Chapitre 9 Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis 1918 � MANUEL, PAGES 254-287 ◗ Présentation de la question • La mise en œuvre du nouveau programme soulève deux difficultés principales. Il faut présenter, dans un volume horaire réduit (six heures environ), une synthèse cohérente des nombreux conflits qui ont ensanglanté la région du MoyenOrient au XXe siècle. Il est par ailleurs indispensable d’appréhender l’histoire du conflit israéloarabe de manière équilibrée, en neutralisant les tensions qu’il peut susciter en France, et ce, bien au-delà des communautés juives et musulmanes. Ce n’est pas toujours aisé, car la bibliographie disponible en français est souvent orientée dans un sens plutôt défavorable à Israël. Ce sont pourtant des historiens israéliens qui, en s’appuyant sur les archives de leur pays, ont pu remettre en cause certains mythes fondateurs de l’État d’Israël. Il est d’autant plus difficile d’historiciser le conflit israélo-arabe que le souvenir des drames intervenus dans le passé – la question des réfugiés palestiniens notamment – empêche toujours l’établissement d’une paix durable. Georges Corm a ainsi choisi d’introduire son essai sur Le Proche-Orient éclaté par une réflexion sur les conflits mémoriels : « Se sont cristallisées, pour ce qui est de l’histoire du Proche-Orient, des visions totalement contradictoires, basées sur des mémoires historiques conflictuelles et des revendications inconciliables de patrimoines civilisationnels ». On a par ailleurs assisté, poursuit Georges Corm, à un retour du religieux dans les trois grandes religions monothéistes au cours des vingt-trente dernières années. « Plus qu’ailleurs dans le monde, ce retour du religieux contribue à aggraver les tensions au Proche-Orient, terre de naissance des trois grands monothéismes ; ces derniers, en effet, constituent le soubassement essentiel de la vision prédominante de l’organisation du monde en civilisations susceptibles de s’affronter avec violence ». Le rôle de l’historien est précisément de relativiser la part du fait religieux dans le déclenchement des conflits du Proche-Orient : dans ses origines comme dans son déroulement, le conflit israélo-arabe n’est en © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 rien une guerre de religion moderne. • D’autant que les conflits au Moyen-Orient ne se réduisent pas au seul conflit israélo-arabe. L’intitulé du programme précise bien que l’espace comprend le Proche et le Moyen-Orient, afin de lever toute ambiguïté sur l’aire géographique considérée. En réalité, la distinction entre ces deux expressions n’est pas toujours très claire. On rappelle à ce propos dans le manuel (p. 258) que l’expression « Moyen-Orient » vient de l’anglais « Middle East » : elle est employée pour la première fois en 1902 par l’amiral américain Alfred T. Mahan dans un article sur « le golfe Persique et les relations internationales » publié dans The National Review. Elle désigne selon lui « cette portion de la route de Suez à l’Extrême-Orient qui s’étend entre Aden et Singapour et dont le golfe Persique est un trait saillant » : soit toutes les régions situées sur la « route des Indes », qui commande alors la défense de l’Empire britannique : « Le MoyenOrient, si je puis adopter un terme que je n’ai encore jamais vu, aura besoin quelque jour de son Malte autant que de son Gibraltar… La Marine britannique devrait avoir les moyens de concentrer des forces, si l’occasion s’en présente, autour d’Aden, de l’Inde et du Golfe ». Le Moyen-Orient comprend ainsi l’Égypte, l’Asie arabe, la Perse devenue l’Iran, le Pakistan, et sur ses marges, la corne de l’Afrique (la Somalie) et l’Afghanistan. Au sens strict, le Proche-Orient correspond à ce que l’on appelait autrefois le Levant, à savoir les régions situées sur les rives orientales de la Méditerranée, de la Turquie à l’Égypte. Mais en français, on parle souvent indifféremment du Proche et du Moyen-Orient pour désigner le même espace géographique. • On a ainsi choisi à dessein d’ouvrir le chapitre par deux photographies faisant référence non pas aux guerres israélo-arabes, mais à l’enjeu stratégique majeur que représente le pétrole extrait au Moyen-Orient, et à la menace que les conflits régionaux représentent pour la paix et la sécurité internationales. 137 • • Cinq grands repères permettent ensuite de replacer l’histoire contemporaine du MoyenOrient dans la longue durée : – La prise de Constantinople en 1453 vient rappeler qu’en 1914, les régions du Proche-Orient sont placées depuis le XVe siècle sous l’autorité des Turcs ottomans dont le souverain, le sultan, exerce aussi la dignité religieuse de calife. – Le débarquement de troupes françaises à Beyrouth, en 1860, pour porter secours aux chrétiens d’Orient, évoque le rôle de protectrice que la France a longtemps revendiqué au Levant. – L’inauguration du canal de Suez, en 1869 : il a été construit par le Français Ferdinand de Lesseps, mais d’emblée, la flotte britannique, qui domine les mers, en a été la principale bénéficiaire. Le canal de Suez, et par conséquent l’Égypte, jouent désormais un rôle essentiel dans la défense de la « route des Indes ». – La fondation de Degania, premier kibboutz en Palestine en 1909, où est né le général Moshe Dayan, le héros israélien de la guerre des SixJours : il permet de revenir brièvement sur la naissance du sionisme en Europe au XIXe siècle dans les milieux juifs ashkénazes de Russie. Bien que laïc, le sionisme réactualise l’espérance messianique d’un retour des juifs en Terre promise. Jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les immigrants juifs en Palestine sont donc principalement des Européens, fuyant dès la fin du XIXe siècle les persécutions dont ils sont victimes sur le vieux continent. Ces juifs originaires d’Europe, dont certains sont des socialistes athées, sont totalement étrangers à la société et à la culture arabo-musulmanes qu’ils découvrent en Palestine. Mais il est essentiel de souligner par ailleurs qu’à cette époque, juifs et Arabes cohabitent pacifiquement depuis des siècles au Moyen-Orient (85 000 juifs en Irak et en Palestine en 1917, 60 000 en Égypte, 100 000 en Turquie) et au Maghreb (où la présence juive est attestée bien avant la conquête arabe). Au Maroc, les juifs sont même proportionnellement plus nombreux à parler l’arabe que les musulmans, où beaucoup sont berbérophones (en 1960, 88 % des juifs marocains parlaient l’arabe contre 64 % seulement de musulmans). L’un des aspects du drame qui s’est joué après 1948 est justement d’avoir rompu les liens traditionnels entre les deux communautés, une grande par• 138 tie des juifs sépharades ayant été contraints au départ. – Enfin, l’entrée en guerre de l’Empire ottoman aux côtés de l’Allemagne, en octobre 1914, est l’événement décisif qui bouleverse la situation politique établie depuis des siècles au MoyenOrient. Comme le montre la carte de la région en 1914, les grandes puissances européennes, la France, la Grande-Bretagne, la Russie et l’Italie n’ont cessé, depuis la fin du XVIIIe siècle, date de l’expédition d’Égypte, d’étendre leur influence au détriment de l’Empire ottoman, en accaparant ses territoires, en contrôlant ses finances et de larges pans de son économie, en obtenant des privilèges d’exterritorialité pour leurs ressortissants et leurs protégés. Dans ce contexte, les dirigeants nationalistes jeunes-turcs ont choisi de s’allier à l’Allemagne, qui n’avait pas d’ambitions coloniales dans la région. Ce choix s’est avéré fatal pour l’Empire ottoman par la suite. • Deux double pages cartes (pp. 258-261), ainsi qu’un tableau récapitulatif des principales communautés religieuses du Moyen-Orient (p. 257), donnent un aperçu géopolitique du MoyenOrient actuel. Elles doivent permettre aux élèves de se défaire de quelques idées préconçues et d’acquérir sur la région des notions élémentaires et générales pour la compréhension des conflits. Carrefour de civilisations, selon l’expression consacrée, le Moyen-Orient abrite les lieux saints des trois grandes religions monothéistes. Mais, comme l’illustre le tableau de la page 257, aucune de ces trois grandes religions ne forme chacune un ensemble homogène. Les communautés ashkénazes et sépharades n’ont pas les mêmes héritages historiques et culturels et, du reste, l’intégration des communautés sépharades dans le nouvel État d’Israël, longtemps dominé par les élites politiques ashkénazes, ne s’est pas faite sans difficulté. Les juifs orthodoxes ont, quant à eux, longtemps dénoncé le sionisme comme une idéologie athée. Chrétiens latins et orthodoxes se sont longtemps affrontés pour la garde des lieux saints, conflits intercommunautaires qui, instrumentalisés par la France et la Russie furent, par exemple, à l’origine de la guerre de Crimée (1853-1855). Les musulmans sont également très divisés : le principal clivage est bien sûr celui qui oppose les sunnites et les chiites, clivage qui a pris une dimension poli© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 tique surtout depuis la révolution iranienne de 1979. Jusque là en effet, les chiites, qui ne sont majoritaires qu’en Iran, demandaient surtout à voir leurs droits de minorité religieuse reconnus. Depuis 1979, l’Iran s’est appuyé sur les communautés chiites pour accroître son influence dans la région, d’autant que les lieux saints du chiisme sont principalement situés en Irak, avec lequel l’Iran a un lourd contentieux frontalier. Mais par ailleurs, l’islam wahhabite, prôné par la dynastie des Saoud en Arabie, a longtemps été perçu comme hérétique par les autres musulmans sunnites. • On a également trop souvent tendance à confondre le Moyen-Orient avec le monde arabomusulman. Indépendamment même du cas particulier d’Israël, il convient de rappeler que la région a été dominée par les Turcs et que l’Iran, autre grande puissance régionale, est de peuplement persan. À partir de la fin du XIXe siècle, le nationalisme arabe s’est d’abord affirmé contre les Turcs. Aujourd’hui encore, l’Iran représente une menace tout aussi redoutable pour les monarchies pétrolières arabes du golfe Persique que pour Israël, d’où le soutien qu’elles ont apporté à l’Irak dans sa longue guerre contre le régime islamique de Téhéran. Il n’est pas inutile de rappeler enfin que tous les Arabes ne sont pas musulmans, notamment au Liban ou en Palestine, même si l’islam est pratiqué par 95 % des habitants de la région. Les précurseurs du nationalisme arabe furent aussi parfois des chrétiens, comme Michel Aflak, l’un des fondateurs du parti Baas. • Le Moyen-Orient présente ainsi l’aspect d’une mosaïque de peuples et de communautés religieuses. L’une des causes principales de la conflictualité dans la région provient de la non correspondance entre le tracé des frontières nationales et celui des frontières ethniques ou religieuses. Deux cas de figure peuvent se présenter : 1. Les États voient leur unité minée ou fragilisée par la coexistence de plusieurs minorités ethniques ou religieuses, le meilleur exemple étant celui du Liban ou de l’Irak, longtemps dominé par la minorité arabe sunnite et comprenant de fortes communautés chiites et kurdes. C’est aussi le cas d’Israël dans ses frontières d’avant 1967, puisque les Arabes qui sont restés en Israël après 1948 sont des citoyens israéliens. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 2. Réciproquement, certains peuples se sont retrouvés divisés par la création de plusieurs États après la dislocation de l’Empire ottoman : c’est avant tout le cas de la nation arabe. Les Kurdes, présents en Irak, en Iran et en Turquie, ont demandé à disposer d’un État dès le lendemain de la Première Guerre mondiale. C’est enfin le cas des Palestiniens, présents en Jordanie (la majorité de la population jordanienne se compose de Palestiniens, réfugiés ou non), au Liban, en Israël dans ses frontières de 1948, dans les territoires de l’Autorité palestinienne aujourd’hui évacués en tout ou en partie par Israël, ou bien encore dans les États arabes de la région du golfe Persique. • Le nationalisme palestinien ne s’est toutefois que tardivement émancipé de la cause du nationalisme arabe en général. La Palestine, province ottomane jusqu’en 1918, n’a jamais formé un État ; le mot désigne depuis l’Antiquité une entité géographique (le pays des Philistins : les Romains ont ainsi renommé la province romaine de Judée après l’une des révoltes juives qu’ils avaient réprimées). Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les Arabes palestiniens ont d’abord revendiqué leur indépendance par rapport à la Grande-Bretagne dans le cadre d’un État arabe qui devait aussi comprendre la Syrie et/ou la Transjordanie. C’est surtout après la guerre des Six-Jours que s’affirme un mouvement national palestinien indépendant, personnifié par Yasser Arafat, dont le mouvement (le Fatah) prend alors le contrôle de l’OLP. Mais là encore, rien n’est simple, car le combat engagé par l’OLP contre l’État d’Israël se double de profondes rivalités avec les autres États arabes de la région : l’expulsion des bases de l’OLP de Jordanie en 1970 (« septembre noir ») aurait fait près de 10 000 morts de source palestinienne (3 500 selon les Jordaniens), soit plus de victimes que les deux Intifadas réunies. • Le deuxième grand facteur d’instabilité dans la région tient à l’inégale répartition des richesses en eau et en hydrocarbures, que l’on peut étudier à partir de deux cartes sur l’or noir et l’or bleu (pages 260-261). La gestion des ressources hydrauliques est à l’origine de fortes tensions entre la Turquie, l’Irak et la Syrie à propos du débit du Tigre et de l’Euphrate, et entre les États riverains du Jourdain (les rivalités entre 139 • l’Égypte et le Soudan sur les eaux du Nil sont aux marges du programme). Le pétrole a fait la richesse des monarchies de la péninsule arabique (85 % du pétrole extrait au Moyen-Orient vient de la région du golfe Persique, 65 % pour la seule Arabie Saoudite) : peu peuplées, elles ont fait appel à une immigration massive et elles dépendent, comme l’a montré la première guerre du Golfe, de la protection des puissances occidentales qui sont leurs principales clientes. En revanche, l’Égypte, qui regroupe à elle seule le tiers de la population arabe du Moyen-Orient, a été bien moins nantie de ce point de vue. • Enfin, l’ingérence des grandes puissances constitue un dernier facteur d’instabilité politique dans la région : depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale surtout, les conflits du MoyenOrient peuvent en effet avoir des conséquences économiques ou politiques dans le monde entier (cours du pétrole, exportation du terrorisme, prolifération nucléaire) ; ils présentent donc un risque d’internationalisation bien plus élevé que dans les autres parties du monde. Dès le début du XXe siècle, le pétrole représente un intérêt stratégique important pour la marine de guerre britannique, avant qu’il ne devienne vital, dans les années 1950, pour l’approvisionnement énergétique des pays occidentaux. Le MoyenOrient concentre plus de la moitié des réserves mondiales de pétrole connues, plus du tiers des réserves mondiales de gaz et le tiers des réserves mondiales de phosphates. • Tout au long du XXe siècle, les grandes puissances extérieures à la région n’ont cessé d’y renforcer leur présence, parfois en instrumentalisant des conflits locaux afin d’y ménager leurs intérêts. La France et la Grande-Bretagne ont tracé des frontières qui sont restées longtemps contestées (au Liban par la Syrie, au Koweït par l’Irak par exemple). La crise de Suez, en 1956, a permis aux Américains et aux Soviétiques d’évincer définitivement les vieilles puissances européennes de la région. En 1973, la guerre du Kippour a menacé de dégénérer en affrontement généralisé impliquant l’URSS et les États-Unis, soutiens respectifs des pays arabes et d’Israël. Toutefois, les conflits du Moyen-Orient ne relèvent pas simplement d’une logique de guerre froide. On a trop souvent tendance à présenter rétrospectivement l’État d’Israël comme un • 140 pilier de l’impérialisme américain au MoyenOrient. Or, depuis 1945, les États-Unis se sont avant tout appuyés sur l’Arabie saoudite et sur l’Iran (jusqu’en 1979) pour étendre et préserver leurs intérêts dans la région. En 1948, la création de l’État d’Israël apparaît comme une défaite de l’impérialisme britannique. Elle a donc été reconnue également par l’URSS ; ce sont les livraisons d’armes de la Tchécoslovaquie, un satellite soviétique, qui ont permis à Israël de sortir vainqueur de la première guerre israéloarabe de 1948-1949. Le principal allié militaire d’Israël a ensuite été la France, lorsqu’elle affronte elle aussi le nationalisme arabe au Maghreb, et ce jusqu’en 1967, lorsque le général de Gaulle condamne l’attaque préventive israélienne et engage une politique de rapprochement en direction du monde arabe. Si les États-Unis deviennent par la suite les principaux soutiens d’Israël et perdent celui de l’Iran, ils conservent des relations privilégiées avec les États arabes modérés, y compris l’Égypte. C’est pourquoi ils sont aussi les seuls à pouvoir jouer un rôle efficace d’arbitrage dans les négociations de paix. L’URSS n’a donc jamais été en mesure d’égaler l’influence des États-Unis au Moyen-Orient, où ces derniers ont déployé un dispositif militaire impressionnant (voir carte p. 259). L’éviction de l’URSS et la fin de la guerre froide n’ont d’ailleurs pas permis de faire régresser la conflictualité régionale : bien au contraire, de nouvelles menaces sont apparues dans la période récente. ◗ Plan du chapitre • Le temps imparti pour traiter le programme impose de se démarquer d’un récit chronologique détaillé. Mais un plan rigoureusement thématique contraindrait à survoler l’ensemble du siècle à plusieurs reprises et à multiplier les allusions factuelles décontextualisées. On a donc opté pour une périodisation permettant de replacer les grands conflits du Moyen-Orient dans le contexte historique qui leur donne sens. L’étude du conflit israélo-arabe nous a paru justifier des analyses plus approfondies : elle fait l’objet de pages de cours distinctes pour chacune des périodes considérées. Cinq études sont insérées dans le chapitre et permettent d’aborder des thèmes essentiels : le pétrole, les rapports entre islam et politique, le problème palestinien, les enjeux et les blocages © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 du processus de paix, le conflit libanais (et ce, en raison des liens historiques et culturels privilégiés que la France entretient avec le Liban). • On peut aisément distinguer trois phases dans l’évolution des conflits au Moyen-Orient. La chronologie retenue pour le nouveau programme permet désormais de bien montrer que ces conflits trouvent en grande partie leur origine dans le règlement – ou l’absence de règlement – de la Première Guerre mondiale, et non de la Seconde. La Première Guerre mondiale provoque la dislocation de l’Empire ottoman dont les Français et les Britanniques se partagent les dépouilles sous formes de mandats. Mais dès cette époque, les vieilles puissances coloniales européennes sont confrontées à l’essor des nationalismes, turc, arabe et sioniste principalement. • De 1949 à la fin des années 1970, c’est bien le conflit israélo-arabe qui constitue un risque de déstabilisation majeur, à une époque où les approvisionnements en pétrole du Moyen-Orient sont devenus vitaux pour les pays occidentaux. La période est également marquée, après la crise de Suez, par l’éviction des anciennes puissances européennes et l’implication croissante de l’URSS et surtout des États-Unis, qui s’imposent comme les principaux médiateurs dans les conflits du Proche-Orient. • Depuis la fin des années 1970, l’islamisme a pris le relais du nationalisme arabe dans l’opposition aux puissances occidentales et à Israël. Au Liban comme dans les Territoires palestiniens, certains conflits se sont « islamisés » avec l’essor de mouvements islamistes radicaux. De nouvelles conflictualités sont apparues depuis la fin de la guerre froide. En dépit des accords négociés à Oslo, le processus de paix au ProcheOrient reste toujours dans l’impasse. Or, si le conflit israélo-palestinien est loin d’être le seul conflit menaçant les équilibres politiques dans la région, aucune paix durable ne peut être envisagée au Moyen-Orient sans un règlement de ce conflit. À la fin du chapitre, une étude s’efforce de présenter de manière équilibrée le point de vue des diverses parties prenantes dans le processus de paix. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 ◗ Bibliographie Atlas J.-P. Chagnollaud, S.-A. Souiah, P. Blanc, Atlas des Palestiniens : un peuple en quête d’un État, Autrement, 2011. F. Encel, A. Nicolas, Atlas géopolitique d’Israël : les défis d’une démocratie en guerre, Autrement, 2012. M. Guidère, L. Franjié, C. Levasseur, Atlas des pays arabes : des révolutions à la démocratie ?, Autrement, 2012. T. Josseran, F. Louis, F. Pichon, Géopolitique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord du Maroc à l’Iran, PUF, 2012. Y. Lacoste, Géopolitique : la longue histoire d’aujourd’hui, Larousse, 2009 (rééd.). A. Sellier, J. Sellier, A. Le Fur, Atlas des peuples d’Orient : Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale, La Découverte, 2004. P. Vallaud, X. Baron, Atlas géostratégique du Proche et du Moyen-Orient, Perrin, 2010. Ouvrages généraux V. Cloarec, H. Laurens, Le Moyen-Orient au XXe siècle, Armand Colin, coll. U, 2003. G. Corm, Histoire du Moyen-Orient : de l’Antiquité à nos jours, La Découverte, 2007. A. Defay, Géopolitique du Proche-Orient, PUF, coll. Que sais-je ?, 2011 (rééd.). A. Dieckhoff, Le Conflit israélo-arabe, Armand Colin, 2011. A. Gresh, D. Vidal, Les 100 clés du ProcheOrient, Pluriel, 2011. Ouvrages complémentaires G. Corm, Le Proche-Orient éclaté 1956-2010, Gallimard, coll. Folio Histoire, 2010. A.-L. Dupont, C. Mayeur-Jaouen, C. Verdeil, Le Moyen-Orient par les textes : XIXe-XXIe siècles, Armand Colin, coll. U, 2011. F. Encel, « Jérusalem : capitale frontière », dans B. Giblin, Les Conflits dans le monde, Armand Colin, 2011. G. Kepel, Jihad, Gallimard, coll. Folio Actuel, 2003. H. Laurens, L’Orient arabe : arabisme et islamisme de 1798 à 1945, Armand Colin, coll. U, 2002 (rééd.). H. Laurens, Paix et guerre au Moyen-Orient : l’Orient arabe et le monde de 1945 à nos jours, Armand Colin, 2005 (rééd.). 141 • B. Morris, Victimes : histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Éditions Complexe, 2003. Périodiques • La revue Questions internationales (La Documentation française) a publié plusieurs numéros sur le programme : « Moyen-Orient : zone de conflits » (n° 1, épuisé), « Le pétrole : ordre ou désordre mondial » (n° 2, épuisé), « Guerre et paix en Irak » (n° 16), « Islam, islams », (n° 21), « L’Iran » (n° 25), « Israël » (n° 28). • Plusieurs hors-série ou numéros spéciaux de la revue L’Histoire : « L’islam et le Coran. Un livre, une religion, des empires » (Collections de l’Histoire n° 30, voir notamment O. Roy, « Les trois âges de la révolution islamiste »), « Israël-Palestine » (Collections de l’Histoire, n° 39), « De la Perse à l’Iran. Géopolitique d’une puissance régionale » (Collections de l’Histoire n° 42), « Méditerranée. Guerre et paix depuis 5 000 ans » (Collections de l’Histoire, n° 47), « D’où viennent les révolutions arabes ? 150 ans de combats politiques » (Collections de l’Histoire n° 52), « Juifs et Arabes, Mille ans de cohabitation, cent ans d’affrontement » (n° 243), « Les guerres du pétrole » (n° 279), « Les origines de la guerre d’Irak » (n° 308), « Les chrétiens d’Orient » (n° 337). • L’actualité du Moyen-Orient est régulièrement couverte par la revue Moyen-Orient (voir par exemple « Bilan géostratégique. Le monde arabe en transition », n° 11, juillet-septembre 2011). Filmographie Otto Preminger, Exodus, 1960. David Lean, Lawrence d’Arabie, 1962. Eran Kolirin, La Visite de la fanfare, 2007. Eran Riklis, Les Citronniers, 2008. Commentaire des documents et réponses aux questions 1. Une région dominée par les grandes puissances (1914-1945) � MANUEL PAGES 262-263 Doc. 1. Le Moyen-Orient de 1918 à 1945 • Question. La Première Guerre mondiale entraîne la dislocation de l’Empire ottoman, qui s’était engagé aux côtés des pays de l’Entente en 1914. Le traité le concernant est signé dans le salon de la manufacture de Sèvres, le 10 août 1920. L’Empire ottoman n’y est plus désigné que sous le nom de Turquie, ce qui montre bien que le traité constitue d’abord l’acte de dissolution de l’Empire ottoman. Il entérine par ailleurs ses pertes territoriales en Europe et en Asie. La Turquie déclare renoncer à tous ses droits sur • 142 l’Égypte, la Libye et le Hedjaz, elle reconnaît également l’annexion de Chypre par la GrandeBretagne. Les Détroits doivent rester ouverts à tous les bâtiments, de commerce ou de guerre, et ce, en temps de guerre comme en temps de paix. Le traité officialise le partage, entre la France et la Grande-Bretagne, des territoires arabes de l’ex-Empire en mandats de la SDN. La GrandeBretagne reçoit la Mésopotamie et la Palestine, la France la Syrie, dont elle détache ensuite le Liban. Le traité de Sèvres provoque l’indignation en Turquie, en raison principalement des concessions faites aux Grecs. La guerre a en effet provoqué une radicalisation du nationalisme turc, dont le génocide des Arméniens de 1915 est la © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 conséquence. Ce nationalisme turc est incarné par Mustafa Kemal, qui obtient une révision du traité de Sèvres à Lausanne en 1923 : outre le règlement du conflit gréco-turque, il prévoit la restitution à la Turquie de la région d’Alexandrette (revendiquée ensuite par la Syrie et qui ne reviendra à la Turquie qu’en 1939). Les Turcs continuent également de revendiquer la région de Mossoul, à la frontière avec le futur État irakien (c’est par le traité d’Ankara, en 1926, que la Turquie accepte de reconnaître la souveraineté irakienne sur le vilayet de Mossoul). La zone des Détroits est démilitarisée, mais non neutralisée. Les Détroits sont libres de passage par mer et par les airs, une zone de 15 à 20 km de large est démilitarisée de part et d’autre du Bosphore, de la mer de Marmara et des Dardanelles. Le traité prévoit une clause de limitation du passage des navires de guerre : l’application de cette clause sera contrôlée par une commission internationale émanant de la SDN. Mustafa Kemal fait de la Turquie un État laïque inspiré du modèle de l’État-nation occidental. Il abolit le sultanat et surtout le califat, la plus haute dignité religieuse dans le monde musulman. Symboliquement, il installe sa capitale à Ankara, au cœur de l’Anatolie, aux dépens de Constantinople qui devient officiellement Istanbul. Après 1925, le régime kemalien est imité par Reza Khan en Perse, pays qui devient l’Iran en 1935. La Première Guerre mondiale voit également l’affirmation des deux nationalismes, juif et arabe. La Grande-Bretagne cherche à prendre appui sur les dirigeants arabes modérés, en particulier sur les deux fils du souverain hachémite du Hedjaz, Hussein : Fayçal, chassé de Syrie par la France, devient roi d’Irak (1920-1933), Abdallah prend le titre d’émir puis de roi de Transjordanie (1921-1949 ; il devient roi de Jordanie en 1949 jusqu’à son assassinat par un Palestinien, en 1951). La Grande-Bretagne accorde également une indépendance formelle à l’Irak dès 1932, premier État arabe à entrer à la SDN, puis à l’Égypte en 1936. Par la déclaration Balfour, la Grande-Bretagne a également promis au mouvement sioniste l’établissement d’un foyer national juif en Palestine. L’augmentation de l’immigration juive en Palestine provoque des affrontements de plus en plus violents au lendemain de la guerre. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 Enfin, la Première Guerre mondiale révèle pour la première fois l’importance stratégique des puits de pétrole du Moyen-Orient pour ravitailler la marine de guerre et ces nouveaux engins de combat baptisés précisément du nom de « réservoirs » (tanks) (rappelons que dès lors, en effet, les plus grandes batailles terrestres du XXe siècle sont des batailles de chars). Doc. 2. L’essor du nationalisme arabe • Questions 1 et 2. En janvier 1919, Fayçal dirige l’une des trois délégations arabes envoyées à Paris dans le cadre de la conférence de la paix (à côté d’une délégation syrienne et d’une délégation libanaise). Il est le fils d’Hussein, émir du Hedjaz, qui, avec l’appui des Britanniques, a soulevé les tribus arabes contre l’Empire ottoman pendant la guerre. Fayçal est conseillé par le célèbre colonel Lawrence (« Lawrence d’Arabie »). En échange de leur participation à la guerre contre les Turcs, les dirigeants nationalistes arabes attendent des alliés la création d’un État arabe indépendant. Pour Fayçal, cet État arabe comprendrait un vaste ensemble englobant la Syrie, le Liban, la Palestine, l’Irak actuels, ainsi que la péninsule arabique, soit l’ensemble du monde arabe du Moyen-Orient moins l’Égypte, car celle-ci formait déjà une entité à part à l’époque ottomane. Il est révélateur que Fayçal fonde l’unité de la nation arabe sur la possession d’une langue et d’une culture communes, et non sur la religion islamique : les premiers nationalistes arabes furent aussi des chrétiens, comme Michel Aflak, fondateur du parti Baas. Fayçal appuie cette revendication sur le refus pluriséculaire des Arabes de se faire « absorber » par les Turcs : en réalité, l’Empire ottoman n’a jamais eu un tel projet d’assimilation (durant l’expédition d’Égypte de 1798, par exemple, le discours de propagande de Bonaparte à destination des Arabes n’avait guère été entendu). C’est surtout depuis la fin du XIXe siècle que s’est affirmé un nationalisme arabe ouvertement dirigé contre l’Empire ottoman, à un moment où l’ottomanisme, à savoir une politique globalement respectueuse des minorités de l’Empire, tend à céder la place à un nationalisme turc. Fayçal évoque également les « principes généraux » énoncés par les États-Unis, et acceptés par les « Alliés », à savoir les Français et les Britanniques (rappelons que les États-Unis ne 143 • sont pas alliés, mais « associés » à ces derniers durant la guerre) : allusion transparente aux 14 points du président Wilson (voir doc. 1 p. 195 du manuel) et au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Fayçal revendique enfin pour son père la direction de ce nouvel État : outre l’appui militaire qu’il a apporté aux Britanniques, ce qui leur a permis de s’emparer de Jérusalem et de Damas, il invoque en sa faveur le prestige de la famille des Hachémites et sa qualité de chérif de La Mecque : les Hachémites sont en effet issus d’une dynastie prestigieuse descendant en droite ligne du prophète. Depuis le Xe siècle jusqu’en 1924, les chérifs de La Mecque, qui ont la garde des lieux saints de l’islam, sont des Hachémites. Ces revendications arabes n’ont que très partiellement abouti. Plusieurs États arabes se sont créés dans l’entre-deux-guerres, consacrant la division politique de la nation arabe jusqu’à nos jours. Deux souverains hachémites, les deux fils d’Hussein, ont été portés au pouvoir, grâce à l’appui britannique, en Transjordanie et en Irak. Mais les Britanniques n’ont jamais eu l’intention d’inclure la Palestine dans un État arabe indépendant, estimant que cette région était indispensable à la défense de l’Égypte et du canal de Suez. Par ailleurs, les Français ont cherché à maintenir une tutelle sur leur mandat syrien : dès 1920, ils expulsent Fayçal de Syrie et créent une entité libanaise, distincte du reste de la Syrie. Les Arabes sont restés eux-mêmes très divisés : ni les dirigeants nationalistes syriens, ni l’émir wahhabite Ibn Saoud ne sont prêts à reconnaître l’hégémonie des Hachémites sur la nation arabe. En 1924, Ibn Saoud s’empare de La Mecque et du Hedjaz et en chasse le roi Hussein. Ajoutons que la région d’Alexandrette (le « sandjak ») fut annexée par les Turcs en 1939 : c’est alors un petit territoire de 5 000 km2, mais qui a une grande importance stratégique puisqu’Alexandrette est l’unique port d’Alep et forme un nœud ferroviaire vers l’Anatolie, Badgad, la Palestine et Médine. Y vivent un peu plus de 200 000 habitants, dont 39 % de turcophones, une majorité d’arabophones et d’importantes communautés arménienne, kurde et juive. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’unité politique du monde arabe était donc encore largement à faire. • 144 Doc. 3. Le canal de Suez dans la Seconde Guerre mondiale • Question. Depuis le XIXe siècle, le canal de Suez représente un enjeu stratégique majeur pour la suprématie britannique en Méditerranée et le contrôle de la route des Indes. En mars 1941, la Grande-Bretagne reste seule en guerre face aux forces de l’Axe. L’invasion de la Grèce et l’opération aéroportée de l’Allemagne en Crète menacent la zone du canal de Suez et les approvisionnements en pétrole du golfe Persique. À cette époque, les Britanniques parviennent à déloger les troupes de Vichy du Liban et de Syrie, avec l’appui d’un contingent de la France libre commandé par le général Catroux. Mais le rappel de ces événements offre au général de Gaulle l’occasion d’insister plus globalement sur l’importance du canal de Suez pendant la guerre : il fait en effet allusion rétrospectivement aux conséquences de l’invasion de l’URSS par l’Allemagne en juin 1941. Comme le souligne le général de Gaulle, le canal de Suez est doublement menacé : en Égypte même, par l’envoi de l’Afrika Korps du maréchal Rommel, épaulé par les troupes italiennes, en Cyrénaïque, mais aussi en Asie Mineure, car la percée allemande en territoire soviétique fait craindre une invasion du Moyen-Orient par le Caucase. L’Iran est alors occupé conjointement par la GrandeBretagne et l’URSS jusqu’à la fin de la guerre. Dès juin 1941, alors que les États-Unis ne sont toujours pas entrés en guerre, des troupes américaines aident les Britanniques à sécuriser la région. Le général de Gaulle rappelle également que la possession du canal de Suez commande la reconquête de toute l’Afrique du Nord et de la Méditerranée (Italie et sud de la France). C’est en effet au lendemain de la victoire du général Montgomery sur les troupes italo-allemandes à El-Alamein, en novembre 1942, que les Alliés débarquent en Afrique du Nord (opération Torch). C’est en juillet 1939 que la Grande-Bretagne forme le « théâtre d’opérations Moyen-Orient », intégrant l’Égypte, le Soudan, la Palestine, la Transjordanie et Chypre, zone de commandement militaire étendue par la suite aux pays du Golfe, à la Libye, à la corne de l’Afrique et aux Balkans. André Laurens relève que l’expression « Moyen-Orient » fait alors tomber en désuétude © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 l’expression « Proche-Orient » dans les communiqués militaires des forces britanniques. 2. Juifs et Arabes en Palestine (1917-1948) � MANUEL PAGES 264-265 Doc. 1. La création de l’État d’Israël • Question. En 1947, la Grande-Bretagne, qui détient encore le mandat sur la Palestine, s’en remet à l’ONU pour tenter de trouver une issue négociée aux affrontements de plus en plus violents entre juifs et Arabes. Depuis la fin du XIXe siècle, le mouvement sioniste veut créer un « État des juifs » en Palestine, titre de l’ouvrage publié par Theodor Hertzl en 1896. En 1917, par la déclaration Balfour, la Grande-Bretagne se déclare favorable à la formation d’un « foyer national » juif en Palestine. Après 1945, la tragédie de la Shoah renforce plus que jamais la revendication sioniste d’un État refuge pour les juifs du monde entier. Les Arabes palestiniens revendiquent quant à eux le départ des Britanniques et la formation d’un État arabe indépendant, au sein duquel les juifs ne disposeraient que d’un statut de minorité. Les Britanniques ont échoué à mettre en place un État binational au sein duquel puissent coexister pacifiquement les deux communautés. Ils sont incapables de maintenir la paix civile et essuient des attentats terroristes perpétrés par des groupes juifs extrémistes, l’Irgoun et le groupe Stern (attentat contre l’hôtel King David de Jérusalem en 1946, quartier général de l’armée britannique). Ils s’en remettent à l’ONU, qui décide la création en avril 1947 d’une commission d’enquête, l’UNSCOP (United Nations Special Committee on Palestine). L’affaire de l’Exodus conduit l’UNSCOP à se prononcer unanimement sur la fin du mandat britannique en Palestine. 8 membres sur 11 proposent le partage de la Palestine en deux États, un arabe et un juif, plus une tutelle internationale pour Jérusalem et Bethléem. Les deux États formeraient une union économique. La Grande-Bretagne assurerait la transition pendant 2 ans et 150 000 juifs seraient autorisés à immigrer. Entre-temps, la GrandeBretagne annonce le retrait de toutes ses troupes en Palestine au plus tard pour le 1er août 1948. Après d’ultimes tractations territoriales (les juifs © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 devaient recevoir le Néguev, tandis que Jaffa deviendrait une enclave arabe), l’ONU établit un plan de partage : l’État juif occuperait 55 % de la superficie du territoire palestinien (mais désertique dans toute sa partie méridionale), avec une population de 500 000 Juifs et 400 000 Arabes. Pour être adopté, le plan doit recevoir l’approbation des deux tiers des membres de l’ONU. Les États-Unis font pression sur les petits États pour qu’il soit voté (la Grèce notamment, qui se voit menacée de perdre les subventions américaines). La résolution n° 181 est finalement adoptée par 33 pays, à trois voix près donc, 13 contre (les États arabes et musulmans) et 10 abstentions (la Grande-Bretagne notamment). L’URSS et ses satellites votent pour. Les Arabes ont protesté qu’on leur fasse ainsi payer le prix d’un génocide dont ils n’étaient pas responsables et annoncent que le partage conduit à la guerre. Dès septembre 1947, la Ligue arabe décide la mise sur pied d’une armée de Libération arabe. Dès 1947, la Haganah se prépare également à la guerre et devient, en 1948, Tsahal, l’acronyme hébreu de Forces de défense d’Israël. Le jour du retrait des troupes britanniques de Palestine, Ben Gourion proclame la naissance de l’État d’Israël, immédiatement reconnu à la fois par les États-Unis et par l’URSS. Le nouvel État est immédiatement attaqué par une coalition d’États arabes (la Syrie, la Transjordanie, l’Égypte, le Liban et l’Irak, plus quelques contingents envoyés par le Yémen et l’Arabie saoudite). Contre toute attente, Israël parvient à l’emporter en mars 1949, non grâce au soutien des États-Unis (qui ont décrété l’embargo sur les ventes d’armes à destination des belligérants), mais grâce à la livraison d’armes par la Tchécoslovaquie, un satellite soviétique. Les armées arabes ont également manqué de cohésion face à des soldats israéliens mieux entraînés et fortement motivés. Israël a agrandi le territoire qui lui était initialement attribué par le plan de partage, territoire d’où plusieurs centaines de milliers d’Arabes palestiniens ont été expulsés. Mais la Transjordanie s’est également emparé de la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), qui est annexée (la Transjordanie devient alors la Jordanie). L’Égypte occupe la bande de Gaza où se sont établis de nombreux camps de réfugiés palestiniens. 145 • La fin des hostilités ne met pas un terme à l’état de belligérance entre juifs et Arabes : seuls des armistices sont signés à Rhodes, non des traités de paix, à la suite de négociations bilatérales entre Israël et ses différents adversaires, sous l’égide de l’ONU. Ainsi, l’Égypte ne reconnaît pas les annexions israéliennes et ferme l’accès d’Israël à la mer Rouge (le détroit de Tiran). L’Irak a même refusé de signer un armistice. Les frontières d’Israël sont donc des frontières de fait, qui n’ont pas été reconnues par les États arabes du Moyen-Orient. Doc. 2. La révolte des Arabes de Palestine contre le mandat britannique • Question. La révolte des Arabes palestiniens de 1936 a principalement un motif : le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne leur a pas été appliqué au lendemain de la Première Guerre mondiale. En vertu de ce principe, ils exigent de la puissance mandataire, la GrandeBretagne, le droit à disposer d’un État, selon le même processus appliqué par les Britanniques en Irak et par les Français en Syrie et au Liban. En effet, le statut de mandat implique que les puissances qui en ont été chargées par la SDN créent les conditions pour amener les peuples concernés à prendre en main leurs propres affaires dans le cadre d’un État indépendant. Pour les Arabes palestiniens, il ne peut y avoir qu’un seul État en Palestine, le leur : ils exigent donc de la Grande-Bretagne qu’elle revienne sur les engagements de la déclaration Balfour et qu’elle renonce à installer un foyer national juif, perçu comme une menace pour l’identité arabe de la Palestine. Le Haut Comité arabe prend soin toutefois de préciser que le nouvel État arabe de Palestine disposerait d’une représentation de « toutes les composantes nationales » : les juifs disposeraient donc d’une représentation minoritaire. C’est pourquoi le Haut Comité arabe exige également l’arrêt de l’immigration juive et des ventes de terres aux juifs. Le terme de « transfert » ne doit pas prêter à confusion : les terres ont été achetées à leurs propriétaires arabes, d’où une hausse du prix de la terre de 5 000 % en Palestine entre 1910 et 1944 ! Le conflit arabosioniste a ici également des causes économiques et sociales. L’étendue des terres possédées par les juifs a doublé dans les années 1920 ; en 1945, elle ne représente toutefois qu’un peu plus de • 146 6 % de la superficie totale de la Palestine. Selon Benny Morris, « c’est probablement un sentiment de culpabilité qui amena au moins certains dirigeants arabes à se lancer dans des diatribes à l’encontre du sionisme ». On peut relever qu’à aucun moment dans le texte n’interfèrent des arguments religieux, la référence à l’islam notamment. La grande révolte arabe de 1936-1939 fut un échec sanglant pour les dirigeants nationalistes palestiniens. En 1939, le Livre blanc présenté par les Britanniques leur donne pourtant en partie satisfaction : il prévoit une nouvelle réduction de l’immigration juive à 75 000 personnes sur cinq ans et une limitation des achats de terres par les juifs. Il invalide par ailleurs les propositions de la Commission Peel, réunie en 1937, qui avait envisagé pour la première fois un partage de la Palestine en deux entités, juive et arabe. Le Livre blanc de 1939 en revient à la solution d’un État unitaire, qui accéderait à l’indépendance au terme d’une période de transition durant laquelle les Britanniques créeraient les conditions d’une participation des deux communautés à la direction du pays. Doc. 3. La déclaration Balfour • Question. La déclaration de Lord Balfour, ministre des Affaires étrangères de la GrandeBretagne, est adressée à Lord Rothschild, grand banquier anglais, qui est alors l’un des dirigeants du mouvement sioniste. En 1917, la Palestine reste, avec la Mésopotamie, l’un des derniers points vulnérables sur la « route des Indes ». Le général Allenby est chargé de s’emparer de la Palestine et de Jérusalem, prise le 9 décembre 1917. L’année précédente, les accords SykesPicot ont prévu un partage de la Palestine en deux zones d’influence, britannique et française. Dès 1914, Balfour avait noué des contacts avec Chaïm Weizmann, dirigeant sioniste et par ailleurs chimiste réputé (il est l’inventeur d’un nouveau procédé de fabrication d’explosifs ; il deviendra le premier président de l’État hébreu, en 1948). En 1917, il déclare officiellement envisager favorablement l’établissement d’un « foyer national » juif en Palestine. Il n’est pas encore question d’un État, mais le terme de « foyer » (home en anglais) reprenait une revendication émise avant la guerre par le mouvement sioniste. Surtout, les sionistes obtiennent par ce © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 document ce que Theodor Herzl avait toujours recherché avant la guerre : la reconnaissance officielle du mouvement sioniste par les grandes puissances de l’époque. Herzl estimait en effet que ce soutien international était un préalable indispensable à la formation d’un « État des juifs » dans le futur. Certes, les Britanniques prennent soin de préciser que la création de ce foyer national ne doit pas porter préjudice aux droits civils et religieux des collectivités non juives en Palestine : mais les Arabes ne sont pas explicitement nommés. On peut se demander pourquoi les Britanniques prennent un tel engagement envers les sionistes, alors qu’au même moment, ils appuient les revendications nationalistes arabes contre les Turcs. En réalité, la déclaration Balfour n’est pas contradictoire avec le soutien apporté par la GrandeBretagne à la cause du nationalisme arabe. La Grande-Bretagne espère ainsi influencer en sa faveur, par le relais de l’opinion juive internationale, les États-Unis et la Russie en révolution, où elle pense que les nationalistes juifs sont très influents. Comme l’écrit André Laurens, « la cause sioniste apparaît alors comme un moyen idéal permettant de conjuguer un prétexte noble, la renaissance politique du peuple juif, avec les intérêts bien compris de l’Empire britannique, puisque les Britanniques ne peuvent qu’être les tuteurs du foyer national juif à établir en Palestine ». Elle offre également le moyen d’évincer définitivement les Français de la région. Enfin, les Britanniques n’ont jamais eu l’intention d’inclure la Palestine dans un futur État arabe indépendant. La Grande-Bretagne n’est pas parvenue ensuite à concilier les promesses ainsi faites aux Arabes et aux juifs en Palestine. Doc. 4. L’épopée de l’Exodus (1947) • Question. L’affaire de l’Exodus suscite une vive émotion dans l’opinion internationale parce que ses passagers sont des juifs européens qui, après avoir échappé à la barbarie nazie, veulent immigrer en Palestine. Or la Grande-Bretagne a pris des mesures drastiques pour empêcher l’immigration clandestine dans la Palestine mandataire : 12 000 réfugiés juifs sont internés dans des camps à Chypre, qui affichent complet. Les Britanniques procèdent au sabotage des bateaux affrétés par la Haganah pour transporter les immigrants clandestins. En juillet 1947, © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 la Haganah affrète un navire qu’elle rebaptise Exodus 1947, qui manifeste l’aspiration des juifs à retourner en Terre promise. Le navire appareille dans le sud de la France, avec à son bord 4 500 réfugiés juifs. Quelques jours plus tard, le navire est intercepté au large de Gaza et remorqué par la marine britannique jusqu’au port de Haïfa. Les passagers sont transbordés sur trois autres navires et refoulés vers la France. Indignées, les autorités françaises refusent de coopérer avec leurs homologues anglais. L’Humanité dénonce le sort infligé aux passagers de cet « Auschwitz flottant ». Les Britanniques renvoient les passagers ayant refusé de débarquer jusqu’au port de Hambourg, où ils sont débarqués manu militari. La Grande-Bretagne s’est placée dans une situation intenable, en renvoyant des rescapés des camps de la mort sur les lieux mêmes de leur persécution, en Allemagne. Cette affaire achève de discréditer la puissance mandataire : c’est dans ce contexte que l’UNSCOP se prononce unanimement en faveur de la fin du mandat britannique en Palestine. 3. Le conflit israélo-arabe (1949-1979) � MANUEL PAGES 266-267 Doc. 1. Les Israéliens dans la vieille ville de Jérusalem (1967) • Question. Jérusalem est ville sainte à la fois pour les juifs, les chrétiens et les musulmans (voir chapitre 1). En 1947, le plan de partage de l’ONU prévoit un statut international pour Jérusalem et Bethléem. Le premier conflit israéloarabe invalide ce plan et consacre la division de la ville en deux parties : en 1949, JérusalemOuest est annexée par Israël qui en fait la capitale du nouvel État hébreu (siège de la Knesset et du gouvernement) ; cette décision n’a pas été reconnue par la communauté internationale (la plupart des ambassades, dont celle de la France et des États-Unis, sont encore de nos jours situées à Tel-Aviv). Jérusalem-Est, qui comprend la Vieille Ville et ses lieux saints, a aussi été unilatéralement annexée par la Jordanie en 1950. Les négociations secrètes engagées entre Israéliens et Jordaniens échouent après l’assassinat du roi Abdallah en 1951. Jusqu’en 1967, les juifs n’ont plus accès au Mur occidental du Temple (« mur des Lamentations »). 147 • Lors de la guerre des Six-Jours, Israël s’empare de Jérusalem-Est. La ville, réunifiée de facto depuis 1967, est proclamée capitale « éternelle et indivisible » de l’État d’Israël en 1980, décision condamnée la même année par les résolutions 476 et 478 de l’ONU. Les tensions n’ont jamais cessé depuis, Israël menant une politique active pour implanter des colons juifs dans de nouveaux quartiers de la ville. Doc. 2. La résolution 242 du Conseil de sécurité (22 novembre 1967) • Question. La résolution 242 des Nations unies reste aujourd’hui LE texte de référence d’une solution négociée au conflit israélo-arabe. On n’en retient souvent que le premier article (1, a) : le texte exige le retrait des territoires occupés par Israël à l’issue de la guerre des Six-Jours (Golan, Sinaï, Gaza, Cisjordanie et Jérusalem-Est). Mais l’ONU réclame aussi la reconnaissance de la souveraineté de tous les États de la région : elle engage ainsi les États arabes à reconnaître l’existence de l’État d’Israël, ce qu’aucun d’entre eux n’avait encore accepté de faire après la signature de l’armistice de Rhodes en 1949. Le texte ne fait pas explicitement référence à la création d’un État palestinien (la Cisjordanie a été annexée par la Jordanie en 1950). Il est seulement vaguement question d’un « juste règlement du problème des réfugiés ». En souhaitant que la liberté de navigation dans les eaux internationales soit garantie, l’ONU enjoint implicitement l’Égypte à rouvrir le canal de Suez (qui restera fermé de 1967 à 1975), ainsi que le détroit de Tiran (la fermeture de ce détroit, qui commande l’accès des navires israéliens au golfe d’Aqaba, avait été à l’origine du déclenchement de la guerre des Six-Jours). L’ONU recommande enfin la création de zones démilitarisées : il s’agit d’empêcher les incursions de combattants palestiniens en territoire israélien, qui s’étaient multipliées depuis les années 1950. On relève que la version anglaise de la résolution 242 est plus ambiguë que la version française : « from occupied territories » peut se comprendre par retrait « de » ou « des » territoires occupés. Après le retrait israélien du Sinaï, l’État hébreu pourra arguer avoir respecté l’application de la résolution 242, alors qu’il n’avait toujours pas été reconnu par les États arabes, à l’exception de l’Égypte d’Anouar el-Sadate. Il est évident toutefois que, dans son esprit, la résolution 242 • 148 envisage le retrait de tous les territoires occupés, y compris Jérusalem. Doc. 3. La guerre des Six-Jours • Question. À l’issue de la guerre des Six-Jours, Israël conquiert le Golan sur la Syrie, la bande de Gaza et le Sinaï sur l’Égypte, la Cisjordanie et Jérusalem-Est sur la Jordanie. L’État hébreu dispose désormais d’une profondeur stratégique plus importante en cas d’attaque. L’occupation du plateau du Golan lui confère le contrôle des ressources en eau douce qui alimentent le lac de Tibériade. Surtout, la guerre des Six-Jours bouleverse la situation des réfugiés palestiniens qui, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, sont désormais placés sous un régime d’occupation militaire israélien. Enfin, Israël occupe JérusalemEst, conférant à sa victoire une grande portée symbolique, les juifs pouvant de nouveau se rendre au Mur occidental. Doc. 4. Une paix fragile : les accords de Camp David (mars 1979) (Cérémonie officielle de signature des accords devant la Maison-Blanche, 26 mars 1979.) • Question. Les accords de Camp David ont été salués comme une grande avancée en faveur de la paix. Pour la première fois, un dirigeant arabe accepte de reconnaître le droit pour les juifs de disposer d’un État en Palestine. En 1977, Anouar el-Sadate accepte de se rendre en Israël, et même à Jérusalem, pour y prononcer un discours devant la Knesset. Menahem Begin est, quant à lui, un ancien membre de l’Irgoun, organisation ultra-nationaliste juive qui avait organisé des attentats terroristes en Palestine avant 1948. En échange de sa reconnaissance par l’Égypte, Israël accepte de lui restituer le Sinaï et de démanteler ses colonies. En dépit de leur grande portée symbolique, ces accords sont toutefois fort incomplets. Ils ne règlent pas le problème palestinien : il n’est que vaguement question d’un processus d’autonomie palestinienne, qui sombre rapidement dans l’impasse. En dehors du Sinaï, il n’est pas question pour Menahem Begin, qui dirige le premier gouvernement de droite d’Israël depuis sa création, de négocier la restitution d’autres territoires en échange d’un accord de paix plus global. Bien au contraire, la politique d’implantation de colonies juives dans les territoires pa© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 lestiniens est renforcée. De leur côté, les autres États arabes dénoncent fermement les accords de Camp David : l’Égypte est exclue de la Ligue arabe et Anouar el-Sadate est assassiné au Caire deux ans plus tard, en 1981, par des terroristes appartenant au Jihad islamique égyptien. ◗ Étude Le pétrole au Moyen-Orient, richesse ou malédiction ? � MANUEL, PAGES 268-269 Réponses aux questions 1. Le Moyen-Orient doit sa richesse à l’abondance de son sous-sol en hydrocarbures, La région renferme en effet plus de la moitié des réserves mondiales de pétrole. En 2010, le Moyen-Orient représente un peu moins d’un tiers de la production pétrolière mondiale. Comme l’illustre le graphique 1 a, c’est à partir des années 1950 que la part du Moyen-Orient dans la production mondiale de pétrole s’accroît fortement, parallèlement à l’accroissement des chiffres de production. Les pays industrialisés remplacent alors le charbon par le pétrole à bas prix comme source principale de leur énergie. Les États-Unis, euxmêmes gros producteurs de pétrole, économisent leurs réserves en s’approvisionnant au MoyenOrient. Les pays occidentaux sont ainsi devenus fortement dépendants du pétrole du MoyenOrient pour leur approvisionnement en énergie. Depuis l’entre-deux-guerres, l’extraction, le raffinage et la commercialisation du pétrole du Moyen-Orient sont assurés par de grandes compagnies multinationales, dominées principalement par des intérêts anglo-saxons. Ces activités leur assurent des bénéfices substantiels, même si, après 1945, elles ont dû rétrocéder une part croissante des profits tirés de la production pétrolière (« royalties ») aux États de la région. 2. En longue durée, les prix du pétrole ont fortement augmenté depuis les années 1960. En 1960, les pays producteurs de pétrole ont constitué un cartel, l’OPEP (Organisation des pays producteurs de pétrole), afin d’obtenir un relèvement du prix facturé aux pays consommateurs. Les monarchies pétrolières du Golfe se sont en outre rassemblées au sein de l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) en 1968. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 On relève ensuite sur la courbe les brusques flambées de prix consécutives aux conflits dans la région, qui peuvent avoir des répercussions, réelles ou supposées, sur l’approvisionnement des pays occidentaux (ainsi durant la crise de Suez, ou lors des deux guerres du Golfe). Chaque conflit engendre ainsi des comportements spéculatifs, qui font grimper le prix du pétrole sur le marché libre. Les conflits du Moyen-Orient ont ainsi provoqué deux « chocs pétroliers » : en 1973, lors de la guerre du Kippour, les pays arabes exportateurs de pétrole décident de réduire la production de 5 % et décrètent un embargo sur les pays soutenant Israël, les États-Unis au premier chef. Cette décision provoque un quadruplement du prix du pétrole brut. Ce sont dès lors les pays producteurs qui parviennent à imposer leur prix aux grandes compagnies pétrolières, les majors. En 1979, la révolution iranienne est à l’origine d’un second choc pétrolier, en raison du déclenchement de la guerre Iran-Irak qui implique deux gros pays producteurs et perturbe la circulation des navires dans le golfe (40 % du commerce mondial de pétrole transite par le détroit d’Ormuz). Dans les années 1980, les pays consommateurs se sont efforcés de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis des exportations de pétrole du Moyen-Orient : par des économies d’énergie, l’extraction du pétrole off-shore (Alaska, mer du Nord) ou le développement de nouvelles sources d’énergie comme le nucléaire. Les divisions entre pays producteurs au sein de l’OPEP, au sein de laquelle l’Arabie saoudite s’attache à ménager les intérêts américains, ont accentué la tendance à la baisse, au point de provoquer un « contre-choc » pétrolier. On note toutefois que les prix sont repartis en forte hausse depuis la fin des années 1990, principalement en raison de la forte croissance des pays émergents (en 2003, la Chine a dépassé le Japon comme 2e importateur mondial d’énergie). Les deux chocs pétroliers ont entraîné dans l’ensemble des pays industrialisés un fort ralentissement de la croissance économique. La hausse du prix du pétrole n’est toutefois pas la seule cause de la crise économique des années 1970 : elle n’est que le symptôme d’une crise plus générale qui a contraint les pays occidentaux à repenser des mécanismes de croissance fondés depuis la guerre sur le bas prix de l’énergie. 149 • 3. L’importance stratégique des gisements de pétrole du Moyen-Orient est apparue dès la Première Guerre mondiale : le pétrole, principalement utilisé au XIXe siècle pour l’éclairage, est désormais indispensable à la propulsion des navires (substitution du fuel au charbon), des véhicules et des blindés. Les États-Unis n’ayant pas ratifié les traités de paix, notamment ceux qui concernent le statut des territoires de l’exEmpire ottoman, il a fallu renégocier le partage de ces territoires dans les années 1920, d’autant que sont alors découverts d’imposants gisements en Irak. Les accords sont négociés en Écosse en 1928 dans le château d’Achnacarry entre les « sept sœurs », à savoir les majors anglo-saxonnes qui constituent le cartel du pétrole : la Standard Oil of New Jersey, la Royal Dutch Shell, l’Anglo-Persian Oil Company (qui devient l’Anglo-Iranian, puis la British Petroleum ou BP ; la Perse était jusque là la seule région productrice de pétrole du MoyenOrient), ainsi que quatre autres compagnies américaines (Mobil, Texaco, Gulf Oil et Standard Oil of California). Les majors s’entendent d’abord sur l’exploitation du pétrole irakien : la Turkish Petroleum Company, fondée en 1911 à cette fin, est remplacée par l’Iraq Petroleum Company, un consortium comprenant les compagnies américaines, la Shell et l’Anglo-Persian. La France obtient son entrée dans ce consortium : c’est à cette fin qu’est créée la Compagnie française des Pétroles (qui deviendra Total par la suite). Une part de 5 % est accordée au financier arménien Calouste Gulbenkian (« Monsieur 5 % »), l’un des pionniers de la prospection pétrolière au MoyenOrient (il vend ses parts dans les gisements de Mossoul en échange d’une part de 5 % dans l’Iraq Petroleum Company). Un autre accord dit de la ligne rouge étend les dispositions adoptées sur l’Irak à l’ensemble des anciens territoires ottomans : les compagnies s’engagent à exploiter en commun les nouveaux gisements découverts, dans le cadre du consortium formé par l’Iraq Petroleum Company. À l’extérieur du périmètre délimité par la ligne rouge, la prospection reste libre. Enfin, toujours en 1928, les sept sœurs ont négocié un accord de cartel : elles s’entendent pour fixer le prix mondial du pétrole en référence au prix du pétrole extrait dans le golfe du Mexique, • 150 le plus cher, ajouté au prix du transport. Les compagnies fixent également des quotas qui leur permettent de se partager les marchés de consommation. Ces accords ne sont toutefois pas respectés par les compagnies américaines non signataires, qui, par la suite, exploiteront pour leur propre compte le pétrole saoudien. L’auteur de l’article, Ihsân al-Jabrî, est, avec Chékib Arslan, le fondateur de La Nation arabe en 1930, revue en langue française éditée à Genève, qui devient l’un des principaux organes du nationalisme arabe. Il dénonce le pillage colonial des ressources de l’Irak, à la tête duquel les Britanniques avaient placé le roi Fayçal, l’un des fils du chérif de La Mecque Hussein. En 1930, un accord anglo-irakien prévoit d’accorder l’indépendance à l’Irak. Mais pour al-Jabrî, cette indépendance ne peut être que formelle, puisque les accords de 1928 placent d’emblée le futur État arabe sous l’étroite tutelle économique des compagnies pétrolières occidentales. 4. En 1951, le Premier ministre iranien Mossadegh entre en conflit avec le shah : il nationalise l’Anglo-Iranian Oil Company. La plainte déposée par la Grande-Bretagne auprès de la Cour internationale de justice est déboutée en 1952. Pour résister aux pressions occidentales, Mossadegh se rapproche de l’URSS. En pleine guerre froide, les Américains s’inquiètent de voir l’Iran basculer dans l’orbite soviétique. C’est pourquoi ils cherchent dès cette époque à prendre le relais de la Grande-Bretagne au Moyen-Orient. Le texte rappelle que l’Iran est devenu l’un des principaux États producteurs de pétrole de la région. Il est situé dans la région stratégiquement ultra-sensible du golfe Persique. L’Iran avait été conjointement occupé par l’URSS et la Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale et Staline avait tardé à évacuer le pays après la défaite de l’Axe. Pour les Soviétiques, le contrôle de l’Iran leur donnerait un accès aux « mers chaudes ». Ce contrôle constituerait une menace pour les intérêts occidentaux au Moyen-Orient, de la Turquie (membre de l’OTAN) au Pakistan. C’est au vu de ce rapport qu’en 1953, les États-Unis, avec l’appui des Britanniques, renversent le gouvernement Mossadegh par un coup d’État organisé par la CIA. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 5. Dès la période de l’entre-deux-guerres, les États-Unis entendent bien exercer au MoyenOrient un rôle à la mesure de la grande puissance économique et navale qu’ils sont devenus. Ils participent ainsi activement au partage de l’exploitation des gisements de pétrole négocié à Achnacarry en 1928. L’Arabie saoudite devient dans les années 1930 une chasse gardée des compagnies pétrolières américaines, qui forment l’ARAMCO en 1944. Durant la Seconde Guerre mondiale, la crainte que l’Allemagne nazie mette la main sur le pétrole du Moyen-Orient via le Caucase amène les Alliés à accélérer le débarquement de leurs troupes en Afrique du Nord. Au retour de Yalta en 1945, le président Roosevelt rencontre le roi Ibn Saoud à bord du navire de guerre américain Quincy. L’Arabie saoudite devient ainsi l’un des principaux points d’appui des États-Unis au MoyenOrient. L’ARAMCO négocie pour la première fois avec un pays producteur de la région, l’Arabie saoudite, un partage à égalité – fifty-fifty – des profits pétroliers. À partir des années 1950, l’une des priorités américaines est d’endiguer la progression soviétique au Moyen-Orient. En 1953, les services secrets américains renversent le gouvernement Mossadegh en Iran, gros pays producteur qui devient à son tour un allié des États-Unis. Cependant, la présence des ÉtatsUnis dans la région ne vise pas seulement à garantir la sécurité de leurs approvisionnements et les intérêts de leurs majors : c’est aussi pour préserver la stabilité d’une région devenue vitale pour l’ensemble des pays se réclamant de l’économie de marché. 6. L’enjeu pétrolier constitue un double facteur d’internationalisation des conflits du Moyen-Orient : • Il amène les grandes puissances à accroître leur influence dans la région et cette intervention est en partie la cause d’un certain nombre de conflits, en Palestine dans l’entre-deux-guerres, comme en Irak plus récemment. • Certains conflits ont des répercussions directes sur l’économie mondiale, en raison de la menace qu’ils font peser sur les exportations de pétrole : c’est notamment le cas lors des événements qui ont déclenché les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 4. Le Moyen-Orient dans les relations internationales depuis 1979 � MANUEL PAGES 270-271 Doc. 1. L’Irak : un État à reconstruire • Question. Comme d’autres États du MoyenOrient, l’Irak est composé de plusieurs communautés ethniques ou religieuses : les Arabes sunnites dans le centre du pays, notamment autour de la capitale Bagdad (18 %), les Kurdes sunnites (18 %), regroupés au nord dans la région riche en pétrole de Mossoul, les Arabes chiites dans le sud du pays. À partir de 1958, date du coup d’État qui renverse la monarchie hachémite, la cohésion du pays a été maintenue par la dictature du parti Baas, qui s’appuie sur la minorité arabe sunnite. Saddam Hussein n’a pas hésité à employer des armes chimiques contre les Kurdes. De 1980 à 1988, il s’engage dans une longue guerre avec l’Iran, en raison de l’influence que ce dernier peut exercer auprès des chiites irakiens. Les principaux lieux saints du chiisme se situent en effet en Irak (voir carte p. 258). La cohésion du pays a volé en éclats au lendemain de la seconde guerre du Golfe en 2003. Le renversement de la dictature de Saddam Hussein a fait place à de violents affrontements entre sunnites et chiites. Quant aux Kurdes, ils se sont placés depuis 1991 sous la protection des États-Unis. Après la chute de Saddam Hussein, ils se sont vus reconnaître une très large autonomie par la Constitution fédérale, qui leur accorde le droit d’avoir leur propre armée, leur drapeau, leur parlement, ainsi que des représentations diplomatiques à l’étranger. La communautarisation du système politique fragilise ainsi l’État irakien, même si le recul de la violence a permis aux États-Unis d’évacuer leurs derniers soldats du pays à la fin de l’année 2011. Doc. 2. La guerre en Irak (2003) • Question. Comme souvent dans le discours politique américain, la guerre engagée entre l’Irak en 2003 est justifiée en termes manichéens : les États-Unis sont les défenseurs du Bien contre le Mal, incarné durant la guerre froide par l’URSS et dorénavant par le terrorisme islamiste, responsable des attentats du 11 septembre 2001, dans lesquels ont péri plusieurs milliers de personnes. Le président Bush avance deux motifs principaux à la guerre lancée contre le régime de 151 • Saddam Hussein : l’Irak est accusé d’avoir servi de base arrière au terrorisme d’Al-Qaida et d’avoir cherché à se constituer un arsenal d’armes de destruction massive, chimiques et nucléaires. Le président américain cherche à se justifier d’avoir mené cette opération sans l’aval de l’ONU, contrairement à celle qui avait été engagée en 1991 pour libérer le Koweït envahi par l’Irak. En parlant de « coalition de pays », le président Bush fait allusion à l’appui que lui a apporté le Royaume-Uni dans ce conflit. En évoquant les « difficultés » et les « problèmes » du peuple irakien, il minimise le chaos dans lequel l’intervention américaine, mal préparée, a plongé le pays : il considère que c’est le prix à payer pour l’instauration de la démocratie. Il estime enfin que le renversement du régime de Saddam Hussein, qui s’était doté d’une puissante armée (parfois présentée, à tort, comme la quatrième du monde), a éliminé l’une des principales menaces pour la paix et la sécurité du Moyen-Orient dans son ensemble. La guerre en Irak a en effet permis d’éliminer l’une des dictatures les plus sanglantes de la planète. Toutefois, les États-Unis n’ont jamais pu apporter la preuve que l’Irak aurait soutenu les terroristes d’Al-Qaida. Le parti Baas est un parti nationaliste laïque, dont l’idéologie est aux antipodes de celle qui inspire les mouvements islamistes. Dans sa longue guerre contre l’Iran, en 1980-1988, l’Irak était apparu bien au contraire comme le principal adversaire du seul pays où une révolution islamique a pu triompher. Par ailleurs, aucune enquête n’a pu retrouver la trace de la présence d’armes de destruction massive en Irak à la veille de l’intervention américaine de 2003. Tout indique au contraire que la puissance militaire irakienne avait été fortement entamée depuis la défaite irakienne essuyée lors de la première guerre du Golfe. par 189 pays, dont l’Iran. En 2006, les pays occidentaux soupçonnent l’Iran d’utiliser ses installations nucléaires civiles à des fins militaires. Le Conseil de sécurité a ainsi mandaté l’AIEA pour enquêter sur le terrain. L’Iran est appelé à coopérer avec les enquêteurs de l’AIEA, afin qu’ils puissent vérifier la nature pacifique des installations nucléaires iraniennes. Le Conseil de sécurité déclare privilégier la recherche d’une « solution diplomatique négociée ». Depuis 2006, la mauvaise volonté de l’Iran à coopérer d’une part, les investigations de l’AIEA d’autre part, ont amené le Conseil de sécurité à envisager des sanctions. L’accession de l’Iran au statut de puissance nucléaire risquerait en effet d’accélérer la prolifération nucléaire et les risques d’instabilité dans l’ensemble de la région. L’Iran ne représente pas seulement une menace pour Israël, dont la possession de l’arme nucléaire est un secret de polichinelle, mais aussi pour les États arabes de la région. Pour autant, même en Israël, les partisans de sanctions sévères allant jusqu’à une éventuelle intervention militaire contre l’Iran ne font pas l’unanimité. Doc. 3. La menace nucléaire iranienne Islam et politique au Moyen-Orient • Question. L’Agence internationale de l’énergie atomique a été créée en 1957, sous l’égide de l’ONU, afin de lutter contre la prolifération des armes nucléaires. Elle remet un rapport annuel à l’Assemblée générale de l’ONU et peut diligenter certaines enquêtes à la demande du Conseil de sécurité. Depuis 1968, l’AIEA est chargée de superviser l’application du Traité sur la nonprolifération des armes nucléaires (TNP), ratifié • 152 Doc. 4. Le « printemps arabe » : une chance pour la paix ? (Manifestation sur la place Tahrir au Caire, le 8 avril 2011.) • Question. Les manifestants égyptiens de la place Tahrir affichent leur solidarité envers les autres peuples arabes en lutte contre la dictature de leur pays : celle de Bachar el-Assad en Syrie et celle d’Ali Abdallah Saleh au Yémen. Contrairement à l’Égypte, ces deux pays ont basculé dans une guerre civile restée jusqu’ici sans issue (en dépit du retrait du président Saleh au Yémen). ◗ Étude � MANUEL, PAGES 272-273 Réponses aux questions 1. Jusqu’aux années 1960, la diffusion de l’islamisme est principalement à mettre à l’actif du mouvement des Frères musulmans, association fondée en Égypte par Hassan al-Bannâ en 1928. Le mouvement se radicalise dans l’opposition au régime nassérien. Dans les années 1960, Sayyid © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 Qotb est en prison quand il écrit ses ouvrages qui demeurent jusqu’à nos jours une référence pour les islamistes, toutes tendances confondues. Il est pendu en 1966. L’extrait proposé de Jalons sur le chemin (1964) permet de bien mettre en évidence l’un des thèmes majeurs de l’idéologie islamiste. Selon Qotb, le monde moderne en est revenu au stade où il en était avant la révélation du Coran : une « jahiliyya », terme arabe qui veut dire ignorance, traduit ici par « société de l’ignorance antéislamique » ; le terme désigne en effet, dans le Coran, l’état dans lequel vivaient les Arabes avant la révélation de Mohammed. Ce monde moderne, qui tourne le dos aux valeurs et à l’enseignement de l’islam, comprend bien sûr les « sociétés communistes », qui professent un matérialisme athée, les sociétés polythéistes d’Asie et les sociétés occidentales (« juives et chrétiennes »). Mais Sayyid Qotb considère que les sociétés musulmanes constituent elle aussi une « jahiliyya », car, bien qu’elles « prétendent être musulmanes […], elles ne sont pas au service de Dieu l’unique dans l’organisation de la vie ». Comme le souligne Gilles Kepel dans Jihad, l’islamisme opère une « révolution culturelle » par rapport au nationalisme. Pour les dirigeants nationalistes formés à l’école européenne (en Turquie comme dans les pays arabes), l’accession à l’indépendance devait marquer une rupture avec le passé. Cette rupture serait le prélude à la modernisation de la société musulmane. Pour les idéologues islamistes, au contraire, l’histoire moderne des pays musulmans depuis les indépendances est dévalorisée. Comme les Arabes à la veille de la prédication du prophète, les musulmans ignorent l’islam, ils sacrifient à ces nouvelles idoles que sont le parti, le socialisme ou la nation. Pour les islamistes comme S. Qotb, l’action menée par les dirigeants nationalistes arabes depuis l’indépendance est doublement condamnable : qu’ils se tournent vers le modèle libéral ou le modèle socialiste pour accélérer la modernisation de leur pays, ils sapent les fondements de la société musulmane ; le nationalisme contribue également à exacerber les divisions entre les États musulmans. En conséquence, l’islamisme prône l’application intégrale de la loi islamique, la Charia, dans tous les domaines de la vie sociale. Seul ce retour à la Charia permettra © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 de recréer l’Umma, la communauté originelle et idéale des croyants, par-delà les divisions nationales. Le texte de Qotb fait apparaître un dernier point essentiel : une société authentiquement musulmane ne reverra pas le jour « avant que ne se forme une communauté d’hommes décidés à servir Dieu ». Comme l’indique également G. Kepel, Qotb s’adresse aux jeunes gens nés après l’accession des pays musulmans à l’indépendance, qui deviennent très nombreux à cette époque en raison de la croissance démographique. Ces jeunes sont aussi davantage scolarisés et sont plus citadins que leurs parents. Qotb prophétise ainsi l’émergence d’une « nouvelle génération coranique », qui pourra bâtir une nouvelle communauté islamique sur les ruines du nationalisme. Qotb choisit de s’adresser de manière privilégiée à ce jeune public en adoptant un style simple et dépouillé, accessible à un vaste public populaire, contrairement à la rhétorique compliquée des oulémas. « Qotb se met à la portée de ses lecteurs en s’emparant de ce vecteur de communication qu’est la langue écrite moderne pour en faire l’outil de sa prédication » (G. Kepel), exactement comme ensuite les groupes islamistes se saisiront de l’Internet. 2. Fondé en 1987, le réseau islamiste radical Al-Qaida prône la guerre sainte (jihad) contre l’Occident, accusé de livrer une nouvelle croisade contre l’islam (« les envahisseurs juifs et croisés »), mais aussi contre les dirigeants musulmans, qualifiés d’apostats, qui acceptent de négocier « une solution pacifique et démocratique » aux conflits dans lesquels ils sont impliqués. L’affiche de propagande représente Oussama Ben Laden en croisé des temps modernes, vêtu de l’habit traditionnel porté dans le monde arabe : une longue robe blanche (taoub, ou dishdash, ou gandoura) et coiffé d’un keffieh (selon un hadith du prophète, « Dieu aime les vêtements blancs »). L’arrière-plan de l’affiche évoque la première guerre sainte livrée par Ben Laden en Afghanistan contre l’URSS : à cheval, armé d’un fusil d’assaut Kalachnikov et, en bas à gauche, d’un lance-missile américain Stinger, le chef d’Al-Qaida combat l’aviation et les blindés soviétiques. Après l’évacuation de l’Afghanistan par l’armée soviétique, Al-Qaida s’est retourné contre ses 153 • anciens alliés américains. La guerre sainte prend dès lors la forme d’attentats terroristes visant les Occidentaux partout dans le monde, y compris sur le sol américain, le 11 septembre 2001. Comme S. Qotb dans les années 1960, Ben Laden s’adresse en priorité à la jeunesse musulmane, en révolte contre les dictatures ou les oligarchies au pouvoir, accusées de pactiser avec les Occidentaux. Il vise en particulier les gouvernements égyptiens et jordaniens, ainsi que les dirigeants de l’OLP qui, comme Mahmoud Abbas, ont accepté de reconnaître l’État d’Israël et de négocier avec lui. Le texte fait allusion à l’implication du réseau Al-Qaida dans les affrontements qui se déroulent en Irak après l’intervention américaine de 2003. Il dénonce le gouvernement de Hamid Karzaï qui, avec le soutien des occidentaux, combat les talibans en Afghanistan. Ce sont enfin les principes mêmes de la démocratie libérale qui sont considérés comme contraires à « la loi de Dieu ». 3. En organisant une conférence sur « le monde sans le sionisme » en 2005, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad veut placer son pays à la pointe de la lutte contre l’État d’Israël. À travers le sionisme, ce n’est pas seulement la politique de tel ou tel gouvernement israélien qui est visée, mais l’existence même de l’État d’Israël, qui résulte du projet sioniste. Certes, il est apparu récemment que M. Ahmadinejad n’avait pas parlé de « rayer Israël de la carte », selon pourtant la traduction du persan à l’anglais proposée par l’agence de presse officielle iranienne. Le président iranien se serait contenté de citer l’ayatollah Khomeiny : « L’imam a annoncé que le régime occupant Jérusalem devait disparaître de la page du temps », allusion au fait que, comme le régime du shah ou le régime soviétique, l’État d’Israël n’était pas forcément éternel… Quoi qu’il en soit, le président iranien n’a jamais officiellement démenti par la suite avoir envisagé la destruction de l’État d’Israël. Il est également peu contestable que l’antisionisme est utilisé comme une forme déguisée et réactualisée d’antisémitisme. En 2006, M. Ahmadinejad organise une nouvelle conférence sur « la réalité de l’Holocauste », à l’occasion de laquelle il qualifie la Shoah de « mythe » et accueille des individus connus pour leurs opinions négationnistes. • 154 Cette propagande antisioniste vise à étendre l’influence de l’Iran, qui n’est pas un pays arabe, auprès des populations arabes où l’hostilité à l’encontre d’Israël fait office de dénominateur commun. L’Iran apporte ainsi son appui à des mouvements islamistes comme le Hamas palestinien ou le Hezbollah libanais. La République islamique cherche aussi à renforcer son influence au sein des minorités chiites des États arabes du Golfe, où l’Iran est perçu comme une menace depuis la révolution de 1979. Enfin, l’antisionisme du président iranien répond aussi probablement à des considérations de politique intérieure, dans la lutte qui oppose les « durs » et les « modérés » du régime de Téhéran face aux États-Unis et à leurs alliés. 4. L’Organisation de la conférence islamique est fondée en 1969 à l’instigation de l’Arabie saoudite, afin de contrecarrer l’audience du nationalisme nassérien au Moyen-Orient. C’est ainsi au nom de l’islam, non plus de la nation arabe, que sa charte revendique la création d’un État palestinien, avec pour capitale Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam (art. 7). La Charte de l’Organisation de la conférence islamique lui assigne pour but de renforcer la cohésion du monde musulman (art. 1.1), la défense de l’islam (art. 1.12), l’action humanitaire et l’assistance des populations les plus fragiles (art. 1.14). À la différence des mouvements islamistes radicaux, la Charte prône toutefois la tolérance et le dialogue entre les religions : elle se réfère explicitement à un islam « modéré » (art. 1.11 et 12). Elle dénonce clairement le recours au terrorisme et appelle les États à coopérer entre eux pour le combattre (art. 1.18). Enfin, la Charte islamique déclare respecter les principes de la Charte des Nations unies (art. 2.1), et plus généralement les principes fondateurs de la démocratie : les droits humains, les libertés fondamentales et l’État de droit (art. 2.7). Dans bon nombre d’États toutefois, ces principes démocratiques sont loin d’être respectés, qu’il s’agisse de la liberté de la presse et d’opinion, voire de la tolérance envers les communautés non musulmanes. Le statut des femmes demeure souvent très inégalitaire dans de nombreux pays du Moyen-Orient : qu’il s’agisse de leur accès à l’instruction, de leur place dans la famille et dans la société, où la ségrégation hommes-femmes est de rigueur. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 5. L’appel au jihad lancé par les islamistes radicaux compromet les efforts entrepris par les dirigeants arabes modérés pour dégager une solution négociée aux conflits du Moyen-Orient, en particulier sur le dossier palestinien. Les attentats terroristes perpétrés par les groupes islamistes alimentent en Israël les surenchères sécuritaires des partisans d’une politique de force. La propagande anti-israélienne de l’Iran et son manque de transparence dans le domaine nucléaire contribuent également à dégrader le climat international au Moyen-Orient. L’écho rencontré par les islamistes radicaux auprès de la jeunesse déshéritée peut déstabiliser des États dont les assises nationales demeurent fragiles. Toutefois, l’islamisme ne se réduit pas à sa composante radicale, même si l’on peut redouter qu’en Égypte par exemple, le printemps arabe n’amène à remettre en cause la paix conclue en 1978 avec Israël. 5. Le processus de paix israélopalestinien (1979-2011) � MANUEL PAGES 274-275 Doc. 1. Israël et les territoires palestiniens en 2011 • Question. En 1993, les accords d’Oslo prévoient la création d’une Autorité palestinienne sur Gaza et une partie de la Cisjordanie. En 2005, Israël s’est retiré de la bande de Gaza et y a démantelé ses colonies. Tel n’est pas le cas en Cisjordanie, où trois zones ont été distinguées : – une zone A : elle est placée en principe sous l’entière responsabilité de l’Autorité palestinienne, notamment en ce qui concerne le maintien de l’ordre. Elle comprend les principales agglomérations de Jénine, Ramallah, Naplouse ou Bethléem, soit environ 20 % de la population. – une zone B : elle est placée sous responsabilité partagée de l’Autorité Palestinienne (l’administration) et d’Israël (la sécurité). – une zone C : elle reste placée sous contrôle israélien, en particulier pour assurer la sécurité des nombreuses colonies juives dispersées en Cisjordanie Les territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne sont donc très morcelés, d’où leur aspect en « peau de léopard » sur la carte. Pour certains, c’est la preuve que les dirigeants israéliens © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 mettent tout en œuvre pour empêcher la création à terme d’un État palestinien qui soit viable. D’autant que la politique d’implantations juives a été poursuivie en Cisjordanie, la question des colonies ayant été soigneusement écartée des négociations d’Oslo. À cela s’ajoute la décision prise par Israël d’édifier une « barrière de séparation » pour empêcher les attentats-suicides sur son territoire : le tracé de cette barrière s’étend parfois au-delà de la ligne verte de 1949, ce qui témoigne de l’intention de conserver à terme les implantations juives en Cisjordanie et d’en annexer environ 10 % du territoire. Côté israélien, le maintien d’une forte présence israélienne en Cisjordanie et la construction du mur de séparation sont justifiés par des impératifs de sécurité. Pour Israël, le passage éventuel de l’Autorité palestinienne à un État palestinien dépend fondamentalement de sa capacité à tenir sa population et à faire cesser les attaques en territoire israélien. Les accords d’Oslo n’ont pas permis non plus de régler la question du statut de Jérusalem, ainsi que celle des réfugiés palestiniens (voir p. 278-279). Doc. 2. La Charte du Hamas (août 1988) • Question. Comme pour l’OLP en 1968, l’objectif du Hamas est d’aboutir par la lutte armée à la destruction de l’État d’Israël. Pour l’OLP cependant, la lutte contre Israël est présentée comme un mouvement de libération nationale, qui se revendique du nationalisme arabe. Le Hamas se présente lui comme un mouvement islamiste, agissant au nom de principes politicoreligieux. Les initiatives de paix sont jugées contraire aux intérêts de l’islam. En prônant le jihad contre Israël, le Hamas condamne l’évolution de l’OLP qui, sous l’impulsion de Yasser Arafat, a reconnu l’existence de l’État d’Israël et accepté de négocier avec lui. En Palestine comme dans d’autres pays du Moyen-Orient, l’islamisme a pris le relais du nationalisme arabe, en particulier dans les catégories les plus jeunes de la population. Doc. 3. L’Intifada : les Palestiniens en révolte (Dessin de l’un des enfants pris en charge par le Centre de traitement des troubles psychologiques de Gaza, 10 janvier 2005.) • Question. Ce dessin d’enfant représente l’Intifada telle qu’elle est vécue du côté des 155 • Palestiniens : un affrontement inégal entre une armée régulière dotée d’armes modernes (des blindés à droite du dessin) et de jeunes manifestants aux visages masqués pour ne pas être reconnus, armés de simples frondes : allusion à la « guerre des pierres ». L’un d’entre eux brandit le drapeau palestinien. Le décor est celui d’une guérilla urbaine : des immeubles à l’arrière-plan, un affrontement dans un terrain vague, où des pneus ont été incendiés. Ces affrontements font des victimes civiles : en bas à gauche du dessin, un homme porte le corps d’un enfant blessé. Du côté israélien, on ferait cependant valoir que Tsahal ne fait bien souvent que riposter aux tirs de roquettes ou aux attentats-suicides qui font aussi de nombreuses victimes civiles dans la population israélienne. Les autorités israéliennes accusent par ailleurs le Hamas de disperser sciemment ses combattants au milieu des populations civiles. Quoi qu’il en soit, un tel dessin, diffusé par une agence de presse, montre comment l’image d’Israël s’est renversée dans l’opinion internationale depuis le déclenchement de la première Intifada, en 1987 : jusqu’à la guerre de Six-Jours, c’est Israël qui faisait figure de David dans son affrontement avec les pays arabes, tous coalisés contre lui. Désormais, c’est le sort des Palestiniens qui suscite la sympathie d’une partie de l’opinion publique internationale, la force étant désormais du côté de l’État hébreu. Doc. 4. La « feuille de route » (2003) • Question. La feuille de route, élaborée en 2003 par la communauté internationale, vise à relancer le processus d’Oslo et à créer les conditions progressives d’une paix définitive entre Israéliens et Palestiniens. Pour cela, elle prévoit qu’Israël obtienne des garanties pour sa sécurité : les Palestiniens doivent ainsi renoncer sans condition à toute forme de violence, et ce, avant même que les négociations aient abouti. De son côté, Israël doit aider l’Autorité palestinienne à s’imposer auprès de sa population, en apportant la preuve concrète que la négociation est préférable à la violence : Israël doit donc « normaliser la vie des Palestiniens », c’est-à-dire améliorer leur situation économique et sociale, précarisée par le bouclage récurrent des territoires. Surtout, la feuille de route engage Israël à geler sa politique d’implantations juives en Cisjordanie et à • 156 Jérusalem-Est. Il lui est enfin demandé, dans la phase II, d’accepter, avant la conclusion d’un accord définitif, la formation d’un État palestinien indépendant, doté de réels attributs de souveraineté (l’Autorité palestinienne ne dispose pas d’une armée par exemple, mais seulement de forces de maintien de l’ordre). La feuille de route reste pour l’heure lettre morte : une partie des Palestiniens, derrière le Hamas, n’a pas renoncé à la violence. Les Israéliens ont repris leur politique d’implantations et condamné la proclamation de la création d’un État palestinien par Mahmoud Abbas, en 2012. ◗ Étude L’évolution du problème palestinien depuis 1948 � MANUEL, PAGES 276-277 Réponses aux questions 1. Les réfugiés palestiniens résident principale­ment : – dans les territoires occupés par Israël après 1967 et administrés partiellement par l’Autorité palestinienne depuis les accords d’Oslo, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie ; – dans les pays voisins d’Israël, en Jordanie et au Liban. Une partie de ces réfugiés vit dans les camps gérés par l’UNRWA, organisme des Nations unies créé en 1948. Le nombre de ces réfugiés, qui comprend aussi les enfants des familles des réfugiés de 1948, s’est considérablement accru du fait de la forte croissance démographique : le taux de fécondité par femme palestinienne est l’un des plus élevés au monde, 8 en Cisjordanie, 9 à Gaza. La population croît ainsi au rythme de 5 % par an. 2. On relève d’emblée la signification très différente que revêt naturellement la guerre de 1948 pour les Israéliens et les Palestiniens. Dans la version israélienne, la guerre de 1948 est présentée comme une guerre d’indépendance, qui consacre l’idéal sioniste d’un retour des juifs en terre promise, au lendemain d’un génocide qui a conduit à l’extermination de 6 millions de juifs européens. Dans la version palestinienne, la guerre de 1948 est la Nakba, la « Catastrophe », puisque des centaines de milliers de réfugiés © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 palestiniens ont dû quitter leur terre et que le peuple palestinien a été privé depuis du droit de posséder un État en Palestine. Pour les mêmes raisons, la participation des États arabes dans cette guerre est envisagée de manière très différente. Dans la version israélienne, la création de l’État d’Israël a été arrachée de haute lutte contre les pays arabes agresseurs. Dans le texte palestinien, les pays arabes sont accusés d’avoir sacrifié la cause palestinienne sur l’autel de leurs propres intérêts nationaux. La fin du texte fait allusion à l’annexion de la Cisjordanie par la Jordanie, dont le roi Abdallah est assassiné deux ans plus tard par un Palestinien. Mais on relève certains points de convergence sur la question des expulsions. La version israélienne – dont il faut rappeler qu’elle a été rédigée par des enseignants pacifistes qui ne sont pas représentatifs de l’opinion israélienne dans son ensemble – prend en compte les travaux effectués ces dernières années par les « nouveaux historiens » israéliens, comme Benny Morris par exemple. Ces recherches, fondées sur les archives israéliennes et occidentales, ont remis en cause la thèse officielle d’Israël, qui a été longtemps de nier les expulsions et d’affirmer que les Arabes palestiniens avaient fui volontairement ou y avaient été incités par les États arabes. Les responsables arabes ont au contraire prétendu que ces expulsions avaient fait partie d’un plan prémédité, en particulier dans le cadre du plan Daleth, lancé en avril 1948 pour sécuriser les frontières du nouvel État juif institué par l’ONU, en prévision de l’attaque fort probable des pays arabes. Le texte israélien évoque donc lui aussi, comme le texte palestinien, les expulsions d’Arabes palestiniens, en reprenant l’argumentation nuancée des « nouveaux historiens ». Au début de la guerre, la plupart des départs ont été volontaires. C’est ensuite, dans le cadre de la prévention de l’attaque arabe, qu’il y a eu des expulsions intentionnelles : la version israélienne admet donc la responsabilité des dirigeants sionistes dans ces expulsions, ainsi que leur volonté de réduire au maximum l’effectif de la minorité arabe qui continuerait de vivre dans les frontières du nouvel État juif. Mais, « tous les Arabes ne furent pas chassés, et il n’y eut pas d’instructions officielles dans ce sens ». Comme a pu l’établir en © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 effet l’historien Benny Morris, il y a bien eu « des expulsions brutales » et un « harcèlement délibéré » pour contraindre les populations arabes au départ, d’abord dans le cadre du plan Daleth, puis au lendemain de l’invasion des armées arabes. « De toute évidence, conclut B. Morris, Ben Gourion voulait que demeurent à l’intérieur de l’État juif le moins d’Arabes possible. Mais il n’y avait toujours pas de politique systématique d’expulsion ». On relève cependant que la version palestinienne évoque les massacres de civils palestiniens, comme celui de Deir Yassine, (massacres également mentionnés dans le texte israélien dans un passage non reproduit dans le manuel), en omettant de rappeler cependant les massacres également perpétrés par des Arabes contre des civils juifs. Enfin, les deux versions s’accordent pour rappeler qu’au lendemain de la guerre, les réfugiés furent systématiquement empêchés de revenir chez eux, les autorités israéliennes effaçant toutes les traces d’une présence arabe antérieure. La version israélienne rappelle toutefois que ce sont entre autres les nombreuses infiltrations de terroristes en Israël qui ont fait capoter toutes les négociations, donc la possibilité du retour d’au moins une partie des réfugiés : elle renvoie finalement dos-à-dos les Arabes, qui ont continué d’avoir recours à la violence, et les dirigeants israéliens, qui y ont répondu par des opérations punitives. Ici encore, Benny Morris rappelle qu’en effet, « les documents israéliens et occidentaux révèlent qu’entre la fin de l’année 1948 et le mois de juillet 1952, plusieurs occasions de paix entre Israël et certains de ses voisins arabes se présentèrent effectivement » Elles ne furent pas mises à profit, en tout cas pas autant qu’elles auraient pu l’être, « parce qu’Israël ne se montra jamais disposé à transiger pour la paix, et que les dirigeants arabes se sentaient trop faibles et menacés par leur propre peuple ainsi que par leurs voisins pour tenter ou même envisager la paix, à moins qu’elle n’implique de réelles concessions de la part d’Israël ». Si Israël avait été plus accommodant, les dirigeants arabes auraient-ils accepté la paix ? Morris se dit incapable de répondre à la question. De même, à supposer qu’un traité ait été conclu, aurait-il été durable ? Seule certitude : des propositions de paix ont bien été formulées, mais chaque partie a trouvé alors plus profitable 157 • de les écarter. « Aucun des dirigeants, dans un camp comme dans l’autre, ne se montra à la hauteur de la situation, ni capable de saisir comme il se devait les occasions offertes ». Au total, 700 000 Arabes palestiniens se sont enfuis ou ont été expulsés des régions intégrées dans l’État juif. À la fin de la guerre de 1948-1949, moins de la moitié des Palestiniens habitent encore chez eux. On rappellera cependant que la guerre de 1948, comme la crise de Suez ensuite (1956), n’ont pas été non plus sans conséquence pour les communautés juives dispersées dans les pays arabes : des centaines de milliers de juifs du Moyen-Orient et du Maghreb ont été à leur tour contraints au départ, pour un grand nombre vers Israël (seuls les juifs d’Algérie ont massivement opté pour la France après 1962). De nos jours, il n’y a plus que l’Iran et la Turquie, deux pays non arabes qui comptent une communauté juive importante (respectivement 40 000 et 25 000 personnes en 2000). Hormis ces deux pays, il n’y a plus aujourd’hui que 8 000 juifs vivant dans un pays musulman. 3. Selon la Charte de l’OLP, un Palestinien est à la fois un habitant ou un ex-habitant de la Palestine d’avant 1947 et/ou une personne née d’un père palestinien, lui-même né en Palestine ou hors de Palestine. La citoyenneté palestinienne serait ainsi fondée sur le droit du sol et le droit du sang. Le futur État palestinien que l’OLP entend construire a donc pour vocation de rassembler la diaspora palestinienne dans toutes ses composantes. La Charte de l’OLP prévoit que les juifs pourront eux aussi accéder à la citoyenneté du nouvel État palestinien, ce qui laisse entendre qu’il sera laïque. Toutefois, elle ne serait accordée qu’aux seuls juifs résidant en Palestine avant « l’invasion sioniste » : implicitement, cela signifie qu’une immense majorité de juifs, qui ont immigré depuis la fin du XIXe siècle, serait alors expulsée de Palestine. 4. La Charte de l’OLP revendique à plusieurs reprises la « libération de la Palestine ». Elle affirme clairement que la lutte armée est la seule manière d’y parvenir. Selon l’OLP, il ne peut y avoir deux États, juif et arabe, en Palestine. On a vu par ailleurs qu’en vertu de l’article 6, seul un petit nombre de juifs pourraient devenir citoyens de l’État palestinien. • 158 La fin de la guerre froide a privé l’OLP de l’appui que les Soviétiques lui avaient apporté. Yasser Arafat a ainsi modéré les positions de son Organisation. En visite officielle en France, en 1989, il déclare ainsi « caduque » (en employant ce mot en français) la Charte de l’OLP. C’est une manière de reconnaître l’existence de l’État d’Israël, ce qui a permis d’ouvrir des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens. Cette position est aujourd’hui celle de l’Autorité palestinienne, mais elle est violemment contestée par le Hamas. 5. La Charte de l’OLP appelle l’ensemble du monde arabe à se solidariser avec la cause palestinienne. Elle place le mouvement national palestinien à l’avant-garde du combat destiné à réaliser l’unité arabe. Mais les pays arabes sont eux-mêmes très divisés et le soutien apporté aux Palestiniens n’est souvent qu’un moyen de masquer leurs divisions profondes et de servir leurs intérêts propres. C’est ce que rappelle amèrement le récit palestinien de la guerre de 1948 (doc. 5) : les Arabes n’ont pas su préserver leur unité face à Israël et on a vu que la Jordanie avait profité de l’occasion pour annexer une partie du territoire palestinien. À l’époque où est rédigée la Charte de l’OLP, le mouvement national palestinien cherche précisément à s’affranchir de la tutelle des États arabes, sous l’impulsion de Yasser Arafat. Deux ans plus tard, en septembre 1970, l’OLP est pour cette raison expulsée de Jordanie au terme de violents affrontements qui font des milliers de morts. 6. L’ampleur du taux de chômage dans les Territoires palestiniens révèle la dégradation de la situation économique et sociale, depuis la deuxième Intifada et la rupture entre l’Autorité palestinienne et le Hamas, qui a pris le contrôle de Gaza. Depuis la fin des années 1990, le taux de chômage a grimpé d’environ 10 % à 30 % des actifs. À Gaza, il a même approché les 40 % et se maintient à un niveau plus élevé qu’en Cisjordanie. Les attentats-suicides et les tirs de roquettes opérés par le Hamas depuis la bande de Gaza ont amené les dirigeants israéliens à boucler régulièrement les territoires palestiniens, empêchant leurs habitants de venir travailler en Israël. L’érection d’une « barrière de séparation » perturbe également les échanges entre les différentes enclaves arabes de l’Autorité pales© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 tinienne en Cisjordanie. Les ressources sont par ailleurs insuffisantes pour absorber la très forte croissance démographique dans les territoires. 7. Le conflit israélo-arabe a provoqué le départ de centaines de milliers de réfugiés palestiniens. Le peuple palestinien est toujours en quête d’un État. La reconnaissance de l’État d’Israël par l’OLP lui a toutefois permis d’obtenir des avancées significatives dans la reconnaissance de ses droits politiques. Depuis la fin des années 1990 cependant, le blocage du processus de paix et les surenchères du Hamas voient les affrontements entre Arabes et Israéliens se poursuivre, au prix d’une dégradation de la situation économique et sociale dans les Territoires palestiniens. ◗ Étude Quelle paix entre Israéliens et Palestiniens ? � MANUEL, PAGES 278-279 Réponses aux questions 1. Cette photographie immortalise la poignée de main qui scelle les débuts de la réconciliation entre deux adversaires irréductibles, l’ancien chef d’état-major israélien durant la guerre des Six-Jours, devenu Premier ministre, Yitzhak Rabin (doc. 1 p. 267), et le chef charismatique de l’OLP, Yasser Arafat, perçu jusque là comme un terroriste en Israël. Ce geste symbolise une double reconnaissance : celle de l’OLP comme représentant légitime du peuple palestinien par Israël, et celle de l’existence de l’État d’Israël par l’OLP. Il vaut à ces deux hommes, ainsi qu’à Shimon Peres, l’obtention du prix Nobel de la paix en 1994. Yitzhak Rabin, assassiné par un extrémiste israélien en 1995, l’a payé de sa vie. 2. Elie Barnavi comme Elias Sanbar sont tous deux favorables au processus de paix israélopalestinien : la reconnaissance mutuelle de l’OLP et de l’État d’Israël a marqué une étape décisive dans l’évolution récente du conflit israélo-palestinien. Ils regrettent cependant tous deux l’imprécision de ces accords sur le calendrier et le contenu des négociations : les litiges les plus délicats ont été délibérément écartés, à savoir le statut de Jérusalem, les colonies juives et les réfugiés palestiniens. Mais c’est également sur ce point que les deux hommes se séparent : Elias Sanbar estime que © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 ces questions n’auraient pas dû être écartées au départ, même pour faciliter la conclusion des accords d’Oslo. Car elles ont constitué des bombes à retardement : l’Autorité palestinienne s’est trouvée d’emblée en difficulté face à la poursuite des implantations juives dans les territoires. Face aux surenchères du Hamas et des opposants palestiniens au processus de paix, Yasser Arafat a durci sa position en relançant la question des réfugiés, ce qui a bloqué durablement le processus de paix. Elie Barnavi estime qu’à défaut de trancher sur les questions les plus « explosives » à Oslo, il aurait fallu s’engager par un calendrier précis à ce qu’elles le soient un peu plus tard. Il ajoute qu’Israéliens et Palestiniens auraient dû prendre des engagements plus contraignants, sous le contrôle de la communauté internationale. Elie Barnavi pense sûrement ici à la « feuille de route » élaborée en 2003 (voir doc. 4 p. 275), qui a tenté de combler les lacunes du processus d’Oslo. En fin de compte, les ambiguïtés ou l’imprécision des accords d’Oslo ont été instrumentalisées par ceux qui n’ont jamais eu l’intention d’en respecter l’esprit : les partisans de la poursuite de la colonisation côté israélien, les adversaires de l’existence d’un État juif en Palestine côté palestinien. Comme Elie Barnavi (issu de la gauche israélienne), le Premier ministre de droite Benjamin Netanyahu met l’échec des accords d’Oslo au compte de l’extrémisme, mais seulement de celui des islamistes. B. Netanyahu évoque ainsi la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza, ainsi que l’influence grandissante du Hezbollah au Liban et des Frères musulmans en Égypte : tous ces mouvements, rappelle-t-il, « ne s’opposent pas aux politiques d’Israël, mais à l’existence d’Israël » : manière de dire que toute concession éventuelle du gouvernement israélien ne servirait à rien face à des interlocuteurs qui n’ont pas l’intention de négocier quoi que ce soit. Le chef du gouvernement se défend ainsi d’être jugé responsable du blocage du processus de paix. Il rappelle qu’Israël, par le passé, a bien rendu ou évacué certains territoires, en particulier Gaza et le Sud-Liban ; la sécurité d’Israël n’en est pas mieux assurée pour autant et les islamistes radicaux ont fini par l’emporter sur les modérés. Il estime enfin qu’Israël ne peut pas prendre le risque de placer sa sécurité entre les 159 • mains de forces internationales, qui ne sont pas montrées particulièrement efficaces jusqu’ici. Pour B. Netanyahu, la sécurité d’Israël prime donc la reprise de négociations, par ailleurs difficiles, voire inextricables, sur Jérusalem, les réfugiés et les colonies. 3. Dans son célèbre discours à l’université alAzhar du Caire adressé au monde musulman, le président Obama a longuement abordé la question palestinienne. Il a voulu justifier le rôle d’arbitre que jouent les États-Unis dans le processus de paix, alors qu’ils sont souvent perçus comme unilatéralement pro-israéliens au sein de l’opinion arabo-musulmane. Dans un discours qui se veut équilibré, il appelle ainsi Palestiniens et Israéliens à faire des concessions mutuelles. L’Autorité palestinienne doit se montrer davantage en mesure de gouverner efficacement, autrement dit de s’affranchir des luttes de clans et de la corruption, afin d’apporter la preuve auprès du peuple palestinien que la poursuite du processus de paix est préférable à la reprise des hostilités envers Israël. Le président américain ne désespère pas non plus d’amener le Hamas, qui dirige désormais Gaza, à prendre ses responsabilités en renonçant à son tour à la violence et en reconnaissant l’existence de l’État d’Israël. Le président Obama enjoint les Israéliens, de leur côté, à renoncer à poursuivre la colonisation juive dans les territoires : il y voit clairement le principal obstacle à la reprise des négociations. Par ailleurs, il demande aux Israéliens de soutenir la tâche difficile de l’Autorité palestinienne : la crédibilité de ses dirigeants auprès du peuple palestinien dépend en grande partie de leur capacité à améliorer la situation économique et les conditions de vie, qui se sont dégradées depuis la fin des années 1990. Barack Obama évoque ainsi la crise humanitaire qui sévit à Gaza, du fait du blocus israélien (ripostant aux tirs de roquettes du Hamas sur Israël). Il retourne enfin l’argument souvent employé par les dirigeants israéliens, qui justifient au nom de la sécurité d’Israël la poursuite de la colonisation et le bouclage des Territoires palestiniens : pour le président américain, en rendant plus difficile la vie des Palestiniens, ces mesures ne peuvent que faire le jeu de l’extrémisme et du terrorisme. 4. Fondé en 1978, le mouvement « La Paix maintenant » se veut le porte-parole des paci• 160 fistes israéliens. Ces derniers, très minoritaires en Israël, manifestent contre la poursuite de la colonisation dans les Territoires palestiniens, qui constitue l’un des principaux facteurs de blocage du processus de paix. Entre 1968 et 2006, le nombre de colons juifs installés en Cisjordanie est passé de 5 000 à 230 000, auxquels s’ajoutent 180 000 personnes installées à Jérusalem-Est. Ces militants pacifistes protestent également contre l’influence des partis religieux, qui soutiennent vigoureusement la colonisation, financée par les crédits du gouvernement : ces partis religieux sont eux aussi très minoritaires, mais leur soutien est souvent indispensable à la formation d’une majorité gouvernementale à la Knesset. En brandissant un drapeau israélien et un drapeau palestinien, les manifestants expriment par un symbole fort leur aspiration à ce que Palestiniens et Israéliens puissent chacun vivre en paix dans leur État respectif, aux frontières sûres et reconnues. 5. Les principaux obstacles à l’instauration d’une paix durable entre Israéliens et Palestiniens sont au nombre de trois : – Le statut de Jérusalem, revendiquée comme capitale par les deux peuples. – La colonisation juive : à l’origine, les premières implantations juives dans les territoires alors occupés par Israël ont été justifiées par un besoin de sécurité. De fait, l’État hébreu a démantelé les colonies, parfois manu militari contre les colons qui y résidaient, dans les territoires qu’il a restitués, à savoir le Sinaï et Gaza. Mais pour une partie de la droite israélienne comme pour les partis religieux, les implantations sont destinées à pérenniser la présence juive sur au moins une partie de la Cisjordanie. À l’heure où ces lignes sont écrites, la question d’un gel éventuel des implantations juives, ou d’une partie d’entre elles, continue de bloquer les négociations. – Les réfugiés palestiniens : pour les Palestiniens, le droit au retour des Palestiniens expulsés en 1948 est une question de principe. Pour les Israéliens, cette revendication est un moyen détourné de continuer à nier l’existence de l’État d’Israël, puisqu’en raison de la forte croissance démographique de la population palestinienne, les Arabes deviendraient majoritaires au sein de l’État hébreu. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 ◗ Étude La question libanaise et ses répercussions internationales � MANUEL, PAGES 280-281 Réponses aux questions 1. La cohésion nationale du Liban est fragile, du fait de la coexistence de nombreux groupes confessionnels : les liens claniques et communautaires y limitent fortement l’emprise de l’État sur la société, surtout lorsque les communautés sont bien ancrées sur un territoire donné (cas des Druzes dans la montagne libanaise par exemple). Ni les chrétiens, ni les musulmans ne forment des communautés homogènes. Les institutions libanaises reposent sur le Pacte national établi en 1943, qui prévoit un partage du pouvoir entre chrétiens maronites, sunnites et chiites. Cet équilibre a été partiellement remis en cause par l’évolution démographique (légèrement majoritaires lors de la création du Liban par la France, les chrétiens sont ainsi devenus minoritaires), mais surtout par l’ingérence des États qui soutiennent tel ou tel groupe en fonction de leurs intérêts respectifs (la Syrie, Israël et plus récemment l’Iran). 2. C’est après avoir été expulsée de Jordanie en 1970 (« septembre noir ») que l’OLP, emmenée par Yasser Arafat, se replie au Liban. L’arrivée des combattants palestiniens au Liban, où existaient déjà de nombreux camps de réfugiés depuis 1948, remet en cause le fragile équilibre entre les diverses communautés du pays. Les Druzes de Kamal Joumblatt s’allient aux Palestiniens et s’opposent aux milices chrétiennes. En 1975, le Liban plonge dans la guerre civile, qui s’amplifie en raison de l’ingérence de la Syrie et d’Israël dans le conflit libanais. Le Liban devient ainsi l’un des théâtres extérieurs du conflit israélo-palestinien. En 1982, Israël lance l’opération « Paix en Galilée » afin de déloger l’OLP du Liban. Yasser Arafat est alors contraint de quitter Beyrouth pour Tunis. C’est dans ce contexte que se produit le massacre d’un millier de Palestiniens des camps de Sabra et de Chatila, par des membres des milices chrétiennes, alliées des Israéliens. Devant l’émotion suscitée par ce massacre dans l’opinion publique israélienne, une commission d’enquête a été confiée à un membre de la Cour suprême d’Is© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 raël (la commission Kahane), qui a conclu à la responsabilité indirecte des autorités militaires israéliennes qui, alors que les camps palestiniens étaient sous leur contrôle, ont laissé s’introduire des phalangistes chrétiens. Le rapport de la commission a contraint le premier ministre, M. Begin, à démissionner. Le conflit libanais, comme le conflit israélopalestinien, s’est lui aussi « islamisé » dans la période récente, avec la création du parti chiite Hezbollah, en 1982. Comme le Hamas palestinien, le Hezbollah refuse de reconnaître le droit à l’existence de l’État d’Israël, qualifié pour cette raison d’« entité sioniste ». L’État d’Israël est présenté comme une entité complètement étrangère à la région, réduite à son identité arabomusulmane, et comme une création de toute pièce de l’impérialisme occidental : il s’agit bien entendu d’un anachronisme complet quand on sait que la création de l’État d’Israël marque d’abord la défaite de l’impérialisme britannique. Pour le Hezbollah, Israël est une puissance coloniale qui constitue l’avant-poste de l’Occident pour établir son hégémonie sur l’ensemble du Moyen-Orient. Israël est jugé seul responsable des guerres qui ont ensanglanté la région, la Charte du Hezbollah omettant les nombreux conflits qui, dans la région, n’ont aucun rapport avec le conflit israélo-arabe. Le soutien apporté à la cause palestinienne permet ainsi aux islamistes du Hezbollah de reprendre le flambeau anti-impérialiste naguère brandi par les nationalistes arabes. 3. L’accord de Taëf est un accord de réconciliation nationale qui tente de mettre un terme à la guerre civile que connaît le Liban depuis 1975. Le « Document d’entente nationale » prévoit ainsi un rééquilibrage des pouvoirs entre les représentants des différentes communautés confessionnelles, l’élection d’un nouveau président de la République et la formation d’un gouvernement d’union nationale. Ce gouvernement reçoit la mission de restaurer la souveraineté de l’État libanais sur l’ensemble de son territoire. Il s’agit notamment d’obtenir le retrait de l’armée israélienne du Sud-Liban, qu’elle occupe depuis 1978. En revanche, l’accord prévoit le maintien des forces armées syriennes, au nom des « relations fraternelles qui lient la Syrie au Liban ». Elles 161 • assisteront l’État libanais au cours d’une période qui, en principe, ne doit pas excéder deux ans : en réalité, l’accord prévoit, au terme de ces deux ans, un « redéploiement » de l’armée syrienne dans la plaine de la Bekaa. L’accord de Taëf établit une sorte de tutelle de la Syrie sur le Liban, la Syrie se faisant la gardienne de l’entente nationale (« l’entente entre ses fils ») et de la souveraineté du Liban. C’est pourquoi l’accord de Taëf a été dénoncé comme pro-syrien par le général chrétien Michel Aoun, qui voulait alors restaurer l’autorité de l’État libanais en transcendant les clivages confessionnels. Il est toutefois contraint par les forces syriennes de se réfugier à l’ambassade de France, puis de s’exiler, en octobre 1990. 4. Trois éléments principaux ont conduit à l’internationalisation du conflit libanais : – La Syrie n’a jamais accepté la partition du Liban par la France, considérant le Liban comme partie intégrante d’une grande Syrie. D’autant que la France, puissance mandataire, a opté pour la création d’un Grand Liban, débordant largement les régions où les chrétiens constituaient la grande majorité de la population. Dès 1976, la Syrie occupe la plaine de la Bekaa. L’accord de Taëf officialise cette présence de l’armée syrienne, qui n’évacue le pays qu’en 2005, au lendemain de l’attentat qui a coûté la vie au Premier ministre libanais Rafic Hariri (probablement commandité par la Syrie, mais l’enquête n’a toujours pas abouti). – Le repli des bases de l’OLP au Liban après 1970 amène Israël à intervenir dès 1978 au SudLiban. Le Conseil de sécurité de l’ONU dépêche l’envoi de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban), qui permet d’obtenir le retrait israélien, à l’exception d’une zone tampon de 10 km à la frontière. Soutenu par les milices chrétiennes (rebaptisées Forces libanaises) de Bachir Gemayel, Israël déclenche l’opération Paix en Galilée en 1982. L’objectif est de neutraliser les bases de l’OLP au Liban et d’en déloger la Syrie. L’armée israélienne parvient jusqu’à Beyrouth. En août 1982, les combattants palestiniens sont évacués sous la protection d’une force d’interposition composée de soldats américains, français et italiens. L’opération Paix en Galilée se solde finalement par un fiasco pour Israël. Son armée s’enlise au Liban. Le combat • 162 des Palestiniens contre Israël est repris par les milices chiites Amal et le Hezbollah, qu’Israël affronte sans succès en 2006. – La période récente est marquée par les progrès de l’islamisme, le Hezbollah étant fortement soutenu par l’Iran. 5. On retrouve au Liban la plupart des facteurs de conflictualité du Moyen-Orient : – La difficile coexistence de groupes ethniques ou confessionnels qui mine la cohésion nationale et affaiblit l’autorité de l’État. – La non-reconnaissance ou la contestation des frontières du pays : par la Syrie, mais aussi par Israël où certains projets sionistes ambitionnent de porter la frontière nord d’Israël jusqu’au fleuve Litani. – La non résolution du problème palestinien, qui a fini par « s’exporter » en territoire libanais. – La progression de mouvements islamistes qui refusent toute négociation avec Israël et justifient le recours au terrorisme. ◗ BAC Étude critique de document Étudier un document autobiographique � MANUEL, PAGES 284-285 RÉPONSES AUX QUESTIONS des encadrés Sujet : La Palestine, un foyer de conflit depuis la fin de la Première Guerre mondiale. 1. En 1975, aucun dirigeant arabe n’a encore reconnu l’existence de l’État d’Israël. La guerre de Kippour a eu lieu deux ans auparavant. 2. Il s’agit de la première guerre israélo-arabe. L’État d’Israël a été proclamé la veille. 3. Les termes employés peuvent être qualifiés de méprisants : motivations « ridicules », dirigeants « désespérément primitifs dans leurs raisonnements ». 4. Cette référence au sionisme permet de rappeler que l’immigration juive est bien plus ancienne que l’État d’Israël. 5. Voir la note 3 du texte, page 284. BAC BLANC Sujet : La Palestine, genèse d’un conflit. Ce document permet d’évoquer la situation de la Palestine avant la création de l’État d’Israël. Le premier ennemi pour les Arabes est bien l’occu© Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 pant britannique. Les cris de « À bas la résolution Balfour ! » montrent que les Arabes ne sont pas dupes des promesses des Anglais. Le futur royaume arabe indépendant prévu n’inclue en effet pas la Palestine. Les grèves dont il est question dans ce texte marquent le début d’un mouvement de révolte qui s’étend jusqu’en 1939. Les Arabes de Palestine réclament la fin du mandat britannique, mais aussi la fin de la colonisation juive. Ces juifs sont considérés comme un « autre occupant » et l’enfant qu’est Georges Habache a conscience qu’il sera « dangereux ». Mais les Arabes à cette époque sont « davantage préoccupés par les Britanniques ». L’auteur fait aussi la distinction, entre les juifs « ostensiblement sionistes » et les autres, avec qui les relations sont « parfois même, bonnes ». ◗ BAC BLANC Étude critique de documents � MANUEL, PAGE 286 Sujet : L’islamisme en Iran. L’islamisme émerge dans un contexte de guerre froide. Il se caractérise notamment par son refus de s’aligner, « ni Est, ni Ouest ». Il s’agit là du « slogan fondamental de la révolution islamiste » selon Khomeiny. La banderole du document 2, empruntant à la signalétique routière, le traduit en image. Ces deux camps sont également impies. Il s’agit de mener contre eux une guerre sainte, un « jihad ». Une autre caractéristique de l’islamisme visible ici est l’opposition radicale au sionisme, « cellule maligne et cancérigène ». Khomeiny annonce son « soutien sans limites » à la lutte contre Israël dans ce discours de 1987. La photographie du document 2 montre que ce soutien était déjà explicite et acquis en 1979, dès le début de la révolution iranienne. On y voit des manifestants brandir le portrait de Yasser Arafat, chef de l’OLP depuis 1969. Bien qu’en 1987 la guerre Iran-Irak fasse encore rage, Khomeiny s’adresse dans ce discours de manière univoque à tous les musulmans. À l’occasion du pèlerinage à La Mecque, il insiste sur l’unité de l’Umma qu’il s’agit d’étendre afin de connaître « la liberté ». L’appel à la lutte armée est clair. La possibilité du martyre aussi, qui annonce les méthodes terroristes (attentats-suicides notamment) qui se développent dans les années qui suivent. © Nathan. Histoire Terminales L/ES Le Quintrec, 2012 ◗ BAC BLANC � MANUEL, PAGE 287 • Composition Sujet 1 : Juifs et Arabes en Palestine du lendemain de la Première Guerre mondiale à nos jours. Proposition de plan : I. Les origines du conflit israélo-arabe (1917-1948). II. Le conflit israélo-arabe pendant la guerre froide (1949-1989). III. Le processus de paix israélo-palestinien entre avancées et impasses depuis 1990. Sujet 2 : Les conflits au Proche et MoyenOrient de 1945 à nos jours. Proposition de plan : I. Le conflit israélo-arabe (1945-1979). II. Les autres sources de conflictualité depuis 1979. III. Le processus de paix israélo-palestinien depuis 1979. • Étude critique de document Sujet : Le conflit libanais au Proche-Orient. Françoise Demulder est, pour ce cliché, la première femme à recevoir la plus haute récompense du photojournalisme : le prix World Press photo de l’année. Cette photographie est prise en 1976, un an après le début de la guerre civile au Liban. Ce pays, créé par la France en 1922, fait cohabiter diverses communautés. L’équilibre est fragile et l’arrivée de l’OLP en 1970 le rompt. La Quarantaine est un quartier pauvre du nordest de Beyrouth. Le massacre que les milices chrétiennes y perpétuent contre les Palestiniens qui y sont réfugiés depuis 1948 est un exemple de la violence que subissent les populations pendant cette guerre civile. Deux jours plus tard, les milices palestiniennes, en représailles, massacrent plusieurs centaines de chrétiens dans la ville de Damour, à 20 km environ au sud de la capitale. En septembre 1982, à Sabra et Chatila, les phalangistes se rendent coupables d’un massacre qui reste, davantage que la Quarantaine encore, le symbole des exactions commises pendant la guerre du Liban. 163 •