3. Electrogenethérapie
L’ADN contenu dans le noyau des cellules est le
support de l’information génétique, et contrôle le
fonctionnement cellulaire. En effet, l’ADN est
composé de gènes qui sont décryptés et dont
l’information qu’ils contiennent est traduite en
protéines effectrices. Ainsi, ajouter des informations
génétiques à une cellule au moyen d’ADN exogène
(ADN extérieur à l’organisme) permet de modifier son
fonctionnement ou de lui faire produire une nouvelle
protéine.
Il y a maintenant plus de 30 ans, l’équipe du Pr.
Neumann a démontré que la pénétration d’ADN
exogène à l’intérieur des cellules est possible grâce à
l’application d’un champ électrique court et intense
[12]. Ces molécules d’ADN, du fait de leur
hydrophilie, sont incapables de traverser la membrane
plasmique hydrophobe des cellules. L’application d’un
champ électrique, induisant une perméabilisation
temporaire de la membrane plasmique, permet donc
l’entrée des molécules d’ADN dans les cellules. Dans
de nombreux tissus tels que la peau et le muscle, la
taille et l'hydrophilie des molécules d'ADN sont des
facteurs limitant leur accès aux cellules cibles. Dans ce
cas, les types d’impulsions électriques délivrées pour
assurer un transfert de gènes efficace sont de deux
types. Premièrement, des impulsions électriques
courtes (100 µs) et intenses (environ 1000 V/cm),
appelées HV (comme High Voltage), permettent une
perméabilisation de la membrane plasmique, tandis que
des impulsions électriques longues (quelques centaines
de ms) et peu intenses (environ 100 V/cm), appelées
LV (comme Low voltage), permettent d’amener l’ADN
au contact des cellules électroperméabilisées, facilitant
ainsi son entrée à l’intérieur de ces dernières [13].
L’électrogènethérapie est donc une approche
thérapeutique qui vise à ajouter un ou plusieurs gènes à
une cellule ou un tissu au moyen d’impulsions
électriques. Les applications concernent, par exemple,
la thérapie génique, la vaccination génétique ou encore
la génération de cellules souches.
3.1 Les approches de thérapie génique
La thérapie génique vise à introduire un gène dans
l’organisme d’un patient afin de remplacer un gène
défectueux ou produire une protéine d’intérêt
thérapeutique. Les applications possibles concernent le
traitement du cancer, de l’hémophilie, de la
mucoviscidose, du diabète de type 1, de certains
déficits immunitaires, …
Le transfert de gènes dans le tissu d’un patient peut être
réalisé par des méthodes virales (utilisant des virus) ou
non virales. Les méthodes virales présentent des
risques biologiques dus à l’utilisation de virus, bien
qu’ils soient inactivés [14]. Par ailleurs, l’injection au
patient de particules virales induit fréquemment des
réactions immunitaires qui réduisent grandement
l’efficacité du traitement lors d’administrations
répétées. En effet, lors de la première injection de
virus, le système immunitaire du patient apprend à
reconnaître et à éliminer ces particules étrangères. Lors
des administrations suivantes, les particules virales sont
rapidement reconnues et éliminées par l’organisme,
avant même de pouvoir délivrer aux cellules cibles le
gène d’intérêt qu’elles contiennent. Afin de contourner
les risques et les inconvénients rencontrés lors de
l’utilisation de virus, les méthodes non virales de
transfert de gènes sont privilégiées. Parmi celles-ci,
l’électrotransfert de gènes est une méthode de choix qui
allie une bonne efficacité de transfert de gènes, une
bonne tolérance et une facilité d’utilisation notable.
A ce jour, l’interleukine-12 (IL-12) est le meilleur
candidat pour le traitement de certains cancers cutanés
par une approche de thérapie génique [15]. Le transfert
du gène de l’IL-12, réalisé directement dans les cellules
tumorales du patient, permet d’activer le système
immunitaire et permet ainsi à l’organisme de lutter
contre la prolifération des cellules cancéreuses. De
plus, il prévient également la formation des vaisseaux
sanguins nourrissant la tumeur. L’IL-12 a fait l’objet
du premier essai clinique sur l’électrotransfert de
gènes. Cette approche de thérapie génique concerne le
traitement du mélanome. L'essai de Phase 1 visant à
évaluer la tolérance de ce traitement a été publié en
2008 [16]. L'évaluation clinique est toujours en cours,
tout comme celles visant à traiter d’autres cancers
cutanés tels que les lymphomes et les carcinomes à
cellules de Merkel (clinicaltrials.gov).
3.2 Vaccination génétique
La vaccination est un procédé visant à induire une
protection de l’organisme par une stimulation du
système immunitaire au moyen d’une protéine
reconnue comme anormale ou étrangère, ou de ses
fragments appelés épitopes [17].
Deux approches sont possibles. L’approche classique
consiste à injecter les protéines ou les épitopes
directement dans l’organisme. Cependant, la
production de protéines ou d’épitopes peut être longue,
laborieuse, et implique des coûts importants de
purification. Par ailleurs, la stabilité des protéines doit
être assurée par leur maintien à basse température, sans
rupture de la chaîne du froid. Une nouvelle approche
vise à introduire, dans des cellules du patient, le gène
qui code pour l’épitope nécessaire à l’induction d’une
réponse immunitaire. Les avantages majeurs sont la
facilité et le faible coût de production de l’ADN, et des
conditions de transport et de stockage peu
contraignantes.
Les applications possibles sont le traitement du cancer
ou des maladies infectieuses. Par ce biais, les cellules
ayant reçu l’ADN vaccinant décryptent celui-ci afin de
produire l’épitope analogue à celui d’un pathogène ou
d’une cellule cancéreuse. Le système immunitaire
reconnaît cet épitope comme étranger ou anormal, et
développe des stratégies spécifiques de défense de
l’organisme contre le pathogène ou les cellules
cancéreuses présentant cet épitope. Ainsi, dès que la
présence de cet épitope à la surface d’un pathogène ou
d’une cellule cancéreuse est détectée par le système
immunitaire, celui-ci mettra en œuvre sa stratégie de