La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 5 - septembre-octobre 2006
Vie professionnelle
Vie professionnelle
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Le printemps de l’évaluation
des pratiques professionnelles (EPP)[1]
#G. Mégret*
[1] © La Lettre du Pneumologue - Vol. IX (3):123-4.
* Journaliste médical, médecin, Paris.
a En l’occurrence, le jeudi 23 février 2006.
On connaît la solennité des jeudis de l’Académie françai-
se. Ceux du Conseil national de l’Ordre des médecins
(CNOM) n’ont rien à leur envier. Force est d’admettre
que les thèmes discutés et disséqués en son sein structurent
le comportement individuel et la pratique collective de plus
de 200 000 médecins. Pour autant, durant quelques décennies
troublées, la question de la justifi cation, donc de l’existence
même de l’Ordre, a pu se trouver posée. Il semble désormais
incontestable que son ouverture sur la société et sa volonté
d’aborder sans tabou toutes les questions fondamentales qui
s’y posent (contraception, procréation médicalement assistée,
addictions, démographie médicale, etc.) lui confèrent un réel
rôle consultatif et souvent avisé dans les débats sociétaux.
Par ailleurs, il conserve ses fonctions quasi régaliennes de régu-
lation, de surveillance et d’accompagnement de la profession
médicale. Le CNOM se trouvait donc en position privilégiée,
centrale, pour présenter lors d’un de ses récents “Jeudis”
a
, l’état
des lieux d’une procédure complexe mais fondamentale. Cela,
non seulement pour tout praticien, mais aussi pour toute struc-
ture dispensant des soins : l’évaluation des pratiques profes-
sionnelles (EPP). Chemin parcouru de la réfl exion théorique à
la mise en place progressive et irréversible.
DE LA PRATIQUE SPONTANÉE À LA LOI
13 août 2004. Parution de la loi sur la réforme de l’Assurance-
maladie. Elle comportait, entre autres, ce volet d’EPP, à côté d’une
autre loi de santé publique destinée à offi cialiser la formation
médicale continue (FMC). Première notion importante, donc,
cette diff érenciation structurelle entre EPP et FMC, même si la
fi nalité se veut commune : une amélioration des compétences.
15 avril 2005. Publication du décret qui va organiser cette EPP,
sous la férule de la Haute Autorité de santé (HAS), tandis que
la FMC revient au Conseil national de la FMC et à ses conseils
régionaux. Éric Rance, conseiller technique auprès du minis-
tre de la Santé, résume ainsi ce couple indissociable et cette
interactivité : “L’EPP permet ce qu’on peut appeler le ‘contrôle
technique’, au sens noble du terme. Elle débouche sur un bilan
dont découle la teneur d’une formation continue”. Certains feront
à juste titre remarquer que cette obligation d’une mise à jour
régulière du savoir médical et des pratiques fi gure explicitement
dans le code de déontologie (article 11) : “Tout médecin doit
entretenir et perfectionner ses connaissances…” Pour autant,
d’un code professionnel ou corporatiste à une loi de la Républi-
que, il y a sans conteste une force d’application bien supérieure
dans la seconde. Heureusement, il apparaît que, dans l’exercice
quotidien (par réfl exion ? par obligation de résultat ?), nombre
de médecins ont anticipé la loi en s’astreignant à une remise en
cause périodique de leurs pratiques. Alain Coulomb, directeur
de la HAS et responsable au premier chef de cette “évaluation
intégrée à la pratique”, l’a parfaitement souligné : “[…] l’EPP vise
à améliorer l’ensemble des pratiques, en intégrant et en consoli-
dant l’ensemble des dispositifs répondant déjà à cet objectif, car
beaucoup de médecins ne nous ont pas attendus pour les mettre
en place, que ce soit au niveau local ou à celui de la pratique
individuelle…” Xavier Deau, président de la section formation
et compétences médicales du CNOM, confi rme ce point de
vue : “[…] 80 à 90 % des médecins sur le terrain se forment. Ce
qu’on leur demande aujourd’hui, c’est de le faire en conscience
et selon un protocole contrôlé…”
CADRE ET CONTENU DE L’EPP
Aussi peut-on s’interroger, une fois encore, sur les eff ets attendus
d’un enième dispositif législatif, dès lors que, en la matière, la
France n’en semble pas véritablement dépourvue… Ne va-t-on
pas ainsi alimenter un binôme déjà bien vivace : complexité-
confusion ? Alain Coulomb ne néglige pas ce risque en soulignant
que la complexité est croissante et consubstantielle à la profes-
sion médicale. En conséquence, on ne peut que l’accepter mais
en adaptant, donc en évaluant au mieux les outils qui permettent
de la pratiquer et en lui reconnaissant la diversité de ses modes
d’exercice (libéral, hospitalier, généraliste, spécialiste, médecin
scolaire, du travail, etc.). Et de reconnaître – humblement – que
les organismes (en particulier la HAS) chargés de la mise en
place de l’EPP devront, eux aussi, répondre à trois exigences
des médecins : “[…] que cela ne soit pas trop compliqué, que
cela ne leur prenne pas trop de temps – car le temps médical est
précieux – et que ça ne leur coûte pas trop cher !...”
Autre sujet de préoccupation pour les médecins en passe d’être
soumis à l’EPP : que va contenir ce concept de “compétence
médicale” (“leur” compétence) ou, en d’autres termes, que va-
t-on évaluer chez eux, et comment ? Yves Matillon, chargé de
mission d’évaluation des compétences des professionnels de
santé, part d’une défi nition générique, non spécifi que à la santé,
qui dit que la compétence correspond “[…] à la capacité de