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Act. Méd. Int. - Angiologie (14) n° 240, Février 1998
ou par l’intermédiaire de ses puissants
ligaments costo-pleuraux).
– Si l’acrosyndrome est un phénomène
de Raynaud, voire en cas d’acrocyanose
atypique, l’examen est poursuivi par une
capillaroscopie au lit de l’ongle à la
recherche d’anomalies pouvant orienter
vers une maladie de système. La cible
essentielle de cette indication de capilla-
roscopie étant la recherche d’un signe de
sclérodermie, je crois comme Ranfdt que
l’inspection du lit de l’ongle à l’aide
d’une loupe ou d’un ophtalmoscope a
quasi même valeur pour la recherche de
mégacapillaires.
– Dans le cas particulier de travailleurs
manuels exposés aux traumatismes répé-
tés de la paume ou du talon de la main, si
la symptomatologie est celle d’un phéno-
mène de Raynaud et/ou d’une ischémie
pulpaire limités à certains doigts comme
l’index, si la manœuvre d’Allen oriente
vers une artériopathie digito-palmaire ou
seulement digitale, un examen écho-dop-
pler couleur est réalisé à la recherche d’un
anévrysme sur la distalité de l’artère cubi-
tale. Il s’agit pratiquement, dans mon
expérience, de la seule indication d’écho-
doppler couleur dans les acrosyndromes.
Au quotidien, je ne vais pas plus loin
dans les investigations vasculaires. En
ce qui concerne le diagnostic d’artério-
pathie digitale, la mesure de pression
digitale, quelle qu’en soit la méthode,
ne m’apporte rien de plus que la
manœuvre d’Allen qui, sous réserve du
respect du protocole d’examen, est très
compétitive vis-à-vis de l’artériogra-
phie de la main (par ailleurs tout aussi
sujette aux conditions d’examen).
Dans quelques cas, il est nécessaire de
faire la preuve d’un acrosyndrome vas-
culaire au froid et/ou de quantifier la
réaction au froid. Des examens longs et
délicats tentent de répondre à ces ques-
tions avec plus ou moins de pertinence.
Le plus simple d’entre eux pourrait être
le déclenchement d’un phénomène de
Raynaud par stress ou par exposition au
froid. En fait, le déclenchement d’un
phénomène de Raynaud est assez aléa-
toire et il n’est rien de plus irritant que
d’avoir essayé vainement de déclencher
un phénomène de Raynaud et de voir la
patiente en déclencher un superbe sur le
pas de la porte en vous quittant...
La mise en évidence d’une hypersensibili-
té au froid est plus intéressante, même si la
multiplication des tests et des protocoles
tend à montrer qu’aucun n’est parfait. Le
principe de base est de soumettre la main
et les doigts au froid humide, soit par bain
d’eau froide (de 10-12° à la température
de la glace fondante) soit par chambre
thermique, puis de mesurer et suivre la
vasoconstriction cutanée ou le vasospas-
me digital par thermométrie cutanée (gra-
dient température digitale vs température
ambiante), par mesure de pression digita-
le (cooling), par capillaroscopie au lit de
l’ongle, voire par laser-doppler. L’ampleur
de la variation négative du paramètre
testé, la forme de la courbe de retour à la
normale et le temps de retour à 90 % des
valeurs basales mesurent l’intensité de la
réaction au froid et peuvent parfois même
orienter sur l’étiologie du trouble vasomo-
teur (dans un travail ancien utilisant la
thermométrie cutanée, le vasospasme
idiopathique était en règle violent et de
récupération rapide alors qu’en cas de
maladie de système la chute thermique
était moins violente mais de récupération
plus lente. De même, en cas de phénomè-
ne de Raynaud secondaire à un traumatis-
me digital, ce doigt se démarquera nette-
ment des autres quant à l’intensité de la
réponse négative au froid, il pourra même
être le seul à présenter une réaction anor-
male).
Au niveau des pieds, le problème est
moins fréquent, souvent plus simple,
mais parfois également plus compliqué.
Le plus souvent, il s’agit de sensation de
pied froid unilatéral en rapport avec une
épine irritative lombaire, d’une acrorhi-
gose, d’une acrocyanose (souvent asso-
ciée à une adipocyanose) voire d’enge-
lures ou de microtraumatismes digitaux
qui ne nécessitent qu’un peu de rigueur
clinique. Parfois, il sera difficile de dif-
férencier une engelure ou un trouble tro-
phique par microtraumatisme d’un
trouble trophique ischémique par lésions
artérielles in situ ou d’origine embo-
lique. La manœuvre d’Allen du pied et
une pléthysmographie digitale, réalisées
très méthodiquement, seront alors de
premier intérêt, parfois il faudra aller au
bout des examens non invasifs et recher-
cher une lésion emboligène en écho-
doppler sans oublier de vérifier la crase
sanguine pour trancher.
Enfin, il me paraît utile d’évoquer les
troubles vasomoteurs du pied chez cer-
tains patients porteur d’une artériopathie
des membres inférieurs qu’il s’agisse de
formes débutantes avec instabilité vaso-
motrice ou de lésions plus évoluées
compensées par une bonne adaptation
du réseau microcirculatoire à la chute de
pression distale. Les extrémités concer-
nées sont souvent assez sensibles aux
variations climatiques. Si l’on a pris soin
d’évaluer la microcirculation cutanée de
ces membres dans des conditions nor-
males (mesure des gradients de pression
cheville-orteil, thermométrie cutanée,
évaluation du tonus vasomoteur en plé-
thysmographie et en laser-doppler) il est
relativement fréquent de constater par
temps froid et humide une aggravation
des signes fonctionnels sans chute de
pression à la cheville, aggravation qui
pourra être réduite en agissant sur le
chaussant (chaussettes et chaussures
sans synthétique).
Au total, comme il est dit que la “culture
c’est ce qui reste quand on a tout oublié”,
les explorations microcirculatoires en
matière d’acrosyndromes vasculaires liés
au froid me paraissent d’abord ce qui
reste quand on a tout oublié des aléas et
des déboires de trop d’examens peu utiles
voire inutiles au quotidien, c’est-à-dire
leur substratum physiopathologique
appliqué à la clinique.
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