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La Lettre du Gynécologue - n° 278 - janvier 2003
maladie. À ce jour, il n’y a donc qu’une faible preuve de l’exis-
tence d’une relation entre les facteurs psychosociaux et le risque
de survenue de cancer du sein. Les facteurs prédictifs identifiés
les plus puissants sont la répression émotionnelle et des événe-
ments de vie graves. Toutefois, comme le relèvent les auteurs de
cette revue, le caractère athéorique d’une approche destinée à
identifier clairement des concepts psychosociaux interreliés dans
une maladie multifactorielle comme le cancer du sein est une
faiblesse importante de ce champ de recherche. Les futurs tra-
vaux tireraient grand profit d’une réflexion théorique sous-
jacente et d’une plus grande rigueur méthodologique.
Relations entre la condition psychologique
de patientes atteintes d’un cancer du sein et la survie
Haïfa (Israël)
Mots-clés: Cancer du sein - Psychopathologie - Survie.
S
e fondant sur la théorie de l’existence d’un lien entre les
facteurs psychologiques et le système immunitaire, d’autres
chercheurs se sont focalisés sur les éventuelles connexions pou-
vant exister entre les facteurs psychologiques et la survie de
patients atteints de cancer. Les résultats observés par les cher-
cheurs se sont révélés contradictoires. Certains auteurs ont ainsi
constaté des taux plus élevés d’immunoglobulines IgM trois
mois après une mastectomie chez des patientes qui avaient mis
en œuvre des stratégies de déni, que chez celles utilisant
d’autres stratégies pour faire face à leur maladie. Selon une
étude de 1988, les femmes ayant exprimé un espoir, un opti-
misme et une stabilité de la personnalité face à de tels pro-
blèmes majeurs de santé avaient tendance à vivre plus long-
temps avec une maladie récurrente. D’autres chercheurs, en
revanche, n’ont trouvé aucune connexion entre la durée de la
survie et des facteurs psychologiques tels que l’anxiété, la
dépression, l’hostilité, le bien-être général et l’estime de soi. Le
Dr Gilbar et son équipe ont alors décidé de s’intéresser à la
relation entre les facteurs psychologiques et la durée de la sur-
vie sans maladie apparente chez 40 patientes atteintes d’un can-
cer du sein aux stades I et II. Leur objectif était d’arriver à anti-
ciper quelles patientes pourraient mourir ou développer des
métastases dans les huit années consécutives, en se fondant sur
des variables psychologiques. Une telle connaissance pourrait
permettre de mettre en œuvre des stratégies destinées à allonger
la durée de la survie (Gilbar O. The connection between the
psychological condition of breast cancer patients and
survival. A follow-up after eight years. Gen Hosp Psychiatry
1996; 18 : 266-70). Quarante patientes (âge moyen : 50 ans)
atteintes d’un cancer du sein ont participé à cette étude entre-
prise en 1984. Toutes avaient subi une mastectomie, sans qu’on
connaisse, au moment des premiers entretiens, leur statut tumo-
ral. Le premier entretien était passé environ deux semaines
après l’opération chirurgicale. Les entretiens incluaient un test
destiné à établir l’adaptation à la maladie (Psychosocial
Adjustment to Physical Illness Scale [PAIS]). Un inventaire de
la détresse psychologique (Brief Symptom Inventory [BSI]) per-
mettait d’évaluer divers types de symptômes, tels la somatisa-
tion, les comportements obsessifs compulsifs, la sensibilité
interpersonnelle, la dépression, l’anxiété, l’hostilité, l’anxiété
phobique, les idéations paranoïdes, etc. Un score de détresse,
dénommé “index global de sévérité” (GSI), était obtenu en
combinant la quantité et l’intensité des symptômes rapportés.
Huit ans après les entretiens, 8 des patientes étaient décédées et
7 avaient développé des métastases. Les 25femmes survivantes
ne présentaient aucun signe de maladie. Les constatations
essentielles de cette étude étaient que la détresse psycholo-
gique, l’anxiété, l’hostilité, les idéations paranoïdes, ainsi que
l’index global de sévérité étaient plus sévères au moment du
diagnostic chez les 8 patientes qui sont décédées au cours des
8 années consécutives que chez celles ayant survécu. Ces résul-
tats confirment les impressions cliniques selon lesquelles une
meilleure prise en charge de leur maladie par les patientes mène
à une survie plus longue. La question centrale reste de savoir si
la prise de conscience par la patiente de ses propres réponses
psychologiques face à la maladie peut contribuer à un style de
prise en charge personnelle qui puisse influer sur la survie ulté-
rieure. On peut toutefois penser que la programmation d’une
intervention psychologique adaptée, destinée aux patientes for-
tement perturbées psychologiquement et effectuée immédiate-
ment après le diagnostic, pourrait les aider à faire face et à amé-
liorer leur durée de survie.
Des expériences de vie difficiles et les troubles
de l’humeur peuvent-ils influencer le délai
de consultation pour un cancer du sein ?
Londres (Grande-Bretagne)
Mots-clés: Cancer du sein - Retard à la consultation -
Problèmes psychologiques.
P
our environ un cinquième des femmes diagnostiquées avec
un cancer du sein, l’intervalle entre l’apparition de symp-
tômes et la consultation chez un médecin est de plus de douze
semaines. Les patientes invoquent souvent des problèmes
sociaux, des responsabilités et des soucis domestiques comme
autant de raisons de différer la consultation médicale. À ce
jour, la littérature médicale consacrée à l’influence de l’anxiété
et de la dépression sur la consultation médicale s’est surtout
focalisée sur les personnes recherchant une aide médicale pour
des symptômes médicalement inexplicables. Peu d’études, en
revanche, ont cherché à savoir si l’anxiété et la dépression
pouvaient influencer le comportement de recherche d’aide
dans des cas de présence de symptômes de maladie physique
sous-jacente grave. Les auteurs de cette étude ont examiné
l’impact des épisodes de vie difficiles et des troubles de
l’humeur sur le retard à la consultation pour cancer du sein.
Leur hypothèse de départ était que les femmes ayant consulté
leur médecin plus de douze semaines après les premiers symp-
tômes étaient plus susceptibles d’avoir vécu des périodes diffi-
ciles, ou d’avoir vécu un épisode de dépression ou d’anxiété au
cours de l’année précédant la découverte des symptômes
(Burgess C, Ramirez A, Smith P, Richards M. Do adverse life
events and mood disorders influence delayed presentation of
GYNÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ