Exérèse arthroscopique des calcifications de la coiffe des rotateurs

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COMMENT TRAITER UNE CALCIFICATION TENDINEUSE
Exérèse arthroscopique des calcifications
de la coiffe des rotateurs
Technique, résultats et indications
Arthroscopic removal of the calcific deposits of the rotator cuff
● C. Lévigne*
P o i n t s
f o r t s
■ L’indication d’exérèse arthroscopique d’une calcification doit
être discutée après échec d’un traitement médical bien conduit.
■ La présence d’une épaule enraidie doit contre-indiquer
l’exérèse arthroscopique d’une calcification.
■ L’exérèse de la calcification ne doit pas systématiquement
– type B : calcification dense, homogène et à contours nets, mais
cloisonnée (65 %) (figure 2) ;
– type C : calcification hétérogène peu dense, à contours mal
limités (15 %) (figure 3).
Leur taille est variable, pouvant atteindre 5 cm de long.
L’histoire naturelle de ces calcifications est généralement bénigne,
avec une résorption spontanée (délai imprévisible) par un abouchement de la calcification à la surface du tendon et une évacuation
dans la bourse sous-acromiale.
Lorsque l’épaule reste douloureuse malgré les différents traitements
médicaux, une exérèse arthroscopique doit être discutée.
être complétée par une acromioplastie, ni être forcément précédée d’une exploration arthroscopique de l’articulation glénohumérale.
■ Les calcifications de type C (hétérogènes et mal limitées)
constituent une entité particulière pour laquelle les résultats
sont moins bons que pour les types A ou B.
■ Le patient doit être bien informé des suites parfois diffi-
ciles, avec “une traversée du désert” qui peut durer trois mois.
Mots-clés : Épaule - Calcifications - Arthroscopie.
Figure 1. Radiographie d’une cal- Figure 2. Radiographie d’une calcicification de type A.
fication de type B.
Keywords: Shoulder - Calcific deposits - Arthroscopy.
L
es calcifications de la coiffe des rotateurs sont intratendineuses, situées dans l’épaisseur même du tendon. Elles
peuvent siéger dans le sus-épineux (75 %), le sous-épineux
(20 %) ou le sous-scapulaire (5 %). Elles sont multiples dans
15 % des cas.
L’aspect radiographique des calcifications répond à l’un des trois
types suivants :
– type A : calcification dense, homogène et à contours nets
(20 %) (figure 1) ;
* Chirurgie orthopédique, Clinique du Parc, Lyon.
La Lettre du Rhumatologue - n° 316 - novembre 2005
Figure 3. Radiographie d’une calcification de type C.
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COMMENT TRAITER UNE CALCIFICATION TENDINEUSE
Préalablement, trois actions essentielles doivent être entreprises :
– Vérifier la souplesse de l’épaule : l’enraidissement peut à lui
seul expliquer les douleurs et devra être traité en priorité par une
rééducation. Par ailleurs, l’exérèse arthroscopique d’une calcification sur une épaule enraidie comporte un risque important de capsulite postopératoire.
– Faire un bilan radiographique standardisé (face 3 rotations, profil de coiffe) la veille de l’intervention. Il permettra de vérifier juste
avant l’intervention que la calcification ne montre pas de signe
de résorption.
– Réaliser un arthroscanner ou une IRM en présence d’une calcification de type C, pour rechercher une lésion tendino-musculaire
associée (cela n’est pas nécessaire pour les types A et B).
TECHNIQUE CHIRURGICALE
ET SUITES POSTOPÉRATOIRES
L’intervention nécessite une anesthésie générale ou locorégionale.
Elle dure de 30 à 60 minutes. L’installation du patient est variable :
soit en position demi-assise, soit en décubitus latéral.
Les voies d’abord comportent une voie postérieure pour l’arthroscope et une voie instrumentale antéro-externe. L’exploration première de l’articulation gléno-humérale n’est pas systématique mais
est réalisée en cas de suspicion de pathologie intra-articulaire
associée (la calcification n’est jamais visible par la face inférieure
de la coiffe).
L’exploration de la bourse sous-acromiale est facilitée par une traction dans l’axe du bras permettant une décoaptation sous-acromiale.
L’arthroscope est poussé par la voie postérieure dans la bourse sousacromiale à l’aplomb du bord antérieur de l’acromion.
L’intervention proprement dite commence par une bursectomie à
l’aide d’un shaver motorisé. Le repérage de la calcification est relativement aisé lorsque la calcification est superficielle : la coiffe présente alors une voussure, avec une zone inflammatoire hypervascularisée (figure 4). Lorsque la calcification est plus profonde,
le repérage est plus difficile (exploration par un petit trocard). Le
tendon est ensuite incisé dans le sens des fibres à l’aide d’un bistouri arthroscopique (figure 5). L’évacuation de la calcification est
réalisée par une petite curette et une canule d’aspiration (figure 6).
Les bords de l’incision tendineuse sont ensuite régularisés (shaver
motorisé). L’hémostase est réalisée au bistouri électrique.
Figure 4. Photographie arthroscopique de la
palpation d’une calcification du sus-épineux.
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La consistance de la calcification est le plus souvent crayeuse (évacuation avec aspect de “tempête de neige”). Elle est parfois plus
molle, avec un aspect en “pâte dentifrice”, plus rarement, elle peut
être véritablement incrustée dans le tendon (type C).
Certains gestes peuvent être associés à l’exérèse de la calcification :
• L’acromioplastie a longtemps été considérée comme un geste
nécessaire, voire exclusif, pour certains. Actuellement, toutes les
séries s’accordent pour lui attribuer un rôle tout à fait secondaire,
et ses indications sont limitées (type C, signes arthroscopiques
objectifs de conflit sous-acromial et rares cas où la calcification
n’a pu être trouvée).
• L’exploration arthroscopique de l’articulation gléno-humérale
n’est pas systématique, d’après une étude prospective randomisée
comparant deux groupes de 32 cas (1). Le premier groupe comportait des patients ayant eu une exérèse de calcification avec exploration systématique de l’articulation gléno-humérale. Le deuxième
groupe de patients n’avait pas eu d’exploration gléno-humérale.
Avec un recul de 13 mois en moyenne, la proportion de capsulites rétractiles postopératoires est significativement différente :
12,5 % dans le premier groupe versus 3 %. Le délai de récupération est significativement différent : 11 semaines dans le premier
groupe versus 6,5 semaines. Il est donc actuellement recommandé
de ne pas faire d’exploration gléno-humérale systématique, sauf
en cas de suspicion de pathologie intra-articulaire associée.
L’exérèse arthroscopique d’une calcification de la coiffe des rotateurs nécessite deux à trois jours d’hospitalisation. La rééducation passive commence dès le lendemain de l’intervention. En dehors
des séances de rééducation, le bras doit rester au repos dans une
attelle, coude au corps, pendant trois à six semaines selon l’évolution des douleurs. Nous recommandons aux opérés de ne pas forcer
pendant trois mois.
RÉSULTATS
Nous nous appuyons sur deux études ayant montré des résultats
concordants :
– une série multicentrique (Société française d’arthroscopie,
n = 112, recul moyen de deux ans) (2) ;
– une série monocentrique (Lyon 1993, n = 177, recul moyen de
deux ans) (3).
Figure 5. Photographie arthroscopique de l’incision de la calcification.
Figure 6. Photographie arthroscopique de l’évacuation par curetage de la calcification.
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COMMENT TRAITER UNE CALCIFICATION TENDINEUSE
L’analyse combinée des deux séries révèle 85 % de patients guéris
ou très améliorés. Aucune complication précoce infectieuse ou
vasculo-nerveuse n’a été relevée. En revanche, le pourcentage de
capsulites postopératoires varie de 5 à 9 %.
Le retour à la vie normale se fait en moyenne au bout de trois mois,
mais la stabilisation réelle de l’état fonctionnel de l’épaule peut
être plus longue (six à huit mois selon les séries). Quinze pour cent
des patients gardent quelques douleurs résiduelles, causées vraisemblablement par une zone cicatricielle dans le tendon (tendinopathie
postcalcifiante).
La recherche de facteurs pronostiques a montré que les résultats
étaient significativement moins bons en cas de raideur préopératoire ou de cervicalgies associées. En revanche, il n’y avait aucune
incidence de la durée d’évolution et du nombre d’infiltrations préopératoires.
Le résultat fonctionnel est moins bon dans les calcifications de
type C et lorsqu’il existe une calcification résiduelle sur les clichés
de révision (20 %). Ces calcifications résiduelles sont observées
notamment après traitement des calcifications de type B, lorsque
l’opérateur n’a pas pris soin d’effondrer les cloisons de la calcification. Il n’a pas été observé d’incidence de la taille initiale de la
calcification, de sa localisation, ni du type acromial dans la classification de Bigliani (4).
Les résultats à long terme ont été analysés sur une série de 112 cas
en 2003 (recul moyen de 10,7 ans) (5). Le résultat fonctionnel est
resté stable, sans récidive de calcification sur le même tendon. Deux
cas de rupture (1,8 %) ont été identifiés, sans relation significative,
car ces deux cas présentaient une rupture de coiffe contro-latérale.
Cette étude confirme que les patients opérés d’une calcification
de type A ou B n’ont aucune tendance naturelle à évoluer vers une
rupture tendineuse.
CAS PARTICULIER DES CALCIFICATIONS
DE TYPE C
Il s’agit plus de tendinopathies calcifiantes que de calcifications
tendineuses classiques. Elles représentent 15 % des cas en moyenne
dans toutes les séries.
Nous avions analysé rétrospectivement, en 1996, 33 calcifications
de type C opérées (6).
La population est un peu différente de celle des calcifications de
type A ou B. La prédominance féminine (70 %) reste classique,
mais l’âge moyen est plus élevé (49 ans). Quinze pour cent des
patients avaient fait l’objet d’au moins une trituration ou ponctionlavage-aspiration. La calcification est souvent située sur le sousépineux (33 %), et l’existence de géodes du trochiter est fréquente
(42 %). Une rupture tendineuse associée, partielle ou transfixiante,
est fréquente (48 %). Cela justifie de faire systématiquement un
arthroscanner ou une IRM en présence d’une calcification de
type C.
Plusieurs patients présentaient initialement des calcifications
banales de type A ou B qui ont évolué vers un type C, sans cause
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évidente. Les résultats de l’exérèse arthroscopique sont moins satisfaisants, avec 25 % de calcifications résiduelles au dernier recul,
et 31 % de résultats fonctionnels insatisfaisants. Plusieurs séries
ont montré qu’il valait mieux y associer une acromioplastie.
INDICATIONS
Une exérèse arthroscopique de calcification de la coiffe ne doit
jamais être proposée en première intention, ni pour une calcification asymptomatique. Elle est inutile en cas de crise hyperalgique
de résorption ou si l’aspect radiographique change.
Cinq conditions sont requises pour proposer cette intervention :
– douleur et gêne fonctionnelle invalidantes, interférant dans la vie
quotidienne ;
– pas d’amélioration durable malgré un traitement médical bien
conduit pendant une période minimale de six mois (7) ;
– épaule parfaitement souple ;
– calcification persistante et immuable sur les clichés radiographiques ;
– patient informé des suites postopératoires.
CONCLUSION
Les calcifications de la coiffe des rotateurs constituent une affection bénigne, asymptomatique une fois sur deux, évoluant dans
80 % des cas vers une résorption spontanée. L’exérèse sous arthroscopie est une bonne option thérapeutique en cas d’échec du traitement médical. Cette intervention procure de bons résultats (85 % de
patients guéris ou très améliorés). Derrière l’apparente bénignité
du geste se cache une récupération parfois longue, dont les patients
■
devront être prévenus.
Bibliographie
1. Sirveaux F, Gosselin O, Roche O et al. Suites postopératoires du traitement
endoscopique des calcifications de la coiffe des rotateurs avec ou sans exploration
associée. Rev Chir Orthop 2005;91(4):295-9.
2. Molé D, Kempf JF, Gleyze P et al. Résultats du traitement endoscopique des
tendinopathies de la coiffe des rotateurs. 2e partie : les calcifications de la coiffe
des rotateurs. Rev Chir Orthop 1993;79(7):532-41.
3. Lévigne C, Walch G. Les tendinopathies calcifiantes de la coiffe des rotateurs :
traitement chirurgical. In : Journées lyonnaises de l’épaule, 1-3 avril 1993;547:
214-27.
4. Bigliani LU, Morrison DS, April EW. The morphology of the acromion and its
relationship to rotator cuff tears. Orthop Trans 1986;10:228.
5. Gosselin O, Molé D, Sirveaux F et al. Long term results of arthroscopic treatment of calcifying tendinitis with or without subacromial decompression.
Communication présentée au 17e congrès de la Société européenne de chirurgie
de l’épaule et du coude, Heidelberg 2003.
6. Levigne C. Non homogeneous calcifications of the rotator cuff. In : The cuff.
Gazielly DF, Gleyze P, Thomas T (eds). Paris : Éd. Elsevier;1997:180.
7. Noël É. Treatment of calcific tendinitis and adhesive capsulitis of the shoulder.
Rev Rhum Engl Ed 1997;11:619-28.
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