Autre sujet de préoccupation pour les médecins en passe d’être
soumis à l’EPP : que va contenir ce concept de “compétence
médicale” (“leur” compétence) ou, en d’autres termes, que va-t-
on évaluer chez eux, et comment ? Yves Matillon, chargé de
mission d’évaluation des compétences des professionnels de
santé, part d’une définition générique, non spécifique à la santé,
qui dit que la compétence correspond “[…] à la capacité de
répondre à une difficulté et d’agir de façon pertinente, dans une
situation donnée, en s’appuyant sur des ressources, un savoir-
faire, mais aussi un savoir-être”. Difficile de ne pas y adhérer.
Mais il reconnaît que, selon le type ou le secteur d’activité médico-
chirurgical, “on ne peut décliner cette notion qu’à travers des
référentiels spécifiques”.
VALIDER LES COMPÉTENCES
Et pour autant, on ne peut se contenter de ces connaissances spé-
cifiques pour mesurer la compétence. “S’y ajoute un ensemble de
capacités générales, notamment en matière de communication
psychosociale avec le patient et sa famille”. Ces “connaissances”
pourraient et devraient être acquises lors de la formation initiale,
puis complétées et améliorées lors de la FMC : on retrouve là l’inter-
activité EPP-FMC. Autre signe de cette intrication, s’il revient à
la HAS de fixer les modalités des EPP pour tous les médecins, le
Conseil national de FMC a un avis consultatif. De même, il fixe
le barème des actions de FMC imposé à tout médecin libéral avec
une périodicité de cinq ans. Les divers types d’actions (enseigne-
ment, recherche clinique, séminaires, EPU, lecture de revues et
consultation de sites internet, etc.) se voient attribuer des points
appelés “crédits” ; il faudra ainsi présenter 250 crédits durant ces
cinq ans, avec l’obligation d’y inclure 100 points pour l’EPP.
Quant aux critères de validation, on conçoit qu’ils ne peuvent
répondre à une standardisation, tant la pratique médicale est elle-
même diversifiée. Fort logiquement, la HAS souhaite fonder
l’EPP sur des référentiels de compétences, en reconnaissant
qu’ils ne sont pas encore légion. Souvent avant-gardiste, la
Fédération nationale des collèges de chirurgie a déjà présenté un
référentiel de compétences qui semble consensuel. D’autres sont
prêts, tel celui d’onco-hématologie.
Donc, les référentiels s’élaborent régulièrement ; la profession, les
médecins habilités, les organismes agréés travaillent. Alain
Coulomb l’affirme : “Aujourd’hui, nous n’examinons pas moins de
50 dossiers issus de sociétés savantes et autres organismes privés
de formation ou de diffusion de la connaissance médicale”.
L’EPP À LA CARTE POUR LES LIBÉRAUX ET LES HOSPITALIERS
Il reste que les modalités d’application et le contenu de l’EPP
présenteront de sensibles différences selon que l’on s’adressera à
la pratique libérale ou hospitalière, voire à un autre mode d’exer-
cice. Aux Unions régionales des médecins libéraux (URML)
revient la charge de la validation des médecins libéraux, éven-
tuellement en partenariat avec la Commission médicale d’éta-
blissement (CME) lorsque ces derniers exercent dans les struc-
tures privées. Même implication de la CME en association avec
la Conférence médicale pour les médecins salariés, alors que,
pour les salariés hors centres de santé, l’EPP s’effectue grâce à
un collège habilité ou à un organisme agréé.
Reste l’EPP du médecin hospitalier. Pierre Fuentes, président de
la conférence des présidents de CME de CHU, s’est fait le porte-
parole des médecins des hôpitaux universitaires, témoignant de
leur perception favorable de la procédure : “J’y vois plusieurs
raisons, et notamment la reconnaissance de la place des CM
dans la validation, ainsi que l’intégration des pratiques d’éva-
luation et de formation déjà existantes”. Cependant, prudence
oblige, s’il souhaite que l’EPP se situe de plain-pied dans une
démarche continue d’amélioration de la qualité des soins, il la
conditionne à une… amélioration de sa qualité.
Dernières interrogations enfin, que l’on pourrait penser teintées de
scepticisme. Vaste programme que cette EPP. Mais, en pratique,
où en-est-on ? Au-delà de ces promesses de foi, à quand les pre-
mières validations ? Difficile d’obtenir une réponse quantifiée. Il
n’en reste pas moins que de “nombreux” médecins ont déjà répon-
du à leur EPP, et que, d’ici la fin du premier semestre 2006, les
Commissions médicales des établissements de santé publics et
privés et les URML auront rempli leur rôle dans les validations.
LES RESPONSABILITÉS DE L’ORDRE
Les mots de la fin reviendront en toute logique à l’instigateur de
cette réunion : le CNOM, et son rôle dans la procédure.
L’habituel parcours centripète du postulant à l’EPP sera une fois
encore respecté : après avis du conseil régional de la FMC, le
dossier est remis au conseil départemental de l’Ordre, qui le
transmettra au CNOM. Ensuite, chaque année, le CNOM
communique à la Caisse nationale d’Assurance-maladie
(CNAM) la liste des médecins qui ont reçu leur évaluation “dans
l’unique but d’informer les usagers de la santé”. On peut conce-
voir que ce dernier point irrite quelque peu les médecins qui peuvent
voir là une nouvelle emprise de la CNAM sur leur exercice. En
fait, ils ont toute garantie, car la CNAM n’a légalement aucune
possibilité d’utiliser ces listes autrement que pour renseigner les
malades s’ils font la demande de validation d’un médecin. Quant
aux éventuelles sanctions que le CNOM serait amené à prendre
en cas de refus d’EPP, il va de soi qu’avant d’en arriver à une pro-
cédure disciplinaire, toutes les solutions de dialogue et de conci-
liation seront épuisées. Jacques Roland, président du CNOM,
tient à ce propos un langage d’ouverture et de conviction : “Nous
ne sommes pas des prêtres et des inquisiteurs de l’évaluation,
mais nous devons être les vecteurs d’un partage des connais-
sances, d’expériences et de pratiques”. ■
La Lettre du Pharmacologue - Volume 20 - n° 2 - avril-mai-juin 2006
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VIE PROFESSIONNELLE