Algèbres de Poisson

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Algèbres de Poisson
Kevin Quirin
Avec Pol Vanhaecke
Mai-Juin 2010
1. Professeur de Mathématiques à l’Université de Poitiers
1
Table des matières
1 Introduction
1
2 Définitions et premières propriétés
1
3 Crochets de Poisson en petite dimension
3.1 Cas de la dimension 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Cas de la dimension 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Cas de la dimension 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
5
6
7
4 Crochets de Nambu-Poisson
10
5 Rang d’une structure de
5.1 Définitions . . . . . . .
5.2 Un exemple d’étude .
5.3 Propriétés . . . . . . .
Poisson
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
12
12
15
15
6 Crochets de Poisson polynomiaux
6.1 Les crochets constants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6.2 Les crochets linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6.3 Les crochets quadratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
17
18
18
20
Annexes
A
Récurrence de la proposition 4.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
B
Diagonalisation du crochet quadratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
23
23
24
Références
25
1
Introduction
«
I
l ne semblait pas que cette importante théorie pût encore être perfectionnée,
lorsque les deux géomètres qui ont le plus contribué à la rendre complète en ont
fait de nouveau le sujet de leurs méditations. [. . .] Les recherches que je soumets
aujourd’hui à la classe, sont relatives à cette même théorie, que je reprends en entier sous
un nouveau point de vue. »
C’est suite à ces mots que Siméon Denis Poisson (1781 – 1840) introduisit en 1809 dans le Journal
de l’École Polytechnique sa célèbre parenthèse – devenue aujourd’hui crochet –, destinée à améliorer
la mécanique Lagrangienne. Cette découverte toucha des domaines aussi différents que la mécanique,
la physique quantique, la géométrie, l’algèbre, etc. Nous étudierons dans la suite les aspects plutôt
algébriques des crochets de Poisson, bien qu’ils soient des objets essentiellement géométriques.
2
Définitions et premières propriétés
On se placera toujours sur un espace vectoriel V = Kn où K = R ou C, et on notera F (V ) soit
C ∞ (V, R), soit K[X1 , . . . , Xn ] ( identifié aux fonctions polynomiales à n variables sur K ).
Définition 2.1 : Crochet de Poisson
On appelle crochet de Poisson sur V toute application {·, ·} : F (V ) × F (V ) → F (V ) vérifiant :
(i) {·, ·} est bilinéaire.
(ii) {·, ·} est antisymétrique, i.e. ∀(f, g) ∈ F (V )2 , {f, g} = −{g, f }.
(iii) {·, ·} est une bidérivation, i.e. vérifie l’identité de Leibniz en chacun de ses arguments :
∀(f, g, h) ∈ F (V )3 ,
{f g, h} = f {g, h} + g{h, f }
{f, gh} = {f, g}h + {f, h}g
(iv) {·, ·} vérifie l’identité de Jacobi :
∀(f, g, h) ∈ F (V )3 , {f, {g, h}} + {h, {f, g}} + {g, {h, f }} = 0.
Remarque – (i), (ii) et (iv) définissent un crochet de Lie sur F (V ).
Exemples :
– Le crochet défini par {f, g} = 0 est un crochet de Poisson.
– Le crochet historique donné par Poisson était défini sur C ∞ (R2n ) par
{F, G} =
n X
∂F ∂G
∂F ∂G
−
∂qi ∂pi ∂pi ∂qi
i=1
où (p1 , . . . , pn , q1 , . . . , qn ) est un système de coordonnées linéaire sur R2n .
1
Définition 2.2 : Algèbre de Poisson
Soient A un K-espace vectoriel, et · et {·, ·} deux applications bilinéaires sur A × A . A est une
algèbre de Poisson si :
(i) · est associatif et commutatif.
(ii) {·, ·} est un crochet de Lie.
(iii) · et {·, ·} sont liés par l’identité de Leibniz :
∀u, v, w ∈ A , {u · v, w} = u · {v, w} + {u, w} · v.
Remarque – Soit V un espace vectoriel. On note · le produit usuel de deux fonctions, et {·, ·} un
crochet de Poisson sur V . Alors (F (V ), ·, {·, ·}) est une algèbre de Poisson.
Définition 2.3 : Casimir
On appellera casimir une fonction f vérifiant
∀g ∈ F (V ), {f, g} = 0
et on notera Cas(V, {·, ·}) l’ensemble des casimirs sur V muni du crochet de Poisson {·, ·} ( ou simplement Cas(V ) s’il n’y a pas d’ambiguïté ).
Remarque – Cas(V, {·, ·}) est une algèbre pour {·, ·} et pour ·.
Définition 2.4 : Dérivation hamiltonienne
Soit f ∈ F (V ). On appellera dérivation hamiltonienne associée à f l’application
Xf :
F (V ) −→ F (V )
g
7−→ Xf [g] = {g, f }
et on notera Ham(V, {·, ·}) l’espace vectoriel des dérivations hamiltoniennes.
Définition 2.5 : Dérivation hamiltonienne en un point
Soient f ∈ F (V ) et m ∈ V . On appellera dérivation hamiltonienne associée à f en m l’application
Xfm :
F (V ) −→ K
g
7−→ Xf [g](m) = {g, f }(m)
et on notera Hamm (V, {·, ·}) l’espace vectoriel des dérivations hamiltoniennes en m.
Exemple – Considérons une particule de masse m qui se déplace sur un axe. On repère la particule
par son abcisse q, et on note p son moment p = mq̇. Soit H(q, p) l’hamiltonien du système. Les
2
équations de la physique nous donnent
∂H
∂p
∂H
ṗ = −
∂q
q̇ =
Soit (q, p) une solution du système. Soit F une fonction dépendant de p et q, mais pas explicitement
du temps. Alors
dF
∂F
∂F
q̇ +
ṗ
=
dt
∂q
∂p
∂F ∂H
∂F ∂H
=
−
∂q ∂p
∂p ∂q
= {F, H}
où {a, b} =
∂a ∂b ∂a ∂b
−
.
∂q ∂p ∂p ∂q
Ainsi, la dérivation hamiltonienne XH est ici la dérivation par rapport au temps. On peut donc montrer
le théorème de Poisson :
Si f et g sont deux constantes du mouvement, alors {f, g} l’est aussi.
En effet
d{f, g}
= {{f, g}, H}
dt
= {{f, H}, g} − {{g, H}f }
par identité de Jacobi
=0
Définition 2.6 : Dérivation
On appelle dérivation sur F (V ) toute application linéaire α : F (V ) → F (V ) vérifiant :
∀f, g ∈ F (V ), α(f g) = f α(g) + gα(f ).
On appelle k-dérivation toute application k-linéaire α : F (V )k → F (V ) qui est une dérivation en chacune des coordonnées. On appellera bidérivation, tridérivation, etc. respectivement les 2-dérivations,
3-dérivations, etc. On travaillera souvent avec des k-dérivations antisymétriques, i.e.
∀f1 , . . . , fk ∈ F (V ), ∀σ ∈ Sk , α(fσ(1) , . . . , fσ(k) ) = ε(σ)α(f1 , . . . , fk ).
Exemples :
– La dérivée usuelle f 7→ f 0 est une dérivation, car (f g)0 = f 0 g + f g 0 .
3
– Sur C ∞ (R2 ), l’application
C ∞ (R2 ) × C ∞ (R2 ) −→ C ∞ (R2 )
∂g
∂f ∂g
(f, g)
7−→ x ∂f
∂x ∂x + y ∂y ∂y
α:
est une bidérivation symétrique.
Théorème 2.7 : Caractérisation des dérivations
Les dérivations sur F (V ) sont exactement les applications de la forme :
α(f ) =
n
X
λi
i=1
∂f
,
∂xi
λi ∈ F (V ).
Lemme 2.8 : d’Hadamard
Soit f ∈ F (V ). Soit x ∈ V . Alors
∀y ∈ V, ∃hi,y ∈ F (V ), f (x) = f (y) +
k
X
(xi − yi )hi,y (x).
i=1
On remarque de plus que hi,y (y) =
∂f
(y).
∂xi
Remarques :
– Les fonctions hi,y ne sont en général pas uniques.
– Si F (V ) = C ∞ (V ), les hi,y sont aussi dans C ∞ (V ), et si F (V ) = K[X1 , . . . , Xn ] les hi,y sont
des polynômes.
Démonstration.
f (x) − f (y) =
Z 1
∂f
0
=
∂t
Z 1X
n
(tx + (1 − t)y)dt
(xi − yi )
0 i=1
=
n
X
(xi − yi )
Z 1
∂f
0
i=1
∂f
(tx + (1 − t)y)dt
∂t
∂t
(tx + (1 − t)y)dt.
D’où le résultat.
Démonstration du théorème 2.7. Soit α une dérivation.
On remarque tout d’abord que pour toute constante c, α(c) = 0.
4
Soit f ∈ F (V ). Soit y ∈ V .
(α(f ))(y) = (α(f − f (y)))(y)
k
X
=α
=
!
(pi − yi )hi,y (y)
i=1
k
X
où pi est la projection canonique sur xi
!
α((pi − yi ))hi,y (y) +
i=1
=
=
k
X
i=1
k
X
k
X
!
(pi − yi )α(hi,y ) (y)
i=1
α(pi )(y)hi,y (y)
α(pi )(y)
i=1
∂f
(y).
∂xi
La réciproque est évidente.
Corollaire 2.9 : Caractérisation des k-dérivations
Les k-dérivations de F (V ) sont exactement les applications de la forme :
α(f1 , . . . , fk ) =
n
X
···
n
X
λi1 ,...,ik
ik =1
i1 =1
∂f1
∂fk
···
,
∂xi1
∂xik
λi1 ,...,ik ∈ F (V ).
Si (x1 , . . . , xn ) est un système de coordonnées linéaire sur V ,
α(f1 , . . . , fk ) =
n
X
i1 =1
···
n
X
α(xi1 , . . . , xik )
ik =1
∂fk
∂f1
···
.
∂xi1
∂xik
En particulier, si α est une bidérivation antisymétrique
n
X
∂f ∂g
∂f ∂g
α(f, g) =
α(xi , xj )
−
∂xi ∂xj
∂xj ∂xi
i,j=1
!
.
i<j
3
Crochets de Poisson en petite dimension
On se place dans cette section sur un espace vectoriel V de dimension finie n, muni d’un crochet de
Poisson {·, ·}. On notera xi la fonction (x1 , . . . , xn ) 7→ xi .
3.1
Cas de la dimension 1
Proposition 3.1
Si dim(V ) = 1, de système de coordonnées linéaire (x), tous les crochets de Poisson sur V sont nuls.
5
Démonstration. Soit {·, ·} un crochet de Poisson sur V . Soient f, g ∈ F (V ).
D’après le corollaire 2.9
1
X
∂f ∂g
∂f ∂g
{f, g} =
{xi , xj }
−
∂x
∂y
∂x
i
j
j ∂xi
i,j=1
!
= 0.
i<j
3.2
Cas de la dimension 2
On se place ici sur un espace vectoriel V de dimension 2, avec un système de coordonnées linéaire
(x, y).
Proposition 3.2
Les crochets de Poisson sont exactement de la forme
{f, g} = ϕ
∂f
∂x
∂f
∂y
∂g
∂x
∂g
∂y
,
ϕ ∈ F (V ).
Démonstration. Soit {·, ·} un crochet de Poisson.
Alors {·, ·} est une bidérivation antisymétrique, donc d’après le corollaire 2.9
∂f ∂g ∂f ∂g
{f, g} = {x, y}
−
.
∂x ∂y
∂y ∂x
Réciproquement, un calcul direct permet de montrer que les crochets de cette forme sont des crochets
de Poisson.
Remarques :
– On a mis en évidence une bijection entre F (V ) et l’ensemble des crochets de Poisson sur V .
– Les crochets de Poisson en dimension 2 sont entièrement déterminés par {x, y}.
Proposition 3.3
Soit {·, ·} défini par ϕ comme dans la proposition 3.2. Alors si les zéros de ϕ sont isolés ( e.g. si
F (V ) = K[X, Y ] ), alors les casimirs sont exactement les fonctions constantes.
Démonstration. Les fonctions constantes sont clairement des casimirs.
Réciproquement, soit f ∈ Cas(V ).
∂f
Alors {f, x} = − ∂f
∂y ϕ = 0. Donc ∂y est nulle sur une partie dense de V , et donc est nulle sur V par
continuité. De même,
∂f
∂x
est nulle sur V . Donc f est constante.
6
3.3
Cas de la dimension 3
On suppose maintenant dim(V ) = 3, et on se donne un système de coordonnées linéaire (x, y, z) sur
V.
Proposition 3.4
Les crochets de Poisson sur V sont entièrement déterminés par {x, y}, {y, z} et {z, x}.
Démonstration. C’est un corollaire direct du corollaire 2.9.
Remarque – De même, un crochet de Poisson en dimension n est entièrement déterminé par les
{xi , xj }, i < j. On a la formule
n
X
∂f ∂g
∂f ∂g
−
{f, g} =
{xi , xj }
∂xi ∂xj
∂xj ∂xi
i,j=1
!
.
i<j
On peut aussi montrer qu’une k-dérivation antisymétrique est entièrement déterminée par les
{xi1 , . . . , xik }, xi1 < · · · < xik .
Exemple – Soient ϕ, χ ∈ F (V ). On pose
∀f, g ∈ F (V ), {f, g}χ,ϕ = χ
∂f
∂x
∂f
∂y
∂f
∂z
∂g
∂x
∂g
∂y
∂g
∂z
∂ϕ
∂x
∂ϕ
∂y
∂ϕ
∂z
Montrons que ça définit un crochet de Poisson.
La bilinéarité, l’antisymétrie et l’identité de Leibniz découle directement des propriétés du déterminant
et des dérivées partielles. Il nous suffit donc de montrer l’identité de Jacobi.
Posons
J(f, g, h) = {f, {g, h}} + {h, {f, g}} + {g, {h, f }}.
J(f, g, h) s’appelle le jacobiateur de f ,g et h. Il est clair que l’identité de Jacobi équivaut à la nullité
de J.
Il est facile de vérifier que J est une tridérivation antisymétrique. J est donc entièrement déterminée
par J(x, y, z).
∂ϕ
{y, z} = χ ∂ϕ
∂x et donc {x, {y, z}} = χ ∂x
∂χ ∂ϕ
∂y ∂z
−
∂χ ∂ϕ
∂z ∂y
+ χ2
∂ 2 ϕ ∂ϕ
∂x∂y ∂z
−
∂ϕ ∂ 2 ϕ
∂y ∂x∂z
∂ϕ
{x, y} = χ ∂ϕ
∂z et donc {z, {x, y}} = χ ∂z
∂χ ∂ϕ
∂x ∂y
−
∂χ ∂ϕ
∂y ∂x
+ χ2
∂ 2 ϕ ∂ϕ
∂z∂x ∂y
−
∂ϕ ∂ 2 ϕ
∂x ∂z∂y
∂ϕ
{z, x} = χ ∂ϕ
∂y et donc {y, {z, x}} = χ ∂y
∂χ ∂ϕ
∂z ∂x
−
∂χ ∂ϕ
∂x ∂z
+ χ2
∂ 2 ϕ ∂ϕ
∂y∂z ∂x
−
∂ϕ ∂ 2 ϕ
∂z ∂y∂x
7
.
.
.
Finalement, le jacobiateur de x, y, z est nul, et donc {·, ·}χ,ϕ est bien un crochet de Poisson.
On remarque que ϕ est alors un casimir.
Exemple – On se place dans le cas F (V ) = C ∞ (R3 ).
Montrons que tous les crochets de Poisson sur V ne sont pas de la forme {·, ·}χ,ϕ . Considérons
{f, g} =
∂f
∂x
∂f
∂y
∂f
∂z
∂g
∂x
∂g
∂y
∂g
∂z
y
x
2
0
On vérifie comme précedemment qu’on a bien un crochet de Poisson.
Supposons alors
∃ϕ, χ ∈ F (V ), {·, ·} = {·, ·}χ,ϕ .
Cherchons les casimirs de {·, ·}. Soit f ∈ Cas(V ).
Alors {f, x} = 0 donc
deux variables x et y.
∂f
∂z
= 0, et {f, z} = 0 donc
x ∂f
2 ∂x
= y ∂f
∂y . On se ramène donc à une fonction des
Soit le changement de variables
2
R∗+
(x, y)
α:
2
−→ R∗+
7−→ (u, v) = (x2 y, x)
Jac(α) = −x2 6= 0 et α est injective, donc α est un difféomorphisme.
∂f
∂g ∂u ∂g ∂v
=
+
∂x
∂u ∂x ∂v ∂x
∂g
∂g
=
2xy +
∂u
∂v
∂f
∂g ∂u ∂g ∂v
=
+
∂y
∂u ∂y
∂v ∂y
∂g 2
x y.
=
∂u
L’équation devient donc
u
Donc
∂g
∂v
v ∂g
∂g
∂g
+
=u .
∂u 2 ∂v
∂u
= 0, et donc ∃G ∈ C ∞ R∗+ , ∀u, v ∈ R∗+ , g(u, v) = G(u).
Finalement,
∃G ∈ C ∞ (R∗+ ), ∀x, y > 0, f (x, y) = G(x2 y).
8
En particulier, ϕ est un casimir, donc
∃ψ ∈ C ∞ (R∗+ ), ∀x, y > 0, ϕ(x, y) = ψ(x2 y).
On a donc, comme χ ∂ϕ
∂x = y :
χ(x, y, z) =
1
2xψ 0 (x2 y)
.
Or χ est continue en (0, y, z), donc nécessairement :
lim ψ 0 (x2 y) = ∞.
x→0
Mais alors lim ψ 0 (x2 y) = ∞, et donc
y→0
∀a > 0, χ(a, 0, 0) = 0.
On a donc
∀f, g, ∀a > 0, {f, g}(a, 0, 0) = 0.
Or {z, x} = x2 , donc {z, x}(a, 0, 0) = a2 .
D’où une contradiction.
Proposition 3.5
Soit {·, ·} le crochet défini par
{f, g} =
∂f
∂x
∂f
∂y
∂f
∂z
∂g
∂x
∂g
∂y
∂g
∂z
F
F, G, H ∈ F (V )
,
G
H
~ = (F, G, H). Alors {·, ·} est un crochet de Poisson si et seulement si
et soit E
D
E
~ E
~ = 0.
(∇ ∧ E),
(4)
Démonstration. Ce crochet vérifie toujours la bilinéarité, l’antisymétrie et l’identité de Leibniz. On a
F = {y, z}, G = {z, x} et H = {x, y}. Alors
Jacobi ⇐⇒ {{x, y}, z} + {{z, x}, y} + {{y, z}, x} = 0
⇐⇒ {H, z} + {G, y} + {F, x} = 0
∂H
∂G
∂G
∂F
∂F
∂H
⇐⇒ F
−G
+H
−F
+G
−H
∂y
∂x
∂x
∂z
∂z
∂y
∂H
∂G
∂F
∂H
∂G ∂F
⇐⇒ F
−
+G
−
+H
−
∂y
∂z
∂z
∂x
∂x
∂y
D
E
~
~
⇐⇒ (∇ ∧ E), E = 0.
9
Remarque – (4) associée aux relations de calculs vectoriels montre différentes propriétés :
~ = χ∇ ∧ E
~ + (∇χ) ∧ E
~ nous donne :
– La relation ∇ ∧ (χE)
Si {·, ·} est un crochet de Poisson sur V et χ ∈ F (V ), alors χ{·, ·} est un crochet de Poisson.
– La relation ∇ ∧ (∇ϕ) = 0 nous donne :
~ = ∇ϕ, alors {·, ·} est un crochet de Poisson.
Si ∃ϕ ∈ F (V ), E
Ces deux propriétés permettent de redémontrer que {·, ·}χ,ϕ est un crochet de Poisson.
4
Crochets de Nambu-Poisson
Définition 4.1 : Crochet de Nambu-Poisson
Un crochet de Nambu-Poisson d’ordre k sur V est une k-dérivation antisymétrique qui vérifie l’identité
fondamentale
∀F1 , . . . , Fk−1 , G1 , . . . , Gk ∈ F (V ),
(IF)
{F1 , . . . , Fk−1 , {G1 , . . . , Gk }} =
Pk
i=1 {G1 , . . . , Gi−1 , {F1 , . . . , Fk−1 , Gi }, Gi+1 , . . . , Gk }
Remarque – (IF) pour k = 2 est exactement l’identité de Jacobi. On peut donc identifier les crochets
de Nambu-Poisson d’ordre 2 et les crochets de Poisson. Les crochets de Nambu-Poisson sont donc une
généralisation des crochets de Poisson.
Proposition 4.2 : De Nambu-Poisson à Poisson
Soient {·, . . . , ·} un crochet de Nambu-Poisson d’ordre k sur V et ϕ1 , . . . , ϕk−2 des fonctions de F (V ).
Alors (f, g) 7→ {f, g, ϕ1 , . . . , ϕk−2 } = {f, g}(ϕi ) définit un crochet de Poisson sur V .
Démonstration. La bilinéarité, l’antisymétrie et l’identité de Leibniz découlent directement de la définition d’un crochet de Nambu-Poisson. Il ne reste donc qu’à montrer l’identité de Jacobi.
Soient (f, g, h) ∈ F (V ).
{{f, g}(ϕi ) , h}(ϕi ) = {{f, g, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }, h, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }
= (−1)k−1 {h, ϕ1 , . . . , ϕk−2 {f, g, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }}
par antisymétrie
= (−1)k−1 {{h, ϕ1 , . . . , ϕk−2 , f }, g, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }
+ (−1)k−1 {f, {h, ϕ1 , . . . , ϕk−2 , g}, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }
par (IF) et antisymétrie
= (−1)k−1 {(−1)k−2 {h, f, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }, g, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }
+ (−1)k−1 {f, (−1)k−1 {g, h, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }, ϕ1 , . . . , ϕk−2 }
= −{{h, f }(ϕi ) , g}(ϕi ) − {{g, h}(ϕi ) , f }(ϕi ) .
10
Finalement,
{{f, g}(ϕi ) , h}(ϕi ) + {{h, f }(ϕi ) , g}(ϕi ) + {{g, h}(ϕi ) , f }(ϕi ) = 0.
Proposition 4.3
Le crochet sur V de dimension n > 3 défini par
∂F1
∂x1
..
.
{F1 , . . . , Fn } = χ
∂F1
∂xn
∂Fn
∂x1
···
..
.
···
..
.
χ ∈ F (V )
∂Fn
∂xn
est un crochet de Nambu-Poisson d’ordre n.
Démonstration. {·, . . . , ·} est clairement une n-dérivation antisymétrique, il suffit donc de montrer
(IF).
Soit N : F (V )2n−1 → F (V ) définie par
N (F1 , . . . , Fn−1 , G1 , . . . , Gn ) = {F1 , . . . , Fn−1 , {G1 , . . . , Gn }}
−
n
X
{G1 , . . . , Gi−1 , {F1 , . . . , Fn−1 , Gi }, Gi+1 , . . . , Gn }.
i=1
Alors (IF) est équivalente à la nullité de N .
Soient F1 , . . . , Fn−1 ∈ F (V ).
Alors (G1 , . . . , Gn ) 7→ N (F1 , . . . , Fn−1 , G1 , . . . , Gn ) est une n-dérivation antisymétrique en dimension
n, et est donc entièrement déterminée par sa valeur en (x1 , . . . , xn ).
Comme χ = {x1 , . . . , xn }, la nullité de N va s’écrire :
{F1 , . . . , Fn−1 , χ} = χ
n
X
∂
i=1
∂F1
∂x1
..
.
{F1 , . . . , Fn−1 , χ} = χ
∂F1
∂xn
=
n
X
∂χ
i=1
=χ
∂xi
n
X
i=1
···
..
.
···
∂Fn−1
∂x1
∂χ
∂x1
∂Fn−1
∂xn
∂χ
∂xn
..
.
∂xi
{F1 , . . . , Fn−1 , xi }
..
.
{F1 , . . . , Fn−1 , xi }
n
X
∂
∂
{F1 , . . . , Fn−1 , xi } − χ2
∂xi
∂xi
i=1
11
∂F1
∂x1
..
.
∂F1
∂xn
···
..
.
···
∂Fn−1
∂x1
0
∂Fn−1
∂xn
1 (i)
0
..
.
Montrons donc
∂F1
∂x1
n
X
∂
i=1
n
X
i=1
∂F1
∂x1
∂
∂xi
..
.
∂F1
∂xn
···
..
.
···
∂xi
···
..
.
···
..
.
∂F1
∂xn
∂Fn−1
∂x1
0
∂Fn−1
∂xn
1 (i) =
0
..
.
∂Fn−1
∂x1
0
∂Fn−1
∂xn
1 (i) = 0
0
..
.
n n−1
X
X
i=1 j=1
∂F1
∂x1
(?)
∂ 2 Fj
∂x1 ∂xi
···
..
.
···
..
.
∂F1
∂xn
···
∂ 2 Fj
∂xi ∂xn
∂Fn−1
∂x1
..
.
···
∂Fn−1
∂xn
0
1 (i)
0
En remarquant que
(n − 2)
∂F1
n n−1
X
X ∂x1
···
..
.
i=1 j=1 ∂F1
∂xn
=
∂ 2 Fj
∂x1 ∂xi
∂Fn−1
∂x1
···
..
.
···
..
.
1 (i)
∂ 2 Fj
∂xi ∂xn
···
∂Fn−1
∂xn
∂F1
∂x1
···
∂ 2 Fj
∂x1 ∂xi
n−1
n n−1
XX
X
k=1 i=1 j=1
j6=k
..
.
0
0
···
..
.
∂F1
∂xn
∂ 2 Fj
∂xi ∂xn
···
∂Fn−1
∂x1
..
.
···
∂Fn−1
∂xn
0
1 (i)
0
et en développant chaque terme de la somme par rapport à la k-ième colonne, une récurrence sur d
permet de montrer (?), le cas n = 3 étant facilement vérifiable (c.f. annexe A).
Corollaire 4.4
Soient ϕ1 , . . . , ϕn−2 , χ ∈ F (V ). Alors le crochet défini par
{F, G} = χ
∂F
∂x1
∂G
∂x1
∂ϕ1
∂x1
∂F
∂xn
∂G
∂xn
∂ϕ1
∂xn
..
.
..
.
..
.
···
..
.
···
∂ϕn−2
∂x1
..
.
∂ϕn−2
∂xn
est un crochet de Poisson sur V .
De plus, les fonctions ϕ1 , . . . , ϕn−2 sont des casimirs de {·, ·}.
Ce corollaire nous donne donc une infinité d’exemples de crochets de Poisson, en toute dimension.
5
Rang d’une structure de Poisson
5.1
Définitions
Définition 5.1 : Matrice de Poisson
Soit {·, ·} un crochet de Poisson sur V . Soit m ∈ V .
12
On appelle matrice de Poisson associée à {·, ·} la matrice ({xi , xj })16i,j6n . On la notera matd ({·, ·})
(ou simplement matd ).
On appelle matrice de Poisson au point m associée à {·, ·} la matrice ({xi , xj }(m))16i,j6n . On la notera
m
matm
d ({·, ·}) (ou simplement matd ).
Notation – On notera dans la suite, si (x1 , . . . , xn ) est un système de coordonnées linéaires sur V ,
∀f ∈ F (V ), ∇f =
∂f
∂f
,...,
.
∂x1
∂xn
Proposition 5.2
∀f, g ∈ F (V ), {f, g} = (∇f ) · matd · t(∇g).
Démonstration. On sait que
{f, g} =
X
{xi , xj }
i,j
∂f ∂g
.
∂xi ∂xj
D’où le résultat par calcul direct de (∇f ) · matd · t(∇g).
Définition 5.3 : Rang
On appelle rang de {·, ·} au point m le rang de matm
d ({·, ·}). On le note Rkm ({·, ·}).
On appelle rang de {·, ·} l’entier Rk({·, ·}) = max Rkm ({·, ·}).
m∈V
Remarques :
– Les matrices de Poisson associées aux points m sont antisymétriques, donc leurs rangs sont
toujours pairs. Ainsi, pour tout crochet de Poisson {·, ·}, Rk({·, ·}) est pair.
– D’après la proposition 5.2, un crochet de Poisson est entièrement déterminé par sa matrice de
Poisson.
Réciproquement, étant donné une matrice de fonctions antisymétrique, il suffit de vérifier l’identité de Jacobi pour montrer que c’est une matrice de Poisson.
Définition 5.4 : Les ensembles Vs
On pose Rk({·, ·}) = 2r, et on définit les ensembles Vs pour s 6 r par
Vs = {m ∈ V | Rkm ({·, ·}) 6 2s}.
– Si m ∈ Vr−1 , on dira que m est un point singulier.
– Si Vr−1 = ∅, on dit que {·, ·} est régulier.
13
– Si V0 = V , on dit que que {·, ·} est trivial.
Remarque – Par définition du rang, si s < r,
Vs = {m ∈ V | les mineurs d’ordre 2s + 1 de la matrice de Poisson en m sont nuls}.
Remarque – On a clairement V0 ⊆ V1 ⊆ · · · ⊆ Vr .
Exemples :
– Vr = V .
– V0 = {m ∈ V | ∀i, j, {xi , xj }(m) = 0}.
– Vr \Vr−1 = {m ∈ V | Rkm ({·, ·}) = Rk({·, ·})}.
Exemples :
– Soit {·, ·} un crochet de Poisson en dimension 2. On a vu ( proposition 3.2 ) que
0 ϕ
−ϕ 0
∃ϕ ∈ F (V ), matd ({·, ·}) =
!
Deux cas se présentent :
1. ϕ ne s’annule jamais. Alors {·, ·} est régulier, de rang égal à 2.
2. ϕ s’annule. Alors
(
2 si ϕ(m) 6= 0
Rkm ({·, ·}) =
0 si ϕ(m) = 0
Finalement, si ϕ 6= 0, alors Rk({·, ·}) = 2, et sinon Rk({·, ·}) = 0.
– Soit {·, ·} sur V de dimension 3 défini par
{f, g} =
∂f
∂x
∂f
∂y
∂f
∂z
∂g
∂x
∂g
∂y
∂g
∂z
y
x
2
0
La matrice de Poisson associée est

matd
0

= 0
x
2

0 − x2

0
y 
−y 0
Pour tout point m = (a, b, c), on a
(
Rkm ({·, ·}) =
2 si (a, b) 6= (0, 0)
0 si (a, b) = (0, 0)
On a donc Rk({·, ·}) = 2.
On a V1 = R3 et V0 est la droite vectorielle engendrée par (0, 0, 1).
14
5.2
Un exemple d’étude
Soit {·, ·} le crochet sur V de dimension 4 défini par sa matrice de Poisson




matd = 
0
b1 x3 x4
b2 x2 x4 b3 x2 x3
−b1 x3 x4
0
a3 x1 x4 a2 x1 x3
−b2 x2 x4 −a3 x1 x4
0
a1 x1 x2
−b3 x2 x3 −a2 x1 x3 −a1 x1 x2
0





où a1 , a2 , a3 , b1 , b2 , b3 ∈ K.
Cherchons a1 , a2 , a3 , b1 , b2 , b3 tels que {·, ·} soit un crochet de Poisson, i.e. tels que l’identité de Jacobi
soit vérifiée.
Il suffit de la vérifier pour x1 , x2 , x3 , x4 .
{x1 , {x2 , x3 }} = a3 {x1 , x1 x4 } par bilinéarité
= a3 x1 {x1 , x4 } par Leibniz
= a3 b3 x1 x2 x3 .
{x3 , {x1 , x2 }} = b1 {x3 , x3 x4 }
= a1 b1 x1 x2 x3 .
{x2 , {x3 , x1 }} = −a2 b2 x1 x2 x3 .
Finalement, la condition devient
a1 b1 − a2 b2 + a3 b3 = 0.
(♦)
Le calcul des trois autres jacobiateurs donne la même condition. On suppose donc à partir de maintenant que (♦) est vérifiée.
Calculons le rang de {·, ·}.
det(matd ) = x21 x22 x23 x24 (a1 b1 − a2 b2 + a3 b3 )2
= 0 d’après (♦).
Donc Rk({·, ·}) 6= 4, et donc Rk({·, ·}) = 0 ou 2.
Donc si (a1 , a2 , a3 , b1 , b2 , b3 ) = 0, Rk({·, ·}) = 0, et sinon Rk({·, ·}) = 2.
5.3
Propriétés
Proposition 5.5
Soit {·, ·} un crochet de Poisson. Soit m ∈ V . Alors
Rkm ({·, ·}) = dim(Hamm (V )).
15
Démonstration. On considère l’application
ϕ:
Im(matm
d ) −→ Hamm (V )
x
7−→ (f 7→ (∇f )(m) · x)
Montrons que ϕ est un isomorphisme d’espaces vectoriels.
ϕ étant clairement une application linéaire, il suffit de montrer la bijectivité.
Soit x ∈ Ker(ϕ). Alors ∀f ∈ F (V ), (∇f )(m) · x = 0. C’est en particulier vrai pour f = xi , et donc
x = 0. Donc ϕ est injective.
Soit ψ ∈ Hamm (V ). Alors ∃f ∈ F (V ), ψ = χf (·)(m). On a alors
∀g ∈ F (V ), ψ(g) = {g, f }(m)
t
= (∇g)(m) · matm
d · (∇f )(m) d’après la proposition 5.2
t
= ϕ(matm
d · (∇f )(m)).
Donc ϕ est surjective.
Finalement, ϕ est bijective, et donc dim(Im(matm
d )) = dim(Hamm (V )).
Théorème 5.6
Soit {·, ·} un crochet de Poisson de rang 2r sur V de dimension n. Soient ϕ1 , . . . , ϕs des casimirs tels
que
∃m ∈ Vr \Vr−1 , (∇ϕ1 (m), . . . , ∇ϕs (m)) est libre.
Alors
2r 6 n − s.
Démonstration. Soit la fonction
ϕ:
V
x
−→ Hamm (V )
7−→ (f 7→ (∇f )(m) · matm
d ·x)
Par théorème du rang, on a
n = dim Ker(ϕ) + Rk(ϕ)
D’après la proposition 5.5, Rk(ϕ) = Rkm ({·, ·}) = 2r. De plus, pour tout 1 6 i 6 s, ϕ(∇ϕi (m)) = 0
et (∇ϕ1 (m), . . . , ∇ϕs (m)) est libre, donc dim Ker(ϕ) > s.
Remarque – Le théorème 5.6 nous permet donc de réduire le nombre de valeurs possibles pour le
rang d’un crochet de Poisson.
Exemple – Reprenons l’exemple d’une structure de Poisson quadratique ( cf. exemple 5.2 ).
Alors la fonction a1 x22 − a2 x23 + a3 x24 est un casimir ( de gradient non nul ) de {·, ·}, et donc
Rk({·, ·}) 6 4 − 1
Les seules valeurs possibles sont donc 0 ou 2, et donc on retrouve bien le résultat énoncé plus haut.
16
Proposition 5.7
Soient ϕ1 , . . . , ϕn−2 , χ ∈ F (V ). Alors le crochet défini par
{F, G} = χ
∂F
∂x1
∂G
∂x1
∂ϕ1
∂x1
∂F
∂xn
∂G
∂xn
∂ϕ1
∂xn
..
.
..
.
..
.
···
..
.
···
∂ϕn−2
∂x1
..
.
∂ϕn−2
∂xn
est de rang 0 ou 2.
Démonstration. D’après le corollaire 4.4, on a bien un crochet de Poisson, et les ϕi sont des casimirs.
Soit 2r = Rk({·, ·}). Si χ = 0, r = 0. Sinon, deux cas se présentent :
1. ∃m ∈ Vr \Vr−1 , (∇ϕi (m))16i6n−2 est libre. On peut dans ce cas appliquer directement le théorème 5.6, et donc le rang vaut 0 ou 2.
2. ∀m ∈ Vr \Vr−1 , (∇ϕi (m))16i6n−2 est liée. Dans ce cas, le déterminant est nul pour tout m ∈
Vr \Vr−1 , et donc le rang vaut 0.
6
Crochets de Poisson polynomiaux
On se place dans cette section sur un espace vectoriel V , muni d’un système de coordonnées linéaires
(x1 , . . . , xn ).
Définition 6.1 : Crochet polynomial
Un crochet de Poisson {·, ·} est polynomial si
∀i, j ∈ [1, n], {xi , xj } ∈ K[x1 , . . . , xn ].
Si de plus les {xi , xj } ne contiennent que des termes de degré k, on dit que {·, ·} est homogène de
degré k ( on parle en particulier de crochet constant, linéaire, quadratique, etc. ).
On sera ammenés à parler dans cette section d’égalité à isomorphisme près. Définissons donc la notion
isomorphisme.
Définition 6.2 : Morphisme de Poisson
Soient (A1 , ·1 , {·, ·}1 ) et (A2 , ·2 , {·, ·}2 ) deux algèbres de Poisson, et ϕ une application linéaire de A1
dans A2 . ϕ est un morphisme de Poisson si pour tous f et g de A1
(i) ϕ(f ·1 g) = ϕ(f ) ·2 ϕ(g)
(ii) ϕ({f, g}1 ) = {ϕ(f ), ϕ(g)}2
Si de plus, ϕ est bijective, alors ϕ est un isomorphisme de Poisson.
Proposition 6.3
Soient {·, ·}1 et {·, ·}2 deux crochets de Poisson sur deux espaces vectoriels V1 et V2 de même dimension
finie. Soit h un difféomorphisme de V1 dans V2 . Alors on a équivalence entre les propositions
17
(i) f 7→ f ◦ h est un isomorphisme de Poisson.
(ii) ∀f, g ∈ F (V2 ), {f, g}2 ◦ h = {f ◦ h, g ◦ h}1 .
(V1 , {·, ·}1 ) et (V2 , {·, ·}2 ) seront dit isomorphes si il existe un difféomorphisme vérifiant (i) ou (ii).
Exemple – Soit {·, ·} un crochet de Poisson sur K2 défini par {x, y} = ϕ, où ϕ vérifie
∀(a, b) ∈ K2 , ϕ(a, b) = −ϕ(b, a).
Alors
h:
K2
−→ K2
(x, y) 7−→ (y, x)
est un isomorphisme de Poisson.
En effet, si f, g ∈ F (K2 ),
∂g ◦ h
∂f ◦ h
∂g ◦ h
∂f ◦ h
(a, b)
(a, b) −
(a, b)
(a, b)
{f ◦ h, g ◦ h}(a, b) = ϕ
∂x
∂y
∂y
∂x
∂f
∂g
∂f
∂g
= ϕ(a, b)
(b, a) (b, a) −
(b, a) (b, a)
∂y
∂x
∂x
∂y
∂f
∂g
∂f
∂g
= −ϕ(b, a) −
(b, a) (b, a) −
(b, a) (b, a)
∂x
∂y
∂y
∂x
= {f, g} ◦ h(a, b).
6.1
Les crochets constants
Proposition 6.4
N’importe quelle matrice de Mn (K) antisymétrique est la matrice de Poisson d’un crochet constant.
Démonstration. L’identité de Jacobi est évidente puisque tous les {xi , {xj , xk }} sont nuls.
Pour tout m ∈ V , la matrice de Poisson et la matrice de Poisson en m sont égales ( quitte à identifier
les scalaires et les fonctions constantes ). Les crochets constants sont donc des exemples de crochets
de Poisson réguliers, i.e.
∀m ∈ V, Rkm ({·, ·}) = Rk({·, ·}).
6.2
Les crochets linéaires
Théorème 6.5 : Bijection algèbres de Lie – crochets de Poisson linéaires
Il existe une bijection entre les algèbres de Lie de dimension finie sur V ∗ et les crochets de Poisson
linéaires sur V .
18
Démonstration. Soit {·, ·} un crochet de Poisson sur V . Alors (g, [·, ·]) = V ∗ , {·, ·}
algèbre de Lie.
V ∗ ×V ∗
est une
Réciproquement, soit (V ∗ , [·, ·]) une algèbre de Lie, de base (e1 , . . . , en ). Pour tout u ∈ V ∗ , on note
(V ∗ )∗ −→ K
ξ
7−→ ξ(u)
u∗ :
On pose
∀i ∈ [1, n], xi = e∗i .
Comme (V ∗ )∗ est isomorphe à V , les xi sont bien des éléments de V ∗ , et forment donc un système de
coordonnées sur V .
On définit {·, ·} par
∀i, j ∈ [1, n], {xi , xj } = [ei , ej ]∗ .
Alors ({xi , xj })16i,j6n est une matrice antisymétrique ( par antisymétrie de [·, ·] ), et le crochet ainsi
défini vérifie l’identité de Jacobi, car [·, ·] la vérifie.
Si [ei , ej ] =
n
X
aki,j ek , alors {xi , xj } =
k=1
n
X
aki,j xk , et donc le crochet est linéaire.
k=1
Remarques :
– Le crochet de Poisson ainsi défini est appelé crochet de Lie-Poisson.
– Ce théorème nous montre donc que l’étude des crochets linéaires peut se ramener à l’étude des
algèbres de Lie.
Exemple – Soit g = sl2 (K) ( i.e. l’ensemble des matrices carrées 2×2 de traces nulles, muni du crochet
[A, B] = AB − BA ). Une base de g est
X=
1 0
0 −1
!
,
0 1
0 0
Y =
!
,
Z=
0 0
1 0
!
.
On a
[X, Y ] =
=
1 0
0 −1
0 1
0 0
!
0 1
0 0
!
!
0 −1
0 0
−
−
0 1
0 0
!
1 0
0 −1
!
!
= 2Y.
De même, [X, Z] = −2Z, [Y, Z] = X.
Le crochet de Poisson linéaire associé à sl2 (K) est défini par la matrice de Poisson

matd

0
2y −2z


x 
=  −2y 0
2z −x
0
19
6.3
Les crochets quadratiques
Exemple – Regardons des exemples d’isomorphismes entre des crochets homogènes quadratiques en
dimension 2. Soit {·, ·}ϕ le crochet de Poisson quadratique défini par la matrice de Poisson
0 ϕ
−ϕ 0
!
.
– Si α ∈ K, ϕ1 (x, y) = αx2 et ϕ2 (x, y) = αy 2 , alors {·, ·}ϕ1 et {·, ·}ϕ2 sont isomorphes. En effet : soit
(V, {·, ·}ϕ1 ) −→ (V, {·, ·}ϕ2 )
(x, y)
7−→ (−y, x)
h:
Soient f et g dans F (V ).
∂f ◦ h
∂g ◦ h
∂f ◦ h
∂g ◦ h
{f ◦ h, g ◦ h}ax2 (x, y) = ax
(x, y)
(x, y) −
(x, y)
(x, y)
∂x
∂y
∂y
∂x
∂f
∂g
∂f
∂g
= ax2 − (−y, x) (−y, x) +
(−y, x) (−y, x)
∂y
∂x
∂x
∂y
= {f, g}ay2 (−y, x)
2
= {f, g}ay2 ◦ h(x, y).
– Si α, β ∈ K, ϕ1 (x, y) = αxy + βy 2 et ϕ2 (x, y) = αxy, alors {·, ·}ϕ1 et {·, ·}ϕ2 sont isomorphes, par
l’isomorphisme
(V, {·, ·}ϕ1 ) −→ (V, {·, ·}ϕ2 )
h:
(x, y)
7−→ (αx + βy, y)
– Si α, β ∈ K, ϕ1 (x, y) = αxy + βx2 et ϕ2 (x, y) = αxy, alors {·, ·}ϕ1 et {·, ·}ϕ2 sont isomorphes, par
l’isomorphisme
(V, {·, ·}ϕ1 ) −→ (V, {·, ·}ϕ2 )
h:
(x, y)
7−→ (x, βx + αy)
Définition 6.6 : Crochet quadratique diagonal – diagonalisable
Soit {·, ·} un crochet de Poisson quadratique sur V . On dit que {·, ·} est diagonal si il existe des
scalaires ai,j tels que
matd ({·, ·}) = (ai,j xi xj )16i,j6n
c’est à dire
∀i, j ∈ [1, n], {xi , xj } = ai,j xi xj .
On dit que {·, ·} est diagonalisable s’il est isomorphe à un crochet quadratique diagonal. Avec les notations précédentes, (x1 , . . . , xn ) est appelé système de coordonnées adapté et la matrice antisymétrique
(ai,j )16i,j6n est appelée expression diagonale relative à (x1 , . . . , xn ).
Exemple – Soit {·, ·} dans K3 défini par les crochets
{x, y} = x2 + 2y 2 − 3z 2 − 3xy + yz + 2xz,
{y, z} = −3x2 + z 2 + 3xy − yz + 2xz,
{z, x} = −3y 2 + 2z 2 + 3xy + yz − 2xz.
20
{·, ·} est bien un crochet de Poisson quadratique (on peut utiliser la proposition 3.5 pour s’en
convaincre). Montrons que {·, ·} est diagonalisable.
Soit
h:
K3
−→ K3
(x, y, z) 7−→ (x − y + z, x + y − z, −x + y + z)
Soit f et g dans F (V ). Le calcul présenté en annexe B nous donne :
∂f
∂g
∂f
∂g
◦h
◦h−
◦h
◦h
∂x
∂y
∂y
∂x
∂f
∂g
∂f
∂g
+ 2 ({x, y} + {y, z})
◦h
◦h−
◦h
◦h
∂y
∂z
∂z
∂y
∂f
∂g
∂f
∂g
+ 2 ({y, z} + {z, x})
◦h
◦h−
◦h
◦h .
∂z
∂x
∂x
∂z
{f ◦ h, g ◦ h} = 2 ({x, y} + {z, x})
Or
2 ({x, y} + {z, x}) = 2(x − y + z)(x + y − z),
2 ({x, y} + {y, z}) = 4(x + y − z)(−x + y + z),
2 ({y, z} + {z, x}) = 6(x − y + z)(−x + y + z).
Finalement, {f ◦ h, g ◦ h} = {f, g}0 ◦ h où {·, ·}0 est défini par sa matrice de Poisson


0
2xy −6xz


0
4yz  .
 −2xy
6xz −4yz
0
Donc {·, ·} est diagonalisable, (x − y + z, x + y − z, −x + y + z) est un système de coordonnées adapté
et l’expression diagonale de {·, ·} par rapport à (x − y + z, x + y − z, −x + y + z) est


0
2 −6


4 .
 −2 0
6 −4 0
Proposition 6.7 : Crochets de Poisson diagonaux
Soit M = (ai,j xi xj )16i,j6n , avec ai,j = −aj,i pour tous i et j.
Alors M est une matrice de Poisson.
Démonstration. Vérifions l’identité de Jacobi. Soit i, j, k ∈ [1, n].
{xi , {xj , xk }} = {xi , aj,k xj xk }
= aj,k {xi , xj }xk + aj,k {xi , xk }xj
= xi xj xk (aj,k ai,j − aj,k ak,i ).
21
De même,
{xk , {xi , xj }} = xi xj xk (ai,j ak,i − ai,j aj,k )
et
{xj , {xk , xi }} = xi xj xk (ak,i aj,k − ak,i ai,j ).
Finalement, le jacobiateur de xi , xj , xk est nul, et donc M est bien une matrice de Poisson.
22
Annexes
A
Récurrence de la proposition 4.3
c signifiera qu’on supprime la ligne l d’une matrice.
b signifiera que x est omis. De même, (l)
La notation x
Soit Pn la propriété « Pour toute algèbre de Poisson de dimension n, pour toutes F1 , . . . , Fn−1 ∈ F (V ),
on a (?) ».
Montrons Pn pour tout n > 3 par récurrence sur n.
P3 est facile à vérifier.
Soit n > 4, et supposons Pn−1 . Alors
(n − 2)
∂F1
∂x1
n
X
∂
i=1
∂xi
..
.
∂F1
∂xn
= (n − 2)
···
..
.
···
∂Fn−1
∂x1
0
∂Fn−1
∂xn
1 (i)
0
..
.
n n−1
X
X
i=1 j=1
=
n−1
n n−1
XX
X
k=1 i=1 j=1
j6=k
∂F1
∂x1
∂F1
∂x1
..
.
∂F1
∂xn
···
···
..
.
∂ 2 Fj
∂xi ∂xn
∂ 2 Fj
∂x1 ∂xi
···
···
j6=k
∂Fk
=
(−1)k+l
∂xl
k=1 l=1
..
.
∂ 2 Fj
∂xi ∂xn
∂Fk
=
(−1)k+l
∂xl
k=1 i=1 j=1 l=1
n n−1
X
X
i=1 j=1
i6=l j6=k
∂Fn−1
∂x1
···
∂F1
∂x1
···
..
.
0
1 (i)
∂Fn−1
∂xn
···
..
.
n−1
n n−1
n
XX
XX
n−1
n
XX
∂Fn−1
∂x1
···
..
.
..
.
∂F1
∂xn
∂ 2 Fj
∂x1 ∂xi
···
0
0
1 (i)
∂Fn−1
∂xn
d
∂
Fk
∂x1
0
∂ 2 Fj
∂x1 ∂xi
···
..
.
..
.
∂F1
∂xn
···
d
∂
Fk
∂xn
···
∂ 2 Fj
∂xi ∂xn
∂F1
∂x1
···
d
∂
Fk
∂x1
···
∂ 2 Fj
∂x1 ∂xi
..
.
∂F1
∂xn
..
.
···
d
∂
Fk
∂xn
∂2F
···
j
∂xi ∂xn
23
c
1 (i), (l)
∂Fn−1
∂xn
0
···
∂Fn−1
∂x1
0
..
.
···
Ak,l
car les Ak,l sont tous nuls par hypothèse de récurrence
D’où Pn . On a donc montré par récurrence ∀n > 3, Pn .
0
···
{z
:=
∂Fn−1
∂x1
..
.
..
.
|
=0
···
∂Fn−1
∂xn
c
1 (i), (l)
0
}
B
Diagonalisation du crochet quadratique
Pour simplifier les calculs, on notera Pq la fonction ∂P
∂q ◦ h pour q = x, y, z et P = f, g. On notera de
∂b
∂a ∂b
∂b ∂a
plus ∧ l’opérateur bilinéaire antisymétrique défini par ∂a
∂i ∧ ∂j = ∂i ∂j − ∂i ∂j .
On a donc
∂f ◦ h ∂g ◦ h
∧
∂x
∂y
∂f ◦ h ∂g ◦ h
+ {y, z}
∧
∂y
∂z
∂f ◦ h ∂g ◦ h
+ {z, x}
∧
∂z
∂x
{f ◦ h, g ◦ h} = {x, y}
Or, pour P = f, g
∂P ◦ h
= Px + Py − Pz
∂x
∂P ◦ h
= −Px + Py + Pz
∂y
∂P ◦ h
= Px − Py + Pz
∂z
D’où
{f ◦ h, g ◦ h} = {x, y}((fx + fy − fz ) ∧ (−gx + gy + gz ))
+ {y, z}((−fx + fy + fz ) ∧ (gx − gy + gz ))
+ {z, x}((fx − fy + fz ) ∧ (gx + gy − gz ))
= {x, y}(2fx ∧ gy + 2fy ∧ gz )
+ {y, z}(2fz ∧ fx + 2fy ∧ fz )
+ {z, x}(2fx ∧ gy + 2fz ∧ gx )
= 2({x, y} + {z, x})fx ∧ gy
+ 2({x, y} + {y, z})fy ∧ gz
+ 2({y, z} + {z, x})fz ∧ gx
D’où le résultat recherché en utilisant les notations introduites plus haut.
24
Références
– Khaoula Ben Adbeljelil : L’intégrabilité des réseaux de 2-Toda et de Full Kostant-Toda périodique
pour toute algèbre de Lie simple. Thèse de doctorat, Université de Poitiers, 2010.
– Jean-Paul Dufour et Nguyen Tien Zung : Poisson Structure and Their Normal Forms. Birkhäuser, 1972.
– Jean-Paul Dufour et Aissa Wade : Formes normales de structures de Poisson ayant un 1-jet nul
en un point. 1997.
– James E. Humphrey : Introduction to Lie Algebra and Representation Theory. Springer, 1972.
– Jacques Lafontaine : Introduction aux variétés différentielles. Edp Sciences, 1996.
– Pol Vanhaecke : Integrable Systems in the realm of Algebraic Geometry. Springer, 2001.
– Pol Vanhaecke, Camille Laurent-Gengoux et Anne Pichereau : An invitation to Poisson
structures. 2010.
25
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