Les modalités d’accès au médicament passent par un labora-
toire pharmaceutique qui commercialise ce médicament, un
médecin qui le prescrit, un pharmacien qui le dispense, un
patient qui le consomme, et qui, auparavant en a fait l’acquisi-
tion, avec, la plupart du temps, l’intervention de l’assurance
maladie dans le paiement de cette acquisition.
Le patient est-il un client ? Et si oui, le client de qui ?
L’information relative au médicament a au moins trois desti-
nataires :
!Le consommateur, qui achète le produit pour l’utiliser (en le
détruisant), la plupart du temps avec une ordonnance, bien qu’il
puisse avoir accès direct à certaines spécialités.
!Le médecin, par qui passe obligatoirement le consommateur
pour l’accès à certaines spécialités.
!Le pharmacien, devenu prescripteur dans le cadre de la
dispensation des génériques, grâce à son pouvoir de substi-
tution.
UN PEU D’HISTOIRE ANTIQUE
Le roi Midas régnait sur la Phrygie (contrée du centre de l’Asie
mineure, voisine de la Turquie). Il avait développé dans son
royaume le culte de Dionysos (Bacchus en latin). En remer-
ciement, il reçut le privilège de changer en or tout ce qu’il tou-
chait. Il en fut très content jusqu’à ce que, ayant faim, il trans-
forme en or tous les aliments touchés ! Mais Dionysos, qui était
bon, préconisa un bain dans la rivière Pactole pour affranchir
Midas de sa particularité. Depuis, la rivière Pactole charrie de
l’or.
Comme Midas le faisait pour tout ce qu’il touchait, l’industrie
pharmaceutique a le privilège de transformer en publicité toute
information médicale qu’elle touche. En publicité, équivalent
moderne de l’or. Publicité, selon le dictionnaire : “fait d’exercer
une action psychologique sur un public à des fins commerciales”.
À cet égard, le Code de la santé publique (CSP) dispose :
Article L 5122-1. “On entend par publicité pour les médica-
ments à usage humain toute forme d’information, y compris le
démarchage, de prospection ou d’incitation qui vise à pro-
mouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consom-
mation de ces médicaments, à l’exception de l’information dis-
pensée, dans le cadre de leurs fonctions, par les pharmaciens
gérant une pharmacie à usage intérieur.
Ne sont pas inclus dans le champ de cette définition :
– la correspondance, accompagnée le cas échéant de tout docu-
ment non publicitaire, nécessaire pour répondre à une ques-
tion précise sur un médicament particulier ;
– les informations concrètes et les documents de référence rela-
tifs, par exemple, aux changements d’emballages, aux mises en
garde concernant les effets indésirables dans le cadre de la
pharmacovigilance, ainsi qu’aux catalogues de vente et listes
de prix s’il n’y figure aucune information sur le médicament ;
– les informations relatives à la santé humaine ou à des mala-
dies humaines, pour autant qu’il n’y ait pas de référence même
indirecte à un médicament.”
Article L 5122-2. “La publicité définie à l’article L 5122-1 ne
doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la
santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit
de façon objective et favoriser son bon usage.
Elle doit respecter les dispositions de l’autorisation de mise
sur le marché.”
Article L 5122-3. “Seuls peuvent faire l’objet d’une publicité
les médicaments pour lesquels ont été obtenus l’autorisation
de mise sur le marché mentionnée à l’article L 5121-8 ou l’en-
registrement mentionné à l’article L 5121-13.”
La publicité pour les médicaments ne doit pas être trompeuse,
et doit présenter le produit de façon objective.
Le droit romain, en matière commerciale, admettait le bonus
dollus, le client, supposé avisé, ne pouvant se plaindre d’avoir
été piégé par le baratin du vendeur, qui était considéré comme
un exercice un peu poétique, admettant un écart entre le dis-
cours et le réel, sans tomber dans la tromperie.
Exercice, par conséquent, difficile.
Au regard des articles du Code de la santé publique français
relatifs à la publicité du médicament, il s’avère que la publicité
faite par les laboratoires pharmaceutiques ne bénéficie pas de
la licence poétique et doit avoir le caractère d’une information
(présentation objective, absence de tromperie).
Le présent propos est restreint ici à l’information délivrée aux
professionnels de santé, la publicité destinée au public étant un
autre sujet. Relevons une différence entre la France et certains
autres pays d’Europe : la séparation effectuée dans le Code de
la santé publique entre clients consommateurs et clients pres-
cripteurs en matière de publicité pharmaceutique.
Article L 5122-9. “La publicité pour un médicament auprès
des membres des professions de santé habilités à prescrire ou
à dispenser des médicaments ou à les utiliser dans l’exercice
de leur art doit faire l’objet, dans les huit jours suivant sa dif-
fusion, d’un dépôt auprès de l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé.
En cas de méconnaissance des dispositions des articles L 5122-2
et L 5122-3, l’Agence peut :
– ordonner la suspension de la publicité ;
– exiger qu’elle soit modifiée ;
– l’interdire et éventuellement exiger la diffusion d’un rectificatif.”
Le décret 96-531 du 14 juin 1996 organise d’ailleurs les dis-
positions relatives d’une part à la publicité auprès du public, de
l’autre à celle destinée aux professionnels de santé “habilités
à les prescrire, à les dispenser ou utiliser (les spécialités phar-
maceutiques) dans l’exercice de leur art”.
La logique est centrée, dans ce deuxième cas, sur la présenta-
tion par une entreprise marchande des caractéristiques d’une
spécialité qu’elle commercialise, et dont elle fait la promotion.
Mais on ne saurait résumer la démarche à cette seule attitude
uniciste : présenter son produit. On ne saurait non plus accep-
ter en la matière un bonus dollus.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 17 - n° 2 - mars-avril 2003
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