dossier thématique d ossier thématique Prise en charge de la dysfonction érectile en oncologie Management of erectile dysfunction in oncology ● ● A. Descazeaud* ▶ RésuMé La dysfonction érectile en oncologie doit être prise en charge. L’information des patients et de leur partenaire est capitale, car cette dysfonction est d’autant mieux vécue que le patient en a été informé. En oncologie, elle est essentiellement le fait des traitements du cancer, que ce soit la chimiothérapie, l’hormonothérapie, la radiothérapie ou, surtout, la chirurgie. Les traitements sont peu spécifiques de chaque maladie et leur efficacité est incomplète. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 et les injections intracaverneuses sont les traitements les plus utilisés. Mots-clés : Dysfonction érectile – Cancer. ▶ SUMMARY Taking care of sexuality troubles is important in oncology. Patient and partners information on sexual disturbance is the basement of a well being. In oncology, treatment is the most important cause for dysfonction erectile often with surgery, but also with chemotherapy, radiotherapy, and hormonotherapy. Treatments have low efficacy; 5-phosphodiesterase inhibitors and cavernous injections are the most used. par le plexus veineux préprostatique et par les veines honteuses internes. Enfin, l’intégrité des corps caverneux péniens est aussi requise pour avoir une sexualité satisfaisante. La prise en charge de la dysfonction érectile en oncologie doit être double : il faut d’une part informer les patients et, d’autre part, traiter la dysfonction érectile. infoRMation des patients La dysfonction érectile est d’autant mieux vécue que le patient en a été informé. Le cancer peut affecter la fonction érectile de deux façons, soit directement, soit via les effets indésirables des traitements. L’effet direct peut être le fait d’une importante anxiété due au diagnostic ou d’une atteinte fonctionnelle engendrée par la maladie elle-même, provoquant ainsi une asthénie ou des douleurs, par exemple. Les traitements du cancer, que ce soit la chimiothérapie, l’hormonothérapie, la radiothérapie ou la chirurgie, sont les principales causes de dysfonction érectile en oncologie. chiMiothéRapie L’asthénie occasionnée par la chimiothérapie peut diminuer la libido de façon réversible. La toxicité neurologique de la vincristine est rarement responsable d’éjaculation rétrograde. La fonction endocrine du testicule est en général préservée. Quant à la spermatogenèse, elle est parfois altérée, mais cette altération est généralement réversible. Keywords: Dysfonction erectile – Cancer. hoRMonothéRapie L es différentes composantes de la sexualité chez l’homme sont le désir, c’est-à-dire la libido, l’érection, l’éjaculation, l’orgasme et la fertilité. Cette sexualité est sous la dépendance de plusieurs facteurs que sont les stimuli externes, les facteurs psychologiques, les androgènes (testostérone), l’inner vation parasympathique (plexus hypogastrique et nerfs caverneux) et sympathique (paravertébrale lombosacrée). La vascularisation joue également un rôle important, s’effectuant par les artères honteuses internes issues des artères hypogastriques, * Service de chirurgie urologique, CHU Dupuytren, Limoges. 406 Chez l’homme, l’hormonothérapie consiste à réaliser un blocage hormonal dans le cancer de prostate. Ce blocage, diminuant la libido, peut entraîner une dysfonction érectile et des troubles de l’orgasme. Ces effets sont plus souvent rencontrés avec les agonistes de la luteinising hormone releasing hormone (LHRH) qu’avec les antiandrogènes. RadiothéRapie La radiothérapie externe du petit bassin, utilisée dans les cancers de la prostate, de la vessie et du rectum, peut causer des atteintes vasculo-nerveuses responsables d’une dysfonction La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 érectile. Par exemple, la radiothérapie de la prostate provoque 30 % de dysfonction érectile à 1 an. Les troubles sont d’autant plus marqués en cas de facteurs de risque vasculaire associés, tels que l’hypertension artérielle, le diabète, la dyslipidémie et le tabagisme. La dysfonction érectile après curiethérapie dans le cancer de la prostate est difficile à déterminer, car les résultats sont hétérogènes : d’après G.S. Merrick et al. (1), son incidence est de 6 % à 90 % selon les séries. Trois facteurs pronostiques sont favorables : une fonction sexuelle préopératoire normale, un âge jeune et l’absence de radiothérapie externe associée. Enfin, la réponse au sildénafil chez ces patients est excellente : il a été rapporté que 92 % des patients avaient, six ans après curiethérapie, des érections suffisantes pour avoir des rapports pénétrants en prenant en compte des patients traités par sildénafil (2). pRostatectoMie Dans une étude de revue de A.G. Matthew et al. (3), la prévalence de la dysfonction érectile après prostatectomie radicale est de 25 % à 75 % selon les séries. La fonction érectile s’améliore au cours des deux premières années postopératoires. Les résultats sont meilleurs en cas de conservation bilatérale des bandelettes vasculo-nerveuses. Les taux d’érection suffisante pour obtenir un rapport pénétrant sont respectivement de 44 %, 41 % et 35 % en cas de conservation bilatérale des bandelettes, de conservation unilatérale ou de non-conservation. Mais la conservation bilatérale ne peut s’envisager que si le risque d’extension extraprostatique est faible. En outre, l’âge du patient est un facteur pronostique majeur. Par exemple, dans une étude portant sur 671 patients (4), les patients âgés de moins de 58 ans avaient 60 % de chance d’érection en cas de conservation bilatérale, et 31 % en cas de non-préservation. Ceux qui étaient âgés de plus de 69 ans avaient 31 % de chance d’érection en cas de conservation bilatérale, et 10 % en cas de non-préservation. Enfin, un autre facteur péjoratif est à considérer : la dysfonction érectile préopératoire. cYstopRostatectoMie Ce qui est vrai pour la prostatectomie l’est aussi pour la cystoprostatectomie. Des équipes ont développé une technique de conservation de la capsule prostatique qui améliore la fonction érectile, au prix cependant d’un risque carcinologique majoré (5). oRchidectoMie L’orchidectomie unilatérale n’a pas d’impact sur la fonction érectile. L’orchidectomie bilatérale conduit à une stérilité secondaire et à une insuffisance endocrine. Néanmoins, la supplémentation hormonale permet d’éviter l’apparition de troubles sexuels. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 cuRage ganglionnaiRe loMbo-aoRtiQue J.P. Van Basten et al. (6) ont comparé la sexualité dans deux groupes de patients, l’un traité par chimiothérapie seule et l’autre par chimiothérapie et curage ganglionnaire lombo-aortique. La seule différence observée entre les deux groupes concernant la fonction sexuelle était une fréquence d’éjaculation rétrograde plus élevée dans le groupe avec curage. chiRuRgie du RectuM La chirurgie carcinologique du rectum est plus souvent cause de dysfonction érectile que la chirurgie non carcinologique, qui permet une conservation du méso-rectum. Il existe entre 5 et 40 % de dysfonction érectile postopératoire après chirurgie pour cancer du rectum et 5 à 50 % de troubles de l’éjaculation (7). dossier thématique d ossier thématique tRaiteMents Les traitements de la dysfonction érectile sont peu spécifiques de chaque pathologie. Il existe deux traitements médicamenteux avant tout : les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, et les injections intracaverneuses. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (tadalafil [Cialis®], vardénafil [Levitra®], sildénafil [Viagra®]) facilitent l’érection. Une stimulation érotique reste donc nécessaire. Ils ne doivent pas être associés aux dérivés nitrés, ni être prescrits en cas de contre-indication à l’effort physique. Ils se présentent sous forme de comprimés à prendre une heure avant le rapport, sans dépasser la posologie d’un comprimé par jour. Pour les injections intracaverneuses telles que l’alprostatil (Edex®) aucune stimulation érotique n’est nécessaire. En outre, ces injections nécessitent un apprentissage et une adaptation de dose. Le risque de priapisme doit être expliqué au patient. Leur usage est à éviter en cas de contre-indication à l’effort physique ou de prédisposition au priapisme (myélome, drépanocytose). Le vacuum est une pompe à vide. Très peu utilisé en France, il est pourtant efficace (8). Les prothèses péniennes semi-rigides ou gonflables peuvent être utilisées en dernier recours. La psychothérapie est également efficace sur les dysfonctions érectiles psychogènes. Il faut cependant retenir que, avant tout traitement pouvant affecter la fonction érectile et donc la fertilité, une cryoconservation du sperme doit être envisagée. conclusion La dysfonction érectile en oncologie doit être prise en compte par les praticiens en charge de la maladie. L’information des patients et de leur partenaire est capitale, car la dysfonction érectile est 407 dossier thématique d ossier thématique d’autant mieux vécue que le patient en a été informé. Cette dysfonction est surtout secondaire aux traitements, au premier rang desquels la chirurgie. Les traitements de la dysfonction érectile sont peu spécifiques de chaque maladie et leur efficacité est incomplète. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 et les injections intracaverneuses sont les traitements les plus utilisés. ■ RéféRences bibliogRaphiques 1. Merrick GS, Wallner KE, Butler WM. Permanent interstitial brachytherapy for the management of carcinoma of the prostate gland. J Urol 2003;169(5): 1643-52. 2. Merrick GS, Butler WM, Galbreath RW, Stipetich RL, Abel LJ, Lief JH. Erectile function after permanent prostate brachytherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2002;52(4):893-902. 408 3. Matthew AG, Goldman A, Trachtenberg J et al. Sexual dysfunction after radical prostatectomy: prevalence, treatments, restricted use of treatments and distress. J Urol 2005;174(6):2105-10. 4. Hollenbeck BK, Dunn RL, Wei JT, Montie JE, Sanda MG. Determinants of long-term sexual health outcome after radical prostatectomy measured by a validated instrument. J Urol 2003;169(4):1453-7. 5. Colombo R, Bertini R, Salonia A et al. Overall clinical outcomes after nerve and seminal sparing radical cystectomy for the treatment of organ confined bladder cancer. J Urol 2004;171(5):1819-22. 6. Van Basten JP, Jonker-Pool G, Van Driel MF et al. Sexual functioning after multimodality treatment for disseminated nonseminomatous testicular germ cell tumor. J Urol 1997;158(4):1411-6. 7. Sterk P, Shekarriz B, Günter S et al. Voiding and sexual dysfunction after deep rectal resection and total mesorectal excision: prospective study on 52 patients. Int J Colorectal Dis 2005;20(5):423-7. 8. Stephenson RA, Mori M, Hsieh YC et al. Treatment of erectile dysfunction following therapy for clinically localized prostate cancer: patient reported use and outcomes from the Surveillance, Epidemiology, and End Results Prostate Cancer Outcomes Study. J Urol 2005;174(2):646-50. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007