Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004
tesques dans certains pays d’Asie
du Sud-Est (en Chine, plus d’un
milliard d’habitants, on compte
environ cent poulets pour un habi-
tant et ces élevages sont concen-
trés dans certaines régions). La
maladie est maintenant devenue
endémique chez les volailles en
Asie du Sud-Est, la Chine, la
Thaïlande, le Vietnam, l’Indonésie
étant touchés. Pour le moment, le
passage à l’homme s’est fait de
manière très peu efficace (ce sont
des personnes en contact direct et
proche avec des volailles malades
qui ont été atteintes) mais avec
une mortalité très élevée. Il ne
semble pas qu’il y ait eu à ce jour
une transmission interhumaine par
apparition d’un virus muté, “huma-
nisé” car recombiné à partir de la
grippe humaine. Mais elle est pos-
sible si les deux virus venaient à se
rencontrer soit chez l’homme soit,
plus probablement, chez un animal
réservoir commun. Le porc consti-
tue un réservoir de choix pour ce
genre de rencontre car il peut
héberger le virus de la grippe
humaine. A cet égard, la reconnais-
sance par les autorités chinoises,
en été 2004, de l’apparition de cas
de grippe aviaire chez le porc, dans
le pays, en 2003, est une mauvaise
nouvelle. Selon certains spécia-
listes, elle laisse présager le pas-
sage inéluctable à l’homme, la
seule question n’étant pas de
savoir si cela se fera, mais seule-
ment quand !
Les fièvres hémorragiques
virales
Les fièvres hémorragiques virales
sont théoriquement à craindre en
raison du risque de contamination
par les hémorragies extériorisées.
Mais, en pratique, le risque pour le
personnel soignant est certaine-
ment très faible. D’une part, même
si les maladies virales pouvant se
compliquer d’hémorragies sont
nombreuses, celles d’entre elles
pouvant se transmettre secondaire-
ment à l’homme sont très rares et
ont une répartition géographique
très limitée. D’autre part, la “protec-
tion sanguine” est naturelle à partir
du moment où il y a hémorragies, et
il est probable que la contagiosité
soit extrêmement faible, si elle
existe, en dehors des formes
hémorragiques.
Les plus fréquentes des viroses à
l’origine d'une fièvre hémorragique
sont la fièvre hémorragique avec
syndrome rénal en France, et, pour
les voyageurs, la fièvre jaune, la
dengue hémorragique, la fièvre de la
vallée du Rift et la fièvre hémorra-
gique de Crimée-Congo. Seule la
fièvre hémorragique de Crimée-
Congo se distingue par une transmis-
sion possible de patients à soignants,
voire de personne à personne, avec
possibilité d’épidémie (comme pour
d’autres fièvres hémorragiques
virales). Pourtant, on parle beaucoup
plus de la fièvre de Lassa et surtout
de la maladie d’Ebola. Elles sont mar-
quées par une transmission initiale-
ment inconnue puis, à partir du cas
index, de patients à soignants, voire
de personne à personne, avec une
mortalité très élevée et la possibilité
d’épidémie. Celles-ci surviennent à
intervalle régulier en Afrique centrale
mais la possibilité pour qu’un tel
patient arrive en France peut être
considérée comme extrêmement
faible.
En pratique, la survenue brutale au
retour des tropiques, après une
courte période de rémission (incons-
tante), d’une altération de l'état géné-
ral, avec une recrudescence de la
fièvre et un syndrome hémorragique,
doit conduire à l’isolement du
malades et aux précautions d’usage.
L’expérience des médecins de terrain
en Afrique montre que dès la mise en
place de mesures d’hygiène de base,
la transmission au personnel soignant
est interrompue. Mais le pronostic
vital est engagé pour le malade. Les
hémorragies cutanées (purpura pété-
chial et ecchymotique), muqueuses
(épistaxis, hématurie, gingivorragie...)
puis viscérales (digestive...) peuvent
conduire au décès dans un état de
choc. Le taux de létalité des formes
symptomatiques, peut atteindre
80 % pour certaines fièvres hémorra-
giques.
En conclusion, les infirmières savent
maintenant bien se protéger des
maladies transmises par voie san-
guine. C’est l’héritage des grandes
infections virales, par les virus des
hépatites B et C et le VIH. Elles n’ont
rien à craindre des maladies trans-
mises par les arthropodes, sauf à
titre individuel, si elles voyagent dans
les régions d’endémie de fièvres
hémorragiques virales. En revanche,
elles doivent maintenant être bien
informées des risques liés aux mala-
dies transmissibles par voie
aérienne. Elles doivent être vacci-
nées contre la grippe chaque année.
Elles doivent maîtriser les règles
d’isolement respiratoire et suivre
avec vigilance l’évolution des épidé-
mies de grippe et des autres viroses
respiratoires.
Pr Éric Caumes
Service des Maladies Infectieuses
et Tropicales, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris.
Rédacteur en chef de La Lettre de l’Infectiologue
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