Utilisation des traitements symptomatiques de la douleur du cancer en ambulatoire

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Correspondances en médecine - n° 1, vol. III - janvier/février/mars 2002
DOSSIER
DOSSIER
É
VALUATION DE LA DOULEUR
Préciser la/les cause(s)
Cette étape est indispensable lors de toute ini-
tiation d’un traitement antal-
gique, mais également lors de
toute augmentation récente
de l’intensité d’une douleur
jusque-là bien équilibrée. En
effet, il peut s’agir d’une nouvelle douleur qui
nécessitera une enquête étiologique, même si
celle-ci ne doit pas retarder la mise en route du
traitement antalgique. Celui-ci pourra être tem-
poraire en attendant la mise en place ou l’effet
du traitement spécifique.
Préciser les mécanismes
Le mécanisme de la douleur devra également
être précisé, car il conditionne le type de traite-
ment. En effet, si la plupart des douleurs cancé-
reuses répondent aux antalgiques habituels,
car leur mécanisme est un excès de nocicep-
tion, d’autres peuvent avoir un mécanisme neu-
rogène associé qui nécessi-
tera un traitement spécifique.
Le risque, lorsque l’on ne
repère pas ces douleurs, est
de majorer les doses de morphine avec un sou-
lagement souvent non satisfaisant et des effets
secondaires majeurs.
Préciser l’intensité de la douleur
L’évaluation de l’intensité de la douleur permet
de guider le choix de l’antalgique. L’utilisation
d’échelles comme l’échelle visuelle analogique
(EVA) ou, plus simplement, l’échelle numérique
(EN : 0 = douleur absente, – 10 = douleur maxi-
male imaginable) est très utile dans l’évalua-
tion de l’efficacité des traitements mis en place
et pour leur réajustement.
L’échelle verbale simple (EVS)
est à utiliser lorsque les autres
échelles ne sont pas com-
prises. Le comportement du malade apporte
également des indications sur la sévérité de la
douleur, de même que les répercussions sur le
sommeil, l’appétit, les activités...
Choisir la voie d’administration
La voie d’administration à privilégier est la voie
orale. Dans certaines circonstances, celle-ci est
temporairement ou définitivement impossible
et nécessite d’autres voies d’administration.
Les douleurs aiguës très intenses sont une
urgence et relèvent de la morphine par voie
parentérale. Elle peut être initiée à domicile,
mais la nécessaire titration et la surveillance
qu’elle implique sont difficile-
ment réalisables au domicile.
Une courte hospitalisation est
souvent inévitable pour soula-
ger rapidement le malade et
adapter le traitement antalgique.
Fixer les objectifs avec le malade
Si l’ajustement des posologies déjà en place
peut permettre d’obtenir un soulagement
rapide, il n’en est pas toujours ainsi lors de l’ini-
Utilisation des traitements
symptomatiques de la douleur
du cancer en ambulatoire
!
!
M. Luu*, M.T. Gatt
* Hôpital Avicenne,
125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny.
Le mécanisme de la douleur devra
également être précisé, car il condi-
tionne le type de traitement.
Les douleurs aiguës très intenses
sont une urgence et relèvent de la
morphine par voie parentérale.
Le médecin généraliste est souvent sollicité par les malades cancéreux pour le soulagement
de leur douleur. Un traitement antalgique a pu être initié à l’hôpital et nécessite qu’il le réajuste,
ou il aura à l’initier lui-même. Dans les deux cas, il pourra être aidé dans sa démarche
par des règles d’utilisation des antalgiques qui sont actuellement bien codifiées.
Nous n’avons retenu ici que les médicaments les plus largement utilisés et nous avons développé
plus particulièrement les traitements morphiniques et ceux des douleurs neurogènes.
tiation du traitement. Aussi est-il indispensable
d’expliquer au malade que les posologies vont
être ajustées progressivement jusqu’à l’obten-
tion d’un soulagement satisfaisant.
T
RAITEMENT DES DOULEURS PAR EXCÈS
DE NOCICEPTION
Échelle de décision thérapeutique de l’OMS
L’échelle de décision thérapeutique de l’OMS
classe les antalgiques par paliers d’efficacité.
Elle doit être utilisée en fonction de l’intensité
de la douleur à traiter. L’inefficacité, la perte
d’efficacité ou une durée trop courte de l’effet
antalgique doivent être reconnues rapidement
(dans les 24-48 heures) et faire prescrire sans
tarder un antalgique du palier suivant. En cas
de douleur intense, la morphine sera prescrite
d’emblée. Les traitements antalgiques doivent
être prescrits à horaire fixe, en tenant compte
de leur durée d’action.
Le palier 1 correspond aux antalgiques non
opioïdes. Les plus largement utilisés sont le
paracétamol et les anti-inflam-
matoires non stéroïdiens.
Le palier 2 est constitué par
les associations d’un médica-
ment du palier 1 avec un opioïde
faible : paracé-
tamol/codéine (Dafalgan®codéïne,
Efferalgan®
codéïne...) et paracétamol/dextropropo-
xyphène (Di-Antalvic®, Propofan®...), la dihydro-
codéine (Dicodin®) ou le tramadol (Topalgic®,
Zamudol®...). Ces derniers peuvent tout à fait
être associés au paracétamol. La buprénor-
phine (Temgésic®), qui fait partie de ce palier,
n’est pratiquement jamais utilisée dans le trai-
tement de la douleur du cancer du fait de son
effet plafond et de son antagonisme avec la
morphine et les opioïdes faibles.
Le palier 3 est constitué par les opioïdes forts :
la morphine, le fentanyl par patch (Durogesic®),
l’hydromorphone (Sophidone®), la méthadone.
La morphine
La morphine par voie orale
La morphine est le morphinique à utiliser en pre-
mière intention (tableau I). En cas de traitement
antérieur inefficace par un médicament du palier
2 à dose maximale, la dose équivalente de mor-
phine à libération prolongée (LP) sera le plus sou-
vent de 60 mg/24 h, soit 30 mg toutes les
12 heures de Moscontin®ou de
Skenan
®
ou
50 mg/24 h de Kapanol®(tableau II).
Si le patient
n’avait aucun traitement antérieur, la dose ini-
tiale sera de 0,5 à 1 mg/kg et par 24 heures.
La dose nécessaire au soulagement du malade
n’étant pas connue, des interdoses de mor-
phine à libération immédiate
(Sévredol®, Actiskenan®)
seront laissées à la demande,
habituellement toutes les
4heures au maximum. Celles-ci correspondent
à environ un sixième de la dose des 24 heures,
soit 10 mg si le malade prend 60 mg de mor-
phine LP/24 h.
La titration se fera en ajoutant la quantité totale
des interdoses utilisées par le malade sur
24 heures à la dose des 24 heures de morphine
LP jusqu’à ce que le malade n’utilise plus
qu’une ou deux interdoses par 24 heures.
L’augmentation de la dose de morphine LP se
fait environ toutes les 24 à 48 heures. Une autre
manière de titrer consiste à augmenter la dose
des 24 heures de 30 à 50 % jusqu’à l’obtention
d’un soulagement satisfaisant pour le patient.
Elle ne dispense pas des interdoses.
Chez la personne âgée ou très dénutrie et
chez l’insuffisant respiratoire sous oxygène,
il est préférable de débuter par une dose
de 20 mg/24 h et d’augmenter les doses de
façon plus progressive.
En cas d’insuffisance rénale, le risque d’accu-
mulation des métabolites actifs et donc d’un
surdosage avec la morphine à libération prolon-
gée fait préférer l’utilisation exclusive de la
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Correspondances en médecine - n° 1, vol. III - janvier/février/mars 2002
dossier
La morphine est le morphinique à
utiliser en première intention.
Tableau II. Dose initiale de morphine.
Si le patient n’est pas correctement soulagé par :
– 6 comprimés (cp) de dextropropoxyphène (30 mg) + paracétamol (500 mg)/24 h
– ou 6 cp de codéine (30 mg) + paracétamol (500 mg)/24 h
– ou 6 cp de tramadol (50 mg) ou 300 mg LP/24 h
Commencer un traitement par morphine orale de 60 mg/24 h
En l’absence de traitement antérieur :
dose initiale : 0,5 à 1 mg/kg/24 h
Tableau I. Morphine orale (sulfate).
Libération prolongée (LP) : prescription de 28 jours
toutes les 12 heures :
– Moscontin®: comprimé à 10, 30, 60 et 100 mg
– Skenan®: gélule ouvrable à 10, 30, 60 et 100 mg
toutes les 24 heures :
– Kapanol®: gélule à 20, 50 et 100 mg
Libération immédiate (LI) : prescription de 28 jours
Sévredol®: comprimé à 10 et 20 mg
Actiskenan®: gélule ouvrable à 5, 10, 20 et 30 mg
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Correspondances en médecine - n° 1, vol. III - janvier/février/mars 2002
DOSSIER
morphine à libération immé-
diate à la demande, dont la
dose sera titrée de façon pro-
gressive.
La morphine par voie parentérale
En dehors des situations d’ur-
gence, il peut être nécessaire de passer de la
voie orale à la voie parentérale (tableau III) de
façon temporaire ou définitive, soit en intravei-
neux continu si le malade possède une voie
centrale, soit en sous-cutané continu. En ville, il
est tout à fait possible d’instituer un traitement
par morphine par voie parentérale continue
grâce aux pompes programmables. Celles-ci
peuvent être prescrites dans le cadre d’une
hospitalisation à domicile demandée par le
médecin traitant ou auprès de prestataires de
service qui assurent la formation des infir-
mières libérales au maniement de ces pompes.
Le tableau IV indique les modalités de conver-
sion morphine orale-morphine par voie paren-
térale. Le calcul de la dose des interdoses, leur
rythme de délivrance à la demande et la titra-
tion de la dose des 24 heures nécessaire au
soulagement du patient se font de la même
façon que pour la voie orale.
Pour les pompes programmables, la prescrip-
tion de morphine peut se faire pour 28 jours.
Sur l’ordonnance sécurisée, il faut indiquer la
dose totale des 24 heures (dose de morphine
en continu + la totalité des interdoses possibles
par 24 heures), la dose totale sur sept jours et
la durée de prescription. En effet, le pharmacien
ne délivrera la morphine injectable que tous les
sept jours. Pour l’infirmière, il faut indiquer la
dose de morphine en continu, celle des inter-
doses et, suivant les pompes, la période d’in-
terdiction entre deux interdoses (par exemple
4heures) et/ou la dose totale à ne pas dépas-
ser sur 4 heures.
Les autres morphiniques
Ces morphiniques ne doivent être utilisés qu’en
deuxième intention, lorsque la morphine est
mal tolérée, avec des effets secondaires tels
que des nausées et des vomissements non
gérés par les traitements antiémétiques, de la
somnolence, de la confusion, des hallucina-
tions limitant l’augmentation nécessaire des
doses. Néanmoins, l’apparition d’effets secon-
daires au cours d’un traitement stable jusque-là
bien toléré doit faire recher-
cher une autre cause avant
d’incriminer la morphine. Du
fait de l’absence actuelle de
forme à libération immédiate
de ces morphiniques, la titra-
tion se fera avec la morphine à
libération immédiate, dont les doses utilisées
seront converties pour la titration du morphi-
nique choisi.
Patch de fentanyl (Durogesic®)
L’intérêt de ce morphinique est triple : sa voie
transdermique, qui permet d’éviter la voie orale
en cas de vomissements sans avoir recours à la
voie parentérale, le moindre risque de surdo-
sage en cas d’insuffisance rénale du fait de l’ac-
cumulation de métabolites inactifs et un effet
constipant moins important que celui de la mor-
phine. Néanmoins, comme avec la morphine, la
prudence reste de règle pour les patients âgés,
fragiles, insuffisants rénaux ou respiratoires.
Lors de son initiation, l’effet antalgique n’appa-
raît qu’au bout d’environ 12 à 18 heures et
l’ajustement des doses est plus long, toutes les
72 heures, ce qui nécessite l’utilisation d’inter-
doses de morphine pour la titration (10 mg pour
un patch à 25 µg/h).
Les doses équivalentes à la morphine varient
selon les études (tableaux V et VI). La table
d’équivalence dite “de Donner” est la plus utili-
Tableau III. Principales indications
de la morphine parentérale.
Vomissements non contrôlés
Occlusion intestinale
Dysphagie
Malabsorption
Coma
Doses orales très importantes
Tableau IV. Conversion morphine
orale-morphine parentérale (chlor-
hydrate).
Dose sous-cutanée/24 h :
1/2 de la dose orale/24 h
Dose intraveineuse/24 h :
1/3 de la dose orale/24 h
L’apparition d’effets secondaires au
cours d’un traitement stable
jusque-là bien toléré doit faire
rechercher une autre cause avant
d’incriminer la morphine.
Tableau V. Fentanyl transdermique (Durogesic
®
).
Prescription de 28 jours (délivrance par 14 jours)
Libération prolongée (72 heures)
Patch de 25, 50, 75 et 100 µg/h
Conversion
morphine orale patch de fentanyl
(mg/24 h) (µg/h)
135 25
135-224 50
225-314 75
315-404 100
puis, tous les 90 mg supplémentaires, ajouter 25 µ/h
Tableau VI. Table d’équivalence dite “de Donner”.
Conversion
morphine orale patch de fentanyl
(mg/24 h) (µg/h)
30-90 25
91-150 50
151-210 75
211-270 100
puis, tous les 60 mg supplémentaires, ajouter 25 µg/h
sée. Pour la titration, l’augmentation de 25 µg/h
se fera en cas de consommation d’au moins
60 mg d’interdose de morphine orale par 24 heures.
Le passage d’une morphine LP au patch de
Durogesic®se fera de la façon suivante : pose
du patch et, en même temps, prise de la der-
nière dose de morphine LP ; à l’inverse, ablation
du patch avant de reprendre la morphine LP
12 heures plus tard. Dans un cas comme dans
l’autre, il faudra prévoir des interdoses.
Hydromorphone (Sophidone®)
Ce morphinique LP s’administre comme la mor-
phine LP, toutes les douze heures. Il suffit de
substituer à cette dernière la dose équivalente
de Sophidone®(tableau VII). Son intérêt est sa
bonne tolérance en cas d’effets secondaires
mal contrôlés avec la morphine. Il est à noter
que son augmentation se fait au minimum de
8mg en deux prises sur les 24 heures, soit
60 mg en dose équivalente morphine. Le risque
d’accumulation en cas d’insuffisance rénale est
le même que pour la morphine.
Méthadone
En France, la méthadone est un opioïde essen-
tiellement connu pour son utilisation dans les
programmes de traitement substitutif s’adres-
sant aux toxicomanes. Utilisé dans les autres
pays européens dans le traitement des dou-
leurs cancéreuses, cet opioïde commence à
être prescrit en France dans ce cadre, même s’il
n’a pas encore reçu l’AMM. Son efficacité dans
les douleurs avec composante neurogène fait
tout son intérêt. Il a sa place dans la rotation
des opioïdes en cas d’intolé-
rance ou d’escalade des doses
des autres opioïdes.
Son initiation, ou sa substitu-
tion à un traitement opioïde
antérieur, est délicate ; il
existe différents protocoles.
Initiation et substitution ne
peuvent se faire que lors d’une courte hospita-
lisation, de 5 à 7 jours. La méthadone se prend
par voie orale, le plus souvent toutes les
8heures avec, si besoin, des doses supplémen-
taires toutes les 6 heures au maximum. Elle est
délivrée tous les 7 jours dans ce contexte par
les pharmacies des hôpitaux et, depuis peu, par
les pharmacies de ville.
Effets secondaires des morphiniques
Toute initiation d’un traitement morphinique
devra comporter une information détaillée à
remettre au patient sur le traitement lui-même,
sur les peurs qu’il peut en avoir et sur les effets
secondaires possibles. Les plus fréquents sont
la somnolence en rapport avec la dette de som-
meil, qui dure habituellement 24 heures, la
constipation, constante et qui doit être systé-
matiquement prévenue par un traitement laxa-
tif et surveillée, et les nausées et/ou vomisse-
ments. Pour ces derniers, qui ne sont pas
systématiques et ne durent habituellement que
quelques jours, il faudra prescrire un traitement
antiémétique sous forme lyoc ou suppositoire à
prendre en cas de nécessité.
Le risque de surdosage et de dépression respi-
ratoire est très rare chez un patient cancéreux
douloureux régulièrement réévalué et traité de
façon continue. Toute réapparition inexpliquée
d’une somnolence se majorant progressivement
doit conduire à interrompre temporairement le
traitement morphinique et à rechercher une
insuffisance rénale, une potentialisation par des
traitements associés (psychotropes et en parti-
culier benzodiazépine, alcool), une cause orga-
nique, une erreur de dose. La naloxone
(Narcan®) pourra être utilisée, tout en sachant
que sa durée d’action est très courte. La cause
du surdosage expliquée, le patient sera remis
sous morphinique à une dose adaptée.
Les coanalgésiques
Ce sont des traitements qui, associés aux antal-
giques cités, ont soit un effet antalgique dans
certains types de douleur comme les corticoïdes,
les antidépresseurs tricy-
cliques, les antiépileptiques,
soit un effet potentialisateur
des antalgiques comme les
anxiolytiques, les neurolep-
tiques et les hypnotiques.
Concernant ces derniers, leur
prescription ne doit pas être
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Correspondances en médecine - n° 1, vol. III - janvier/février/mars 2002
dossier
Utilisée dans les autres pays euro-
péens dans le traitement des dou-
leurs cancéreuses, la méthadone
commence à être prescrite en
France dans ce cadre, même si elle
n’a pas encore reçu l’AMM.
Tableau VII. Hydromorphone (Sophidone
®
).
Prescription de 28 jours
Libération prolongée : toutes les 12 heures
Comprimé de 4, 8, 16 et 24 mg
Conversion morphine orale-hydromorphone :
– 30 mg de morphine = 4 mg d’hydromorphone
– ou dose de morphine = 7,5 x dose d’hydromorphone
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Correspondances en médecine - n° 1, vol. III - janvier/février/mars 2002
DOSSIER
systématique et leur intérêt doit être évalué du
fait du risque de potentialisation de la somno-
lence.
T
RAITEMENT DES DOULEURS NEUROGÈNES EN
RAPPORT AVEC L
ÉVOLUTION TUMORALE
Repérer les douleurs neurogènes ou mixtes
Les douleurs neurogènes “pures” sont essen-
tiellement des séquelles des traitements anti-
cancéreux. Ce sont les douleurs post-thoracoto-
mie, les neuropathies douloureuses après
chimiothérapie, les plexites postradiques... En
cas d’évolution tumorale, les
douleurs sont souvent mixtes,
par excès de nociception, et
neurogènes. Elles peuvent se
retrouver à chaque fois qu’il y a
lésion, envahissement ou com-
pression d’une structure ner-
veuse périphérique ou centrale : compression
du plexus brachial dans le syndrome de
Pancoast-Tobias, des nerfs intercostaux lors de
l’envahissement pariétal des tumeurs pulmo-
naires ou de la plèvre, épidurite lors de méta-
stases osseuses...
Les douleurs neurogènes sont repérées à l’in-
terrogatoire du malade par leurs caractéris-
tiques (territoire neurologique ou en rapport
avec la cicatrice chirurgicale ; composante
continue souvent à type de brûlure pouvant
être associée à une composante paroxystique,
paresthésies) et à l’examen clinique, qui
retrouve des troubles de la sensibilité superfi-
cielle (hyperesthésie, hypoesthésie...) dans le
territoire douloureux.
Les douleurs mixtes nécessitent un traitement
spécifique à un moment de l’évolution de la
maladie et/ou en cas de non-contrôle lors de
l’augmentation des morphiniques.
Traitements
Le choix du traitement sera guidé par l’exis-
tence de contre-indications, le type de douleur
prédominant. Observons que, contrairement
aux douleurs par excès de nociception, les dou-
leurs neurogènes sont plus difficiles à soulager
et, pour trouver la dose effi-
cace de leurs traitements, du
temps est nécessaire ; cette
efficacité est, en outre, sou-
vent incomplète. En particu-
lier, les antidépresseurs tricy-
cliques et la gabapentine demandent une aug-
mentation progressive des doses avec un effet
retardé. Il est nécessaire d’en avertir le malade.
Tramadol (Topalgic®, Zamudol®, Contramal®)
En cas de douleur légère à modérée, le trama-
dol est indiqué du fait de son action mixte. Si le
malade est déjà sous un antalgique de palier 2
pour d’autres douleurs, celui-ci peut être rem-
placé par le tramadol, soit seul, soit associé au
paracétamol (palier 1). Si le malade est sous
morphinique, il est préférable d’utiliser un
autre traitement, bien qu’il n’existe pas d’effet
antagoniste. La dose initiale habituelle est de
100 mg LP matin et soir. Il existe une forme à
50 mg qui peut être préférée
au début chez les malades
âgés ou sensibles aux effets
secondaires. La dose sera
augmentée en fonction de la
tolérance jusqu’à 200 mg
matin et soir.
Bien qu’il soit habituellement très bien toléré,
la possibilité non négligeable d’effets secon-
daires, à type de nausées intenses et de vomis-
sements, nécessite une information du
malade. L’augmentation progressive des
doses, la prescription des formes à libération
prolongée ainsi que d’un antiémétique à
prendre en cas de besoin permettent d’amélio-
rer la tolérance.
Antidépresseurs tricycliques
Les plus largement utilisés sont l’amitriptyline
(Laroxyl®) et la clomipramine (Anafranil®). Ils
sont efficaces sur toutes les composantes des
douleurs neurogènes (composantes continue,
paroxystique et hyperesthésie). L’absence de
contre-indications doit être systématique-
ment vérifiée avant leur prescription (risque
de glaucome, adénome de la prostate ou
risque de rétention d’urine, problème car-
diaque). En cas de doute,
un avis spécialisé
est conseillé.
Globalement, ce sont des traitements efficaces,
mais dont les effets secondaires peuvent être
mal tolérés, particulièrement chez les per-
sonnes âgées. Les doses devront être augmen-
tées progressivement en utilisant la forme
buvable pour l’amitriptyline et
en prise unique le soir. Le
malade sera prévenu que ce
traitement est un antidépres-
seur utilisé pour son action
antalgique, qu’il a des effets
Les douleurs neurogènes sont repé-
rées à l’interrogatoire du malade
par leurs caractéristiques
Ils sont efficaces sur toutes les
composantes des douleurs neuro-
gènes (composantes continue,
paroxystique et hyperesthésie).
1 / 6 100%

Utilisation des traitements symptomatiques de la douleur du cancer en ambulatoire

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