La lettre du Champ de Mars #23
N°23
Octobre2011
USAGES LÉGITIMES
En cette fin d'été prolongé, on est tenté de faire un bilan du Champ de Mars pour ces derniers
mois, car le beau temps est parfois synonyme de surchauffe dans nos allées. Contentons-nous
de septembre, où nous avons nous-mêmes organisé un rallye « patrimoine » le dimanche 18,
avec une centaine de participants curieux de découvrir les secrets d’un parc pourtant si connu.
Mais l'événement majeur fût incontestablement La Parisienne. Voilà une belle course, joyeuse,
athlétique et festive, avec des allures de retrouvailles en famille, où des dizaines de milliers de
sportives (… et sportifs) n'ont pas hésité à braver une matinée maussade sous les
applaudissements des riverains.
Une belle journée donc, mais pourquoi faut-il donc qu'elle s'accompagne pendant plus d'une
semaine – si l'on compte le montage et démontage des installations – d'une occupation et d'un
blocage du plateau Joffre et de ses alentours par un podium, des stands et autres boutiques à
l'abri de hauts grillages qui interdisent toute circulation transversale, et dénaturent totalement
ce grand espace de liberté. Nous pensions naïvement voir le Champ de Mars débarrassé de
toute manifestation à caractère commercial. Et les voici pourtant de retour, au motif de sport,
de détente, ou d’autres travestissements.
Le même « village » d'ailleurs, recyclé au profit de la manifestation suivante, a occupé les
lieux pendant la plus grande partie du mois de septembre ; Il s'agissait cette fois d'un certain «
Diestival », événement aux contours plus flous qui, sous de faux airs de Carnaval de Rio
abondamment ponctué de tam-tams, prétendait défendre des valeurs citoyennes, humanitaires
et multiculturelles. Plus contestable encore dans ce cas, la démarche commerciale et
publicitaire, étalée sur plusieurs jours, était évidente.
Mais pour soutenir les nobles causes nous dit-on, il faut trouver de l'argent. Et quoi de mieux,
nous dit-on encore, pour ne pas augmenter les impôts des citoyens, que de le dériver du
commerce et de la publicité. On mobilise donc ces deux chevaliers blancs, parés de toutes les
vertus au nom de la défense des valeurs, sur un Champ de Mars qui n’en peut mais, car il
attire et fait vendre, semble-t-il, au nom des nobles causes.
Cet exemple nous amène à poser une fois encore, mais de manière plus aiguë, la question de
l' « usage légitime » des temps et des lieux, qui surgit régulièrement en milieu urbain. Ainsi
pour tenter de trouver des solutions dans certains quartiers pollués par le tapage nocturne, la
Mairie de Paris avait défini « le travail, le repos et le divertissement », comme les trois «
usages légitimes » de la nuit ( ?). Il serait bon de définir quels sont les « usages légitimes » du
Champ de Mars, et logiquement de le faire en liaison avec ses usagers, amis et défenseurs
légitimes.
Le Président
Bernard Loing