès pénètre sans provoquer de lésions apparentes, et donc certains sujets peuvent avoir été contaminés il y longtemps par une personne porteuse du virus et n’avoir jamais eu aucune poussée apparente. Le virus reste à vie dans l’organisme et lors des récurrences symptomatiques (presque toujours au même endroit) la contagiosité débute avant l’apparition des vésicules (au stade de picotements et de démangeaisons) et dure de deux à quatre jours. A l’occasion d’un épisode asymptomatique la contagiosité dure en moyenne un jour et demi. Il est acquis que certaines circonstances peuvent déclencher la réactivation du virus et donc une poussée : la fièvre, le stress, un traumatisme local, les règles, les relations sexuelles, l’exposition au soleil (pour l’herpès du visage). Prévention En ce qui concerne les méthodes de prévention pour limiter le risque de transmission, on insiste sur l’abstinence (y compris les rapports oro-génitaux) pendant les crises, sur l’utilisation du préservatif et sur l’importance de faire tester le partenaire, le problème des couples sérodiscordants étant particulièrement préoccupant pendant la grossesse. Ainsi, si aucune précaution n’est prise, le partenaire non porteur du virus a 10 % de risque d’être contaminé par le virus herpétique. Enfin, il a été démontré que le traitement antiviral préventif réduit de 70 à 8O % la fréquence de crises d’herpès génital chez les personnes qui en ont plus de six par an. Une étude récemment publiée indique qu’un traitement antiviral diminue de 75 % le risque d’acquisition d’un herpès génital symptomatique et de 48 % la transmission du virus chez les couples séro-discordants stables. LC © Association Herpès >> DOSSIER Une infection sournoise INFECTIO-VIROLOGIE 25 Tuberculose La vigilance toujours de mise Populations défavorisées La plupart des cas sont diagnostiqués chez des migrants en provenance de pays à forte endémie tuberculeuse comme l’Afrique subsaharienne, les populations précarisées, en particulier les sans-abri (chez qui l’incidence est 20 à 30 fois supérieure à la moyenne nationale), les personnes touchées par l’infection VIH (la tuberculose est l’infection opportuniste la plus fréquente) et les personnes vivant en milieu carcéral. À noter que la transmission du bacille de Koch en milieu soignant reste l’objet de préoccupation quant à l’utilisation des masques de protection et du filtrage suffisant pour assurer la sécurité bactérienne. Il est bon de rappeler que la plupart des personnes infectées par le bacille de Koch ne développent pas la maladie. Celles qui la développent peuvent le faire rapidement dans les 2 ans ou bien très longtemps après, plusieurs dizaines d’années plus tard. On dis- tingue l’infection tuberculeuse, c’està-dire l’infection latente asymptomatique par le Mycobacterium tuberculosis avec l’intradermoréaction positive (IDR) de la tuberculose-maladie avec atteinte des organes et la radiographie pulmonaire positive. C’est au stade de la maladie que le patient bacillifère (excréteur de bacilles) peut largement ensemencer son entourage y compris les sujets immunocompétents. Pour les experts, l’infection tuberculeuse devrait être traitée chez tous les patients ayant une infection latente récente pour lesquels le passage à une maladie tuberculeuse est hautement probable : les personnes de l’entourage, d’un cas de tuberculose bacillaire, tout sujet immunodéprimé ou à risque de le devenir (infection par VIH, greffes, corticothérapie). Précisons que l’IDR est désormais utilisée pour le diagnostic grâce à une nouvelle tuberculine à partir d’une souche humaine de M. tuberculosis (Tubertest). Ces tests plus performants prennent toute leur valeur dans l’enquête autour d’un cas et chez les personnes à risque. Par ailleurs, de nouvelles recommandations vont concerner la suppression de la revaccination en cas d’IDR négative. Traitement Le traitement de la tuberculose repose sur l’association de plusieurs molécules (isoniazide, rifampicine, éthambutol et pyrazinamide) en utilisant chaque fois que cela est possible des formes combinées. La durée du traitement reste longue, au minimum de 6 mois (2 mois de quadrithérapie et 4 mois de bithérapie) et prolongé dans les formes graves cavitaires. La stérilisation est obtenue en moyenne en 15 jours et l’isolement n’est pas nécessaire au-delà dans la majorité des cas. Néanmoins, les personnes traitées doivent être vues au moins une fois par mois. Quant au traitement de l’infection latente (chez l’adulte comme chez l’enfant) qui demande pour le moins une bonne observance, le traitement par isoniazide sur une durée de neuf mois ou l’association isoniazide-rifampicine pendant trois mois est actuellement recommandé par les experts. L’association rifampicine-pyrazinamide pose un problème majeur, étant donné la survenue de cas d’hépatites, parfois mortels. Le contrôle de la tuberculose dans le monde se heurte à la résistance croissante du bacille de Koch aux antituberculeux, principalement à l’isoniazide et à la rifampicine, mais aussi à d’autres antituberculeux. La tuberculose multirésistante est actuellement particulièrement fréquente dans les pays de l’ex-Union soviétique. En France, les souches de BK multirésistants sont rares soit 0,5 % des souches isolées. LC >> DOSSIER L a tuberculose est un fléau mondial. Un tiers de la population mondiale est infecté et, chaque année, 8 millions de personnes développent la maladie et 2 millions en meurent. En France, la situation épidémiologique est marquée par une stagnation de la maladie déclarée à environ 11 cas pour 100 000 habitants, toutefois avec des disparités régionales considérables. Ainsi l’Ile-de-France concentre la moitié des cas, et à Paris le taux d’incidence a tendance à augmenter (50/100 000). © Garo/Phanie Si l’incidence de la tuberculose stagne en France depuis 1997, il ne faut pas pour autant baisser la garde. Les populations en difficulté sociale sont les plus vulnérables. L’accent est mis sur le dépistage des cas, le traitement rapide des malades atteints mais aussi de ceux dont l’infection tuberculeuse latente récente est repérée par la positivité des réactions tuberculiniques. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 26 DOSSIER Trichomonas vaginalis Infos ... Un protozoaire Le trichomonas est un protozoaire flagellé muni de 3-5 flagelles à son pôle antérieur et d’une membrane ondulante. C’est un organisme piriforme, très mobile, mesurant en moyenne 10 x 7 µm. Il provoque chez les femmes des vaginites accompagnées d’un écoulement jaunâtre, mousseux et malodorant et, dans les cas graves, des pétéchies, des érosions cervicales ou, parfois, des lésions hémorragiques ponctuées. La maladie clinique est plus fréquente chez les femmes en particulier âgées de 16-35 ans. Le diagnostic étiologique des vulvo-vaginites, en dehors d’un contexte évocateur, nécessite un prélèvement pour étude microbiologique. Néanmoins, ce diagnostic est incertain lorsque les concentrations des bactéries anaérobies ou de Trichomonas vaginalis ne permettent pas de tirer des conclusions. L’éviction de ce protozoaire parasite est d’autant plus souhaitable qu’il peut favoriser les co-infections. L a trichomonase urogénitale demeure sous-estimée parce qu’elle est souvent asymptomatique et que sa mise en évidence n’est pas facile. Selon l’OMS, son incidence annuelle dépasse les 180 millions des cas, et diverses enquêtes ont révélé que le portage du parasite restait asymptomatique dans 25 % à 50 % des cas chez la femme. On sait aussi que la moitié des femmes infectées développeront une trichomonase clinique dans les six mois qui suivront. À l’échelle mondiale, près des 20 % des femmes enceintes sont porteuses d’une infection à Trichomonas qui est associée à diverses complications périnatales. Chez l’homme, le portage de ce parasite est encore plus asymptomatique, mais il est tout de même mis en cause dans 11 % des urétrites non gonococciques. Une pathogenèse complexe Bien que le Trichomonas vaginalis ait été découvert il y a plus d’un siècle et demi, on commence seulement à mieux comprendre la pathogenèse complexe de ce parasite et son association fréquente avec d’autres germes (mycoplasmes, bactéries anaérobies), dont le pullulement serait en rapport avec l’inflammation vaginale et des micro-lésions, consécutives à l’activité de diverses protéases parasitaires. T. vaginalis est capable de se déguiser pour échapper aux défenses immunitaires (détruire les IgA au niveau de la muqueuse vaginale) et également d’adopter Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 la stratégie des relations symbiotiques. Le fait que la présence d’un germe pathogène peut favoriser les co-infections n’est pas une notion nouvelle. En revanche, le phénomène de l’endosymbiose est un domaine passionnant pour les chercheurs : ils ont pu observer les mycoplasmes à l’intérieur du cytoplasme de ce parasite, qui pourrait jouer le rôle de leur transporteur. À la lumière de ces découvertes on comprend qu’il convient de prendre en charge l’infection à T. vaginalis qu’elle soit symptomatique ou non et de rechercher également la présence des mycoplasmes. Comme le rappelle le Dr R. Guillot (Grenoble) : « On ne traite par une vulvo-vaginite à T. vaginalis d’après les signes cliniques, car 88 % des femmes échapperont au diagnostic et 29 % seront traitées par excès ». La fiabilité du diagnostic bactériologique précis repose sur la qualité du prélèvement effectué et de bonnes conditions de transport au labora- © Burger/Phanie >> DOSSIER Comme un véritable cheval de Troie toire, le parasite étant très sensible au changement de température et à la dessiccation. Or des formes rondes sans flagelles correspondant vraisemblablement à des formes de “souffrance” du parasite ne sont pas recherchées en pratique courante. On reconnaît que la sensibilité moyenne de l’examen de laboratoire n’excède pas 60 % et celle de la mise en culture peut atteindre 85 à 95 % avec un délai de deux à sept jours. Des méthodes diagnostiques plus sophistiquées devraient être disponibles dans un avenir proche. Dans la pratique quotidienne les gynécologues sont souvent amenés à recourir d’abord à un traitement en aveugle des vulvo-vaginites et demander un prélèvement en cas d’échec ou de récidive. Selon le Dr L. Dubreuil (Lille), on constate souvent le succès thérapeutique avec le secnidazole de la classe des nitro-imidazolés car il présente une activité à la fois sur le T. vaginalis et sur les bactéries anaérobies, et contrairement à d’autres antibiotiques, les résistances acquises sont exceptionnelles. Bref, il est important de disposer d’un médicament couvrant les germes impliqués et susceptible de guérir rapidement la patiente mais aussi le partenaire, qu’il ne faut pas oublier de traiter. Une nouvelle galénique de secnidazole de la famille des nitroimidazolés sous forme de microgranules en sachets permet une prise en charge simplifiée avec une prise unique, donc une observance facilitée. LC INFECTIO-VIROLOGIE 27 Méningites bactériennes de l’enfant La prévention par les vaccins conjugués Chez les enfants de moins de 2 ans, le pneumocoque est la première cause de méningite purulente. Selon les experts, la généralisation de l’utilisation du vaccin pneumococcique conjugué chez ces enfants pourrait faire reculer ces infections, à l’instar de la réduction de l’incidence des méningites dues à l’Haemophilus influenzae de type b, qui a été obtenue grâce au vaccin conjugué anti-haemophilus. Vacciner tôt C’est dire l’importance de la prévention des infections massives à pneumocoque chez les nourrissons de moins de 2 ans. Le vaccin pneumococcique conjugué est disponible depuis 2001 et il a l’avantage d’être immunogène dès l’âge de 2 mois : il couvre 85 % des pneumocoques responsables de méningites et 90 % des pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline. Son efficacité (supérieure à 95 %) et sa bonne tolérance (en termes de pharmacovigilance le recul est de plus de 50 millions de doses) ont été démontrées aux États-Unis lors d’un essai portant sur 40 000 nourrissons. En France, le vaccin pneumococcique conjugué est recommandé chez les nourrissons de moins de 2 ans qui sont à très haut risque (drépanocytose, asplénie fonctionnelle, déficit immunitaire congénital ou secondaire, pathologie chronique…) mais aussi chez ceux ayant un risque accru d’infection invasive du fait du mode de vie : garde en collectivité, fratrie d’au moins deux enfants d’âge préscolaire, allaitement maternel de moins de 2 mois. Pour le Pr D. Daniel (Lyon), ce vaccin doit être administré le plus tôt, dès l’âge de 2 mois pour couvrir le pic d’incidence maximale de méningites à pneumocoque qui se situe avant l’âge de 6 mois. En ce qui concerne le méningocoque, c’est le sérotype B qui est responsable de plus de la moitié des cas mais nous ne disposons pas de vaccin. Par contre, il existe le vaccin conjugué contre le méningocoque du sérogroupe C (responsable d’un tiers des cas) qui est inclus, au Royaume-Uni, dans le calendrier vaccinal de tous les sujets de 2 mois à 20 ans. À l’heure actuelle, les indications en France restent limitées étant donné que le taux global d’incidence (1,3/100 000) reste bas (donc inférieur à celui des autres pays européens), d’où l’absence de politique nationale vaccinale. Cependant, la vaccination est recommandée au contact des cas de méningite à méningocoque C et aux zones géographiques dans lesquelles l’incidence a dépassé la moyenne nationale, telles le Puy-de-Dôme et le Sud-Ouest de la France. LC Medec 2004 La ponction lombaire : la clé du diagnostic Trois couches protectrices isolent notre système nerveux : les méninges. Les méningites correspondent à une atteinte inflammatoire des méninges. Dans 80 % des cas, le responsable est un virus. Elles sont alors bénignes et le rétablissement est le plus souvent spontané. D’origine bactérienne, dans 20 à 25 % des cas, ces infections sont particulièrement graves et peuvent être fatales. Plus rarement un parasite ou un champignon peut être une cause d’inflammation des méninges. Grâce à une ponction lombaire, on peut procéder à une analyse du liquide céphalorachidien (LCR) qui, en cas d’infection, peut devenir inflammatoire (couleur, nombre de cellules et types de cellules trouvées), ce qui permet de déterminer l’origine de la méningite. >> DOSSIER C omme le montrent les données de janvier 2002 à novembre 2003 de l’Observatoire national des méningites bactériennes incluant toutes les méningites primitives survenant chez des sujets âgés de 0 à 18 ans, tous âges confondus, la bactérie la plus fréquente dans ces infections est le méningocoque (44,2 %) suivi par le pneumocoque (29,8 %). Par contre, dans la tranche d’âge 2 mois2 ans, le pneumocoque représente 46,9 % des étiologies contre 42,9 % pour le méningocoque, alors que chez l’enfant de plus de 2 ans, le méningocoque prédomine nettement (70,7 % contre 25,7 % pour le pneumocoque). Quant aux méningites à Haemophilus, elles ont quasi disparues (2,1 %). En outre, les données de l’Observatoire confirment que plus de la moitié des souches isolées de pneumocoques ont une sensibilité diminuée ou sont résistantes aux bêta-lactamines. La mortalité des enfants atteints de méningite à pneumocoque est plus élevée (12 %) que celle de ceux atteints de méningites à méningocoque (6,7 %) ; de même, la morbidité est importante avec des séquelles neurologiques et cognitives au long cours (30 à 50 %). Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 28 DOSSIER Légionelloses >> DOSSIER L’antibiothérapie doit être activée sans retard Infos ... Santé publique Le Centre national de référence des légionelles a pour missions le diagnostic des légionelloses, l'identification des souches de Legionella par typage moléculaire, l'aide au diagnostic de même que la production et la mise à disposition de réactifs spécifiques, l’expertise biologique, l’entretien d’une collection bactérienne et d’une sérothèque. Il contribue, entre autres, à la surveillance épidémiologique des légionelloses, établit les protocoles d’études pour de nouveaux réactifs... Les trois épidémies de légionellose en 2003 ont propulsé cette maladie au centre des préoccupations du corps médical et du gouvernement. D’une part, il est nécessaire de maîtriser les risques d’exposition de la population aux principales sources de contamination. D’autre part, il faut traiter précocement afin de limiter les conséquences de la maladie en termes de mortalité. L es légionelloses sont des bacilles Gram négatif composant une famille de 43 espèces regroupées en 64 sérogroupes, Legionella pneumophila étant responsable de 90 % des légionelloses chez l’homme. Ces bactéries prolifèrent dans l’eau douce à des températures comprises entre 25 °C et 42 °C. Les principales sources de contamination sont bien connues : réseaux d’eau chaude sanitaire, circuits de refroidissement des tours aéroréfrigérantes, diverses installations aquatiques, systèmes de traitement d’air, eau minérale utilisée à des fins thérapeutiques. La transmission se fait par inhalation d’aérosol d’eau hébergeant la bactérie. Cependant, aucun cas de transmission interhumaine n’a été décrite. Déclaration obligatoire La légionellose est une maladie à déclaration obligatoire, qu’elle soit acquise à l’hôpital ou communautaire. En 2003, le nombre des cas déclarés était de 1 044 cas identifiés biologiquement ou qui ont nécessité une hospitalisation. Néanmoins, l’incidence réelle est vraisemblablement plus élevée du fait des difficultés du diagnostic et de l’absence de recherche systématique de Légionella pneumophila devant une pneumopathie aiguë. Rappelons que l’infection se manifeste par deux formes : un syndrome grippal habituellement bénin (la fièvre de Pontiac) qui guérit spontanément en 2 à 5 jours et la pneumonie (maladie du légionnaire) qui revêt le tableau d’une pneumopathie communautaire Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 d’allure grippale et dont les signes (hyperthermie, toux peu productive, myalgies, céphalées) ne permettent pas de la distinguer de l’ensemble des pneumonies ; à noter que dans la moitié des cas sont associés les signes évocateurs, à savoir la confusion, des troubles digestifs et une bradycardie. En cas de suspicion de légionellose, il est donc recommandé de demander rapidement un test urinaire (15 minutes) qui a une bonne sensibilité et une grande spécificité pour Légionella pneumophila, l’espèce la plus fréquente. Toutefois, sa négativité n’écarte pas le diagnostic de légionellose puisqu’il existe 42 autres espèces. Certes la sérologie et la culture à partir d’un prélèvement précisent le diagnostic, mais les résultats ne sont pas immédiats. Pour les spécialistes, en cas de doute, le traitement d’une pneumopathie aiguë suffisamment grave pour nécessiter une hospitalisation devrait couvrir le risque de légionellose. Ce qui sous-entend de recourir à un macrolide ou à une fluoroquinolone. Autrement dit, si la légionellose ne représente qu’une minorité des cas de pneumonie communautaire ou nosocomiale, et pour éviter un retard thérapeutique, l’antibiothérapie devrait prendre en compte cette bactérie dans les possibles origines, surtout quand aucune autre cause n’a été mise en évidence. En conclusion, il s’agit d’une affection potentiellement dangereuse (15 à 20 % de décès) en l’absence d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge adéquate, notamment chez les patients ayant un terrain à risque : insuffisance rénale ou respiratoire, infection VIH, cancer, immunodépression (greffes d’organe, corticothérapie au long cours, neutropénie). En outre, les réseaux de surveillance doivent renforcer des moyens mis en œuvre pour assurer en permanence le traitement efficace des eaux contaminées par la Legionella pneumophila. LC La situation nationale en août 2004 L’Institut de veille sanitaire a répertorié 550 cas de légionellose en France pour l’année 2004. En 2003, 1 044 cas de légionellose (parmi lesquels 129 personnes décédées) avaient été recensés, dont 597 sont survenus avant la fin du mois d’août 2003. La légionellose affecte essentiellement les personnes fragilisées. Elle se traduit par une pneumopathie sévère. Le diagnostic clinique doit dans tous les cas être confirmé biologiquement. Dans la majorité des cas, avec un traitement antibiotique précoce et adapté, l’évolution est favorable. Il n’y a pas de transmission interhumaine pour cette maladie. La période d’incubation est de 2 à 10 jours. Les cas de légionellose doivent être distingués selon qu’il s’agit de cas groupés ou de cas isolés (sporadiques). Communiqué de la DGS-IVS INFECTIO-VIROLOGIE 29 Pneumopathies acquises sous ventilation mécanique Un phénomène d’urgence Les pneumonies représentent la deuxième cause d’infections nosocomiales et s’accompagnent d’une mortalité de 30 à 5O %. Elles touchent autant des patients hospitalisés en médecine ou en chirurgie que les sujets ventilés admis en service de soins intensifs. Plusieurs études confirment la nécessité de traiter immédiatement. Un traitement approprié Néanmoins, la nécessité d’un traitement immédiat ne signifie pas une prescription inconsidérée d’antibiotiques, étant donné que de nombreuses études ont démontré par ailleurs l’existence d’un lien direct entre la consommation d’antibiotiques dans une structure de soins et l’émergence de bactéries multirésistantes. Sans oublier que le tableau d’une maladie infectieuse (fièvre, hyperleucocytose) peut s’observer dans de nombreuses pathologies susceptibles de compliquer l’évolution d’un malade en réanimation. « L’enjeu auquel nous sommes confrontés est d’être capables d’identifier rapidement et avec spécificité les patients ayant développé une pneumonie nosocomiale de façon à pouvoir les traiter immédiatement et eux seuls. Les résultats de l’examen direct d’un prélèvement distal de bonne qualité par fibroscopie permettent avec beaucoup de sécurité de sélectionner le traitement initial approprié en cas de résultats posi- tifs. Tandis qu’en cas de résultats négatifs, il est préférable de surseoir à toute nouvelle antibiothérapie en attendant les résultats des cultures », estime le Dr J. Chastre (hôpital Pitié-Salpêtrière). Certes, le choix du traitement empirique est difficile, étant donné que ce type d’infection est souvent polymicrobien et que les germes responsables sont souvent résistants aux antibiotiques, notamment lorsque les patients sont hospitalisés depuis longtemps. spectre dans une unité de réanimation. De même, rien ne justifie de poursuivre le traitement par de la vancomycine si finalement aucun Staphylococcus aureus méticilline-résistant (SARM) n’est isolé. Par ailleurs, il est apparu qu’il est souvent nécessaire de réajuster les doses de l’antibiotique utilisé même si le choix de celui-ci s’avère justifié afin d’obtenir son efficacité maximum ; cela est d’autant plus important que le germe responsable est difficile à traiter et que sa CMI est élevée. L’intérêt des algorithmes D’où l’intérêt des algorithmes thérapeutiques incorporant le contexte clinique, les traitements antibiotiques déjà reçus par le malade, le fait qu’il soit ou non colonisé par une bactérie multirésistante et le résultat des prélèvements microbiologiques respiratoires antérieurs. En fait, chaque unité de réanimation doit construire son propre algorithme thérapeutique en fonction des spécificités qui sont les siennes, en termes de population de malades et d’écologie bactérienne, dans la mesure où la proportion d’infections dues aux bactéries résistantes peut être variable d’un endroit à l’autre de même que la résistance de ces souches. L’identification précise des germes responsables de pneumonie par l’examen microbiologique permet d’effectuer une désescalade thérapeutique chaque fois que le spectre antibactérien couvert par l’antibiothérapie empirique peut être rétréci, et par là, de diminuer significativement la consommation d’antibiotiques à très large Une durée de traitement variable Quant à la durée du traitement, l’ensemble des études ayant pour objectif d’éviter le risque d’échec clinique mais aussi celui de favoriser l’émergence des bactéries multirésistantes lors des traitement prolongés sont en faveur d’une réduction de la durée du traitement antibiotique à huit jours dans la très grande majorité des cas. À condition que le traitement initial ait pu être d’emblée approprié. Cependant, la durée de l’antibiothérapie est de l’ordre de 14 à 21 jours pour les patients ayant une atteinte multilobaire, un abcès du poumon ou lorsque l’infection est due à des germes difficiles à éradiquer sous ventilation artificielle (Pseudomonas aeruginosa ou Acinetobacter baumannii), quand l’évolution clinique ne permet pas un sevrage rapide de la ventilation artificielle. LC >> DOSSIER C hez les patients en service de soins intensifs, l’infection bactérienne bronchopulmonaire nosocomiale peut vite aboutir à des tableaux cliniques graves engageant le pronostic vital. Il a été démontré de façon indiscutable qu’il existe une relation entre la mortalité et le délai séparant les signes faisant suspecter l’infection pulmonaire de la première administration d’antibiotique efficace sur le ou les agents pathogènes responsables (plus ce délai augmente, plus la mortalité croît). XXXIIe Congrès de la Société de réanimation de langue française Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 30 DOSSIER Paludisme >> DOSSIER Un danger chez la femme enceinte Infos ... Une maladie exportée Maladie endémique dans trois continents, le paludisme est fortement exporté au point que plus de 8 000 cas ont été dénombrés en 2001 en France causant 20 décès, selon l’OMS. Plus de 90 % des paludismes importés proviennent d’Afrique touchant 1à2% des voyageurs. Plus rarement, sont atteints les voisins des aéroports ou les personnels y travaillant. On estime que vingt pour cent de la population mondiale court le risque de contracter le paludisme. La plupart des personnes menacées vivent dans les pays les plus pauvres de la planète. La maladie provoque plus de trois cent millions d’atteintes sévères chaque année et est responsable d’au moins un million de décès annuels. Q uatre-vingt-dix pour cent des décès surviennent en Afrique, au sud du Sahara, et la plupart des victimes sont des enfants de moins de cinq ans. En l’absence de traitement adapté, peut survenir l’accès pernicieux entraînant une anoxie cérébrale. De même, une méningite, des convulsions, une anémie, un syndrome hémorragique sont à craindre. La gravité des troubles est plus importante, voire mortelle, chez le jeune enfant, la femme enceinte et les personnes immunodéprimées. Les atteintes cardiaques, hépatiques, spléniques sont surtout le fait de réinfestations multiples chez des patients séjournant sans protection dans les zones endémiques. La femme enceinte Responsable de nombreuses complications pour la mère et l’enfant, le paludisme doit engager une femme enceinte à ne pas voyager en zone d’endémie. En cas d’obligation absolue, le personnel médical après l’avoir informée des risques encourus, doit lui indiquer les mesures à suivre. En France, les cas sont principalement détectés en période de vacances entre juin et septembre. C’est essentiellement en Afrique, zone endémique, que la maladie est responsable d’anémie chez la maman dans 15 % des cas, d’insuffisance pondérale chez l’enfant dans plus de 35 % des cas, quand une prophylaxie non ou mal conduite fait contracter le parasite. Cependant, il existe une différence entre la femme africaine et la femme occidentale enceinte qui ne présente pas d’immunité acquise à l’affection et est donc Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 plus vulnérable. Exceptée la primipare africaine, elle aussi peu immunisée et à risques de complications. Pendant la grossesse, l’accès palustre ne prend pas une forme différente de la triade classique, à savoir : frissons, fièvre, sueurs. Seules les complications sont plus fréquentes et plus graves : principalement l’anémie. Celle-ci est à la fois responsable de mortalité maternelle, par œdème, et d’une hypoplasie fœtale chez le bébé. En plus de l’anémie, une hypoglycémie est fréquemment retrouvée avec son aggravation observée, en cas de traitement par la quinine, le traitement de référence. Toutes ces complications potentielles font qu’il est indispensable d’hospitaliser une femme enceinte chez qui on suspecte un accès palustre. Le traitement hospitalier sera fondé sur la quinine à doses efficaces et surveillées par la mesure de la concentration plasmatique. La quinine est employée à raison de 25 mg/kg/j pendant 5/7 jours, en cas d’atteinte par le Plasmodium falciparum. Si le parasite est Plasmodium ovale ou malariae, le traitement préférentiel est fondé sur la chloroquine : 600 mg les deux premiers jours puis 300 les jours suivants. Quelle protection ? Les mesures prophylactiques observées doivent être maximales. Elles portent d’abord sur la prévention des piqûres de moustiques réalisée grâce au port de vêtements couvrant le corps au maximum, notamment les bras et les jambes, dès que le soleil se couche. Ensuite, il convient au maximum de chercher à éradiquer les moustiques de la pièce où l’on dort, au moins en protégeant le lit par une moustiquaire. Autre moyen efficace : s’enduire le corps de préparations repoussantes tout en respectant les posologies et contreindications de chaque préparation. Ces mesures ne sont pas toujours suffisantes et doivent être complétées par la prophylaxie individuelle médicamenteuse, différente selon la personne et son lieu de destination. Selon la personne, il faut toujours tenir compte du passé médical, du présent (grossesse par exemple), des traitements en cours, de l’état immunitaire. Il peut être ainsi souhaitable de tester la tolérance des médications avant le départ pour prévenir tout incident sur place. Habituellement, le traitement sera commencé un peu avant le départ, poursuivi pendant tout le voyage et une à quatre semaines après le retour : une, pour la malarone seulement mais quatre pour toutes les autres spécialités. Il existe en effet des formes retard de déclenchement du paludisme. JB Bientôt un nouveau médicament Une nouvelle molécule inspirée d’un composant d’une plante chinoise, l’artémisinine (nom de code : OZ 277) sera disponible peut-être l’an prochain. Elle serait plus puissante et agirait plus longtemps sur l’organisme que les médicaments utilisés actuellement. Son principal avantage est qu’elle peut être fabriquée entièrement industriellement, ce qui la rend beaucoup moins chère. Argument essentiel quant on sait que les populations les plus touchées n’ont pas accès aux médicaments à cause de leur prix. INFECTIO-VIROLOGIE 31 Tétanos La vaccination trop souvent négligée A lors que la vaccination est efficace, le tétanos est une affection des pays pauvres, mais les plus riches, pour des raisons différentes, n’en sont pas exempts. Pour les pays développés, dont la France, de 10 cas par million d’habitant en 1975, on est passé à 0,44 cas dans les années 2000. Pour plus de 87 % d’entre eux, il s’agit de patients ayant plus de 70 ans. Les rappels de vaccination ont été souvent négligés depuis longtemps, parfois depuis le service militaire. Leurs défenses immunitaires s’affaiblissant avec l’âge, les patients encore très actifs, deviennent plus vulnérables. L’agent contaminant pénètre par effraction à travers la protection représentée par la peau, sous forme de spore. Le Clostridium tetani est en effet présent dans la plupart des sols, tout composé tellurique, parasite de nombreux animaux. En son milieu, il peut persister plusieurs années. La forme spore étant particulièrement bien adaptée pour résister au froid, au chaud, mais aussi, aux antiseptiques. Inoculées, les spores donnent naissance aux bacilles qui, secrétant une neurotoxine, provoquent le tétanos. Diagnostic Le signe pathognomonique du tétanos est la difficulté à ouvrir les mâchoires par contracture des masséters. Une difficulté qui existe parfois depuis quelques jours lorsque le patient en prend réellement conscience et qui a tendance à s’aggraver très rapidement. Cette gêne est bientôt si importante que toute alimentation devient quasi impossible, à cause d’une déglutition pénible. La contracture touche aussi d’autres muscles du visage au point de réaliser un faciès particulier avec des yeux bridés, un front plissé, un regard flou, des peauciers très apparents. Le trismus est parfois si important que la contracture peut provoquer une véritable morsure de la langue. Il peut être associé à une paralysie faciale périphérique (en cas de plaie du visage du même côté) ou une diplégie faciale (en cas de plaie du nez) ou une paralysie oculaire (en cas de plaie de l’orbite). Le trismus, signe crucial de la maladie, ne doit pas être confondu car il peut également apparaître dans un contexte fébrile, suite à l’extraction d’une dent de sagesse, en accompagnement d’une lésion inflammatoire temporo-maxillaire, durant la prise de neuroleptiques. Respectivement, il peut s’agir d’un phlegmon de l’amygdale, d’un accident de la dent de sagesse, d’une maladie de Horton, d’un accident des neuroleptiques. On peut enfin retrouver ce signe, en cas d’hypoglycémie, en crise résolutive post-épileptique, en cas d’atteinte cérébrale, tumorale comme vasculaire. Définir l’évolutivité Diagnostiquer le trismus c’est reconnaître la maladie, déterminer le temps de latence entre son apparition et celle des symptômes de dissémination : c’est en définir l’évolutivité. Un temps court (12/24 h) signe en effet un tétanos rapidement évolutif et inversement ; la moyenne étant de 48 heures entre le début d’apparition de la gêne et l’apparition d’une contracture du cou signe d’extension de la maladie. Si rien n’est fait, l’extension va toucher l’appareil respiratoire sous forme d’épisodes de gêne d’abord, d’un blocage ensuite à la moindre sollicitation, au moindre bruit. Devant un tel tableau, une réaction d’urgence s’impose, comme savoir-faire hospitaliser le malade par un service de réanimation de type SMUR ou SAMU. Le personnel soignant aura pris soin antérieurement de se renseigner sur les dates des dernières vaccinations, le nombre total de doses reçues. À défaut de soins immédiats, le pronostic vital du patient est en effet en jeu. L’atteinte est liée aux contractures musculaires, celles-ci étant potentiellement très dangereuses lorsqu’elles touchent le larynx, causant un spasme laryngé avec fermeture de la glotte. Lorsqu’elles atteignent les muscles respiratoires, le risque est alors le blocage mécanique du souffle avec pour conséquence l’arrêt respiratoire. C’est la diffusion de la neurotoxine qui est en cause. Produite par le bacille, elle est diffusée progressivement dans l’ensemble de l’organisme par voie nerveuse, le long des axones. Une diffusion qui débute par les muscles masséters jusqu’au diaphragme, atteint en dernier, en général. JB >> DOSSIER Passant de un cas par jour dans les années 1970, à 26 cas en 2001, le tétanos a été efficacement combattu par la généralisation de la vaccination. Cependant, chez les plus de 70 ans, les rappels sont trop souvent négligés et la mortalité avoisine alors 20 %. Et dans les pays en développement, la mère n’étant pas protégée, le tétanos touche annuellement plus d’un million d’enfants nouveau-nés. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 32 DOSSIER Couverture vaccinale >> DOSSIER Des remises en cause nécessaires Si la couverture vaccinale pour les enfants de 2 ans est satisfaisante contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, ce n’est pas le cas en ce qui concerne la rougeole, la rubéole, les oreillons et l’hépatite. Pourtant c’est grâce à la vaccination, entre autres, que nombre de maladies mortelles ont pratiquement été éradiquées. À l’âge de deux ans, 98 % des enfants ont reçu les trois doses vaccinales DT Polio et 88 % trois doses et un rappel. C’est grâce à la vaccination que la poliomyélite a quasiment disparu, des pays occidentaux en tout cas. Seuls quelques pays émergents ont encore la maladie de manière endémique. L’éradication de la maladie était l’objectif décidé par l’OMS en 1988 et fixé initialement pour 2000. La date a été repoussée en 2 005. De même, la réduction des cas de coqueluche pour l’Europe a dû être repoussée à 2010, année où la rougeole devrait être éradiquée en France. Un objectif ambitieux irréaliste ? La couverture vaccinale des enfants de deux ans a en 10 ans fait un bond de 32 à 80 %, chiffre de 1994 mais chiffre qui n’a guère évolué depuis, puisque légèrement inférieur à 85 % en 2001. Il existe de surcroît de fortes disparités géographiques : le Sud de la France est ainsi la zone la moins couverte. Sur les 15 États européens concernés, près de 18 000 cas de rougeole ont été déclarés en 2001/2002. Dans 21 cas, une complication sévère a été notée. Un décès en a résulté. Pour obtenir une éradication de la maladie, il faudrait atteindre une couverture vaccinale supérieure à 95 %. Un taux qui est loin d’être atteint aussi pour l’hépatite B : à peine 30 % des enfants de deux ans, 66 % pour la tranche des 1418 ans. La prévalence de la maladie est plus faible dans les pays riches que les pays pauvres : ainsi, en Europe, le pourcentage est Infos ... Faut-il vacciner contre la varicelle ? La varicelle est la plus fréquente des maladies infantiles. Banale mais pas anodine. Due au virus VzV, l’affection est courante avant 9 ans. C’est une maladie virale bénigne de l’enfant, et la protection doit se faire au niveau des complications infectieuses liées aux surinfections bactériennes. Mais depuis quelques années, on note l’apparition de plus en plus fréquente de cas après 14 ans, voire chez l’adulte. C’est avec l’émergence de ces formes tardives qu’apparaissent des formes plus compliquées. Les enfants doivent-ils ou non être vaccinés contre la varicelle ? Jusqu’à présent, cette pathologie n’est pas inscrite au calendrier vaccinal, mais la donne pourrait éventuellement changer. Les défenseurs du vaccin invoquent des cas graves et parfois mortels. Selon les chiffres Inserm du réseau Sentinelle, la varicelle touche entre 600 000 et 700 000 personnes chaque année. Mais ce chiffre n’est pas en augmentation. Au cours des vingt dernières années, on a enregistré 317 décès, les principales victimes étant des adultes de plus de 20 ans. Selon le laboratoire, la tolérance au vaccin serait bonne, mais des études font craindre un développement du zona. En effet, une vaccination des enfants, en disséminant à grande échelle dans la population du virus de la varicelle atténué – c’est le principe même de la vaccination –, aurait comme conséquence d’augmenter l’incidence dans la population du zona, cette version adulte et aggravée de la varicelle. D’autre part, le vaccin n’est efficace que pendant huit ans, ce qui suppose une série de rappels, difficile à faire suivre efficacement par la population, et qui déplacerait la maladie infantile vers l’adulte. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004 Comment mesure-t-on la couverture vaccinale ? En France, les outils à disposition pour évaluer la couverture vaccinale sont surtout le carnet de santé, le carnet de vaccination. Au-delà de 6 ans, les mesures viennent d’enquêtes réalisées ponctuellement pour certaines pathologies, certaines tranches d’âge données. Ces données sont difficilement interprétables car difficilement extrapolables à l’ensemble de la population nationale. Médecine et Enfance, OMS, BEH, Comité de pilotage sur la couverture vaccinale en France, Vaccinews. JB voisin de 0,5 % de personnes atteintes avec pour une sur quatre l’existence de complications. Rôle des soignants Si les campagnes de vaccination servent à sensibiliser le public, via les médias, l’insuffisance de progression des taux est préoccupante. Tout le monde doit se remettre en cause, les soignants entre autres n’insistant pas assez dans le cadre du conseil sur les risques des maladies et les bénéfices à tirer de la vaccination. Ainsi, dans le monde 3 millions de vies pourraient être sauvées par la vaccination. En 2000, 770 000 enfants sont morts de la rougeole, 220 000 du tétanos néonatal, 520 000 de l’hépatite B, et plus de 1 700 000 de la tuberculose. JB INFECTIO-VIROLOGIE 33 Infections fongiques systémiques Problème majeur en réanimation Les infections fongiques systémiques dont l’incidence s’est considérablement accrue au cours des ces dernières décennies sont grevées d’une lourde morbi-mortalité, en particulier chez les patients immunodéprimés. Les espèces autres que Candida albicans sont venus sur le devant de la scène ainsi que la résistance croisée aux antifongiques azolés. cellulaire. Les antifongiques de la classe azolés, le fluconazole et l’itraconazole, présentent une plus faible incidence d’effets secondaires et restent souvent actifs contre C. albicans, mais ils le sont moins contre C. glabrata et sont tout à fait inactifs contre C. krusei. À noter que l’itraconazole est également actif contre certaines moisissures comme Aspergillus. Comme le rapporte le Pr O. Lortholary (Paris), on constate en clinique l’intérêt conservé de l’utilisation de ces deux azolés “anciens” dans le traitement des candidoses systémiques incluant les candidoses disséminées et profondes. Un nouveau antifongique de la classe azolés, le voriconazole, constitue un progrès puisqu’il garantit une efficacité thérapeutique même pour les isolats résistants au fluconazole et il est actif tant sur C. glabrata que sur C. krusei. Par ailleurs il donne aussi le succès thérapeutique chez 63 % patients présentant une infection à Scedosporium et chez 40 % patients ayant une infection à Fusarium. Il n’existe pas de résistance croisée entre les antifongiques azolés et d’autres classes d’antifongiques. Mais les antifongiques azolés peuvent avoir des interactions médicamenteuses en raison de leur effet inhibiteur sur le cytochrome P450 avec les corticoïdes, les myorelaxants, les anticoagulants, la cyclosporine et un grand nombre des médicaments cardiovasculaires. LC Antibiotiques mieux compris des Français Environ deux tiers des Français interrogés (67 %) déclarent être mieux informés sur la résistance aux antibiotiques. C’est l’un des résultats majeurs de l’enquête barométrique Ipsos qui a évalué l’évolution des connaissances des Français à la suite des actions menées par l’Assurance maladie sur l’automne – hiver 2003/2004. Les Français ont aussi mieux compris le phénomène compliqué du développement des résistances. Ainsi, 70 % des personnes interrogées, qui ont entendu parler des résistances, savent qu’elles concernent les bactéries elles-mêmes et non la résistance de l’organisme au traitement. La résistance aux antibiotiques provient du grand pouvoir d’adaptation des bactéries qui ont la capacité d’acquérir de nouvelles propriétés soit par modification de leur génome soit par gain d’informations génétiques nouvelles. Autre complication : la multirésistance se réfère à une bactérie qui est résistante à plusieurs familles d’antibiotiques en même temps. Ainsi le staphylocoque doré résiste non seulement à la méticilline mais aussi à la plupart des antibiotiques ou familles d’antibiotiques. Résistance ou multirésistance, le phénomène prend de l’ampleur. La création de nouveaux médicaments est à la traîne par rapport à la progression de la résistance aux antibiotiques. Autre motif d’inquiétude, et non des moindres : la résistance a quitté les murs complices de l’hôpital (infections nosocomiales) pour gagner aussi la pratique de ville, devenant du coup un enjeu de santé publique. Malgré une baisse sensible, la consommation d’antibiotiques en France reste la plus élevée d’Europe : deux fois plus qu’en Allemagne, par exemple. >> DOSSIER L a fréquence des infections fongiques et la résistance aux antifongiques sont en augmentation chez les patients en unité de soins intensifs. On connaît les facteurs de risque de développement d’une candidose invasive, tels les traitements de longue durée, le cathéter intravasculaire, la nutrition parentérale totale, l’état immunitaire, la pancréatite aiguë. On sait aussi qu’il y a vingt ans, plus de 80 % des champignons isolés étaient C. albicans. Depuis, d’autres espèces ont gagné en fréquence, en particulier C. glabrata, C. tropicalis et C. parapsilosis et elles sont actuellement responsables de plus de 50 % des infections fongiques de l’immunodéprimé (le taux de mortalité attribuable aux candidoses profondes est estimé à plus de 20 %). Aspergillus est le second germe responsable, par ordre de fréquence, des infections fongiques invasives chez le sujet immunodéprimé. Les affections sous-jacentes les plus fréquemment observées sont les hémopathies malignes, les allogreffes de moelle osseuse, les transplantations d’organes, la granulomatose septique chronique, l’infection par le VIH ; l’aspergillose pulmonaire massive est une pneumopathie opportuniste particulièrement redoutable chez le patient aplasique. Dans les infections fongiques sévères l’amphotéricine B possède le plus large spectre, cependant la fréquence et la sévérité de ses effets secondaires limitent en pratique son utilisation. L’arrivée de l’amphotéricine B liposomale (un complexe lipidique) a permis d’améliorer la tolérance rénale et 46e Congrès national de la SFAR Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004