L
e présent exposé concerne exclusivement les formations cal-
ciques de la coiffe des rotateurs responsables d’un tableau
d’épaule douloureuse chronique, avec ou sans accès inter-
mittents.
NOTRE EXPÉRIENCE DES PONCTIONS-LAVAGES
Nos ponctions-lavages ont été effectuées depuis 1983, en ambula-
toire, soit à l’hôpital Lariboisière, soit en clinique.
* Service de rhumatologie, hôpital Lariboisière, Paris.
** Service de rhumatologie, hôpital Lariboisière, Institut Nollet de l’appa-
reil locomoteur, Paris.
La ponction-lavage est indiquée dans le traitement des
calcifications de la coiffe des rotateurs responsables d’un
tableau d’épaule douloureuse chronique avec ou sans accès
intermittents.
La décision de ponctionner est fondée sur l’aspect homo-
gène de la calcification, sa stabilité, sa dimension de 5 mm de
diamètre au minimum ou 15 mm
2
de surface, l’échec du trai-
tement médical initial depuis au moins trois mois.
La technique doit être précise et bien codifiée.
Dans notre série, nous rapportons 64 % de bons et très
bons résultats, avec un recul moyen de 19 mois.
Mots-clés : Calcifications - Coiffe des rotateurs - Ponction
lavage - Repérage scopique.
Keywords:
Calcific deposits - Rotator cuff - Puncture and
needle aspiration - Fluoroscopic control.
Points forts Indications
Des signes cliniques de souffrance supra-épineuse sont présents
dans 75 % des cas.
Il est parfois difficile de reconnaître la responsabilité exclusive des
microcristaux (1). En effet, si la crise hyperalgique et la migration
calcique sont de toute évidence liées, le rôle de la calcification est
plus difficile à affirmer devant une épaule douloureuse d’intensité
moyenne. Nous avons retenu particulièrement le caractère tenace
de la douleur sous-acromiale et son évolution par poussées succes-
sives, comportant une recrudescence nocturne de plus en plus nette.
Des irradiations cervico-brachiales sont fréquentes.
En cas de doute, la recherche échographique d’une perforation de
la coiffe peut être positive. À cet égard, c’est principalement entre
40 et 50 ans que nous avons ponctionné nos malades, c’est-à-dire
à un âge inférieur d’une dizaine d’années à celui des porteurs de
rupture, mais celle-ci ne nous semble pas être une contre-indication
à la ponction si la perte de substance est de petite taille.
En cas d’association à une capsulite rétractile, nous effectuons la
ponction lorsque la calcification est particulièrement symptomatique.
Sur le plan général, on écarte de la ponction-lavage :
les sujets allergiques à la lidocaïne ;
ceux porteurs d’une infection intercurrente ;
ceux présentant un risque hémorragique et chez lesquels une
“fenêtre” thérapeutique ne peut être réalisée.
La décision de ponctionner repose sur des critères précis :
l’aspect homogène de la calcification ;
sa stabilité ;
sa dimension de 5 mm de diamètre au minimum ou 15 mm2de
surface ;
l’échec du traitement médical initial depuis au moins trois mois.
Ce traitement médical associe les anti-inflammatoires non sté-
roïdiens (AINS) et un maximum de trois infiltrations extra-arti-
culaires sous-acromiales, à environ 15 jours d’intervalle, d’une
suspension cortisonique non fluorée, contenant des cristaux de
faible taille comme l’acétate d’hydrocortisone ou le cortivazol.
Les mesures antalgiques comprennent le ménagement de l’épaule,
la physiothérapie, les massages décontracturants sans mobilisa-
tion passive, les antalgiques de niveau I ou II (2).
La stabilité de la collection calcique, c’est-à-dire l’absence de migra-
tion en cours, est confirmée par les radiographies : en incidence
de face, neutre et en rotation du bras, ainsi qu’un profil de coiffe ;
on compare les clichés antérieurs avec ceux précédant de “très
près” la ponction.
Ponctions-lavages téléguidées
des calcifications de la coiffe des rotateurs
Needle aspiration of rotator cuff calcific deposits under fluoroscopic control
C. Normandin*, H. Lellouche**
La Lettre du Rhumatologue - n° 316 - novembre 2005
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COMMENT TRAITER UNE CALCIFICATION TENDINEUSE
COMMENT TRAITER UNE CALCIFICATION TENDINEUSE
La Lettre du Rhumatologue - n° 316 - novembre 2005
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En cas de pluralité des sites, l’examen clinique – s’il est fiable –
peut nous orienter vers un secteur tendineux particulier. Sinon, nous
abordons en priorité la collection sus-épineuse, le plus souvent
responsable des symptômes (dans la littérature : 70 à 80 % des cas).
Technique des ponctions-lavages
Le matériel radiologique comprend une table fixe avec amplifica-
teur de brillance, le tube étant inclinable en antéro-postérieur.
Le repérage, avant asepsie, se fait sur le sujet en décubitus dorsal,
rayon vertical perpendiculaire à l’épaule, en s’efforçant d’orienter
la calcification en dehors des structures osseuses :
la collection supra-épineuse apparaît sur la scopie de face, bras
en rotation externe, en dehors et au-dessus du tiers supérieur du
trochiter ;
la calcification infra-épineuse apparaît, bras en rotation interne,
en dehors du tiers moyen du trochiter, et celle du tendon du petit
rond, en dehors du tiers inférieur ;
la collection sous-scapulaire, bien mise en évidence de face,
en rotation nulle, se déplace transversalement selon les rotations
du bras ;
les calcifications sus- et sous-glénoïdiennes, proches des deux
portions bicipitales, ne sont pas influencées par les rotations du
bras ;
la bursite sous-acromiodeltoïdienne est repérée très facilement
de face, en légère rotation externe du bras.
Un index métallique (figure 1)est superposé devant l’opacité cal-
cique à ponctionner, et un marquage cutané entoure le point repéré.
Après asepsie cutanée (avec un dérivé iodé), un champ stérile avec
perforation minimale de 5 cm de diamètre est appliqué avec les
précautions usuelles : port de gants stériles, bavette, non seulement
pour l’opérateur, mais aussi pour le patient. L’aiguille de ponc-
tion avec mandrin de désobstruction (19 gauge,1,1 x 50 mm) est
introduite verticalement au centre du marquage, et l’injection de
lidocaïne (4 à 6 ml à 1 % minimum) est effectuée depuis la peau
jusqu’au contact de la calcification. Après quelques minutes, la
collection est pénétrée. On s’assure alors de la situation constante
de l’extrémité de l’aiguille au sein de la calcification, en faisant
varier l’inclinaison antérieure et postérieure du tube radiologique
(3) (figure 2).
La ponction-lavage proprement dite est indolore. Lorsque la ou les
aiguilles de ponction sont en place, un cliché standard est réalisé.
Après avoir contrôlé l’absence d’effraction vasculaire, des pulsions
intermittentes sont effectuées sur le piston. À l’interruption de chaque
pulsion, le liquide porteur de cristaux est recueilli sous la forme
d’un nuage blanc. L’opération est renouvelée au fur et à mesure du
reflux des cristaux (figure 3). Le liquide ponctionné, en cas d’ana-
lyse souhaitée, doit être recueilli dans un tube plastique stérile
hépariné ; si l’examen est retardé de plus de 12 heures, il doit être
réfrigéré. La plupart des cristaux sont des apatites carbonatées
(forme stable du phosphate de calcium), identifiables individuel-
lement en microscopie électronique.
Si la collection est importante, nous utilisons une deuxième aiguille
de ponction communicante. Quelquefois, malgré son homogénéité,
la calcification, trop dure, n’est pas ponctionnable. Cependant,
l’échec de ce recueil peut être suivi, les jours suivants, d’une migra-
tion micro-cristalline au moins partielle. Une infiltration cortiso-
nique termine le geste (sauf en cas de diabète instable). Un panse-
ment sec est appliqué. La durée de la ponction est de 25 à 40 minutes.
Un cliché, identique aux précédents, est réalisé en fin de séance. Les
lipothymies, rares, seront évitées en retardant l’orthostatisme.
Si le patient n’est pas en hospitalisation de jour, il doit être raccom-
pagné à son domicile, l’avant-bras soutenu, après contrôle tension-
nel. Un repos complet de quatre à dix jours est recommandé avec
un arrêt de travail modulé selon la profession. La conduite d’un
véhicule est exclue. Les sports de haut niveau et les travaux
pénibles sont retardés jusqu’au contrôle radio-clinique de la cin-
quième semaine.
Précautions et complications
(4)
À l’occasion de ces ponctions, le consentement éclairé du malade
doit découler d’une “information loyale, claire et appropriée.” Cette
obligation est encore plus stricte depuis l’arrêt de la Cour de cas-
Figure 1. Le repérage métallique. Figure 3. Le nuage calcique.
Figure 2. Le repérage scopique (schéma d’après J.D. Laredo).
COMMENT TRAITER UNE CALCIFICATION TENDINEUSE
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sation du 25 février 1997. Désormais, le doute profite au patient
et échappe au praticien. Un compte-rendu de la ponction et de ses
suites, adressé au médecin traitant, revêt tout son intérêt.
Les patients sont prévenus de la survenue, une fois sur deux, d’une
réaction douloureuse de l’épaule, allant de quelques heures à quatre
jours, rarement plus, témoin d’une poussée inflammatoire locale
qui sera combattue par l’application intermittente d’une vessie de
glace, par la prise d’antalgiques, d’AINS et quelquefois de col-
chicine (1 à 2 mg/j). La massokinésithérapie active n’est pas indi-
quée à ce stade.
Les complications immédiates, liées à la ponction, concernent la
possibilité d’une infection secondaire, mais aucun accident de ce
type n’est à signaler dans le suivi de nos malades.
Une réaction inflammatoire intense, liée à une migration secon-
daire massive, très rare, peut s’accompagner de fièvre et d’une
vitesse de sédimentation accélérée avec hyperleucocytose, néces-
sitant la mise en observation. Un hématome au point de ponction
est exceptionnel. Des algodystrophies secondaires surviennent
dans moins de 4 % des cas.
La ponction comporte, en principe, un risque de perforation ou de
rupture de coiffe des rotateurs, et ce d’autant plus qu’une calcifi-
cation qui migre spontanément peut laisser place à une perforation
de la coiffe.
Un contrôle radio-clinique à la cinquième semaine nous permet
de voir une migration complémentaire de la calcification résiduelle
en plus de l’état clinique. La plupart du temps, le résultat se stabi-
lise au quatrième mois.
Nos résultats
L’âge moyen est de 47 ans, avec une prédominance féminine
(deux tiers des patients).
Nous avons évalué les résultats à partir du septième mois après
la ponction.
Ainsi, plusieurs de nos contrôles, avec un suivi de 8 à 45 mois,
affichent 64% de bons et très bons résultats, fondés sur trois à quatre
de ces critères :
la disparition totale des douleurs nocturnes ;
l’amélioration des mouvements de l’épaule, avec retour à l’acti-
vité antérieure ;
la régression des douleurs diurnes ;
la résorption totale ou partielle de la calcification.
Le taux d’échec et de rechutes s’élève à 29 %. Il s’agit :
soit de la persistance de la calcification, techniquement imponc-
tionnable ;
soit de la récidive de la calcification (4 % de nos cas sur deux
ans) ;
soit d’un surmenage intempestif de l’épaule dans les trois mois
qui ont suivi le traitement ;
soit, enfin, de la persistance ou de la réapparition spontanée
d’un conflit antéro-supérieur avec bursite non cristalline, nécessi-
tant de nouveaux examens.
Le taux de recours à l’arthroscopie interventionnelle s’élève à
15 % (5).
CONCLUSION
La durée de vie des calcifications de la coiffe est limitée, puisque
guère plus de 10 % d’entre elles ont un suivi radiographique au-
delà de six ans. Mais, à l’inverse, la crise hyperalgique de migration-
résorption menant à la guérison n’est pas assurée.
Aussi la ponction-lavage-aspiration radioguidée constitue-t-elle
–après échec d’un traitement médical bien conduit et avant toute
intervention – une alternative, couronnée de succès dans deux tiers
des cas, les patients étant soigneusement sélectionnés. L’absence
d’hospitalisation, l’immobilisation relativement courte et le coût
financier réduit présentent un intérêt supplémentaire.
Bibliographie
1. Bucki B, Bardin Th. Microcristaux du liquide articulaire. Paris : Éd. Elsevier;2001.
2. Noel E, Brantus JF, Nove-Josserand L, Liotard JP,Walch G. Les calcifications de
la coiffe des rotateurs. Évolution naturelle. In : Simon L, Pelissier J, Herisson C.
Actualités en rééducation fonctionnelle et réadaptation 20esérie, Paris : Éd.
Masson;1995:118-27.
3. Normandin C. Ponction-lavage des calcifications d’épaules : indications, suites.
In : Entretiens de Bichat. Médecine du sport. Paris : Expansion scientifique fran-
çaise;1997:89-91.
4. Normandin C, Seban E, Laredo D, Bard M, Kuntz D. Aspiration of tendinous
calcific deposit. In : Interventional Radiology in bone and joint. Paris : Éd. Springer
Verlag;1988:258-70.
5. Normandin C, Seban E, Bard M, Kuntz D. Puncture and needle aspiration of
cuff rotator calcification about 122 painful shoulders. XVIIth ILAR. Congress of
Rheumatology, Rio de Janeiro, Brazil 1989;Abstract P 751.
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