Une charte pour les tumorothèques Un numéro spécial du Bulletin du Cancer consacré aux “Banques de tumeurs en France” (août 2006) met en exergue la valeur stratégique de ces structures qui se positionnent à l’interface entre le monde de la recherche médicale cancérologique et la prise en charge des patients. Les banques de tumeurs (“tumorothèques”) sont des banques d’échantillons biologiques cryopréservés (dans un congélateur ou dans l’azote liquide), assortis d’annotations biologiques, anatomopathologiques et cliniques dynamiques qui permettent de les caractériser. Ces échantillons peuvent être constitués de tissus et/ou de cellules, ainsi que de produits dérivés tels que ADN, ARN, protéines, sérums... Ils sont obtenus à partir de prélèvements tumoraux et, éventuellement, à partir de tissus sains recueillis chez le même malade. Les tumorothèques ont un double objectif : Elles constituent une ressource essentielle aux programmes de recherche portant sur la biologie des cancers. Elles répondent à une nécessité clinique, dans le contexte actuel d’émergence de traitements ciblés nécessitant la recherche de marqueurs moléculaires spécifiques chez le patient et de nouvelles classifications appuyées sur des caractéristiques génomiques des tumeurs. Les pathologistes jouent un rôle essentiel dans la création et le maintien de ces tumorothèques, car le processus de recueil des échantillons tissulaires s’appuie principalement sur l’examen des pièces d’exérèse chirurgicale. Au fil des années, ils ont constitué d’importantes collections d’échantillons dont l’organisation et le partage sont restés longtemps incontrôlés. L’enjeu actuel des tumorothèques dans la recherche sur le cancer a nécessité la mise au point de règlementations. Au-delà de la qualité de préservation des échantillons, essentielle aux analyses ARN ou protéomiques en particulier et qui ont fait l’objet de recommandations (ANAES 2000), l’utilisation d’éléments issus du corps humain à des fins de recherche suscite des questions juridiques relatives à la protection des personnes, au droit des malades, ainsi que des questions éthiques. Un groupe de travail mis en place par l’Institut national du cancer (INCa) a défini cinq règles de bonne pratique sous la forme d’une charte. La charte éthique des tumorothèques (1) est destinée à faciliter la mise en place de programmes de recherche nationaux ou internationaux, dans le respect du droit français et des intérêts des patients. Les recommandations de la charte portent sur : La conservation d’un reliquat biologique au bénéfice clinique individuel du patient, dans le cas où l’échantillon recueilli à l’occasion de soins serait par la suite utilisé pour des travaux de recherche. En effet, une nouvelle thérapeutique ciblée découverte ultérieurement pourrait justifier l’analyse des caractéristiques biologiques du fragment tumoral initialement prélevé. L’information du patient et la vérification de l’absence d’opposition de sa part à l’utilisation de l’échantillon pour la recherche, en soulignant le fait que pour les examens visant à définir les caractéristiques génétiques constitutionnelles de la personne, le consentement doit être donné par écrit. La conservation du document d’information dans le dossier médical du patient. Le principe d’un partenariat de recherche systématique pour tout transfert d’échantillons entre tiers et le refus des cessions hors partenariat. La nécessité de respecter les règles de protection des données personnelles concernant les données cliniques associées aux échantillons et, en particulier, d’accomplir les formalités nécessaires auprès de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Il est préalablement rappelé que la constitution et l’utilisation de collections d’échantillons biologiques humains à des fins scientifiques doivent être obligatoirement déclarées aux instances avant leur mise en œuvre par les organismes assurant ces activités (ministre chargé de la Recherche après avis du Comité de protection des personnes (CPP) et directeur de l’ARH pour les établissements de santé). Commentaires. Dans le travail présenté par La Lettre du Sénologue - n° 35 - janvier-février-mars 2007 Borella et al. (1), les recommandations de la charte éthique sont accompagnées d’éléments d’explication et de quelques outils pratiques facilitant leur mise en œuvre. Ce texte peut également être téléchargé sur le site de l’INCa. La nouvelle loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique a permis de clarifier certains points, notamment la possibilité de changements de finalité des échantillons conservés dans les biobanques, à condition que la personne dûment informée ne s’y oppose pas. Mais il persiste quelques ambiguïtés (1, 2). Les tumorothèques recensées en France comportent un nombre important d’échantillons de cancers du sein qui sont susceptibles d’être utilisés dans des programmes de recherche. Il s’agit notamment de déterminer des “profils génomiques” de tumeurs. Diverses signatures génomiques “pronostiques” ont été identifiées, le véritable enjeu étant de découvrir des signatures “prédictives”, c’est-à-dire prédisant la réponse individuelle des malades aux différentes options thérapeutiques disponibles (3). En revanche, il n’y a pas, à ce jour, d’indication formelle à une cryopréservation systématique et obligatoire des carcinomes mammaires dans le cadre de tumorothèques, dites “à visée sanitaire” (4). Ces structures sont destinées à recueillir l’ensemble des tumeurs pour lesquelles il existe des anomalies moléculaires utiles pour la prise en charge des patients et dont la technique de mise en évidence nécessite du matériel congelé. La liste des tumeurs concernées est bien entendu évolutive et sera actualisée en permanence. Revue de presse R evue de presse 1. Borella L, Lubin R, Dupont M, Janin A. Une charte éthique pour le recueil, la conservation et l’utilisation des échantillons tumoraux humains. Bull Cancer 2006;93 (numéro spécial):S197-211. 2. Claudot F, Alla F, Coudane H. Biobanques : les modifications apportées par la nouvelle loi relative à la bioéthique. Rev Epidemiol Sante Publique 2006;54:551-4. 3. Buyse M. Banques de tumeurs et recherche clinique : les nouveaux enjeux. Bull Cancer 2006;93(numéro spécial):S237-40. 4. Coindre J-M, Sigaux F, Delsol G. Tumorothèques à visée sanitaire : définition, intérêt et recommandations. Bull Cancer 2006; 93(numéro spécial):S213-20. IP C. Barlier, anatomopathologiste, Nancy 33